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THE MAGNETIC FIELDS - 69 LOVE SONGS (1999)

1999, année érotique ?
Magnetic Fields, c’est la chose d’un type, Stephin Merritt. Qui aidé de quelques comparses sort des albums qui, pour ceux que je connais, sont hautement recommandables. Même s’il semble acquis que « 69 love songs » restera sa référence.
Parce que c’est pas une pub mensongère. Il y a dans ces trois Cds 69 chansons pour quasi trois heures de musique, peut-être bien un record. Logiquement, pareille idée a de quoi faire frémir, pendant que clignotent des warnings auriculaires et que défilent dans l’iPod interne les souvenirs des pensums idoines de Santana, Clash, Yes, Springsteen, Jojo Harrison et quelques heureusement rares autres, on s’attend au pire.
Stephin Merritt période 69 Love Songs. Pas très glamour ...
Ben non, « 69 love songs » c’est bien. Evidemment, y’a du déchet, mais pas tant que ça … et pas au niveau des compositions, qui tiennent étrangement bien la route, le type Merritt gambadant avec aisance dans une foultitude de genres. C’est plutôt au niveau du son que ça finit par devenir répétitif, le parti-pris (délibéré, certes, mais avait-il vraiment le choix et les moyens d’être plus « ambitieux » ?) lo-fi à tous les étages montre ses limites. Et puis, Merritt, avec sa voix grave de baryton à la Johnny Cash sur quasiment que des tempos mediums, c’est pas le chanteur du siècle. Heureusement, des potes se relaient parfois au micro et une douzaine de titres sont chantées par des femmes. Dont la voix de cristal de Shirley Simms, ayant un temps gravité dans la galaxie Violent Femmes.
Parce qu’il y a chez les Magnetic Fields l’influence (non, pas de Jean-Michou Jarre, quoi que, Merritt est fan éperdu de ABBA), mais de tous ces types et groupes américains cultivant un côté roots, austère et feignasse. Toute la frange country-rock à la JJ Cale, la nonchalance enfumée du Tom Waits période piano-bar, les déclamations poétiques rêches de Leonard Cohen, la proximité de l’os chère au Velvet (et donc par extension des Violent Femmes suscités), la modernité rustique de Wilco, les mélodies campagnardes des paysans du Band … et par moments, et en tout cas bien plus souvent que la plupart des copistes « americana roots », Merritt se hisse au niveau de ses maîtres.
Magnetic Fields maintenant. Merritt, c'est le gros barbu à casquette...
Et puis, comme il doit quand même être un peu barge, il se lance dans des choses … heu, curieuses, voire inattendues et en tout cas qui détonnent dans l’atmosphère générale et ravivent du coup l’attention. On sent que le type connaît par cœur la disco de Kraftwerk, doit avoir une palanquée conséquente de disques de Lee Perry, car les Magnetic Fields ne dédaignent pas de s’aventurer dans quelques plages (réussies d’ailleurs) de pop électronique très 70’s-80’s ou quelques dubs mélodiques à rendre jaloux tous les imitateurs du genre (qui a dit UB40 ?). De toute façon, suffit de voir la litanie imposante de tous les instruments joués par Merritt pour savoir que « 69 love songs » n’est pas une œuvre monolithique. Ce qui laisse parfois la place à quelques incongruités (fatigue, private jokes ?) sonores pastichant du punk-rock, un truc afro-cubain-salsa-bidule, des imitations (hommages ?) à Tom Petty, aux Stranglers de « Feline », au Clash de « Sandinista ! », … pour conclure le troisième Cd par une valse triste à l’accordéon. Sans oublier la ballade plaintive piano-voix (la superbe « Busby Berkeley dreams ») … et plein d’autres choses encore, le tout restant quand même cohérent.
Parce qu’il y a un fil rouge dans « 69 love songs ». Chansons d’amour, certes, mais chansons d’amour tristes, désabusées, voire cyniques. En tout cas jamais de « Oh baby, I’m so in love with you » ou autres roucoulades blettes. L’impression que Merritt qui signe seul 68 titres ( ! ) et cosigne l’autre, si un jour il va voir un psy, il va se ruiner en séances.

Ben ouais, pour autant réussi que soit ce pavé, il en a quand même pas vendu des camions …


ISRAEL NASH GRIPKA - ISRAEL NASH'S RAIN PLANS (2013)

Forever Young ?
Avec un blaze pareil, c’est pas gagné (et encore quelquefois on l’appelle Israel Nash Gripka, et ne me demandez pas pourquoi). Tu pars dans la vie avec un prénom qui te donne envie de buter tes parents tellement il est lourd à porter, et un nom qui peut faire croire que t’es le fils d’un Anglais, co-boulet avec Crosby de Stills et Young …
Ben non, Israel Nash, c’est pas le fils de Graham Nash, et c’est tant mieux pour lui, dans la musique comme ailleurs, l’ombre tutélaire des géniteurs se révèle souvent assez pesante … N’empêche, le Israel, il a sorti ces derniers temps un disque qui va faire croire que c’est le fils à Neil Young, pour rester dans la famille des Beatles américains.

Ce type est un rustique parmi les rustiques, et semble vomi du néant, ou plutôt des seventies (ou d’un « Spinal Tap » hillbilly) avec son look de baba barbu, qui s’entête à n’enregistrer dans son trou à rats du Missouri qu’avec du matos vintage tant au niveau des instruments que de la console (c’est lui qui produit, en plus, le gars sait ce qu’il veut et a vu le résultat, les capacités pour arriver à ses fins), il a fait un des meilleurs disques des années 70 qu’est pas sorti dans les années 70. On aurait envie d’écrire logiquement. Sauf que parmi les multitudes en manque d’imagination qui copient-collent les antiques générations, bien peu se hissent à ce niveau bluffant.
C’est bien simple, « Rain plans », il aurait pu sortir tel quel dans la disco de Neil Young, avant (ou après, peu importe) des choses comme « After the gold rush » ou « Harvest ». Et non, je déconne pas … Suffit d’écouter le skeud, c’est la pure vérité vraie. « Rain plans », c’est du folk qui s’ouvre au monde du rock, qui évite le pensum austère du type assis dans la pénombre avec sa guitare acoustique s’évertuant à tisser un répertoire que pourront reprendre des scouts à la veillée ou Cabrel en panne d’inspiration … D’ailleurs Israel Nash il a sorti un disque de folk plein de grattes électriques, et pas qu’un peu, mais qui jamais ne s’enlisent dans le gros son hardos.

Neil Young, c’est évident, plus souvent que de raison, mais sans pour autant qu’on puisse crier au plagiat. Totalement dans l’esprit et profondément différent, ne serait-ce que par la mise en avant de la pedal steel guitar, peu usitée dans la disco du Canadien. Si « Who in time », l’énormissime sommet du disque qu’est le titre « Rain plans », « Iron on the mountain », ou « Mansions » (on the hill ??), c’est pas du Young style pur sucre, je veux bien m’inscrire au fan-club de Stromae (les plus perspicaces l’auront noté, ça fait deux coms successifs dans lesquels je cite ce trisomique musical, mais j’y peux rien, je viens de le désigner comme héritier indiscutable des Mumuse, Coldplay et Radiomachin, catégorie Belge triste une fois …).
Bon, revenons-en à notre folkeux. Ouais, Neil Young, mais aussi le père Dylan. Dont « Woman at the well » qui ouvre le disque (country-rock pépère, mélodie « facile ») et « Rexanimarum » (qui le clôt en un parfait symétrisme et mériterait de devenir le « Knockin’ on heaven’s door » des années 2010) auraient pu telles quelles relever le niveau de nombre d’albums du Zim dans les seventies …
Curieusement, au mépris de tout sens mercantile (quelqu’un a-t-il dit à Israel Nash que des gens pourraient avoir envie d’acheter ses disques ?), c’est l’entrée de ce « Rain plans », en gros les trois premiers titres, qui est la plus faible. Enfin, faible, façon de parler, c’est le reste qui fait très fort.

