Ohé, Ohé, Capitaine abandonné ...
« Capitaines
courageux », c’est le genre de vieux films longtemps acclamés qu’il vaut
mieux regarder en s’efforçant de le replacer dans son époque, son contexte. En
d’autres termes, c’est un film qui vieillit mal, un peu neuneu aujourd’hui.
N’empêche … Après sa sortie, il
a été désigné comme un des dix meilleurs films de tous les temps …
« Capitaines courageux » est un film qui véhicule un message positif
universel. Un peu comme les films de Capra, la poésie en moins. Mais force est
de reconnaître que c’est bien foutu, même si les ficelles tire-larmes sont
relativement grosses. « Capitaines courageux », c’est un film sur les
valeurs humanistes, l’amitié, la vie, la mort …
Victor Fleming & Spencer Tracy |
Derrière la caméra, un cador.
Qui entame avec ce film un brelan d’années et de films à énormes succès, et on peut
abuser des superlatifs, là, puisqu’il s’agit du « Magicien d’Oz » et
de « Autant en emporte le vent » (même si pour ce dernier il y a
débat, il n’a pas été le seul à tenir la caméra …). Pourquoi « Capitaines
… » a cartonné au box-office ? Parce qu’il y a une histoire simple,
des personnages empathiques au grand cœur, de l’aventure, et malgré la mort et
les larmes, une « bonne fin ».
Au cœur du casting, un de ces
« enfants-stars » dont les premières décennies de la boîte d’où
sortaient les images étaient friandes (Shirley Temple, Judy Garland, voire
Natalie Wood). Ici, c’est Freddie Bartholomew (13 ans lors du tournage, et déjà
une longue carrière de succès) dans le rôle de Harvey Cheyne. Curieusement,
alors que « Capitaines … » sera son plus gros succès, sa carrière va
très rapidement s’étioler et il disparaîtra totalement des écrans bien avant la
trentaine sonnée … Totale tête de lard au début du film (fils de richard,
arrogant et méprisant, persuadé que tout s’achète dans la vie, et surtout les
hommes), complètement déconnecté de toute réalité, c’est lorsqu’après avoir
basculé par-dessus bord d’un paquebot de croisière et être repêché par un
bateau de pêcheurs qu’il va découvrir des vrais gens et leurs valeurs, et petit
à petit s’en imprégner. Ce gosse joue bien et juste. Sans trop en faire, comme
c’était pourtant de mise à l’époque.
Et gratte gratte sur ta mandoline ... |
La première bonne idée de
Fleming, c’est de lui donner un contrepoids d’envergure. Ce sera l’immense (par
le talent, parce qu’il était plutôt court sur pattes) Spencer Tracy, pas encore
au sommet de sa gloire, mais un de ces acteurs qui comptent et qui verra sa
carrière plus que boostée avec « Capitaines courageux » qui lui
permettra d’obtenir rien de moins cette année-là que l’Oscar du Meilleur Acteur.
Il joue le rôle d’un pêcheur d’origine portugaise (un accent perceptible en VF,
beaucoup moins en VO), solitaire autant sur le bateau que sur Terre, et qui va
finir par apprivoiser et devenir le mentor de la petite peste qu’il a repêchée.
Cette confrontation puis cette amitié entre cette sorte de samaritain et le
petit coq prétentieux est le cœur du film.
La seconde bonne idée de
Fleming, c’est d’avoir garni son film de « gueules » et de
personnages pittoresques. Quelquefois à la limite du cliché, comme le cuistot
noir, qu’on fait parler en VF avec l’accent de la vigie du bateau de pirates
des Astérix. Mais l’essentiel des autres personnages sont savoureux, Disko le
capitaine du bateau (l’incontournable Lionel Barrymore, stakhanoviste des
plateaux), son rival Oscar O’Shea (capitaine Cushman), le marin pas facile à
vivre (John Carradine, le patriarche de tous les autres Carradine qui ont
tourné dans des films), le toujours très élégant Melvyn Douglas (Cheyne père,
très bon en milliardaire qui finit par s’intéresser à son fils en tant que tel
et non pas seulement en héritier de son immense fortune). Avec également dans
un petit rôle un ancien (il a déjà l’âge canonique de dix-sept ans) enfant-star,
Mickey Rooney, qui joue le fils de Disko.
Dave Bartholomew & Spencer Tracy |
Troisième bonne idée de Fleming
et parfois gros challenge technique, tourner les scènes maritimes (la moitié du
film quand même) en mer, et non pas en studio avec des effets spéciaux limités
à l’époque et risibles aujourd’hui. Le bateau, les barques, et les coups de
vent (y’a des vrais marins et pas les acteurs dedans dans ces cas-là), sont
vrais. Corollaire, les quelques trucages crèvent trop l’écran, comme quand le
bateau de Cushman fonce sur celui de Disko). Un peu logiquement, il adviendra
réellement dans les faits ce qui se montre à l’écran, à savoir que les
conditions somme toute éprouvantes du tournage créeront des liens d’amitié très
forts entre tous les participants, alors qu’au départ un acteur où un technicien
est là pour faire son boulot, et pas spécialement pour devenir pote avec les
autres …
Evidemment, l’impact du film
est renforcé par son aspect dramatique (si vous l’avez pas vu, je vais pas vous
dire qui crève avant la fin, mais bon, c’est un peu cousu de fil blanc) qui ne
fait pas vraiment dans la demi-mesure. Une mise en scène finalement bien de son
temps, où l’on recherchait plus à faire vibrer les cordes sensibles des
spectateurs plutôt qu’à leur en foutre plein la vue et les oreilles, même si « Capitaines
courageux » était pour l’époque un film à grand spectacle …
Ah, et puis le film est tiré d’un
bouquin (pas son plus célèbre) de Rudyard Kipling, et le vieux tâcheron anglais
Michael Anderson en a fait un remake dans les année 90. Aux dires de ceux qui
ont vu les deux, il aurait pas dû…
Du même sur ce blog :
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