MOTÖRHEAD - AFTERSHOCK (2013)

Est-ce bien raisonnable ?
Où il va être question de Motörhead. D’un disque de Motörhead millésimé 2013. Pas vraiment un skeud que j’attendais. Je m’attendais plutôt à un avis de décès de Lemmy, tant les infos qui venaient de lui étaient alarmantes. Des hospitalisations à répétition, des concerts et des tournées annulées. Pas le genre du bonhomme. Bon, à presque 70 ans, dont l’essentiel passé avec une hygiène de vie assez problématique, il est clair que l’âme de Motörhead va pas tenir 70 ans de plus.

Lemmy a morflé, c’est clair. Est obligé de s’économiser sur scène. Est quasiment aphone. Mettrait du Schweppes dans son gin. En fait survivrait. Mais bon, qu’est-ce que vous voulez qu’il fasse Motherfucker Lemmy ? Partir dans une résidence pour vieux, attendre dans ses charentaises l’heure de « Questions pour un champion », prendre un potage, une tisane et dodo ? Ben non, il crèvera sa basse Rickenbacker à la pogne, c’est tout. Incapable de faire autre chose.
Motörhead et ses disques, y’a longtemps que j’en ai plus rien à foutre. J’ai « Overkill », « Ace … », le live à l’Hammersmith, ça suffit. Ecouté d’une oreille distraite des bribes des suivants. Toujours le même machin, mais en moins bien, moins fou, moins sauvage, moins furieux. Du hard speedé et bourrin à la tonne … Pas vraiment mon truc… Mais je vais vous faire une confidence, si dans un mag, y’a un papier sur Lemmy (ou Keith Richards), c’est toujours celui que j’irai lire en premier. Pas par fascination pour ces irrécupérables junkies, mais parce que ces types ont vécu dans un seul de leurs trips de trois nuits sans dormir plus d’émotions fortes que n’importe lequel de leurs fans en éprouvera dans une vie entière. Et en plus, ces deux-là ont une vision, une connaissance de tout le fuckin’ rock’n’roll circus, un humour et oui oui, une lucidité qui m’épate et me régale… Pensez, Lemmy, il a vu plus de dix fois les Beatles live, a porté les amplis de Hendrix lors d’une tournée anglaise de l’Experience, a fait partie de cette méchante bande de freaks d’Hawkwind, et a fondé Motörhead, groupe adoré et respecté à la fois par les punks et les hardeux … Hats off, motherfucker …
« Aftershock », il paraît que c’est son meilleur depuis longtemps. Enfin leur meilleur, parce qu’il est pas tout seul, Lemmy. Motörhead, règle de base, c’est un trio. Dont je connaissais même pas le nom des deux gonzos qui l’accompagnent. Ils sont là depuis longtemps, paraît-il. Rien à foutre … pour moi, Motörhead, c’est Lemmy, Fast Eddie et Philty Animal Taylor. La formule magique, royale … les autres formations, c’est pour payer les factures et les dealers, sans intérêt …
« Aftershock », n’écoutez pas ceux qui vont vous dire qu’il est génial, c’est pas vrai, c'est un bon disque, c'est tout. D’abord le motherfucker Kilminster, il est cuit. Tout juste si on entend ce qui lui reste de voix, un grognement linéaire plat, sans tripes, rage, et adrénaline. Ensuite, enfer et damnation, on sent tout ça écrit, pensé, susceptible d’être joué sur scène par un type qui a plus les moyens d’assurer une heure et quart de speed-punk-metal. Alors y’a des mid-tempos, une fuckin’ ballade (« Dust and glass », qui risque pas de faire oublier la tornade « Metropolis ») … Et même un blues (« Lost woman blues ») . Ouais, un blues … sale, velu et vulgaire … qui pue la sueur, la pisse et l’alcool frelaté … bon, même si c’est pas le genre de truc qu’on risque de trouver sur une galette de Clapton ou de Jojo Bonamachin, ça n’apporte pas grand-chose au genre, ni à l’image et la disco de Motörhead …

Donc beaucoup de titres (déjà, y’en a quatorze, ça dure trois-quarts d’heure, ils en auraient pu en oublier quelques-uns), avec des arrangements entendu trois milliards de fois chez les hardos, ces breaks « techniques », ces solos sans intérêt du guitareux, on se croirait chez Judas Priest, c’est pas mieux que chez ces banquiers de Metallica ou ces crétins de Slayer …
Mais il y a quand même de bonnes choses, quand Motörhead fait du « vrai » Motörhead. Ces trucs agressifs, méchants, à toute blinde, qui envoient la purée, qui foncent sans se préoccuper de quoi que ce soit (« End of time »). Ces titres qui ne peuvent sortir que du cerveau déglingué de Lemmy (« Silence when you speak to me », ça c’est envoyé, mais bon, musicalement ça casse pas des briques), ces poussées de fièvre bienvenues (« Going down to Mexico », là il se passe un putain de truc). Le meilleur, il faut aller le chercher tout à la fin du skeud, sur les deux derniers morceaux. « Keep you powder », pas franchement du Motörhead-style, mais ça ressemble tellement à l’AC/DC période australienne Bon Scott que moi je suis preneur. Et surtout le terrifiant final, les 2’51 de « Paralyzed », tuerie speed totale, le petit frère de l’écrabouillant « No class » (sur « Overkill », an de grâce 1979, ce qui ne rajeunit personne).