Bon, attention, je veux pas l’enterrer avant
l’heure, le vieux Neil. Bien content qu’il soit encore là, rescapé de cette
hécatombe (qui va pas s’arranger, les (ex)-fans des sixties ont l’âge de leurs
artères, vont continuer à y passer …) de gloires plus ou moins décaties du
wockanwoll …
Neil Young, c’est un peu le phénix du rock, capable
de renaître de ses cendres quand on n’attend plus rien de lui. On l’a vu
marquer son époque fin 60’s début 70’s, sombrer au début des années 80 (des
histoires de maison de disques, l’inspiration en panne, tout ça …), se
réinventer à la fin de cette même décennie en Parrain du grunge avec quelques
albums toutes guitares stridentes en avant, et puis livrer de temps en temps,
quand on le croyait fini, une galette qui le remettait sur le devant de la
scène. Dernier coup d’éclat en date, l’année dernière, le pamphlet
écolo-militant « The Monsanto Years », une de ses productions
les plus abouties depuis … pff, au moins.
Un peu fatigué, genre le retour de Renaud ? |
Et là, en cette fin 2016 qui a donné du boulot aux
nécrologistes de tout poil, il fait s’emballer les rotatives de la presse
musicale avec ce « Peace Trail ». Bon, si vous voulez mon avis, et
même si vous le voulez pas je vous le donne quand même, « Peace
Trail » est un bon disque du Canadien. Pas un de ceux qui restera, mais un
de ses bons. Enregistré en trident, lui aux guitares et aux voix, deux
pointures de studio (Paul Bushnell à la basse, Jim Keltner aux fûts), et juste
quelques clampins additionnels de ci de là. Et forcément, dans cette
configuration minimale, Young retrouve ce son boisé (le son du country-rock)
qui a fait sa légende il y a près de cinquante ans.
On
est dans l’esprit de « Everybody knows this is nowhere », « After the gold
rush », « Harvest ». Sans toutefois atteindre le même niveau. Parce que … ben, plus tout
Young, et que cette triplette-là avait placé la barre un poil trop haut pour
les suivants.
« Peace trail » est un disque apaisé (plus
de titres drivés par des empilages de larsens), bucolique, campagnard. Quasi un
disque de plouc. Mais un plouc qui a du talent, et ça change bigrement la
donne. Fil rouge, une vague thématique pro-indienne, parce que le Neil, baba un
jour, baba toujours ne se refait pas et entend l’ouvrir sur des sujets qui le préoccupent
(pour une fois, il a oublié de soutenir trop ouvertement le candidat Républicain,
et de se couvrir de l’infâmant paletot artiste pro-Trump, même s’il lui trouve
des idées « rafraîchissantes » ( ? ) et qu’il l’a autorisé à
utiliser dans ses meetings « Rockin’ in the free world » ( ! ),
le facho à moumoute étant paraît-il fan de longue date de Young).
Ben non, il a l'air en forme ... |
« Peace trail » donc. Qui commence par le
morceau éponyme. Totalement bluffant, le genre de merveilles comme on n’en
écrit pas dix dans sa vie, et qui renvoie au Neil Young tutoyant les sommets.
Tout y est, ce mid tempo country-rock, ces grilles d’accords immédiatement
identifiables, même la si particulière voix fluette du Neil est de retour,
d’une pureté et d’une clarté inattendues (à tel point qu’on peut se demander si
elle a pas été bidouillée à la prod). Plus rien dans le disque n’atteindra de
niveau, mais qu’importe. On en tient un de ces titres à se repasser en boucle
le soir à la veillée. Attention, ce qui suit (format « ramassé », dix
titres et moins de quarante minutes) est loin d’être indigne parce que Neil
Young qui fait du Neil Young, moi je suis preneur. « Can’t stop
workin’ » marche sur les traces de « Heart of gold », « Show me »
est aussi feignasse qu’un bon JJ Cale, « Terrorist suicide … » et
« Glass accident » auraient pu figurer sur n’importe lequel de ses
disques des 70’s. Certaines choses sont plus quelconques, en pilotage
automatique (on sent le skeud vite enregistré, genre « ouais, ça sonne pas
mal, on touche plus rien »), comme « Texas rangers », « My
pledge ».
Trois titres sortent des sentiers battus du Canadien,
la mélopée linéaire « Indian givers » et sa batterie tribale,
l’écolo-plouc « John Oaks » qui allez savoir pourquoi, me fait penser
au « Bungalow Bill » des-qui-vous-savez, ou alors retournez réviser
vos classiques. Et puis, comme Neil Young n’en fait qu’à sa tête et qu’il a pas
que de bonnes idées, l’ultime « My new robot » commence bien, puis se
voit parasitée par des bip-bip glou-glou et une voix synthétique du plus mauvais
effet (n’est pas Kraftwerk qui veut), un titre tellement con qu’on dirait une
chute de son funeste « Trans » des années 80.
En fait, Neil Young n’a pas grand-chose à dire et plus
rien à prouver depuis des lustres. Il fait juste avec ce « Peace trail »
du Neil Young d’un bon niveau. Que demander de plus ?
Du même sur ce blog :