Vendre des disques de techno ?
Les technoïdes ont toujours eu un problème avec les
courbes de vente, se sont toujours posé des questions métaphysiques du
genre : peut-on objectivement prétendre à l’avant-garde musicale et voir
ses disques à côté de ceux de Sting ou Madonna dans le Leclerc du coin ?
Et durant l’essentiel des années 90, le microcosme electro se gargarisa
d’artistes prétendument incontournables … et inconnus d’à peu près tout le
monde.
La réponse vint à la fin de la décennie d’un peu partout,
et aussi, fait rarissime dans les annales, de France, avec les cartons
commerciaux et internationaux de Air ou Daft Punk qui n’avaient pas grand-chose
à envier aux succès de Moby ou Fatboy Slim. Et même si quelques puristes de la
musique des joueurs de disquettes firent la moue, les faits étaient têtus, on
pouvait faire de la « techno » au sens large, rester
« crédible » et vendre du disque.
Basement Jaxx : et on fait tourner les serv ... les disques |
La boîte de Pandore était dès lors ouverte (d’où allaient
finir par sortir des Guetta, Solveig et consorts, mais c’est un autre
problème), et il n’y eut plus de honte à faire de la musique electro
« grand public ». Parmi les premiers à sortir du placard, Simon
Ratcliffe et Felix Burton, le duo anglais Basement Jaxx. Dont ce « Remedy »
est le premier Cd, après quelques obligatoires remix et maxis.
C’est pas élitiste, c’est sûr, pas très original non plus
(les deux premiers titre dont le hit « Rendez-Vu » doivent beaucoup
au son « vintage » compressé de Daft Punk), c’est juste fait pour
attirer le plus de monde possible vers la piste de danse et accessoirement le
tiroir-caisse. D’un autre côté, c’est pas sournois, c’est clairement revendiqué
être fait pour. Alors ça a un petit côté festif, ensoleillé, chaloupé tout en
restant martial et répétitif, funky à la Janet Jackson, Rihanna ou Beyoncé
(c’est pas un compliment) comme le second gros succès du disque « Red
alert », qui a fini dans la BO des Visiteurs 2, 3 ou 10, j’sais plus.
Il y a dans ce « Remedy » des choses
anecdotiques, une tendance un peu trop visible à mettre en avant des gimmicks
de violons manouches (« Stop 4 love »), des emprunts aux salseros
sud-américains qui préfigurent les funestes Gotan Project et leur pillage en
règle du tango (« Bingo Bango »), …
Il y a un acharnement à faire intervenir moultes chanteuses vaguement
soul, une tentative ridicule de rap (« Don’t give up », rien à voir
avec le duo de Peter Gabriel et Kate Bush) au cas où un minot à casquette à
l’envers traînerait dans le coin ...
Bref, ça ratisse large, souvent un peu dans le vide, mais
c’est pas désagréable, c’est juste … centriste (tiens, y’a longtemps que je
l’avais pas placé celui-là), tout ça n’arrive pas à la cheville de
« Dancing Queen » d’ABBA.
Ah si, j’oubliais, y’a un titre que je trouve vraiment
bien, avec des slogans hurlés-rappés, des hurlements de femelles en rut, ça
s’appelle « Same old show » et ce serait très bien dans la BO d’un
Marc Dorcel … Comment ça j’ai l’esprit vulgaire ? Pas du tout, un film
avec Clavier et Reno, c’est beaucoup plus vulgaire qu’un porno …
Bon, ben voilà … cette chronique ne pouvait finir qu’en
sucette avec cette pochette de disque partouzarde …