Meilleur disque de l’année (dernière).


En écoute (et plus si affinités) ici



JAKE BUGG - SHANGRI LA (2013)

Un petit Bugg ?
Non, faut être sérieux, parce que lui, là, le Jake Bugg, c’est l’Espoir, celui qui va sauver le truc, remettre le machin dans le bon sens, faire revivre la chose … Il est jeune (19 ans), point trop laid (trollé ?), ça peut servir, et … Anglais. Bon, on fera avec, ça aurait été mieux si c’était un Ricain. Remarquez, il se rattrape en faisant une musique plus américaine qu’anglaise, à base de folk, rock ou pas, de country, etc, etc, …
Comme j’ai oublié ma boule de cristal, j’ai aucune d’idée du succès ou pas qu’il va réellement rencontré. Parce que tout le monde (enfin, ceux qui « savent », qui ont bon goût) enquille les superlatifs sur le présumé prodige. Mais en attendant, c’est Bieber et Gaga qui vendent …
Moi, j’émets quand même quelques réserves. On nous fait le coup du génie en devenir tous les dix mois. Après Miles Kane, Tame Impala, Ty Segall, Jacco Gardner, au tour de Bugg. Son disque, il est pour moi un ton en-dessous de ceux des autres sus-cités. Qui, soit dit en passant, ne sont pas des valeurs sûres pour autant. C’est pas eux, c’est Iggy Pop, Bowie ou les Stones qui passent à la caisse, qu’on voit ou entend dans les publicités …

« Shangri La » donc. Du nom du studio ayant appartenu à Dylan et The Band et où a été enregistré ce disque. Triple symbolique du titre pour ce qui concerne le rock, on peut y voir aussi la référence au girl group new-yorkais des 60’s, et à la chanson des Kinks. Faut faire gaffe, garçon, avec des appels du pied comme ça, faut être au niveau après. Bon, là, apparemment, il en manque … Pas faute de s’appuyer sur du solide, Pete Thomas, le « vieux » batteur des Attractions de Costello, Chad Smith celui des Red Hot, Brendan Benson (Raconteurs) à la co-écriture de plein de titres, et surtout le sorcier des manettes Rick Rubin. Lequel confirme avec ce disque qu’il est bon dans tous les genres, responsable ici d’une production « classique », sans esbroufe, mais qui réussit quand même à surpasser tout le reste, et surtout l’essentiel, les chansons …
Niveau écriture, c’est pas mauvais-mauvais, il y a même deux-trois trucs excellents, mais dans ces genres battus et archi-rebattus depuis presque cinquante ans, ce « Shangri La » n’a rien d’exceptionnel. Surtout que le Bugg est doté d’une voix qui rappelle assez souvent furieusement celle de Bob Dylan, c’est-à-dire assez « difficile » à l’oreille. C’est clairement le public ricain qui est visé dans ce disque, parce que sinon je vois pas trop l’intérêt d’entamer les hostilités par un morceau 100% country (« There’s a beast … »), et un suivant qui l’est quand même à moitié (« Slumville sunrise », doté d’une belle mélodie). Le reste navigue entre les mid-tempo d’une americana typique (« Messed up kids », « All your reasons »), accélérations franchement rock (« Kingpin »), relents de power pop comme c’était à la mode vers la fin des 70’s (« What doesn’t kill you »), assoupissement quasi laid back (« Kitchen table »), folks ou folk-rocks forcément dylaniens (« Me and you », « Pine trees »), torch song bien faite (« A song about love »), un truc pour finir qui me fait penser au vieux et oublié Country Joe McDonald, avec un emprunt mélodique au « Well all right » de Buddy Holly (« Storm passes away »)
Rien d’exceptionnel, du bon boulot un peu passéiste fait correctement. Peut-être un titre qui pour moi ressort du lot, « Simple pleasures », voix et instruments « concernés », atmosphère prenante, un truc qui pourrait passer à la radio, avec un bout de mélodie sur le refrain qui rappelle pas mal celle du « Zombie », gros succès en son temps des funestes Cranberries …

Je veux bien croire que Jake Bugg est un futur grand en devenir. Mais enfin, y’a encore du boulot, et il faudra sortir des disques autrement plus risqués et convaincants que ce « Shangri La », peut-être dans le haut du panier de la production actuelle, mais qui n’a rien de transcendant …


IAN HUNTER - SHRUNKEN HEADS (2007)

