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JACCO GARDNER - HYPNOPHOBIA (2015)

The constant Gardner
Son premier skeud, « Cabinet of curiosities » en 2013, avait rehaussé le niveau affligeant des années 2010. Le type totalement dans son truc, reprenant les choses là où les ténors de la pop psyché des 60’s les avaient laissées, et une collection de putains de chansons comme il n’y en a pas deux poignées de contemporains qui savent les torcher.

Le petit prodige néerlandais avait laissé entendre que faire des disques c’était pas trop son truc, qu’il préférait bidouiller en studio, et pourquoi pas pour les autres. Heureusement, y’a que les corniauds qui changent pas d’avis. Le Jacco a passé deux ans sur la route et sur les planches et nous sort maintenant ce « Hypnophobia » (la phobie du sommeil, dans la langue de Florent Pagny). « Cabinet of curiosities », c’était estampillé 66-68. Logiquement, deux ans plus tards, Gardner se retrouve en 1970. Et de ses périples all around the world, il a du entasser une collection de synthés vintage, car ce sont eux qui dominent « Hypnophobia », et particulièrement le Mellotron. C’est pas vraiment une surprise, on avait compris que le garçon était fan ultime des Zombies, dont le chef-d’œuvre maudit « Odessey & oracle » peut être vu comme une brochure commerciale au dit Mellotron.
Mais autant « Cabinet … » était une collection de chansons de structure « classique », autant « Hypnophobia » va plus loin. Gardner semble vouloir dépasser le format chansonnette (deux titres sont des instrumentaux, et les lyrics de quelques autres doivent tenir sur un timbre-poste) pour s’attaquer au concept de climat, d’ambiance. Tout en évitant le piège du funeste prog qui pointe ses gros sabots dans ces cas-là. Exercice de style casse-gueule. Et réussi.
On retrouve les fondamentaux du bonhomme. La pop cafardeuse, le folk-rock mélodique. Autant ils étaient l’essence du premier disque, autant ils ne servent que de trame – dont il s’extrait facilement – pour celui-là. Les Zombies sont toujours là, le Brian Wilson d’après « Pet sounds » aussi. Le bouffeur de space cakes Barrett itou, mais cette fois-ci, le Floyd sans lui affleure dans nombre de plages. Le Pink Floyd captivant de la fin des 60’s, en perpétuelle hésitation entre chansons et longues suites atmosphériques, celui en gros des disques « Meddle » et le soundtrack de « More », mais aussi par extrapolation, des relents du Gainsbourg de « Melody Nelson » (les cordes évanescentes, chez Gardner les machines ont remplacé les hommes) et de leurs imitateurs-disciples (le Air de « Moon safari » ou de « Virgin suicides, qui cumulent les influences Gainsbourg-Floyd).

« Hypnophobia », c’est un bloc, un pavé dans la mare, et en l’occurrence celle du Kevin Parker de Tame Impala, auquel on a souvent comparé Gardner. Bon, le gentil Australien envapé, reste sur le coup loin derrière à mon sens. Tout au plus pourra t-il se vanter d’avoir inspiré à Gardner sa coupe de cheveux.
Deux titres de « Hypnophobia » renvoient à un folk millésimé, le bon « Face to face » et le dispensable « Make me see » (moins de deux minutes, ça va, ça passe vite). Le folk sert de point de départ à « Brightly », mélodie de rêve comme savait en torcher Cat Stevens (avant que Mahomet lui bouffe les neurones), et puis le titre s’envole, porté par une fabuleuse progression instrumentale que n’aurait pas renié Brian Wilson (avant que le LSD lui bouffe les neurones). Un des sommets du disque.
Les autres ? « Find yourself », énorme single qu’on risque de pas beaucoup entendre sur NRJ, on dirait un inédit de la B.O de « More ». « Before the dawn » (huit minutes), c’est la pièce de bravoure du disque. Porté par une batterie très krautrock et une trouvaille mélodique entêtante au synthé, ce titre est d’une fausse simplicité, en perpétuel mouvement, décollage hypnotique assuré. « Hypnophobia » le morceau multiplie les trouvailles atmosphériques, et les temps étant ce qu’ils sont, pourrait passer pour le « Echoes » de son époque.
Avec ce disque, Gardner signe un superbe doublé et s’extirpe haut la main du piège souvent délicat du deuxième album. Comme en plus il sort de l’indie pur et dur (il est signé ce coup-ci sur PIAS, qui sans être une major est une structure « sérieuse ») et que s’exhiber sur scène ne le rebute pas, il se pourrait bien qu’il devienne quelqu’un qui « compte », dont on entend parler.

Pour une fois, ce sera mérité …

Du même sur ce blog :


COURTNEY BARNETT - SOMETIMES I SIT AND THINK, AND SOMETIMES I JUST SIT (2015)

Courtney ? Love !!!
On pourrait se poser plein de questions, du genre pourquoi tout ce barouf dans tous les médias spécialisés (ou pas) au sujet cette miniature australienne (comme si ça suffisait pas avec KyKylie Minogue, les chanteuses d’un mètre cinquante, talonnettes compensés comprises), en plus même pas canon avec son visage poupin et donc ses faux airs de McCartney with boobs. Surtout qu’elle est aussi charismatique, causante et souriante que le mime Marceau un soir de déprime … Moi je vois qu’une explication, c’est qu’elle a fait un putain de bon disque. Qui plus est dans un des genres les plus ringards et moqués aujourd’hui, le folk-rock.

Bon, remarquez je dis folk-rock pour dire quelque chose, parce que si quelqu’un voit la moindre similitude entre ce « Sometimes … » et les skeuds des Flying Burrito Brothers, je passe le reste de mes vieux jours à écouter en boucle l’intégrale de David Crosby. Courtney Barnett, c’est folk parce que ça raconte des histoires, souvent tristes (et personnelles, on sait plus à quel niveau on doit prendre le clown qui fait pas rire du clip de « Pedestrian at best »), c’est rock parce qu’il y a plein de guitares aux sons bizarres, trafiqués, plus proches de Sonic Youth que d’Yves Duteil (et celui qui pense Television a bien raison). La damoiselle cite dans ces interviews des gens éminemment respectables (Lou Reed et le Velvet, Billy Bragg, Neko Case, les Lemonheads, Wilco …). De plus elle a quelque peu gravité dans la galaxie des Dandy Warhols, a repris sur scène un album entier d’INXS (?!), et chante souvent (en fait scande plutôt) comme la Sheryl Crow des débuts, avant que l’Américaine tombe amoureuse de cyclistes dopés (pléonasme) et se la joue à plus de quarante balais bimbo flower-power, mini-jupes et tétons en avant … Autrement dit, Courtney Barnett, c’est pas monolithique, pas un gimmick qui tourne en boucle sur la durée du skeud. Ça part un peu dans tous les sens, tout en restant cohérent d’un bout à l’autre … pas exactement le genre de démarche facile à entreprendre, et encore moins à réussir …
On a quelquefois des machins qui rappellent le Beck (non, pas Jeff, l’autre, le scientologue) des débuts, quand il concassait et malaxait le folk avec des rythmiques proches du hip-hop (« Elevator operator », « An illustration … »), on trouve même à la fin un blues dénudé (la Courney et seulement sa gratte), ça s’appelle « Boxing day blues », et ça sonne surtout pas comme la Tracy Chapman soporifique de l’autre siècle.

