VINCENTE MINNELLI - GIGI (1958)


Tragédie musicale ?

Dans l’industrie du divertissement américaine, le nom de Minnelli est un de ceux qui comptent. Le Vincente Minnelli donc, réalisateur multi-oscarisé, ancêtre de toute une lignée d’Italo-américains versés dans le septième art (les Scorsese, De Palma, Cimino, Coppola, …), mais aussi père de la Liza du même nom, reine des cabarets et revues de Broadway, et mari de l’alcoolo dépressive, l’ex-enfant star Judy Garland.

Vincente Minnelli, c’est une filmographie assez conséquente, placée pour la majorité de ses œuvres les plus connues sous le sceau de la comédie musicale (« Le chant du Missouri », « Tous en scène », et son meilleur, « Un Américain à Paris »). Plus quelques films plutôt noirs, dont les excellents « Les ensorcelés » et « Comme un torrent ».

Vincente Minnelli

« Gigi » est une comédie musicale et son plus gros succès (huit statuettes, dont meilleur film et meilleur réalisateur), et comme d’autres films avant lui (dont une « version française » une dizaine d’années plus tôt), inspirée d’un bouquin de Colette. Le film de Minnelli respecte globalement les grandes lignes du livre, tout en y rajoutant quelques touches personnelles, la plus notable étant l’ajout d’un personnage, vieux bourgeois grivois, et oncle du principal protagoniste masculin.

Colette a situé l’action de « Gigi » à Paris vers 1900, au milieu d’une faune de riches et de « demi-mondaines » (gentille expression d’époque pour désigner des femmes dont l’outil de travail était situé un peu au-dessous du nombril) annonciatrice de la Belle-Epoque. Minnelli a donc fait un film parisien tourné à Paris. Un Paris qu’il connaissait peut-être, mais qu’il rend totalement fantasmatique, vision grotesque de carte postale, de la ville de La Tour Eiffel, la ville des allées du Bois de Boulogne (alors lieu de promenade et d’exposition de la haute bourgeoisie), la ville des soirées chez Maxim’s, la ville des amours romantiques…


Là où ça se complique, c’est que Minnelli a décidé d’en faire une comédie musicale et confié les trois rôles principaux à des Français. Deux plus ou moins expatriés, Louis Jourdan et Leslie Caron (c’est elle qui serait l’instigatrice principale du projet qui a fini en film), plus l’inénarrable Maurice Chevalier. Tous les trois jouent comme des savates, en faisant des brouettes. Même si ce jeu outré est un peu récurrent avec les comédies musicales, là c’est vraiment too much. D’autant plus que la Caron et le Jourdan sont à la ramasse sur leurs parties chantées, heureusement peu nombreuses. Minnelli aussi est en roue libre. Certes il sait tenir une caméra, le cadrage est précis, le montage fluide, les costumes censés être d’époque sophistiqués, malgré un traitement des couleurs bien pétaradant … Ce qui ne masque pas la vacuité simplette de l’histoire (il me semble que le bouquin lu il y a des décennies est moins neuneu). Tout ça fait un peu « Un Américain à Paris » bis.

Minnelli a toujours eu le chic pour surexposer des ringards improbables. Dans « Un Américain … » c’était Georges Guétary dans un second rôle (et la première apparition de Leslie Caron qui allait en faire une vedette grâce au succès du film). Ici, on peut s’interroger sur la pertinence du choix Louis Jourdan, totalement inexpressif et transparent. Plus encore sur celui de Leslie Caron qui à 27 ans joue une gamine (15 ans dans le bouquin, 17 dans le film). Certes elle est toute petite, mais elle se force à minauder et à grimacer au-delà du raisonnable. Le pompon est attribué à Maurice Chevalier. Rarement vu dans un film un rôle principal aussi mauvais, figure cireuse rigide (à force de maquillage), perpétuel sourire benêt toutes dents blanches (refaites) en avant, … si on voulait être méchant (pas mon genre, hein, vous le savez), on dirait que pousser la chansonnette pour les officiers nazis pendant l’Occupation n’en a pas fait un grand acteur …


La première scène résume tout ce qu’il y a de mauvais dans ce film. Alors que des équipages de calèches luxueuses traversent au second plan les allées du Bois de Boulogne, Maurice Chevalier dont le personnage se définit comme un libertin forcené, reluque des fillettes qui jouent au cerceau (dont Leslie Caron, grotesque de puérilité) en entonnant une des chansons à succès du film « Thanks heaven for little girls ». Dont les paroles sont encore pires que ce que laisse présager le titre, ça donne en français des choses à haute allusion pédophile comme « c’est une veine qu’il y ait des fillettes ». A l’heure où pour beaucoup moins que ça, certains ont généré contre eux des hashtags incendiaires associés à des campagnes d’opprobre et de destruction massives pour de très vieilles histoires, il est étonnant que ce film n’ait pas été montré du doigt …

Remarquez, qui peut bien se fader des niaiseries pareilles ?