American Alien Boy ...
Un artiste culte, Ian Hunter. Un de ces types qui a failli être tout en haut, qui vent pas tripette, mais qui peut compter sur des fans acharnés qui achètent tous ses disques. Logé à la même enseigne que lui, et pour situer, on peut citer Elliott Murphy ou Graham Parker. Devraient monter un club, tous les trois. Futures très grosses stars en devenir des années 70 qui n’ont jamais vraiment concrétisé, et qui ont trouvé leur plus grand nombre de fans en s’expatriant (Murphy l’Américain en France, les deux British aux States).
Hunter, je le suis depuis Mott The Hoople … sans être un forcené de ses productions … de loin en loin, je vais voir ce qu’il fait. Là, franchement, j’aurais pas misé un kopeck sur lui pour ce nouveau siècle. Parce qu’à force trop vieux (le bonhomme est né avant que Adolf envahisse les Polaks, donc plus vieux que les Stones, Dylan, Macca et tous les autres), et parce qu’un jour il avait rejoint le club de tous les ringards du rock, le Ringo Starr All-Star Band. Et Hunter était de la promo comportant également la sublime mais oubliée batteuse de Prince Sheila E, mais aussi les affreux Hogdson (Supertramp) et Lake (Emerson, Lui-Même & Palmer). Et devant un parterre de cheveux gris ou blancs (pour ceux qui avaient encore des cheveux), entre un « Logical song », un « Yellow submarine » et une reprise de Little Richard ou Elvis qu’il accompagnait à la guitare, Hunter venait deux fois au micro dans la soirée. Une fois pour « All the young dudes », le coup d’après pour « Once bitten, twice shy »… Un peu triste, voire pathétique … Quarante ans de sang et de sueur au service du rock pour sept ou huit minutes devant les projos et une troupe en goguette de vieilles mémères à yorkshires …
Ian Hunter 2007
Ian Hunter, c’est pourtant un mec bien. Qui a pas bougé d’un iota depuis la fin des années 60. Tu vois une photo de lui aux débuts de Mott et une aujourd’hui, c’est la même. Les bouclettes rousses à la Dylan 66-67, et les éternelles dark shades (ça fait le look, mais dans son cas c’est une nécessité, il est très myope). Dès le départ, Hunter a su ce qu’il voulait faire, ou plutôt être : un clone de Bob Dylan. Malheureusement pour lui, il a toujours dû composer avec de fortes personnalités qui ont croisé sa carrière quand tout pouvait réussir (Guy Stevens, Mick Ralphs, David Bowie, Mick Ronson), s’est retrouvé pseudo-héros glam ou chanteur devant des guitaristes envahissants … Et surtout, dans tous les cas, prié de laisser toute tentative de dylanerie au vestiaire.
Il s’est rattrapé en solo, à partir du milieu des seventies, mais bon, n’est pas Dylan qui veut … et Hunter, qui avait ferraillé pendant des années pour se hisser tout en haut du London qui swingue, allait se consacrer à une musique beaucoup plus roots, beaucoup moins liée à la mode, ce genre de chose qu’on appelle maintenant americana.
Et ce « Shrunken heads » (ça y est, j’y arrive, mais bon, venez pas me raconter que vous saviez tout ce qui précède, je vous croirais pas … enfin, pas tous …), je vais vous dire un truc, il est excellent. Contre toute attente (enfin, la mienne …). Non seulement Hunter fait maintenant du Dylan 70’s avec la voix du Dylan des 90’s (c’est à dire bien mieux que ce que fait Dylan maintenant), mais en plus il rocke comme Springsteen et Seger savent plus, ou ballade comme … seuls les Anglais (genre Rod Stewart, Jagger, Burdon, …) ont toujours su faire quand ils se prenaient pour des chanteurs Américains.
Evidemment, personne l’a acheté « Shrunken … » … Petit label, genre musical pas à la mode (euphémisme), et puis, Hunter lui-même y croyait pas vraiment. C’est enregistré façon bœuf en studio (on les entend parfois se caler au début, parler, et rigoler à la fin), juste pour le fun, aucune pression, pas de comptes à rendre, plus rien à foutre du fuckin’ success… c’est peut-être d’ailleurs pour ça que ça fonctionne. Mais attention, le boulot est pas salopé pour autant, ça assure. Preuve que c’est pas une vaste blague, y’a le dénommé Jeff Tweedy qui vient duoter sur trois titres … oui, oui, le Jeff Tweedy de Wilco, celui-là même … Wilco étant je le rappelle le meilleur groupe américain de ce siècle qui aura ma peau …
Ian Hunter live 2013
Bon, « Shrunken … », on le comparera pas non plus à « Born to run » ou « Blonde on blonde ». Parce qui si tout est grosso modo honnête sur la onzaine de titres, y’en a trois-quatre qui s’oublient vite, hyper-prévisibles et convenus, sans la petite trouvaille, le petit gimmick, le break, la mélodie du refrain, le lick de guitare qui donnent à un morceau un goût de revenez-y.  Par contre, quand tout s’emmanche bien, on se régale d’écouter des « Words (big mouth) » avec un Hunter tellement Dylan des meilleurs jours que c’en est troublant, des rocks velus et couillus pour hommes comme « Fuss about notin’ » ou « Strecht », les ballades éternelles made in 70’s comme « Read ‘em ‘n’ weep » ou « Shrunken heads » (là, on jurerait les Faces qui accompagnent un Rod Stewart – en petite forme le Rod car Hunter n’a quand même pas le gosier d’acier de l’Ecossais au fort tarin). Et puis, il y a le titre qui aurait pu être celui de toute une génération (enfin, celle de Hunter, celle des vieux de la vieille encore en vie), l’excellemment bien nommé « I am what I hated when I was young ». Dommage que ce « My generation » pour cheveux blancs soit gâché par la plus grosse (la seule ?) faute de goût du disque, un ridicule accompagnement country avec banjos et tout le tremblement. Non, mon pauvre Ian, t’aurais pas dû te prendre sur ce coup pour Waylon Jennings, t’es pas crédible une seconde dans cet exercice …

Aux dernières nouvelles, sa septième décennie bien entamée, Hunter qui de toute façons est bien incapable de faire autre chose, continue de sortir des disques (encore un cette année). En accélérant même les cadences de parution …


MAZZY STAR - SEASONS OF YOUR DAY (2013)

Amazing ...
Quand on pense à ce que sont devenus les héros-triomphateurs des mornes années 90 (quelqu’un pour prendre la défense des derniers disques de Björk, Radiohead, Massive, Smashing Machins ou Oasis ?), on se dit que certains avaient bien fait de disparaître de la circulation, en laissant derrière eux des disques intéressants. Mazzy Star n’a jamais eu la notoriété et le poids commercial des mammouths suscités, mais ils avaient quitté la scène du grand rock’n’roll circus sur une triplette de bons disques.
Et voilà que près de vingt ans après leur dernier skeud (« Among my swan », bon cru du millésime 1996), ils remettent çà. Bon, le groupe n’est pas très difficile à réunir, ils ne sont vraiment que deux. David Roback, au long passé indie-rockeux (il avait commencé dans Rain Parade, ce qui ne rajeunit personne, et surtout pas lui) et Hope Sandoval, voix éthérée sortie d’on ne sait quels limbes, plus connue par ici grâce à une pub pour Air France (« Asleep from day », musique des Chemical Brothers), ou pour avoir été un temps la compagne du bougon boutonneux William ( ? ) Reid, des fabuleux Jesus & Mary Chain.

Forcément, un disque dont on n’attend rien et même pas la parution ne risque pas d’être décevant. Mais là, comme ça, sans avoir pris la peine de réécouter ceux d’avant (je sais c’est pas bien, mais je m’en fous), je dirais que c’est leur meilleur. D’abord, ceux qui caressaient l’espoir que Hope (joke, on rit) aurait conservé sa voix unique seront ravis, on la reconnaît dès la première mesure, et c’est toujours un enchantement.
« Seasons … » à première écoute a tout d’un disque monolithique. On savait le groupe peu enclin à développer des chants de fin de banquet, donnant plus volontiers dans le morose plutôt que dans le rose. La base de Mazzy Star, c’est du folk, qui se teinte parfois de (country)-rock tout en retenue. Résultat, on se retrouve avec un disque totalement hors du temps, qu’on pourrait croire sorti en 1973 et qui ne sonnera pas démodé dans quatre décennies. Passent à mesure que défilent les titres les ombres et souvenirs de Nick Drake (« California », « Sparrow »), Joni Mitchell ou Joan Baez (« Seasons of your day »), du Band quand ils moulinaient derrière les grands disques de Dylan (« In the kingdom »). Bien sûr, un peu partout, quand un fond noisy et bourdonnant vient parasiter la fragilité des mélodies, c’est le Velvet Underground chéri du groupe qui remonte à la surface (« Common burn » et « Spoon », réminiscents des ballades mortifères de la bande à Lou Reed).
Mais finalement, le nom qui revient le plus souvent à mesure que défilent les titres, c’est celui, pourtant assez inattendu, de Ry Cooder. « Seasons … » est une véritable ode à la slide guitar, Roback en met partout, prenant plaisir à étirer ces notes métalliques traînantes, et on pense alors très fort à Nastassia Kinski et son pull-over rouge dans « Paris, Texas ». Et puis, pour en rajouter encore une couche dans le côté rustique et intemporel, de l’harmonica vient parfois se mêler à cette fête sonore.
Sur dix titres, seuls deux sont un peu plus rythmés, le classique country-rock de « Lay myself down » et le très beau et surprenant final (« Flying low »), qui évoque très fortement « The Rover » de Led Zep, un « The Rover » joué un petit matin blême avec une gueule de bois carabinée…

L’automne et la grisaille arrivent. « Seasons of your day » en est la bande-son idéale. Et ce disque est tellement bon qu’il pourrait même passer l’hiver …


JACKSON BROWNE - FOR EVERYMAN (1973)


Au centre du centre ...