La petite australienne s’aventure même dans des titres de sept minutes. Le premier (« Small poppies ») est une ballade qui commence sobrement avant qu’un crescendo de guitares (Barnett ? parce qu’il y a un autre type à la gratte dans son band) y mette un peu d’électricité tordue. Le second titre étiré (« Kim’s Caravan ») m’a tout l’air d’un jeu de pistes musical, où l’on passe de murmures d’instruments dans une ambiance glaciale et dépouillée, voix à la Nico, avant qu’arrivent des guitares lancinantes à la Lou Reed ou Sonic Youth (« Kim » pour Kim Gordon ?) et un final en lourd et lent déluge électrique façon doom metal (« Caravan » pour « Planet Caravan » de Black Sabbath ?).
Mais on trouve aussi plein d’autres choses dans ce skeud au titre en forme d’hymne à la fainéantise. Et du rock, tendance ‘n’roll qui dépote. « Aqua profunda ! », on dirait même du pub-rock tel que le servaient chaud Feelgood ou les Inmates. « Dead fox », on jurerait un tribute aux guitares toute particulières dont FatBob Smith tartinait les disques de Cure, « Debbie Downer », avec son gimmick fabuleux d’orgue vintage (Vox ?), ça fait ressurgir les oubliés amerlos du Paisley Underground, plus précisément les Bangles des débuts (« Going down to Liverpool », ce genre). Avec « Nobody really cares … », on se demande si la petite Barnett ne connaît pas Antoine (c’est les accords des « Elucubrations » avec un refrain façon la version de « Gloria » de Patti Smith), alors qu’avec le hit (ou qui mériterait de le devenir) de rock’n’roll lo-fi « Pedestrian at best », on a droit à une variante du riff de « All day and all of the night » des Kinks. Cultivée, la dame …

Putain que ça fait du bien des disques comme ça …


LEONARD COHEN - SONGS OF LEONARD COHEN (1968)

To old to rock ...
Cohen, c’est un cas un peu à part dans la musique des 60’s. Alors que la musique pour jeunes était faite par des gens de leur âge (le plus vieux, ce devait être Chuck Berry, mais vers la fin des 60’s, il était comme qui dirait passé de mode), Leonard Cohen s’attaquait aux hit-parades avec ce « Songs of … » à trente deux ans. Et alors que les cheveux poussaient jusqu’à la démesure et que les fringues se bariolaient exagérément, lui se pointait avec son look de clerc de notaire, son air de chien battu et ses stricts costards noirs. Conclusion : adeptes du glam-rock, Cohen n’est pas exactement un précurseur de votre musique favorite.
Quoi que pour être aussi rigoureux qu’un banquier qui calcule vos intérêts débiteurs, y’avait déjà eu le nom de Leonard Cohen dans les charts. Dans les crédits de « Suzanne », petit hit par l’oubliée Judy Collins, chanson qu’il avait écrite mais pour laquelle il n’avait pas touché un rond, ayant dû renoncer à ses droits pour se voir publié. Comme quoi, y’a pas que les niggas qui se font arnaquer dans le showbiz. Parce que Cohen, c’est un peu un accident sa carrière de chanteur. Il commençait à se faire un petit nom dans l’underground canadien (sa nationalité) et américain comme poète et écrivain.
C’est John Hammond qui le signera et lui fera enregistrer sa première rondelle, ce « Songs of … ». John Hammond, il peut être bon de le rappeler aux fans de M Pokora, c’est le type qui a découvert et signé quelques demi-sels comme Billie Holiday, Aretha Franklin ou Bob Dylan, excusez du peu. Un type qui avait un peu l’oreille quoi. Un peu aussi le sens des affaires pour son label Columbia. Parce que chez Columbia, en 1968, on était un peu dans l’expectative rayon folk. La star maison incontestée du genre, le sieur Dylan se remettait entouré de musiciens au look de paysans mormons (The Band) d’un soi-disant accident de moto. Et à une époque où faire paraître deux trente-trois tours par an était la norme, le Zim était silencieux depuis plus d’un an. Et même si le talent de Cohen se suffit, la semi-retraite du Zim n’est certainement pas pour rien dans sa signature chez Columbia et les moyens assez conséquents mis en œuvre pour en faire la nouvelle « rock-star » du folk…
Rare : l'artiste hilare ...
Même si Cohen, c’est comment dire … Ardu … Faut se motiver avant de l’écouter, quoi. Pas exactement les chansons qu’on entonne à la fin d’un repas de chasseurs … Et puis faut faire l’effort de pas se contenter de quelques machins connus et plus ou moins radiophoniques des 80’s (« First we take Manhattan », ce genre). Cohen, pour l’écouter à son meilleur, faut le prendre aux débuts, avec « Songs of … » et son quasi siamois « Songs from a room ». Parce que chez Cohen, Môssieur, y’a du texte. A peine un peu moins elliptique et énigmatique que chez Dylan, c’est-à-dire qu’à moins de Bac+10 en anglais, Cohen, c’est souvent aussi clair que du bouillon de légumes.
Mais Cohen, bizarrement pour un littéraire pur et dur, a un sens de la mélodie assez extraordinaire. Les chansons de Cohen, pour musicalement squelettiques qu’elles soient, elles sont évidentes. Il y a sur ce premier disque trois bombes mélodiques qui sont trois classiques folk. Sa propre version de « Suzanne », depuis reprise par des dizaines de gens plus ou moins ténébreux et mélancoliques (cas type, Bashung). « Sisters of Mercy » religieuses ou prostituées, allez savoir, mais qui servira de nom de baptême au groupe gothique caricatural d’Andrew Eldritch dans les 80’s. L’échevelée (dans le contexte du disque) « So long, Marianne » dans laquelle Cohen se lâche, allant jusqu’à chanter (juste) et mettant une batterie sur le devant du mix, ou pas loin.
Parce que faut préciser que les disques de Cohen, c’est pas exactement de la sunshine pop chatoyante. De la guitare acoustique pleine d’accords compliqués qui sonne comme un piano, y’en a partout. Et puis, un peu comme chez Simon & Garfunkel, par touches infinitésimales, quantité d’autres instruments, venus plus souvent de la musique de chambre ou classique que du rock basique. Mais faut tendre l’oreille pour les écouter, et quand par hasard ils sont mis en avant (quelques notes de guitare saturée dans « Master song »), ils font l’effet d’une déflagration. Une des autres trademarks indissociables de Cohen, c’est aussi ces chœurs virginaux ( ? ) éthérés, qu’il a fini au long des disques à mettre trop en avant pour cacher ses faiblesses vocales mais qui là tombent juste où il faut quand il faut et rajoutent cet aspect de mélopée céleste qui fait toute la beauté de ses premiers disques.
Parce que oui, les premiers disques de Cohen sont beaux, semblent régis mathématiquement par cette pureté et ce dénuement mélodiques souvent imités et bien peu égalés. La démarche sera la même sur le suivant (« Songs from a room »), encore plus engoncé dans son austérité rigide, ce jusqu’auboutisme décharné qui malgré tout en fera, quelque peu à son corps défendant, une « star » du rock.

« Songs of Leonard Cohen », c’est d’entrée une pièce maîtresse de Cohen. Qui elle n’a pas pris une ride…

Du même sur ce blog :


No Pasaran !

