Affichage des articles dont le libellé est Soul. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Soul. Afficher tous les articles

LOUIS ARMSTRONG - LOUIS AND THE GOOD BOOK (1958)


Et Dieu dans tout çà ?

Parce qu’on a tendance à l’oublier, Il est à la base de tout. Enfin, du rock’n’roll au moins. Que ce soit dans le blues, la country, le folk, on le retrouve dans un paquet de titres antédiluviens. Et sans parler de la soul ... ils ou elles ont toutes commencé dans les églises … La source d’inspiration, la quête de rédemption, toutes ces choses…
Même si à un moment, y’a eu comme un bug … Robert Johnson au Crossroad, « Helter Skelter » et Manson,  « Sympathy for the Devil » et Altamont, Black Sabbath et le satanisme de pacotille, et tout ce qui a suivi…
Tout ça pour dire que plus encore que les gonzesses et les bagnoles, c’est la religion qui a été au cœur de la musique plus ou moins populaire depuis cent ans … Tout ça aussi pour meubler, parce que Louis Armstrong et son jazz à trompette, j’y entrave que dalle … Mais lui aussi a touché au « sacré » …
Quand un populaire trompettiste de jazz s’attaque au chant religieux, cela donne le forcément biblique « Louis and the Good Book » (le « good book », c’est l’Ancien Testament). Soutenu par une (superbe) chorale, rajoutant quelques touches de trompette, Armstrong a visiblement pris grand plaisir à poser sa voix si particulière sur cet enregistrement, à la bonne humeur et à la ferveur communicatives… euh, non, pas communicative la ferveur, faut pas déconner non plus …
Bien sûr, il est vivement conseillé d’apprécier a priori ce que l’on nommait autrefois avec une forte connotation raciste le « negro spiritual » pour profiter pleinement de ce Cd exclusivement consacré au genre.
A noter une copieuse section bonus (par rapport au vinyle original) d’une piètre qualité sonore et musicalement inférieure également (2 sermons putain de pénibles à la fin) mais qui ravira les amateurs d’Armstrong et du genre.
Voilà voilà … j’ai lu je sais plus où que si on doit avoir qu’un seul disque de spirituals, c’est celui-là. Ça tombe bien, je compte m’arrêter là …



AMY WINEHOUSE - BACK TO BLACK (2007)


Lady Soul ou Lady Heroïne ?

On va pas refaire l’histoire, la réécrire … Encore moins faire une bio ou une nécro. Je bosse pas aux Pompes Funèbres du rock… Il est des destins qui s’écrivent tout seuls, sans que qui ce soit ait à les forcer. Et celui d’Amy Winehouse était tellement prévisible, qu’il n’y aura finalement que tous les Pujadas de JT qui ont pu feindre la surprise ou l’incompréhension quand elle a clamsé.
Pour moi, Amy Winehouse, ça restera un putain de bon disque qui à lui seul a relevé le niveau des années zéro. Un disque pour les vieux, tous ces grabataires qui savent que Wilson Pickett ou Marvin Gaye ne sont pas des rugbymen. Un disque de vieille soul américaine. Et là où ça prenait une tournure surréaliste, c’est qu’il était fait par une jeune Anglaise de vingt-trois ans. Tatouée avec un mauvais goût de docker, coiffée comme Aretha « Lady Soul » Franklin ou Dusty « In Memphis » Springfield, fringuée comme une pute roumaine de bord d’autoroute…
Et pourtant ça n’avait pas très bien commencé. J’avais entendu une pub à la radio, avec un type qui baragouinait un truc du genre : « Avec Amy Winehouse, la nouvelle révélation soul, revivez la légende Tamla ». Derrière, en fond sonore, des extraits de « Rehab », 45T éclaireur de ce « Back to black ». Tamla de la soul ? C’est nouveau, il me semblait plutôt que c’était Stax ou Atlantic. Comme quoi les directeurs marketing des maisons de disques sont même pas foutus de promouvoir correctement des artistes exceptionnelles comme Amy Winehouse. Parce que moi, ce que j’entendais, c’était des « no, no, no » gospel et cette voix grave et soyeuse, naturelle. On sentait pas la technique d’une Castafiore braillarde comme chez toutes ces fuckin’ québecquoises dont on nous gave depuis cent ans … Le flash … quelques jours après, le Cd est sorti et a tourné plus que de raison dans le lecteur.
Un Cd sur lequel il n’y a pas grand-chose à jeter, à l’opposé d’un single malin entouré de sinistres daubes. Un truc cohérent, avec une couleur et une unité de son homogène. Dus à un assemblage hétéroclite, celui d’un jeune producteur tendance Mark Ronson, et de vieux de la vieille, les Dap Kings, musiciens de studio du label revivaliste soul américain Daptone Records qui végétaient dans l’anonymat comme backing-band de Sharon Jones, leur star inconnue … Emmené par des simples ô combien évidents, « Rehab », « You know I’m no good », « Back to black », « Love is a losing game », qui arrivèrent à concilier tendances, courants et chapelles a priori antagonistes, surfant sur un retro-futurisme-revivalisme-machin (de toutes façons, depuis en gros le milieu des seventies, tout n’est que rabâchage permanent), Amy Winehouse récolta un succès aussi bienvenu que quelque peu démesuré, comme le music-business et le buzz savent si bien les générer, dès lors qu’ils sentent entre leurs pattes quelque personnage hors-normes. On s’aperçut même qu’elle avait sorti un disque auparavant (« Frank », que j’ai pas réussi à écouter jusqu’à la fin mais qui m’a tout l’air épouvantable). Le reste s’écrira à la une des tabloïds, la toxique diva se révélant totalement destroy et nettement plus punk que tous les Blink Chose et Sum Bidule réunis.
Certains lui prédisaient une carrière à la Aretha Franklin, elle choisira une courte vie à la Janis Joplin … Reste ce « Back to black » miraculeux qu’on ne se lasse pas d’écouter …

