Pujol, c’est plus ou moins un groupe, tant le dénommé
Daniel Pujol y tient une place primordiale (compositeur et
multi-instrumentiste). Comme son nom ne l’indique pas, Daniel Pujol vient de
Nashville, Tennessee. Et non, il ne donne pas dans la country. Son truc, ce
serait plutôt … plein de choses en fait, essentiellement des vieilleries
ripolinées aux couleurs du temps. D’ailleurs, il a sorti dans le temps un (quoi d’autre) 45T vinyle sur le label
Third Man, celui du Monsieur Loyal de la ville, le sieur Jack White himself.
Ce « Kludge », il paraîtrait qu’il a été
enregistré la nuit, dans un centre de prévention et de soins pour jeunes
candidats au suicide, avec du matos plus ou moins hors d’usage refilé par des
associations caritatives. Il semblerait aussi que Pujol et sa troupe n’aient
pas été soignés-résidents de ce centre. Une anecdote peut-être, mais qui
traduit bien une nouvelle forme de « do it yourself ». Un cheminement
très punk, davantage par l’esprit qu’au sens 1977 du terme.
Daniel Pujol, un pneu garage ... |
« Kludge » n’a rien à voir avec Clash, Pistols,
Ramones (quoique, parfois), ou Television. Pujol donne plutôt dans une sorte de
power-pop, genre musical ayant connu son apogée vers 1978-80, ce qui ne nous
éloigne guère de 77, on en conviendra. Cette attitude à l’arrache, démerde, de
SDF musical se ressent. Il y a dans ce « Kludge » un aspect lo-fi
indéniable, tout ce vieux matos étant assez imprévisible, fonctionnant
correctement quand il en avait envie, et comme cette troupe dépenaillée n’avait
pas les moyens de s’éterniser, plein de pains, d’approximations et autres bugs
ont été conservés. Même si cet aspect lo-fi n’est valable que pour l’aspect
technique, la tendance globale du skeud étant plutôt à la luxuriance
instrumentale, quitte à flirter parfois dangereusement avec le syndrome Arcade
Fire – Of Montreal.
Bon, de ces disques estampillés « Système D »,
j’en ai des wagons chez moi. A d’infimes exceptions près (j’en ai pas là des
masses qui me viennent à l’esprit, tiens si, Jonathan Richman ou Young Marble
Giants, … et s’il m’en arrive d’autres, je vous dirai), un disque vite fait est
forcément quelque part un disque cafouilleux, qui laisse sur sa faim et
un furieux goût d’inachevé. « Kludge » n’échappe pas à la règle. Y’a
du potentiel, du « background », du « vécu », mais aussi du
j’m’enfoutisme flagrant peut-être à propos et marrant pour ceux qui le font,
mais bon, quand t’écoutes ça peinard chez toi, ça le fait beaucoup moins.
Pujol live |
Des exemples ? OK … « Dark haired suitor »
et « Spooky scary », ça fait un peu Bob Dylan imité par un
ventriloque, si vous voyez ce que je veux dire … Quoi que le type qui chante
(Pujol ?) a une voix encore plus pénible, quelque part autant crispante et
« difficile » que celle de Kevin Coyne qui passe mieux dans le registre
hystérique que dans le registre conteur. Et cette volonté à vouloir coller au
plus près à de vieux totems (en moins bien) est plutôt en défaveur de Pujol, on
a l’impression d’avoir affaire à des versions du pauvre des Pixies
(« Manufactures ») ou de Hüsker Dü (le dernier titre
« caché »).
Finalement, ces types-là je les trouve meilleurs quand
ils se lâchent dans des choses crétines et premier degré (« Pitch
black » le punk tendance bubblegum ?), « Small world » avec
son gimmick d’orgue Bontempi pas entendu depuis au moins Charlie Oleg) que
quand ils se la jouent « sérieux ». Pas la peine qu’ils chiadent leur
power-pop déclinée un peu à toutes les sauces, de toutes façons ils se
retrouveront à la fin à brailler devant trois punks à chien sur un tapis de
gros riffs hardos (le titre live « Post grad » où on entend
réellement les clebs des punks aboyer, à tel point que je me demande si c’est
pas un fake total).
Au final, un (des ?) talent(s) certain(s) pour un
disque sans prétention. Corollaire, un disque pas vraiment indispensable …