Lettre persane

 

I will survive (et 1 et 2 et 3 zéro …)

 

Ma chère Roxane,

Mon périple m’a conduit en ce 11 Janvier 2015 dans cette bien étrange bourgade française qu’est Paris. Je me suis retrouvé dans une foule énorme, agitant force drapeaux et battant le pavé. Comme c’était impossible de les compter tant ils étaient nombreux, on a dit qu’ils étaient 2 millions, ça au moins c’est du chiffre qui a de la gueule. Tu connais mon attirance pour le ballon rond, j’ai pensé que la France avait gagné la Coupe du Monde organisée au Qatar. Un autochtone auprès duquel je m’enquérissais  du score, me dit que non, pas du tout, il ne s’agissait pas de football. C’est dommage, cette compétition sera sans doute un grand spectacle, une magnifique vitrine pour l’exposition au monde des mirifiques pratiques locales, et l’on peut rêver de voir dans le rond central à la mi-temps des matchs  quelques mains coupées aux maraudeurs locaux, ou quelque concours de lapidation pour épouses infidèles. Quand le sport désintéressé et une évolution sociale hors pair se rencontrent, ce ne peut âtre que grandiose … Mais je m’égare (et je pourrai m’égarer encore plus si j’en venais à causer de ce à quoi sont utilisés les pétrodollars qataris en matière de financement de groupuscules islamistes ayant peu à voir avec le kop de Boulogne …)

Mon voisin m’apprit que la France se trouvait réunie dans les rues dans une sorte de sursaut national après avoir connu pendant les jours précédents une vague d’assassinats visant dessinateurs, journalistes, policiers, clients de supérette, et quelques autres quidams ayant eu le malheur d’être au mauvais endroit au mauvais moment. Les troupes de Robocop locaux ayant réduit en charpie les trois illuminés (enfin façon de parler, y’avait pas de lumière à tous les étages chez eux) responsables. Lorsque je lui demandai les raisons de ce carnage, il me dit que les premiers tués l’avaient été parce qu’ils avaient moqué par leur caricatures le Prophète, le dieu de leur religion. Quelle ne fut ma surprise de savoir qu’en France, ce pays  qui avait inventé le seul idéal révolutionnaire méritant l’exportation résumé par le triptyque Liberté Egalité Fraternité, il existât encore des gens pour le fouler au pieds et le rejeter à grands coups d’armes de guerre automatiques dans ta face, chien d’infidèle …

Emportés par la foule qui nous traîne nous entraîne écrasés l’un contre l’autre, je me glissai donc avec mon guide de rencontre dans cette folle sarabande . Il m’expliqua tout ce qui était arrivé dans la semaine, toute cette émotion, cette crainte et cette colère qui se déversaient maintenant en un immense défilé de fierté unitaire. Que ce pays est donc un beau et grand pays me dis-je. Quelques menus détails attirèrent mon attention. Des cars de policiers passaient, applaudis par le peuple. Qu’avaient donc fait de particulier ces gens-là ? Leur travail me répondit mon ami. Ce doit être une coutume locale, je ne manquerai pas quand j’irai au café ou au supermarché d’applaudir le serveur et la caissière.

A moment donné, il ne fut plus possible de bouger. Une troupe nombreuse et lourdement armée encadrait un carré de personnages que je devinais importants. Il y avait là le Président français Hollande, d’autres grands chambellans de différentes nations, tous plus célèbres et importants les uns que les autres, les plutôt fréquentables devant, les autres derrière. Je ne vis pas Poutine ou Medvedev, mon voisin me précisa qu’ils n’aimaient pas trop être là quand on parlait de liberté (d’autres aussi s’étaient fait porter pâles, et pas seulement le nord-coréen …), mais qu’ils avaient été bien présents tout au long de la semaine, l’arsenal des forcenés étant surtout made in Russia … Mais chut, fallait pas le dire, la France vend aussi beaucoup d’armes. Il y en avait un qui avait l’air plus protégé que les autres, c’était l’Israélien Netanyahou, digne héritier d’une vieille famille de bouchers-charcutiers. C’est peut-être pas tout à fait sa faute, on l’a foutu lui et son peuple dans un pays créé de toutes pièces au milieu de ses ennemis millénaires. Comme ça, on est sûr que les marchands de canons seront pas au chômage, merci Yalta …

Netanyahou, c’était la star de la journée. Peut-être pas le playboy de l’équipe (fallait voir Renzi et Cameron faire les beaux, par contre Angela était toujours aussi peu euh… canon), mais le meilleur communicant, ça c’est sûr. Mon ami m’expliqua que c’étaient des Juifs qui avaient été pris pour cible le troisième et dernier de ces tristes jours. A mon grand étonnement, parce que je m’imaginais naïvement que dans une République laïque, on était Français avant d’être juif, ou musulman ou chrétien, ou athée, et que c’était l’individu qui primait sur sa religion. N’y avait-il pas quelque joueur de ping-pong parmi les victimes, pour que la communauté des pongistes puisse crier à la persécution ? Mon voisin me prédit même (il n’était donc pas éditorialiste) qu’on en viendrait bientôt à plus parler de ces quatre-là et de leur religion stigmatisée que des premières victimes qui étaient le postulat de départ ce cette série d’abominations. Mais qui étaient donc ces Charlie demandai-je ? Une bande de plutôt anars rigolos, amateurs de vannes en dessous de la ceinture et de canons (de rouge), et qui avaient décidé que comme la liberté, ils n’auraient pas de limites et surtout pas celles que voudraient leur imposer les bien mal pensants de tout acabit. Ils représentaient l’essence même de la République et de la laïcité et ils sont morts pour ça … et maintenant tous les calotins avec des siècles de sang versé à  cause de leurs croyances sur les mains, rejoints par tous les hypocrites sécuritaires de tout poil voudraient placer leurs putains de dieux au cœur de cette affaire, et faire que ces types qui sont morts pour défendre une liberté majuscule de leur vivant seraient maintenant un prétexte pour un tour de vis sur nos petites libertés à tous, un Patriot Act à la française ?

 Je vous le dis, ma chère Roxane, il a dans cet étrange peuple cosmopolite bien des raisons de désespérer. J’en ai pourtant vu une d’espérer. Il y avait au milieu de cette foule une gamine black et musulmane qui chantait à gorge déployée la Marseillaise. C’est les Messieurs-Dames que l’on voyait fiers comme des coqs ceints de leurs écharpes tricolores, qui ont maintenant la responsabilité de la faire grandir heureuse au milieu de tous. La balle, si l’on peut dire, est dans leur camp … Qu’ils essayent d’être à la hauteur des espérances, une fois dans leur vie, ça pourrait être ça, le changement … Sinon, les inventeurs du Moyen-âge, comme disait un de leurs bouffons majeurs du siècle dernier, auront gagné …


TY SEGALL - MANIPULATOR (2014)