Jackson Browne, c’est le type dont on ne peut raisonnablement pas dire de mal. De toutes façons personne ne dit jamais de mal de Jackson Browne, c’est pas moi qui vais commencer.
Jackson Browne, c’est le songwriter doué, le bon chanteur, le type sympa, beau gosse et engagé dans plein de bonnes causes. Le gendre idéal des années 70. Musicalement, c’est clean, bien foutu, du classic rock américain (pléonasme) comme beaucoup l’aiment. Des influences et des copains irréprochables (le country-rock, Gram Parsons, Dylan, les Eagles, Springsteen, …). Des ventes de disques conséquentes également (chez lui aux States, parce qu’ailleurs, c’est confidentiel).
« For everyman » est son second disque, celui qui va l’installer pour des décennies au premier plan du paysage musical. Browne n’est pas un inconnu pour autant. Les curieux qui lisaient les notes de pochette de disques avaient déjà vu son nom dans le casting (pléthorique il faut dire) du Nitty Gritty Dirt Band, et dans les crédits de quelques compositions sur les disques des Eagles, des Byrds, ou Linda Ronstadt. Browne avait commencé très jeune, la légende veut qu’il ait été remarqué (et dépucelé, y’a pire pour débuter dans la vie sexuelle) par Nico dans le milieu des années 60. En tout cas, c’est sur le disque solo « Chelsea girl » de l’éphémère chanteuse du Velvet qu’on le retrouvera un peu partout dans les crédits.

Mais pour Browne, le premier jackpot viendra avec « Take it easy » co-écrit avec Glenn Frey, et premier gros succès de la carrière des Eagles en 1972. Et tout ce tissu d’amitiés occasionnera des retours d’ascenseur sur ses disques à lui. Ainsi on retrouve impliqués sur ce « For everyman » tout le gotha du rock West Coast (Frey et Henley des Eagles, Crosby, Joni Mitchell, Bonnie Raitt,…), celui qui restera son inamovible complice David Lindley (multi-instrumentiste avec prédisposition particulière pour le violon, électrique ou pas), et même cette grande folle d’Elton John au piano sur un titre et sous le pseudo (question de contrats) Rockaday Johnny.
« For everyman » débute par « Take it easy » qui va définir la couleur de l’album. Par rapport à la version des Eagles, celle de Browne est un peu plus clinquante, un peu plus « tape-à-l’oreille », avec un tempo un peu plus accéléré. Mais on reste en territoire connu, du country-rock bien dans la ligne du parti. Le reste est à l’avenant, musardant entre soft-rock, country rock, ballades pour chialer dans sa bière, mise en place sérieuse, bonnes compos, bien jouées, bien chantées, sans faute de goût. On bat plus vite la cadence quand arrive « Red neck friend » et son piano boogie-woogie, on pense à Dylan époque The Band (les inflexions de la voix, le souffle épique de ce titre le plus long du disque, le Hammond B3) avec la chanson-titre. Quand le tempo se ralentit au milieu d’arrangements de bon aloi, on se retrouve avec « These days », succès dans les charts et un des classiques de son auteur.
A ce stade, il faut bien placer le mot qui peut fâcher : centriste. Tout dans ce disque est bien joli, bien mignon, bien gentil. « For everyman » s’écoute facilement, passe comme une lettre à la poste. C’est bien fait, mais ça manque quand même de vie, de tripes … ça a tendance à s’oublier facilement …


Du même sur ce blog :


STEPHEN STILLS - MANASSAS (1972)


Le super-groupe de Stills

Quelque peu oublié aujourd’hui, Stephen Stills était au début des années 70 un des grands noms du rock ayant tour à tour fait partie de Buffalo Springfield, Kooper – Bloomfield – Stills, Crosby Stills Nash (& Young). Peut-être un petit problème d’ego, ce n’était pas forcément lui la star dans tous ces groupes. Et donc à la première occase, en l’occurrence l’implosion d’un CSN & Y en pleine gloire, Stills monte un projet mahousse, un brin mégalo, un (what else) super-groupe.
Alors que la plupart de ces conglomérats de people se limitaient généralement à un trio hyper technique (prototype : Cream), Stills va mettre sur pied une équipe très étoffée, en s’adjoignant six compagnons d’armes. Evidemment, lire le casting de la formation de Stills aujourd’hui, à moins d’être un passionné de ces vieux sons pour grabataires, n’est pas très parlant. Mais à l’époque, des gens comme Chris Hillman (Byrds puis Flying Burrito Bros), Al Perkins (accompagnateur de Gram Parsons), Samuels et Taylor (la section rythmique de CSN & Y), Joe Lala ou Paul Harris (musiciens de sessions très cotés) avaient été de tous les bons coups californiens et bénéficiaient d’une notoriété certaine.
« Manassas » sera un double vinyle, et entend bien marquer son temps. Il y réussira, définissant les bases d’un rock américain « West Coast », qui culminera quelques années plus tard avec le succès (hold-up ?) des Eagles. On trouve dans cette musique un retour aux sources (touches de country, bluegrass, blues, rock’n’roll …), enrobé de guitares souvent furieuses (Stills est un excellent guitariste), porté par de superbes harmonies vocales. Stills montre qu’il est en outre un superbe compositeur tout-terrain (il signe seul pratiquement tous les titres), avec  les magnifiques mélodies pop de « Both of us » et « It doesn’t matter ». Et comme il a traîné suffisamment de temps avec Neil Young, ça laisse des traces, l’écriture  est parfois similaire (« Hide it so deep », « Colorado »).
Chaque face du vinyle original avait un titre (titre de la dernière : « Rock and roll is here to stay », quand je vous parlais de Neil Young …) et une couleur sonore plus ou moins homogène, et le disque se terminait par un hommage (« Blues man ») aux premiers héros du rock tombés guitare à la main : Jimi Hendrix (pote de jam de Stills), Al Wilson de Canned Heat et Duane Allman.
Et même si aujourd’hui, on peut trouver à la longue dans « Manassas » quelques redites et quelques longueurs datées, il n’en constitue pas moins la pièce maîtresse de l’œuvre de Stills et un des disques de référence du rock californien des années 70. Si le terme avait existé à l’époque, on dirait que c’est un grand disque d’americana.
Le « groupe » fera paraître un an plus tard une suite (« Manassas down the road ») sans trop de conviction, avant que trop d’egos au mètre carré conduisent à l’éclatement logique, chacun s’en retournant avec plus ou moins de bonheur vaquer à ses projets solo … 

WILCO - YANKEE HOTEL FOXTROT (2002)


Fallait pas ...

