La leçon du Maître ...
Bon, on va pas chipoter sur la réputation de Brother Ray.
Si vers l’époque où est paru ce disque, il était déjà le « Genius »,
et que plein de gens, et pas des moindres (James Brown, Miles Davis pour ne
citer que les plus évidents et les moins modestes), acceptaient cette
reconnaissance et ne la lui contestaient pas, peut-être bien était-ce parce que
Charles la méritait.
L’aveugle avait une longueur d’avance sur tous les
autres, pour dans le domaine de la musique noire, anticiper tous les genres qui
allaient régner sur les ondes. Il avait déjà passé le jazz et le blues dans sa
moulinette, codifié de façon définitive rhythm’n’blues et soul music. Et là,
avec ce « Genius of Ray Charles », il s’attaque sans trop de modestie
aux sons des big bands et aux crooners des années cinquante.
Douze titres se succèdent aujourd’hui sur le Cd, il y en
avait six sur chaque face du vinyle original. Et chaque face avait sa couleur
sonore bien précise. Même si des similitudes sont criantes. La moindre n’étant
pas un parti pris de foisonnement
instrumental, genre exposition ostentatoire de signes extérieurs de richesse.
Il y a derrière Charles et son piano une armée de musiciens, des bataillons de
cordes, de cuivres et de choristes. De la musique version Cecil B. DeMille.
C’est là que le bât blesse quelque peu. Sur les
rhythm’n’blues enlevés du début, ça peut aller, c’est le genre lui-même qui par
essence est friand de cette luxuriance instrumentale. Par contre, pour les
ballades lentes de la fin, oscillant entre soul et exercices de crooner, un peu
moins de grandiloquence aurait me semble t-il été bienvenue. A vouloir trop
bien faire, Ray Charles en fait parfois juste trop. Dans un genre somme toute
pas très éloigné, Sinatra et son arrangeur Nelson Riddle savaient aller à
l’essentiel, et doser beaucoup plus finement les arrangements.
Il convient quand même de rester mesuré, peu de gens
(personne ?) à cette époque-là n’était capable d’entrevoir avec autant de
lucidité et de talent ce qu’allait devenir la musique noire dans les années
suivantes.
La première partie du disque est exceptionnelle, fait
souvent penser aux big bands de Count Basie ou Duke Ellington qui se seraient
aventurés « ailleurs » (d’ailleurs nombre de musiciens de ces deux
orchestres interviennent sur ce disque), le seconde quand elle réussit à se
départir de son côté péplum musical présente aussi de grandes et belles choses
(« Tell me you’ll wait for me », et surtout « Am I blue »
qui montre tout ce qu’un autre génie aveugle, Stevie Wonder, doit à Ray
Charles).
Du même sur ce blog :
Ultimate Hits Collection
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