La relève ?
Ty Segall, la tarte à la crème de la critique rock, tendance « c’était bien mieux avant ». L’Espoir majuscule de ceux pour qui toute forme de musique qui vaille d’être écoutée est parue avant 1980. Cela commence à faire quelques années que son nom circule, et que les éloges pleuvent sur son œuvre. Alors que ce jeune gars de vingt sept ans (gaffe, mec, c’est l’âge fatidique pour rentrer dans la légende les deux pieds en avant) a un parcours pour le moins déroutant.
Brian Eno période Roxy Music ? non, Ty Segall
Des disques en veux-tu en voilà qui partent dans tous les sens, des projets parallèles innombrables. Avec comme terrain de jeux la scène indie-garage-machin de San Francisco qui gravite autour de la figure tutélaire de John Dwyer, le leader des (entre mille autres) excellents Thee Oh Sees. Aux dires de ceux qui suivent Segall dans ses pérégrinations ininterrompues, y’a chez lui de la qualité qui a besoin d’être canalisée. On passe du folk introspectif au rock heavy psychédélique tendance Blue Cheer (un de ses derniers projets, le « groupe » Fuzz, tous larsens et comme son nom l’indique pédales fuzz en avant, dans lequel Sygall est batteur, alors que d’ordinaire il chante et joue de la guitare). Et comme il est sur de petits labels et semble peu préoccupé par tout ce qui touche à la « gestion » de sa carrière, le bonhomme semblait se confiner à une célébrité ne dépassant pas le bouche à oreille entre « initiés » et s’en contenter.
Il semblerait que Segall ait avec ce « Manipulator » décidé de passer la vitesse supérieure. Sans toutefois se vendre au music business. Le disque paraît sur le label de Chicago Drag City, étiqueté « indie-rock expérimental », et il m’étonnerait fort que l’objectif marchand soit de rivaliser avec Rihanna ou Kanye West. Ceci posé, « Manipulator » est un disque ambitieux, qui entend reprendre les choses là où les grands dinosaures des seventies les avaient laissées. A savoir qu’à cette époque, pour passer un palier supplémentaire et définitivement assoir sa légende, le truc à faire c’était le double album. Des Who aux Stones en passant par Led Zep, c’était l’exercice obligé. On fera pas à Segall l’injure de le comparer à ceux-là (même si les doubles des Who, qu’ils soient des 70’s ou pas, on peut pas dire que … bon, vous avez compris), et lui-même, qui me semble pas trop con, ne s’y hasarde pas. Mais y’a de çà, comme des airs de « Physical graffiti », difficile d’esquiver la comparaison … même s’il serait vain d’essayer de trouver dans « Manipulator » quelque chose qui s’apparente à « Kashmir », « Custard pie » ou « Houses of the holy ».
Kurt Cobain unplugged ? Non, Ty Segall
Même si « Manipulator » est un disque à guitares. Mais aussi, et c’est chose assez rare pour être souligné, à chansons. Si, si … des titres courts, nerveux, mais « construits », avec des couplets, des refrains, des ponts, des solos, des gimmicks décoratifs, et ingrédient indispensable, des mélodies mémorisables sinon mémorables. Parce que des murs de feedback, les quatre premiers cons venus avec les cheveux dans les yeux sont capables de faire (voir tous les grungeux des 90’s et leurs descendants). Mais aligner 17 titres et faire en sorte qu’on commence pas à bâiller à partir du quatrième, c’est peu commun par les temps qui courent et Segall y parvient. Je sais pas si son disque sera cité comme un de ceux qui ont compté dans le rock (enfin si, je me doute un peu qu’il sera moins célébré dans les siècles qui viennent que – au hasard – le « Double Blanc »), mais là le Segall a sorti un truc comme il en sortira pas des quantités dans l’année.

Il y a dans « Manipulator » des choses variées sans que ça sonne auberge espagnole sonore. Parce qu’il y a une unité de son d’abord (une ambiance rétro-seventies de bon goût), parce que délibérément, c’est la guitare au cœur de tous les titres (lucidement, le garçon n’entend pas se livrer à une imitation forcément risible de Page ou Hendrix). Et ensuite, comme un Lenny Kravitz qui aurait oublié d’être neuneu, c’est plein de clin d’œil, d’hommages plus ou moins distanciés aux « grands anciens », sans jamais sombrer dans la copie, la redite ou le mimétisme … Segall a fait un travail de fourmi (hein, que vous l’attendiez, celle-là, bon c’est fait), évoquant T.Rex (« The man skinny lady », The clock »), le krautrock (« The connection man »), les vieux dinosaures boogie (« The faker »), les Who de Tommy repris par Black Sabbath (« The feels »), le rock (folk ou pas) barbouillé de psychédélisme comme il en pleuvait dru il y a quarante cinq ans, tout le circus heavy hardos de la même période (avec même l’obligatoire solo de batterie, ici pour rire, du moins on l’espère, sur « Feel ») …
Seule concession à l’air du temps (enfin, l’air d’il y a dix-quinze ans), la batterie très hip-hop style de « Mister Main », et seule concession à ceux qui voudraient que pareil phénomène vende des disques, le très middle of the road « Stick around » qui conclue le skeud.
Mention particulière et félicitations du jury pour « Manipulator » le titre, qui en trois minutes fait alterner vieux synthés (ceux de « Who’s next » ?), guitares carillonantes à la U2 – Alarm – Big Country, solo tout en saturation et mélodie étrange. Un truc qui pourrait faire un single totalement zarbi à la « When doves cry » de Prince (1984, ce qui ne rajeunit personne, et surtout pas moi). Mention aussi pour « The hand » qui sur un seul titre fait défiler tous les plans qui ont fait la gloire et la fortune de Led Zep (l’atmosphère celtique, les riffs hardos et le passage acoustique).

« Manipulator », c’est le disque parfait fait par un jeune pour des vieux …


PIXIES - BOSSANOVA (1990)