Oh non, fallait pas se pointer avec un disque aussi bon chez les gros cigares de chez Reprise (le label) et de Warner (la maison-mère). Parce que les comptables qui prétendent s’occuper de musique (et accessoirement y connaître quelque chose), ils ont toussé quand Jeff Tweedy est venu leur faire écouter les bandes de son nouveau disque « Yankee Hotel Foxtrot ». Et les hommes de l’art(gent) n’ont pas voulu de pareille chose.
Quoi, ce Wilco, considéré par beaucoup comme le meilleur groupe de classic rock étatsunien, auteur de choses comme « Being there » ou « Summerteeth », qui faisaient tripper tous les tenants d’une americana moderne, et promis s’il avait continué sur la lancée à un grand avenir dans le rock pour stades, voilà t-il pas qu’il se pointe avec un disque de … pop anglaise, et encore de la pop qui semble agencée par quelque savant fou. Un disque qui a l’outrecuidance de commencer par le plus mauvais titre (« I am trying to break … ») des onze, de quoi faire fuir le client (euh, pardon, l’amateur de musique), qui sera quelque peu rebuté par une intro désordonnée, une mélodie feignasse, la voix endormie de Jeff Tweedy, … du n’importe quoi maîtrisé, mais un peu du n’importe quoi quand même …  Le disque dans son ensemble se verra refusé par la maison de disques, le contrat sera rendu à Wilco, qui malgré sa bonne réputation, cherchera un label pendant des mois, avant d’être signé par l’indépendant Nonesuch (distribué par ... Warner, comprenne qui pourra). Les ventes conséquentes de « Yankee … » et des suivants fera que les deux parties auront tout lieu de se réjouir de cette coopération, jusqu’à ce que Wilco crée sa propre structure (dBpm) pour son dernier (et très excellent « The whole love »). Fin de la parenthèse gros sous …
Car pour la musique, y’a pas débat. « Yankee Hotel foxtrot » est un monument, pour moi le meilleur de Wilco et un des tout meilleurs disques des années 2000. Il y a dans ces onze titres des mélodies, des trouvailles que l’on croyait impossibles à entendre tant dans ce qu’on appellera faute de mieux le classic rock, tout semblait déjà avoir été fait et refait depuis des lustres. Le cœur du disque est monumental, de « War on war » à « I’m the man loves you », un enchaînement de cinq titres comme on n’en fait plus, je vous le dis ma bonne dame … Et on a beau les passer en boucle, on n’arrive pas à savoir si on préfère l’énorme nostalgia évoquée par l’autobiographique « Heavy metal drummer », la folie de « I’m the man … » (ses « whouhou » à la « Sympathy for the Devil », ses riffs rhythm’n’blues, ses sonorités hendrixiennes, le genre de fusion après laquelle les laborieux Red Hot Chili Peppers courent depuis vingt cinq ans), la merveilleuse ballade mid-tempo de « Jesus, etc … », les gargouillis de guitares et la mélodie sautillante de « War on war », ou le rock down tempo avec ses synthés apocalyptiques au final de « Ashes of american flag ».
Et le restant, autour, est pas mal également. Malgré l’assez ardu titre d’ouverture, (qui trouve son écho symétrique dans le final de la dernière piste avec ses synthés rappelant ceux des plages instrumentales de « Heroes » de Bowie), on en connaît beaucoup, en couverture de mags musicaux, qui aimeraient bien avoir été capables de glisser ne serait-ce qu’une des chansons « moyennes » de ce disque sur leurs rondelles à eux.
Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur ce disque. Notamment la surévaluation du rôle du frangin Bruitos, la mouche du coche noisy Jim O’Rourke (le cinquième Sonic Youth d’avant la débandade), sous prétexte que son nom figurait au générique de ce « Yankee Hotel Foxtrot ». Il n’est crédité que du mixage (les Wilco sont à l’époque quatre en studio et six sur scène, pas manchots, n’ont besoin de personne pour jouer sur leurs disques, et celui-ci ils l’ont produit), et cet aspect parfois noisy-bruitiste qu’on trouve dans les titres, le groupe l’a par la suite fait sans lui. Ce côté sonore un peu bourdonnant, parasité, plus rarement abscons et dissonant a valu à Wilco le qualificatif à cette époque de « Radiohead américain », le parallèle étant fait entre l’évolution des uns et des autres de « OK computer » à « Kid A » et de « Summerteeth » à « Yankee … ». Qu’on puisse comparer les endives blettes d’Oxford à Wilco relève d’une excellente performance à des tests de surdité ou de mauvaise foi, voire des deux …

Des mêmes sur ce blog :
The Whole Love 

THE GUN CLUB - MIAMI (1982)


Racines hantées ...

Le Gun Club, c’est tellement invraisemblable, toute l’histoire, et surtout les débuts du groupe, ça tient de la mythologie du binaire. Au départ c’est une histoire de fans, et même de fan-clubs. Le Gun Club fut fondé par le président du fan-club des Ramones, Kid Congo (Powers),  et par celui du fan-club de Blondie, Jeffrey Lee Pierce. Bizarrement, le Gun Club (nom choisi parce que lors de son arrivée à Los Angeles, Pierce avait été surpris du foisonnement de ces clubs d’entraînement au maniement des armes, vivier intarissable de sympathisants de la sinistre NRA, d’électeurs républicains, et d’apprentis serial-killers dans les centres commerciaux, les églises ou les écoles – fin de la parenthèse), n’a que peu à voir avec Blondie ou les Ramones.
The Gun Club 1982
C’est avant tout un groupe nostalgique, composé d’éboueurs sonores, passant leur vie à fouiller dans les poubelles du blues, de la country, du rock’n’roll, … afin d’y dénicher quelques pépites un peu bizarres, faites par des gens un peu cinglés, tout cela constituant les alluvions qui vont servir à sédimenter le son du Gun Club.
En se focalisant sur l’aspect sordide, noirâtre, de cette musique. Ceux qui suivent sont en train de hurler le nom des Cramps. Oui, mes petits chéris, mais les Cramps s’arrêtaient au côté rockab et ’n’roll et pour Lux et Ivy tout disque paru après 1960 était suspect de modernité trop mise en avant. Et dans leur genre, les Cramps étaient les meilleurs. Le Gun Club lui ratisse plus large au niveau palette sonore, les deux groupes étant à leurs débuts rigoureusement indispensables.
« Miami » est un des meilleurs disques des 30 derniers siècles. Et pour accoucher d’un Cd comme ça, il faut être « différent ». Or Jeffrey Lee Pierce, le leader du Gun Club est « différent ». Il est hanté, possédé, envoûté par sa musique et cela s’entend. Et désormais, même si « Miami » n’est que le second disque du Gun Club, seul maître à bord (Kid Congo a quitté le groupe avant la parution de « Fire of love », l’également incontournable premier disque, pour aller rejoindre les « rivaux » des Cramps). Pierce est un auteur assez étonnant, remplissant ses titres d’un minimalisme épique. Pour faire simple, c’est de l’ultra basique, mais la puissance conférée à ces titres leur donne des allures de super production. Une super production pas en Technicolor scintillant, ici la palette explorée serait dans un nuancier de gris sombre et de noir. Tiens, puisqu’on parle de production, elle est signée Chris Stein, guiatariste et co-leader de Blondie (Debbie Harry apparaît dans les chœurs sur un titre), et c’est le couple Stein-Harry qui a permis au Gun Club d’être distribué par Chrysalis, et qui a mis quelques dollars dans la marmite pour que ce disque puisse voir le jour.
Jeffrey Lee Pierce
Ce disque, plus encore que le précédent du Club, a fait l’effet d’une bombe. Avec un Jeffey Lee Pierce en Adonis peroxydé et déglinguo, encore beau et tout juste un peu enveloppé, multipliant attitudes chamaniques et poses langoureuses sur scène. Récoltant au passage des comparaisons avec Jim Morrison et le Brando d’« Un tramway nommé Désir ». Des comparaisons qui seront longtemps valables, avant que les quantités industrielles de boissons pour hommes et de poudres blanches consommées par Pierce le fassent également s’épaissir physiquement. Et puisqu’on parlait de Désir (elle est pas grosse, la ficelle ?), on rappellera aux plus jeunes que Noir Désir a à peu près tout pompé sur le Gun Club, ce qu’ils ont d’ailleurs toujours reconnu, allant même jusqu’à faire un « Song for JLP » qui se passe de commentaires …
Il est question avec « Miami » d’exploration des racines de la musique populaire américaine : blues, country et leur progéniture illégitime, le rock’n’roll. Et dans sa démarche, ce disque se rapproche du « L.A. Woman » des Doors (vous ai-je déjà dit le parallèle qui avait été fait entre Pierce et Jimbo ? … c’était pour voir si tout le monde suivait). Jeffrey Lee Pierce part des des transes épileptiques au moindre prétexte, atteignant en intensité certaines prestations bien allumées d’Iggy Pop.
La reprise de « Run through the jungle » de Creedence (peut-être le plus grand groupe de rock’n’roll américain) est à la hauteur de l’original et le transcende par sa noirceur tragique et désespérée. Le lancinant « Texas serenade » et le « crampsien » « The fire of love », se détachent à peine d’un disque dense et compact qui est à aborder dans son intégralité, c’est une œuvre homogène, épaisse, lourde, parfois tragique et désespérée, et pas un assortiment de bric et de broc de titres mis les uns à la suite des autres pour arriver à garnir 40 minutes de plastique noir …
Les fans (peu nombreux, de quelque côté de l’Atlantique qu’on se situe) s’entêteront à trouver des œuvres majeures dans les disques qui suivront (pas beaucoup du Gun Club, quelques-uns de Pierce en solo, le compte est pas facile à faire, beaucoup de matériel étant plus ou moins « non officiel »). Les fans (par définition) ne sont pas lucides. La quintessence du Gun Club, le seul incontournable du groupe, c’est « Miami » …

