Il paraît, c’est écrit par un
gazier en extase dans le livret de la réédition, que ce machin est le disque
fondateur du rock progressif, grâce (à cause ?) de son morceau-titre de
plus de vingt minutes. Qu’est-ce que vous voulez dire après ça ? Un
poubelle direct et on passe au suivant …
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Les coupables |
Ben non, quand même pas, tant
qu’à y être, faut se moquer un peu de ces trois pantins. Qui avaient pas si mal
commencé que ça dans la vie. Keith Emerson s’était fait remarquer en jouant de
l’orgue Hammond avec des couteaux (si, si) chez les Nice, groupe d’accros au
LSD pas loin de la première division du Swingin’ London psychédélique. Greg
Lake, c’était le bassiste-chanteur du fabuleux « In the court … » de
King Crimson (il était aussi guitariste, mais bon , Robert Fripp n’était pas
exactement un partageux). Carl Palmer avait fait ses armes chez le braillard
Arthur Brown et son Band, et chez les néo-progueux d’Atomic Rooster. Sous la
houlette d’Emerson, les trois vont se réunir genre super-groupe (la tarte à la
crème obligatoire des musiciens « techniques » de l’époque), décréter
que le rock c’est so ringard et faire autre chose.
Résultat des courses, une
litanie de pensums prétentieux dans les seventies (et comme ils sont tous
vivants, la menace de la reformation est bien réelle, même s’ils ont pas donné
de nouvelles depuis vingt ans), qui fera de ces trois benêts des poids lourds
(dans tous les sens du terme) du rock progressif. Certains amateurs ( ? )
du genre prétendent même que ELP, c’est encore plus alambiqué que Yes.
Assertion que je réfute totalement, y’a rien de pire que Yes.
Bon, alors ce
« Tarkus » ? Déjà, ça commence avec le sus-cité morceau-titre et
ses sept « mouvements » (tu parles de mouvement, t’as plutôt envie de
piquer un roupillon au milieu de cet enchevêtrement de jazz et classique
pompiers entrelardé de rengaines molles). Une face du 33T original. La seconde
face, le préposé aux notes de réédition, il en parle tout juste, tout
tourneboulé ce mal entendant par l’encombrante suite. Je vais en causer, non
pas qu’elle soit captivante, mais parce qu’elle est quand même bien moins
moche.
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Il est pas beau, le livret intérieur ? |
Ça commence plutôt bien
(« Jeremy Bender »), sur une base de piano honky tonk (avant de faire
son petit Mozart, Emerson avait passé 215 ans au conservatoire, il faut
reconnaître qu’il est assez doué dès qu’il y a un engin avec des touches
blanches et noires qui lui passe entre les pattes). Las, l’embellie ne dure
pas, le titre suivant (« Bitches crystal » ??), sous ses atours
jazzy méthode Marcel Zanini, on dirait les embarrassants débuts de Sting en
solo, quand il était entouré des requins de studio genre Hakim ou Marsalis. Les
deux titres suivants, sortez costards queue-de-pie et hauts-de-forme, Emerson
nous emmène salle Pleyel pour une extrapolation risible à partir de machins de
Bach. Les fans du lourdaud Jon Lord, période solos live sur
« Lazy » ou « Space truckin » ne seront pas dépaysés
avec « A time and a place », ça sonne exactement comme du Deep Purple
qui jouerait sans Blackmore et Gillan, mais on partait de tellement bas, que
dans ce skeud ça relève (un peu) le niveau. Le plus inattendu, c’est le dernier
titre. Un rock’n’roll (oui, oui, surprenant, isn’t it ?) à la Jerry Lee
Lewis. Destiné à l’ingé-son du disque, Eddie Offord, coupable par la suite
d’être le producteur des « albums historiques » (on ne rit pas,
suffit de les écouter ces skeuds, c’est vraiment pas drôle) de Yes.
Signalons pour les malentendants qui seraient tentés que
« Tarkus » (pourquoi « Tarkus », c’est quoi un
« Tarkus », hein, bon remarque on s’en cogne) a été remastérisé en
2007. Sans bonus. Donc pour les remix techno et les versions dub il faudra
encore patienter.