Johnny
Cash … Le Man In Black original… Une carrière longue comme un jour sans amphétamines,
et pour celui qui aura passé l’essentiel de sa vie à se comporter comme un
redneck pur jus, une reconnaissance sur le final comme un type sommet de
coolitude … étrange perception d’un gars qui pourtant n’aura guère perdu de
temps à essayer de brouiller les cartes. Cash, c’est (forcément) du direct,
sans trop de fioritures.
Cette compile light, premier volet d’un triptyque
consacré à ses années Sun Records (58 à 64), est loin d’être cruciale, même si
elle recouvre une de ses périodes (avec la dernière sous l’égide de Rick Rubin)
où pas grand-chose n’est à jeter. Les compilateurs se sont pas foulés, vingt
titres pour un peu plus de quarante minutes, loin de toute considération
chronologique, livret squelettique … Parue au début des années 90, quand
L’Homme en Noir (et le reste de l’écurie Sun), étaient totalement out, ringards
ultimes. On en était aux types en pantacourts qui faisaient du grunge (Nirvana
et ses suiveurs), une bouillasse affublée du terme de fusion (les Red Hot
Machin, les Rage Against Bidule), ou à l’opposé avec des zozos en survêt orange
à capuche qui poussaient des disques accompagnés de montagnes d’ordinateurs …
Sun Records était un label ayant cessé toute activité depuis plus de vingt ans,
élément d’un puzzle qui à coups de rachats, de reventes, de fusions
d’entreprises, allait contribuer à mettre en place le monde merveilleux de la
World Company musicale que l’on connaît. La FNAC, qui en plus de vendre des Cds
en fabriquait, distribuait sous licence des choses dont pas grand monde
voulait, le fonds de catalogue Sun entre autres … A l’époque et hormis Presley
(la grosse machine RCA sortait du disque du King à la pelle) quasiment le seul
moyen d’avoir sur une rondelle argentée des titres des « pionniers ».
Johnny Cash aux débuts donc. Musicalement, le plus
blanc de tous (même Carl Perkins se laissait parfois tenter par des arrangements
jazzy ou bluesy). Aussi le moins « and roll » du lot. Cash venait de
la country roots et ne perdait pas une occasion de revenir vers son idiome
d’origine. Un peu à part au milieu des gloires de Sun. A côté des bigleux
(Perkins, Orbison), du grassouillet (Presley), du cinglé (Jerry Lee Lewis), Cash,
lui, c’était le Dur. Austère (très vite tout fringué de noir), toujours la mine
renfrognée, sa voix traînante de baryton, et son immuable rythme country
ralenti et feignasse …
Il a suffi d’un seul titre (« I walk the
line ») pour faire de Cash un type qui comptait, et d’un seul autre
(« Folsom prison blues ») pour asseoir sa légende. Les deux sont
présents ici (ce premier volet de la compile est d’assez loin le meilleur des
trois). « I walk … » tout le monde connaît, le morceau qui a défini
pour l’éternité le Johnny Cash style. « Folsom prison blues » a fait
de Cash le gourou chantant de tous les rednecks qui jouent au dur. A cause
d’une phrase : « I shot a man in Reno just for watch him die »
(écoutez les acclamations qui la ponctuent sur ses live carcéraux des 60’s).
Une phrase prise pour argent comptant, alors que même si Cash n’a jamais eu la
réputation d’un type qui se laissait marcher sur les pieds, il semble à peu prés
acquis que c’est de la pure fiction.
Cette réputation de type à la redresse, Cash saura
l’entretenir et elle ne le quittera plus (son public le plus fidèle, ses
« frères », ce sont les taulards Blancs).
Même s’il saura plus tard en jouer, ses débuts ne peuvent
pas vraiment être affublés du sticker « explicit lyrics ». Cash fait
comme tous les autres, essaye de trouver sa voie originale, son style. Il se
cherche. Avant de tourner la page du rock’n’roll lorsqu’il signera chez
Columbia, il s’y laisse parfois aller dans ses débuts (« Rock Island
line » est un pur et strict rockabilly, « Get rhythm » un bon
petit rock’n’roll. Mais on le sent plus naturellement à son aise dans la
country. Et là que ce soit ses propres compos (assez rares, Cash n’est pas vraiment
un auteur prolixe) ou sur ses nombreuses reprises, sa touche personnelle se
remarque assez vite. Tiens, un exemple, allez écouter la scie « I forgot
to remember to forget » et comparez sa version à celle du King, Cash tient
la route … Il revisite même assez bien les « classiques » du
répertoire, notamment ceux de Hank Williams, le premier chanteur de country « moderne »
si tant est que les deux mots puissent être accolés. « You win again »
ou « Cold cold heart » par Cash valent le détour …
Une compile quand même un peu beaucoup surannée, assez
loin d’un vrai Best of, jamais rééditée. On trouve facilement beaucoup plus
exhaustif, mieux documenté, avec un meilleur son dans la multitude qui sont
dédiées à cette période-là du bonhomme …
Du même sur ce blog :