RYAN ADAMS - HEARTBREAKER (2000)


Suicide ...

Ryan (ne pas confondre avec Bryan, le Canadien vérolé et ses infâmes ballades FM) Adams était à la fin du siècle dernier un des noms promis à un bel avenir. D’indéniables talents d’auteur, jugés mal exploités dans un groupe de country alternative (Whiskeytown) réservé aux initiés.
Et quand il annonça son départ du Whiskeytown et le début d’une carrière solo, les rotatives s’emballèrent, et les rumeurs de disques merveilleux à venir se répandirent. « Heartbreaker », paru en 2000, est le premier d’une copieuse discographie solo d’Adams. Et là tout le monde (enfin ceux qui sont censés acheter les disques, vous et moi, quoi) déchanta.
Quoi, ce type, au lieu de caresser l’auditeur potentiel dans le sens du poil, de faire un joli disque d’americana à la Springsteen-Petty-Seger-etc …, balançait un truc rêche et austère. Tiens et puisqu’on parlait de Springsteen, « Heartbreaker », c’est un peu à Adams ce qu’est le « Nebraska » au prétendu Boss. Le genre de disques qui plomberait même une veillée funèbre… attention, j’ai pas dit qu’il était mauvais, d’ailleurs « Nebraska » est pour moi au moins dans le tiercé de tête du gars du New Jersey. Mais bon, pour lancer une carrière sur les chapeaux de roue avec passages radio, clips joyeux et tout plein colorés en heavy rotation, c’est pas vraiment l’idéal …
L’explication, y’en a une, vient du fait qu’Adams venait de se faire larguer par sa meuf (prénommée Amy, un titre porte son prénom), et que vite fait bien fait, il a torché ce disque tout plein de ses idées noires, de ses rancœurs, de son blues d’amoureux éconduit …
« Heartbreaker » n’est pas un disque acoustique, mais c’est tout comme. L’instrumentation est souvent minimale, et dans tous les cas toujours très discrète, on accompagne, on suit la mélodie, on cherche pas à se faire remarquer … En résultent quelques titres quand même bien plombants et austères (« Cal me on the way back home », « To the one », « Don’t ask for the water », …), que n’arrivent pas contrebalancer deux ruades électriques, « To be young » (imitation de Dylan circa 66 ?) et « Shakedown on 9th Street », rockabilly mutant et rageur. Le reste est du country-rock traînard de bon aloi, entendez par là, bien fait, pleurnichard mais pas gnan-gnan.
Parce que le sieur Adams sait écrire, c’est sûr. Tous les titres, quel que soit l’enrobage, sont assemblés à partir de mélodies first class, et bien que guère « bruyants », ont recours à tous les instruments du genre (guitares de toutes sortes, piano, Hammond, …) qui moulinent sobrement au fond du mix. Et quand par hasard la voix d’ange d’Emmylou Harris vient contrechanter sur un « Oh my sweet Carolina », c’est tout simplement magique, et on en arriverait à confondre Ryan Adams avec Gram Parsons …
Evidemment, pareille chose n’a pas affolé les compteurs des chiffres de vente, des disques comme celui-là, il en sortait à la pelle depuis une quarantaine d’années. Le résultat est dans la « ligne du parti », même si perce en filigrane des talents d’auteur et de mélodiste bien au-dessus de la moyenne. Le suivant « Gold », sera plus énergique, plus « consensuel », et sera la meilleure vente de Ryan Adams. Sa propension pour la dive bouteille et autres substances moins licites feront de son auteur un artiste assez ingérable commercialement parlant qui devra se contenter selon la formule consacrée de « succès d’estime » …

BILL CALLAHAN - SOMETIMES I WISH WE WERE AN EAGLE (2009)


New folk ...