Sitting on the top of the world ...
Y’en a pas beaucoup des groupes, peut-être une paire de poignées au maximum, qui à un moment se sont retrouvés dominant tout le reste du troupeau de la tête et des épaules. Pour moi, les Pixies ont fait partie de ces Elus, quelque part vers la fin des années 80 et le début des années 90. Les Pixies ont redonné à ceux qui les écoutaient … plein de choses et de sentiments diffus, des petits frissons le long de la colonne vertébrale, aussi l’espoir … que le rock pouvait se régénérer et non plus dégénérer en laissant le devant de la scène à de cyniques bateleurs juste là pour la thune, tous ces ersatz de chanteurs et de musiciens qui paradaient au sommet des fuckin’ Top 50 et passaient en heavy rotation sur MTV.
Black Francis
Mais les Pixies, c’est pas un conte de fées, l’histoire qui finit bien du vilain petit canard qui se transforme en cygne majestueux… Non, les Pixies, ils ont vendu des nèfles, et se sont sabordés dans une ambiance et une atmosphère délétères. Et ils ont jamais été glamour pour deux sous …  N’empêche … Ce « Bossanova », je vous le dis ma bonne dame, c’est quand même quelque chose, des skeuds comme on aurait aimé en entendre plus souvent …
Parce là, avec « Bossanova », les Pixies ont tout donné, sont allés aussi loin que possible. Certes, ce devait pas être leur label, 4AD, un des plus exigeants en termes de qualité artistique, qui leur foutait la pression pour faire du chiffre de vente. Les Pixies ils aimaient peut-être bien passer pour le groupe le plus cool de la Terre, mais bon, il serait rentré un peu de thune dans la lessiveuse, ils s’en seraient pas offusqués. Les réputations en béton, c’est bien joli, mais quand t’envisages de peser cent cinquante kilos comme Black Francis, faut aussi de quoi becqueter… Tout çà pour dire que quand « Bossanova » est sorti, et croyez-moi, j’y étais, certains prétendus fans ont fait la grimace, et lâché l’insulte suprême : « commercial »… Bande de sourds … Z’avez rien compris, ni aux Pixies, ni à la zique, ni au wokanwol … z’avez rien compris à rien, d’ailleurs, tas de nazes …
Kim Deal
Parce que je vais vous dire, les quatre premiers cons venus, ils foutent le museau dans le manche de la gratte et les potards de l’ampli sur onze, et ils feront du boucan. Y’aura juste un problème quand il faudra passer à l’écriture des chansons. Des frangins Bruitos tendance hard(core), c’en est plein les encyclopédies du rock. Au mieux sympathiques le temps de trois titres, au pire inécoutables. Les Pixies viennent pour une grande part de ce monde-là, le hardcore, Sonic Youth et Hüsker Dü. Les Pixies sont sortis du lot, parce que à l’instar des New-Yorkais arty et des défoncés de Minneapolis, ils ont été capables d’écrire des putains de grandes chansons, des trucs que tu les entends une fois et qui te restent à vie dans la tête. En plus les Pixies ils ont su faire ça quasiment d’entrée, sans passer par la case de la demi-douzaine de skeuds « difficiles » comme les deux autres.
Et là, avec « Bossanova », ils sont pour moi à leur sommet. La maîtrise totale du « quiet-loud » qui a fait la fortune de Nirvana et autres grungeux et indie-poppeux à guitares en avant, et dont beaucoup se seraient contentés. Mais les Pixies c’est beaucoup plus que çà. La voix lead ou les chœurs de Kim Deal confèrent à tous les titres sur lesquels elle intervient une douceur éthérée qui vient se fracasser sur les couinements et hurlements de goret de Black Francis ou sur les guitares tronçonneuse-perceuse du métèque Santiago (rappelons que ce basané, cofondateur du groupe avec le gros, tient toute l’architecture sonore des Pixies avec sa gratte). N’oublions pas non plus qu’un lustre avant les BO de Tarantino, les Pixies foutaient de la surf music partout sur leurs disques, et « Bossanova » n’échappe évidemment pas à la règle (l’instrumental « Cecilia Ann », un peu plus loin « Ana »).
Joey Santiago
Tout ça, perclus de gimmicks insensés (que ceux qui ne sont pas foutus de trouver un truc pour rendre intéressant un morceau s’envoient « Dig it for fire » il y a dans les arrangements hallucinants de ce seul titre matière à publier un double-album), de poussées de fièvre tachycardiques (le frénétique « Rock music », « Hang wire » passerelle entre hardcore 80’s et grunge 90’s), de mélodies dignes de la sunshine pop (« Velouria »), et surtout, surtout, de ces choses curieuses et inimitables qui n’appartiennent qu’aux Pixies.
« Is she weird » invente et définit l’indie-rock des décennies à venir, « All over the world » est une construction pop à deux voix qui semble venir en droite ligne des sixties mélodiques, « Stormy weather » m’a toujours fait penser aux Beatles du Double Blanc (pourtant pas une référence mise en avant par le gros et la toxico), en fait faudrait les citer quasiment tous tant ce disque part dans tous les sens, les merveilles succédant aux merveilles. Les grincheux auront beau jeu de noter que « Blown away » évoque fortement « Gouge away » (et pas seulement par son titre), ne manqueront pas de signaler que ce « Bossanova » a été, comme le reste de la disco du groupe, un flop commercial, et qu’on n’y trouve pas l’ombre d’un de ces immenses hits underground tardifs comme l’ont été « Where is my mind » ou « Monkey gone to heaven ».
David Lovering

Il n’empêche que des gens qui ont le bon goût de s’inspirer avant Cobain (décidément) du « The man who sold the world » de Bowie (sur « All around the world »), qui truffent les textes de références débiles de science-fiction bas de gamme, qui présentent le plus beau quarteron de moches jamais réunis dans un même groupe (oui, Kim Deal était « cool », mais assez loin physiquement de Debbie Harry, si vous voyez ce que je veux dire), ben ces gens-là, ils avaient tout pour se vautrer en beauté. Ce qu’ils ont évidemment fait. Mais en laissant derrière eux une poignée de disques cruciaux dont « Bossanova » constitue pour moi le fleuron.

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ISRAEL NASH GRIPKA - ISRAEL NASH'S RAIN PLANS (2013)

Forever Young ?
Avec un blaze pareil, c’est pas gagné (et encore quelquefois on l’appelle Israel Nash Gripka, et ne me demandez pas pourquoi). Tu pars dans la vie avec un prénom qui te donne envie de buter tes parents tellement il est lourd à porter, et un nom qui peut faire croire que t’es le fils d’un Anglais, co-boulet avec Crosby de Stills et Young …
Ben non, Israel Nash, c’est pas le fils de Graham Nash, et c’est tant mieux pour lui, dans la musique comme ailleurs, l’ombre tutélaire des géniteurs se révèle souvent assez pesante … N’empêche, le Israel, il a sorti ces derniers temps un disque qui va faire croire que c’est le fils à Neil Young, pour rester dans la famille des Beatles américains.

Ce type est un rustique parmi les rustiques, et semble vomi du néant, ou plutôt des seventies (ou d’un « Spinal Tap » hillbilly) avec son look de baba barbu, qui s’entête à n’enregistrer dans son trou à rats du Missouri qu’avec du matos vintage tant au niveau des instruments que de la console (c’est lui qui produit, en plus, le gars sait ce qu’il veut et a vu le résultat, les capacités pour arriver à ses fins), il a fait un des meilleurs disques des années 70 qu’est pas sorti dans les années 70. On aurait envie d’écrire logiquement. Sauf que parmi les multitudes en manque d’imagination qui copient-collent les antiques générations, bien peu se hissent à ce niveau bluffant.
C’est bien simple, « Rain plans », il aurait pu sortir tel quel dans la disco de Neil Young, avant (ou après, peu importe) des choses comme « After the gold rush » ou « Harvest ». Et non, je déconne pas … Suffit d’écouter le skeud, c’est la pure vérité vraie. « Rain plans », c’est du folk qui s’ouvre au monde du rock, qui évite le pensum austère du type assis dans la pénombre avec sa guitare acoustique s’évertuant à tisser un répertoire que pourront reprendre des scouts à la veillée ou Cabrel en panne d’inspiration … D’ailleurs Israel Nash il a sorti un disque de folk plein de grattes électriques, et pas qu’un peu, mais qui jamais ne s’enlisent dans le gros son hardos.

Neil Young, c’est évident, plus souvent que de raison, mais sans pour autant qu’on puisse crier au plagiat. Totalement dans l’esprit et profondément différent, ne serait-ce que par la mise en avant de la pedal steel guitar, peu usitée dans la disco du Canadien. Si « Who in time », l’énormissime sommet du disque qu’est le titre « Rain plans », « Iron on the mountain », ou « Mansions » (on the hill ??), c’est pas du Young style pur sucre, je veux bien m’inscrire au fan-club de Stromae (les plus perspicaces l’auront noté, ça fait deux coms successifs dans lesquels je cite ce trisomique musical, mais j’y peux rien, je viens de le désigner comme héritier indiscutable des Mumuse, Coldplay et Radiomachin, catégorie Belge triste une fois …).
Bon, revenons-en à notre folkeux. Ouais, Neil Young, mais aussi le père Dylan. Dont « Woman at the well » qui ouvre le disque (country-rock pépère, mélodie « facile ») et « Rexanimarum » (qui le clôt en un parfait symétrisme et mériterait de devenir le « Knockin’ on heaven’s door » des années 2010) auraient pu telles quelles relever le niveau de nombre d’albums du Zim dans les seventies …
Curieusement, au mépris de tout sens mercantile (quelqu’un a-t-il dit à Israel Nash que des gens pourraient avoir envie d’acheter ses disques ?), c’est l’entrée de ce « Rain plans », en gros les trois premiers titres, qui est la plus faible. Enfin, faible, façon de parler, c’est le reste qui fait très fort.