On va pas jouer les fins inspecteurs (Harry, … et ceux qui n’ont pas compris gagnent l’intégrale de Don Siegel), mais il y a des indices qui ne trompent pas. Voilà enfin un disque récent (même si son auteur n’est pas de la dernière pluie) où je comprends quelque chose, où il y a une démarche qui me parle …
Et ça commence par la pochette, animalière, champêtre et rustique, avec immédiatement, une pavlovienne association d’idées qui amène à citer des noms comme Neil Young ou le Buffalo Springfield, ce qui on en conviendra, revient à peu près au même. Et naturellement, on n’est pas surpris quand dès la premier titre, on entend les arpèges de guitares en bois accompagnant la voix mâle, welcome autour du feu de camp et en piste pour la séance folk et country-rock de derrière les fagots … Sauf que dans ce genre roots, j’attends strictement plus rien (les bons skeuds, je les connais, ils sont du siècle dernier), et qu’il en faut plus qu’un énième revival baba cool acoustique pour m’attendrir.
Bill Callahan était le leader du groupe Smog que je connais juste de nom, et ceux qui l’accompagnent sur ce disque dont je ne savais également rien, semblent issus d’une scène lo-fi alternative-roots-machin pour moi énigmatique (Daniel Johnston, Okkervil River, …). Il n’empêche que ce « Sometimes … », il est très bien, voire plus.
S’il se réfère à des choses elles parfaitement identifiées, il se dégage une impression rafraîchissante qu’on ne retrouve que chez ces quelques très rares qui savent faire du neuf avec du vieux. Le son est d’une limpidité et d’une clarté remarquables, enjolivé amoureusement par des arrangements de cordes, plus rarement de cuivres, le tout avec un sens de la retenue, de la parcimonie et du bon goût trop facilement oubliés dans les productions à tendance m’as-tu-vu qui semblent aujourd’hui la norme. Ou comment préférer l’utile au futile …
On pense quelques fois à un Bonnie Prince Billy qui se serait levé d’humeur triste et non plus sinistre, parfois à Leonard Cohen à cause de similitudes vocales troublantes (« Rococo Zephyr », « Eid Ma Clack Shaw »), à un Velvet qui aurait quitté les trottoirs new-yorkais pour les collines de Virginie … Grisaille, langueur et monotonie sont au programme, et pourtant on est à mille lieues d’un indigeste pensum avachi …
« Sometimes … » est un disque parfaitement invendable de nos jours, les grabataires qui s’intéressent au genre se contentent juste d’acheter les dernières daubes de Dylan ou Cohen, et ceux qui ont moins de cent ans écoutent des daubes d’un autre genre. Et d’ailleurs de ce « Sometimes … » il s’en est vendu des clopinettes… Pourtant il s’agit d’un disque rare, précieux, d’une intelligence musicale peu commune. Un disque qui n’a pas peur de prendre des risques, s’éloignant de tous les stéréotypes d’une americana consensuelle, pour explorer des contre-temps où la rythmique se fait bourdonnante (« My friend »), sautillante (celle de « Jim Cain » ressemble à celle du « Psychokiller » des Talking Heads). Rarement on a entendu des instruments de la musique classique se mêler avec autant de bonheur à du old folk (et non, les titres « symphoniques » d’ « Harvest » ne constituent pas la référence, ils sont globalement assez moches), ou des titres de dix minutes (« Faith / Void ») s’avérer captivants, combinant mantra des paroles, ambiance à « Song for Drella » de Lou Reed – John Cale, et arrangements merveilleux …
Et vous ai-je déjà dit que ce disque de choses antédiluviennes sonne mo-der-ne, et pas comme s’il était sorti en 1971 ? Oui, je vous l’ai déjà dit …
C’est bon, pouvez aller fumer …

JAMES TAYLOR - SWEET BABY JAMES (1970)


Soft rock ...

Le soft rock … rien que le nom, ça fait mal … du rock façon Canada Dry, de l’ersatz, un truc fade ? certes, bien que ce genre tombé en désuétude (aujourd’hui, on dit plus soft rock, on dit classic rock, americana, Eric Clapton ou Phil Collins, ou Muse, … ou tout ce qu’on voudra) a au siècle dernier, fini par mettre à ses pieds les seventies. Avec les triomphes et les ventes par millions des Eagles, Doobie Brothers, Fleetwood Mac, … en gros tous ces Californiens farcis de coke, mais aux chansons qui se retiennent …
James Taylor & Carole King 1971
L’affaire a commencé avec deux disques aux débuts des années 70. Le « Tapestry » de Carole King et ce « Sweet Baby James » de James Taylor. Et ce n’est bien évidemment pas un hasard si chacun des deux est crédité sur le disque de l’autre. Les deux étaient amis (et le sont toujours, ils tournent souvent ensemble maintenant dans le circuit nostalgia américain), et partagent la même vision de la musique. En gros, des chansons simples mais bien foutues avec de jolies mélodies en avant, des arrangements boisés et limpides, et une fausse nonchalance (fausse, parce qu’il faut bosser, ou être doué, pour faire ce genre de disques et éviter que ça sonne tout mou et tout ringard).
James Taylor est un touche-à-tout, qui musarde dans tous les genres traditionnels américains, passant avec une égale aisance du folk à la country, de la pop au blues, mélangeant à l’occasion tout çà … Ce « Sweet Baby James » rencontrera un colossal succès dans le monde dit libre, mais surtout au States, et surtout sur la côte Est, porté par des morceaux qui squatteront le haut des charts (le country-rock de « Country road », et cette quintessence de l’americana à venir qu’est « Fire and rain »).
Le reste n’est pas mal non plus, du folk pour feu de camp de « Oh ! Susannah », au duo avec Carole King (« Blossom »), en passant par le country-rock pépère du morceau-titre. Et puis, de temps en temps, Taylor se lâche, va s’abîmer la voix sur des blues près de l’os (« Steamroller » et « Oh baby, don’t you loose … », ces deux titres enregistrés live), ou sur le dernier titre, « Suite for 20 G », rhythm’n’blues canaille avec riffs sauvages de cuivres et tout le tremblement.
C’est sûr que le fan de grindcore restera quelque peu sur sa faim, mais celui qui aime des chansons américaines cool va y trouver son compte. James Taylor est une institution aux USA, mais a eu même dans sa période majeure (les 70’s), assez de mal à s’exporter …

GREEN ON RED - THE KILLER INSIDE ME (1987)


Retour aux fondamentaux
Green On Red est dans les livres d’histoire (quand ils y sont mentionnés, ce qui loin d’être toujours le cas) rattaché au mouvement dit Paisley Underground. En gros, un tas de groupes essentiellement basés en Californie, redécouvrant au milieu des années 80, les bienfaits d’une musique puisant son inspiration dans les sixties psychédéliques américaines (le folk-rock et le rock garage assaisonnés au LSD, toute cette sorte de choses …). Un retour aux sources et les prémices de ce que l’on finira par appeler americana.
Et une forme de réaction au punk, au hair metal, au revival rockabilly qui monopolisaient l’attention du « grand public ». Le mouvement Paisley Underground est composé de rustiques qui s’assument (la plupart des membres de Green On Red sont d’ailleurs des « immigrants », venus de Tucson, Arizona).
Leur musique présente un rock de facture classique, old-school, serait-on tenté de dire. La lecture des crédits, et celle du nom du producteur Jim Dickinson (l’homme des studios Trident de Memphis, et le metteur en sons des derniers soubresauts du Big Star d’Alex Chilton), commence à baliser le terrain. Le premier titre annonce la couleur sonore, avec un chanteur (Dan Stuart) à la voix fleurant bon clopes et alcool forts consommés en quantités déraisonnables, et un guitariste (Chuck Prophet), économe de notes, mais au toucher et à l’inventivité assez uniques. Un des rares guitaristes qui sera célébré par la suite (et deviendra un sessionman très recherché), beaucoup plus pour son originalité que par sa vitesse sur le manche …
« The killer inside me » présente une collection de chansons (les Green On Red savent en écrire et les jouer plus que correctement) de facture classique, bien en ligne avec ce que produisaient les stars célébrées du classic-rock des mid-eighties (Springsteen, Seger, Mellencamp, …). Tout en évitant le ronronnement dans lequel ces gens-là commençaient à tomber. Les Green On Red ont tout à prouver et se « lâchent ». Dan Stuart ne s’économise pas et son timbre vocal n’est pas sans rappeler celui de Dan Zanes, des malheureusement également oubliés Del Fuegos qui sévissaient à la même époque. L’ombre des Stones du début des seventies plane souvent sur ces compositions, celles de Dylan ou Springsteen aussi. Quand le tempo s’énerve et l’ambiance s’obscurcit (« Ghosthand »), on pense aux Cramps ou au Gun Club, quand un titre (« Track you down ») est lancé par un riff  voisin de celui de « Rebel Rebel », s’ajoute une touche plus glam-rock et sautillante.
Chuck Prohet marque son territoire sur tout le disque, survole de façon évidente quelques titres (« Clarkesville », « No man’s land », « Born to fight » « Killer inside me »). Le seul gros point noir est pour moi un son de batterie très typé (en gros celui du « Born in the USA » de Springsteen) et forcément daté, qui parasite quelque peu l’ensemble et relègue au second plan l’orgue et les claviers pourtant cruciaux dans ce genre de musique.
Il faut être clair, on n’a pas avec Green On Red et ce « Killer inside me » affaire au groupe génial honteusement ignoré, pas plus qu’à un disque « maudit » oublié qui mériterait toutes les louanges. C’est juste du bon boulot de fans, qui allaient à contre-courant des tendances de l’époque, et jetaient avec d’autres (Dream Syndicate, Rain Parade, Long Ryders, …) les bases d’une americana qui allait devenir un des genres majeurs des années 90 et suivantes aux USA.