Meilleur disque de l’année (dernière).


En écoute (et plus si affinités) ici



BLACK LIPS - UNDERNEATH THE RAINBOW (2014)

De toutes les couleurs ...
« Underneath the rainbow » dure trente quatre minutes. Et quand le skeud est terminé, tout être normalement constitué doit se poser une question, un peu saugrenue mais inévitable : les Black Lips sont-ils là, aujourd’hui, en ce printemps ripou de 2014, le meilleur groupe du monde ?
J’en vois déjà qui manquent de s’étouffer, ‘tain le Lester depuis le temps qu’on l’avait pas vu, qu’on se demandait s’il avait péri en mer, avait été pris en otage par des muslims vendeurs de pavot, ou pire, nommé ministre par Manu militari Valls, voilà t-il pas qu’il nous assène des énormités à propos d’un groupe qui a même pas fait la une des Inrocks. D’autant que si on s’en va googleliser « Black Lips », on va trouver des montagnes de pages où plein de gens qui s’affichent musicalement incontestables vont vous raconter que ce « Underneath … » c’est quasi de la daube … Les écoutez pas ces pantins, c’est moi qui ai raison, comme d’habitude, quand bien même ma légendaire modestie dusse-t-elle en souffrir …
Les Black Lips 2014, comme une pochette des Byrds, on dirait ...
Parce que les Black Lips y’a des années que skeud après skeud, ils se sont forgé une crédibilité en plutonium enrichi dans le milieu du punk-garage-sixties-bidule (eux se qualifient de flower-punk, ce qui ne veut rien dire, mais fallait y penser…), le genre de réputation après laquelle courent des milliards de groupes. Objectif avoué de l’opération : ravir les quatre pantins rances serviteurs rigoristes de la chapelle et surtout à ce moment-là ne plus bouger d’un iota. Et arrivés à ce stade, qu’est-ce qu’ils ont fait les Black Lips ? Sont allés chercher Mark Ronson, producteur-DJ branchouille et variéteux (Lily Allen, Robbie Williams, Aguilera, …) et dans un grand éclat de rire sonore, ont consciencieusement « saboté » leur carrière (leur précédent et déjà excellent selon moi « Arabia Mountain »). Là, avec « Underneath the rainbow », ils font le contraire, vont chercher un type « crédible » (Carney des Black Keys) pour produire quelques morceaux, mais en contrepartie se lâchent encore plus tout au long des douze titres.
Qu’il n’y ait pas de malentendus. C’est sérieux, les Black Lips, on n’est pas chez les Ludwig Von 88 ou Sha Na Na. Mais les quatre d’Atlanta ne s’interdisent rien. Même pas de se payer Mick Rock himself pour la photo de pochette (qui au passage a de faux airs de celle de l’antique 33T éponyme du Band avec sa dominante sépia). Même pas de citer des choses très éloignées du garage sixties (« Justice after all » ou « Drive-by Buddy », c’est du classic rock comme Petty ou Springsteen ne savent plus en faire depuis des décennies), de faire des références appuyées aux crétineries punk californiennes des 90’s comme Green Day ou Offspring (« Smiling »), de rendre hommage aux Ramones (enfin, c’est ce qu’il me semble) avec « I don’t wanna go home », de rendre obsolète le disque de « reformation » des Pixies (parenthèse : mais qu’est-ce qui lui prend à ce gros patapouf de Frank Black, arriérés d’impôts ? notes en retard chez le traiteur ? et tout çà en virant Kim Deal, faut pas déconner, gros lard …) avec un morceau comme « Funny », savants entrelacs de mélodies pur sucre et de grosses guitares fuzz …

Et puis, manière de faire un doigt aux garagistes 60’s intégristes, ils jettent en milieu de disque une sorte de truc yé-yé bubblegum très pop (« Make you mine »), un peu plus loin revisitent à leur façon le riff du « Lucifer Sam » du Floyd de Barrett, ça s’appelle « Do the vibrate », et ils le font suivre d’une bouillasse psyché (« Dandelion dust »), peut-être une référence au énième degré aux Stones (« Dandelion » est la face B de « We love you » sortie au milieu de l’an de grâce 1967, quand les Cailloux s’essayaient – de façon assez risible – au psychédélisme).
« Underneath the rainbow » est une rondelle qu’on ne sait à quel degré il faut l’appréhender. Jetée en pâture sur ce qu’il reste du « marché du disque » et démerdez-vous avec. Les Black Lips semblent comme tous les idiots savants n’en faire qu’à leur tête. Sortent un disque a priori joli, consensuel mais qu’on peut aussi percevoir comme une vaste joke j’menfoutiste. Bande de zigotos totalement ingérables qui balancent une rondelle « grand public » sur le label indépendant (mais balèze, on y trouve aussi Bloc Party, les Streets, Justice et … Charlotte Gainsbarre) Vice Records, les Blacks Lips peuvent compter sur leur leader azimuté Cole Alexander (adepte entre autres « facéties » de terminer ses morceaux live futal sur les chevilles, signe d’extrême satisfaction chez lui) pour fracasser consciencieusement et méticuleusement tout plan de « carrière » …

Des mecs bien qui font de bons disques … Le meilleur groupe du monde de la Terre d’aujourd’hui ...

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TOM WAITS - RAIN DOGS (1985)

Encore plus près des étoiles ...
Tom Waits, parvenu à un âge canonique (c’est pas faute d’avoir essayé de mourir jeune et alcoolique) continue de sortir des disques plus ou moins intéressants. Et tous sont jugés et jaugés à l’aune d’un seul, ce « Rain dogs ». C’est peu de dire que c’est son meilleur, il est tellement excellent qu’il déborde très largement le cadre de son auteur, et de la musique que l’on y associe.
Parce que jusqu’au début des années 80, Tom Waits était un branquignol sympathique, mais pas vraiment un type sur les disques desquels on se précipitait, de quelque chapelle musicale qu’on vienne. Quand en 1985 paraît « Rain dogs », le Tom a plus d’une demi-douzaine de skeuds derrière lui, remplis à ras-bord de piano-bar déglingué et d’histoires plus ou moins extraordinaires et confondantes des gens de l’Amérique d’en bas, servies par une voix rocailleuse de pochetron. Le changement était déjà notable avec le précédent « Swordfishtrombones » dans lequel l’horizon de Waits s’élargissait considérablement. Rien à côté du pas de géant musical que représente « Rain dogs ».
Tom Waits, c’est un personnage presque caricatural, en tout cas une « gueule » (nombreux seront les réalisateurs qui auront recours à lui pour des rôles de types barrés, grandes asperges dégingandés aux prises avec un monde qui manifestement n’est pas fait pour eux). Un personnage jarmuschien avant que le peroxydé n’en fasse un de ses acteurs fétiches (jusque là, Waits n’avait eu que de petites apparitions chez Coppola). Tom Waits, c’est le pilier de bar, poivrot ronchon qui marmonne des histoires de comptoir racontées par des types de passage aussi bourrés que lui. Avec son éternel regard de type mal réveillé, sa longue silhouette, ses tenues chic dans les années 30, portées débraillées, sa barbichette et son galure élimé … Sa musique lui ressemble. Comme une discussion d’ivrogne, elle passe du coq à l’âne sans crier gare, elle cultive la nostalgie du « c’était mieux avant », elle se nourrit de peu, toujours titubante, bancale, …
Jusque là, Tom Waits se prenait dans le meilleur des cas pour un Nino Rota jazzy, maintenant il est un Captain Beefheart qui se la pèterait pas grand artiste, plutôt une épave des bas-fonds et des rades miteux de L.A. Le Tom Waits du milieu des 80’s n’a rien de moderne musicalement, mais sa façon de s’approprier et de traiter les sons qu’il aborde donne un rendu totalement neuf. Il faut être un peu plus que malin, c’est-à-dire avoir du talent pour pas se ringardiser avec des lamentos d’accordéon, des pickings de banjo, des extrapolations à partir de rythmes de polka, de valse ou de tango … Tous ces vieux machins ringards ne servent que de base à ses titres, Waits les emmène dans une autre dimension. Son monde sonore à lui est hésitant, titubant, à la limite de l’équilibre et du naufrage dans le n’importe quoi. Aussi baroque et lyrique, mais du baroque et du lyrique au ras du zinc de comptoir, on n’a pas de ces funestes envolée qui sont le fonds de commerce de, au hasard, Arcade Fire.
Tom Waits by Anton Corbijn
Avec « Rain dogs », Tom Waits n’y va pas de main-morte. Il dégaine en un peu plus de cinquante minutes dix-neuf titres sans fausse note, sans faute de goût. Bon, si, en chipotant, on peut dire que « 9th & Hennepin », parlé et pas chanté sur fond jazzy d’avant-garde est la seule concession à « l’ancien » Tom Waits et le plus dispensable du lot. Mais le reste, on peut y aller les yeux fermés. Et les oreilles grandes ouvertes. Faut juste être attentif, s’imprégner, se laisser infuser par ces morceaux minimalistes et dissemblables qui réussissent malgré tout à former un tout cohérent. En fait, Tom Waits a su créer un monde sonore inédit.
En partant de choses connues (du blues, de la country, du folk, du rock, …), avec une économie de moyens qui force le respect. Pour faire un blues rustique et râpeux (Gun Street girl »), pas besoin de s’appeler Clapton et d’un backing band pléthorique, un banjo, une basse et quelques percussions ça le fait aussi, et bien mieux … S’il faut faire du rentre-dedans sans des dizaines de pistes d’overdubs, faut juste aller à l’essentiel et savoir s’entourer. Et pour « Rain dogs », Waits s’est acoquiné avec rien moins que le Master of Riffs Keith Richards (sans doute croisé dans quelque bar un soir de biture) pour trois titres. Qui pour situer sont les trois meilleurs de Keith R. durant les 80’s (oui, je sais, dans les 80’s, les Stones sortaient aussi des disques, mais … sérieusement, vous les avez écoutés ?), « Big black Mariah », entre rhythm’n’blues et boogie, « Union Square » rock typiquement stonien (on le jurerait pompé sur « Neighbhoors », présent sur « Tattoo you »), « Blind love », country-rock gramparsonien avec backing vocaux à bout de souffle du Keith. Pour clore le chapitre Stones-Richards de l’affaire, il convient de noter « Hang down your head », ballade asthmatique à la Keith Richards mais sans cette fois-ci sans lui.
Tom Waits & Keith Richards
Mais la grande majorité des titres n’ont rien à voir avec les Stones et peu avec le rock au sens large. Il faut entendre le Farfisa azimuté sur fond de brouhaha de fête foraine de « Cemetary polka », l’espèce de tango « Rain dogs » et sa fanfare de manouches bourrés qui en disent autant que l’intégrale sonore de Kusturica, Beirut et autres tenants de la tzigane touch. Il faut apprécier pour ce qu’il est, juste un décalque direct, le seul du disque dans cette veine-là du Captain Beefheart (même voix, même rythme) des meilleurs jours (« Walking spanish »), les délires d’une fanfare de cuivres reprenant quasiment le thème de « Pink Panther » le temps d’un trop court mais rigolo « Midtown », …
Et puis, la grosse affaire de ce disque, le genre qui semble avoir été créé exprès pour Waits, en tout cas celui dans lequel il excelle, la ballade déglinguée, titubante, zigzagante, celle qu’on peut s’essayer à déclamer quand on se fait jeter d’un troquet à quatre heures du matin, parce qu’on est trop bourré et qu’on casse les couilles à tout le monde avec des histoires sans queue ni  tête. Ici, il y en a une de monumentale. C’est juste servi par une basse, une guitare et un accordéon, c’est crépusculaire et beau et chialer, ça s’appelle « Time » et Tom Waits ne fera jamais mieux. C’est pas faute d’essayer, pourtant, ce genre deviendra sa trademark, il y en aura sur tous ses disques. Ici, dans le même genre, on a « Downtown train » (tellement Springsteen qu’on sait pas si c’est un hommage ou s’il se fout de la gueule du sénateur du New Jersey), et celle qui clôture le disque, totalement hantée (Waits se projetterait-il dans le personnage de Renfield que lui fera endosser Coppola dans son « Dracula » ?), et accompagnée par une fanfare dixie totalement déprimée (« Anywhere I lay my head »).

« Rain dogs », c’est peut-être bien le meilleur disque de rock des années 80. Euh, « Rain  dogs », c’est pas du rock en fait. C’est du Tom Waits en état de grâce, un état dont il s’approchera parfois par la suite, mais qu’il ne retrouvera tout de même plus. Ecoutez-le, dégustez-le, … ou crevez idiots …

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Closing Time

JIMI HENDRIX - ARE YOU EXPERIENCED (1967)