SHOULDERS - TRASHMAN SHOES (1992)


Pas à côté de leurs pompes ...

Les Shoulders sont un groupe d’Austin, Texas, auteurs de deux albums au début des années 90, et apparemment disparus depuis. Et c’est bien dommage, tant ce Cd laisse entrevoir de belles choses.
Déjà décalés par rapport à leur origine géographique (ils ne jouent pas de cette country fadasse dont Austin était devenue la capitale, au contraire, ils remettent la ville sur les planisphères rock’n’roll, et ce sont des groupes comme les Shoulders qui rendront possible l’énorme succès du festival S X SW, référence maintenant absolue des grands raouts d’indie rock au niveau planétaire), ils l’étaient aussi par la musique proposée : un rock teinté de soul et de rythm’n’blues (présence de cuivres sur quelques morceaux), que l’on ne peut s’empêcher de rapprocher du Tom Waits des débuts, surtout à cause d’une voix (Michael Slattery) que l’on devine entretenue à la nicotine et aux alcools forts .
Leur musique très travaillée, composée maison sans aucune reprise est souvent festive, évoquant dans l’esprit celle des Pogues, mais on trouve aussi de magnifiques ballades (« Beckoning bells », « Fare thee well » ou encore le crépusculaire « I’ll take what’s left »).
Disque déglingué mais classe d’americana hors du temps à (re)découvrir.

JOHN FOGERTY - JOHN FOGERTY (1975)


Creedence Revival
Un cliché (forcément) sur le visuel du disque : John Fogerty, look total plouc, au milieu de la cambrousse avec un chien informe à ses pieds. Même Cabrel n’oserait pas …
Mais Fogerty n’est pas un vulgaire péquenot sudiste à chemise à carreaux. On parle là du leader, de l’âme du plus grand groupe de rock’n’roll américain, Creedence Clearwater Revival.
John Fogerty et un imitateur célèbre ...
Après la fin peu glorieuse (artistiquement) du groupe et un encombrant projet country (« Blue Ridge Rangers »), Fogerty fait en 1975 ce qu’il sait le mieux faire : du pur Fogerty.
Et forcément, comment ne pas penser à Creedence … Même alchimie des compositions, même voix, même guitare. Et Fogerty qui joue de tous les instruments recrée même par moments la magie des structures rythmiques de Cook et Clifford.
Deux hits, « Almost Saturday night » et « Rockin’ all over the World » (qui fera le bonheur et la fortune des graisseux de Status Quo), quelques reprises (« You rascal you », « Lonely teardrops », « Sea cruise ») et le reste bien dans la ligne du parti. En fait, un album de Creedence en solo. Pas au niveau des chefs d’œuvre passés (« Willy & the Poor Boys », « Green River », « Cosmo’s Factory »), mais nettement supérieur à des machins genre « Pendulum » ou « Mardi Gras ».
Avec ce disque éponyme comme point de départ, Fogerty aurait pu prétendre à une carrière solo fabuleuse. Un successeur raté (« Hoodoo »), des embrouilles sans fin avec sa maison de disques, le tiendront ensuite éloigné des studios et de la scène pendant pratiquement dix ans, jusqu’à un fulgurant retour en 1984 (« Centerfield »)

Du même sur ce blog :
Centerfield


GRATEFUL DEAD - AMERICAN BEAUTY (1970)


De toute beauté ...

Pour moi la masterpiece du Dead … En studio … Parce que Grateful Dead est un groupe compliqué, surtout vénéré par ses fans pour ses concerts-marathon et les improvisations stratosphériques de Jerry Garcia. Et tous ces Deadheads, baba-cools migrant au gré des dates de leur groupe, ont collé au groupe une de ces images d’Epinal (surtout en France) dont il est difficile de se remettre…

Pour beaucoup, le Dead n’est qu’un groupe de hippies, parfait symbole du flower-power de Haigh Asbury, aux titres étirés jusqu’à plus soif, aux concerts interminables dans les effluves d’encens, de patchouli et de marijuana. Une vision pas forcément inexacte mais en tout cas incomplète.

Grateful Dead live 1970
Car à force de faire des heures sup on stage, le Grateful Dead est devenu une redoutable machine à faire de la musique, et d’une technique qui ne doit rien à l’improvisation ou à l’approximation. Traumatisé par le retour aux sources du Dylan de « Nashville Skyline », le groupe qui vient de publier un « Workingman’s dead » déjà en rupture avec ses antécédents discographiques, va aller encore plus loin dans sa quête des racines de la musique populaire américaine.

Le résultat, cet « American beauty », n’a rien à envier à ce que venaient de faire Dylan et le Band au milieu des années 60, les Byrds avec « Sweetheart of the rodeo », ou à ce que fera Gram Parsons en solo. Alors ici, le Dead ressort les pedal steel, les harmonicas, donne une coloration électro-acoustique superbe, effectue un boulot considérable sur les harmonies vocales. Les maîtres de l’improvisation en public livrent un album studio à l’opposé, très travaillé, avec une mise en place millimétrée et un sens de la concision remarquable au service de titres d’une richesse mélodique étonnante. Surnagent du lot l’inaugurale « Box of rain », superbe chanson de country-folk, « Candyman » (rien à voir avec le film du même nom), un folk électrique avec (c’est exceptionnel dans ce disque) un court solo cosmique d’anthologie de Garcia, l’ultime « Truckin’ », rock enlevé et énergique qui sera par la suite un des titres de bravoure du Grateful Dead sur scène…

Ce disque sera un peu le chant du cygne en studio du Dead, qui préfèrera tourner sans relâche pendant plus de trois décennies jusqu’à la mort de Jerry Garcia, que d’essayer de donner une suite à ce « American beauty », chef-d’œuvre inégalé …