E.T.
James Marshall (ça s’invente pas, un second prénom comme ça …) Hendrix, lorsqu’il est apparu sur la scène musicale anglaise, lui le Ricain expatrié, n’a influencé personne. Il a traumatisé tout le monde. Et pas des troisièmes couteaux ou des gugusses à l’affût du prochain cataplasme branché. Non, Hendrix a foutu le moral dans les chaussettes à tous ceux dont le nom scintillait tout en haut de l’affiche, tous ces dieux de la guitare qui ont vu débarquer un phénomène hors norme.
Hendrix, pour l’éternité, restera comme le plus grand guitariste du rock. Ce qui est déjà pas mal, mais terriblement réducteur. Sans Hendrix, le rock aurait été aussi amusant qu’un blues-rock de Peter Green ou de Clapton de l’époque, un truc à te tirer une balle tellement c’est triste, fade, grisâtre … Hendrix a introduit dans le rock l’urgence, la flamboyance, la frime, l’épate … comme Janis Joplin, et leurs destins seront les mêmes jusqu’au bout …
Hendrix et sa veste à brandebourgs achetée aux Puces à Paris
Hendrix, souvent présenté comme la rock star ultime, comme celui qui a porté à des niveaux jamais vus avant et jamais égalés depuis la sainte trinité sex, drugs & rock’n’roll et le statut de guitar hero ultime, n’avait rien d’une grande gueule, d’un type prêt à tout pour faire parler de lui. Timide et pas sûr de lui, perturbé par un acné qui ne le lâchait pas, se sous-estimant sans cesse alors qu’il avait le monde du rock à ses pieds, éternel insatisfait de sa musique, les témoignages sont nombreux d’un Hendrix dans le doute. Mais il se dégageait de ce type une aura insensée dès qu’il montait sur scène Stratocaster en bandoulière. Hendrix est un showman, mais pas un artiste de cirque. Il ne mettait pas tous les soirs le feu à sa guitare, pas plus qu’il ne jouait tous les soirs avec les dents ou avec sa gratte dans le dos. Même si ce sont ces aspects là que la petite histoire a retenu. Et Hendrix n’a pas donné que des concerts tonitruants, la qualité de certains se voyant plus que perturbée par quelques substances prises en grande quantité.
Aujourd’hui, la discographie de Hendrix est plus que pléthorique. Des centaines de disques officiels live ou en studio paraissent depuis plus de quarante ans, encore plus de compilations. Sans compter les bootlegs, pirates, enregistrements non officiels qui pullulent. Faut faire là-dedans un sacré tri, tout n’est pas du même niveau, et pas seulement question qualité sonore. Un catalogue totalement labyrinthique dans lequel même le fan le plus motivé se perdra. Autant s’en tenir aux enregistrements officiels parus de son vivant. Là, le compte est plus vite fait. Trois disques studio et un live. « Are you experienced » est le premier.
Quand il paraît au printemps 67, le phénomène Hendrix n’est encore qu’une rumeur du Londres branché. Un Londres où il a atterri par défaut. Les States ne voulaient pas de lui. Ou plutôt ceux qui l’employaient aux States ne le gardaient pas longtemps. Hendrix n’était qu’un de ces obscurs accompagnateurs de noms confirmés de la soul ou du rhythm’n’blues (Wilson Pickett, Jackie Wilson, Isley Brothers, …). Généralement aussi vite viré qu’embauché. Little Richard ne supportera pas ce Black flamboyant et séducteur qui lui fait de l’ombre, Sam & Dave le vireront de scène au bout de trois titres ( ! ), et Hendrix ne fera guère de vieux os dans le backing band d’Ike et Tina Turner (le Ike, pourtant pas manchot avec une guitare, avouera n’avoir rien compris à ce type payé pour jouer rythmique et qui partait en solos étranges dès les premières mesures …). L’histoire de Hendrix, tout le monde la connaît (ou devrait). Chas Chandler, ex bassiste des Animals qui le repère dans un club new-yorkais, en fait l’attraction musicale de l’automne 66 du Swingin’ London, l’emmène en France pour une improbable tournée en première partie de Johnny Hallyday, les trois premiers 45T à succès (« Hey Joe », « Purple haze », « The wind cries Mary »), les deux minots (Mitch Mitchell et Noel Redding) recrutés pour bâtir un power trio fortement inspiré par celui qui avait le vent en poupe, Clapton et son Cream …

« Are you experienced » donc. Le premier de ce qui deviendra le Jimi Hendrix Experience (sur la pochette originale, seul figure le nom de Hendrix). Gros succès en Angleterre (seulement devancé par « Sgt Pepper’s … » dans les charts) et aux States, pas rancuniers envers leur exilé pour le coup. Un disque forcément un peu étrange, nous sommes en 67, année psychédélique s’il en fut. Un de ces debut-albums mythiques dont l’Histoire (et les marchands de disques) se délectent. Et bizarrement, alors que l’on n’a retenu que les extravagances en tous genres d’Hendrix, ce premier disque est bien « sage », bien « classique ». Faut dire aussi que l’époque était prolixe en individus et disques bariolés (Doors, Airplane, Floyd, Love, …). En fait, « Are you experienced » est à la croisée des chemins. Entre les croisés du blues (Clapton, Mayall, Fleetwood Mac, …) et les disjonctés déjà cités, auxquels il convient de rajouter les Beatles du Sergent Poivre et les Beach Boys de « Pet sounds ».
Avec « Are you experienced », Hendrix garde les pieds sur Terre, n’est pas encore le musicien barré de « Axis … », le génie cosmique de « Electric Ladyland ». Il sacrifie peu à l’air du temps (alors qu’il est furieusement « à la mode »), propose des titres de structure assez classique et n’assène pas des solos avec trois milliards de notes / seconde toutes les deux mesures.
Il a juste un background que n’ont pas les autres. Ses années de sessionman miteux aux States lui ont confiné un truc que n’auront jamais les pauvres Clapton ou Beck, Hendrix funke et groove. Et çà, il a su le transmettre à Mitchell et Redding qui font plus volontiers dans le chaloupé sautillant  (sur l’énorme « Fire », on dirait James Brown sous LSD, « Remember » est un bon vieux rhythm’n’blues des familles) que dans l’artillerie lourde. Même si quant il faut, tout le monde est capable de plomber le tempo (« Foxy Lady », blues-rock et son riff aplatissant en intro). Le plus souvent, Hendrix mélange un peu tout, en dépit du bon sens et des canons sonores de l’époque. Les titres peuvent être fantasques, commencer de façon classique et puis partir « ailleurs » (« Manic depression », « I don’t live today »). Fort logiquement, certains s’adressent aux amateurs de buvards parfumés et tiennent plus de la jam que de l’écriture rigoureuse (« Love or confusion », le quasi instrumental « 3rd stone from the Sun », le manifeste psyché « Are you experienced » avec ses guitares carillonnantes, ses effets de scratch, et cette téléportation sonore cosmique).

Beaucoup plus rarement, Hendrix fait simple, sobre. « May this be love » est mélodique, pop, doux et suave. « Red house » est la leçon de blues donnée aux Anglais. Dans un registre rustique propre au delta-blues, seul morceau du 33T enregistré en mono, Hendrix se réapproprie et réinvente le genre, le titre deviendra un de ses chevaux de bataille de scénique (la tellurique version de vingt minutes à l’Île de Wight est indépassable en matière de blues live).
« Are you experienced » est bien le disque d’un trio, Hendrix laisse s’exprimer et se déchaîner Mitchell et Redding. Qui ont le bon goût de ne pas en faire trop, de tomber dans le risible solo de basse ou de batterie. Et, mais au fait, la guitare d’Hendrix ? Oh certes, il y a bien quelques effets de manche inaccessibles au commun des mortels, mais le disque n’est pas un catalogue démonstratif. Hendrix reste relativement « sérieux », efficace avant tout. Avant de devenir le voyageur de commerce de tous les bidules joués au pied dont il aura parfois tendance à abuser, il se cantonne dans ce premier disque à l’essentiel. De la saturation (pédale fuzz un peu partout, mais à dose raisonnable) et c’est à peu près tout. Pour l’anecdote, la pédale Vox Crybaby ( pédale wah-wah pour le vulgum pecus) qui sera son indélébile marque de fabrique par la suite, n’a pas été utilisée, c’est Clapton le premier qui l’a testée sur disque avec Cream (« Tales of brave Ulyses » sur « Disraeli gears ») …

« Are you experienced » est produit par Chas Chandler, bien aidé par celui qui deviendra le superviseur de tous les disques d’Hendrix (surtout les posthumes officiels), l’ingénieur du son américain Eddie Kramer. Pour celui, honte à lui, qui ne possèderait pas cette pierre angulaire du rock des sixties et du rock en général, choisir les rééditions qui ajoutent aux onze titres originaux les trois indispensables singles et leurs faces B sorties auparavant …


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