BLOOD SWEAT & TEARS - BLOOD SWEAT & TEARS (1969)


Classique en son temps

Le Blood, Sweat & Tears Rugby Club, saison 1969
Second album du groupe, qui se retrouve déjà privé de son fondateur Al Kooper (entre autres participations, le Hammond B3 sur « Like a rolling stone » de Dylan), ce « Blood, Sweat & Tears » a été le plus grand succès commercial du groupe. La locomotive du disque est le hit « Spinning Wheel », les autres titres alternant le bon, le moyen et le franchement pénible. En fait, un Cd ancré dans son époque (la fin des 60’s) où toutes les expérimentations étaient permises, dans l’insouciance de la portée finale du résultat.
Ainsi, reprendre du Erik Satie (le 1er et le dernier titre) en version psychédélique n’était pas forcément une bonne idée, de même que le « Blues Pt 2 », longue jam auto-complaisante de 12 minutes. A l’inverse, faire une superbe reprise du « Smiling Phases » de Traffic est nettement plus intéressant.
 La musique développée par Blood, Sweat & Tears, puisant dans le jazz, le blues, le classique, le rock au sens large, servie par un groupe pléthorique (neuf musiciens dont une copieuse section de cuivres) a eu son moment de gloire à la fin des sixties. Blood, Sweat & Tears ont lancé le mouvement mais n’ont sorti que trois albums (avant dissolutions, reformations, auto-tributes qui perdurent encore). Chicago, oeuvrant sensiblement dans le même registre (au moins à ses débuts) existe (?) lui aussi encore aujourd’hui et a récolté un succès colossal.
Preuve que l’idée de départ d’Al Kooper n’était pas mauvaise.

Des mêmes : Greatest Hits

ZOO - ZOO (1969)


Comme un air de famille ...

La filiation est clairement évidente et d’ailleurs revendiquée, Zoo a pour modèles Blood Sweat & Tears et Chicago, et surtout les premiers. Petite précision à l’usage des non encore grabataires, Zoo est un groupe français.
Famille évidemment nombreuse vu les influences (les Zoo sont neuf), lorsque la fanfare se forme, ses membres sont déjà des musiciens accomplis, ayant sévi dans des groupes ou hanté les studios de l’époque. Leaders et figures de proue, le chanteur Joel Daydé, le bassiste Michel Hervé et le guitariste Pierre Fanen, autant de noms que le fan de Lady Gaga ne connaît pas, mais que quelques vénérables ancêtres chenus doivent encore avoir à l’esprit.
Ce disque éponyme est tout à fait représentatif d’un genre aujourd’hui totalement désuet, cet amalgame entre toutes les musiques « de jeunes » de l’époque. Se mélangent, et s’entrechoquent parfois, mélodies pop, tristesses blues, langueurs soul, énergie rock, transpiration rythm’n’blues, une pincée de fuckin’ jazz… Bref, tout ce qui était matière à se disputer avec ses parents en cette fin des années 60. Mais aussi et surtout une fascination pour la technique instrumentale, avec le funeste prog-rock en gestation. Encore plus frappant en ce qui concerne les groupes français de l’époque, persuadés qu’une reconnaissance et qu’une crédibilité musicale dans le rock au sens large ne pouvait passer que par une démonstration technique alambiquée et grandiloquente. Les Zoo maîtrisent leur sujet et ne perdent pas une occasion de le montrer.
Ce qui donne lieu à quelques choix pour le moins curieux. Comment, lorsque l’on a dans ses rangs un aussi bon chanteur que Daydé, à la voix grave très soul, aligner sur un disque la moitié d’instrumentaux, mettant en avant un violon imbécile ou des cuivres redondants ? L’époque y est sans doute pour beaucoup, mais ce genre de choix artistique délibéré est pour le moins curieux, et les conséquences ne se feront guère attendre, Daydé et le guitariste Fanen quitteront le groupe après ce disque.
Les meilleurs titres de ce « Zoo » sont d’assez loin ceux qui sont chantés, le rythm’n’blues jazzy de « If you lose your woman », l’alerte « Memphis train » repris à Rufus Thomas, le très Ray Charles « You sure drive … ». Les instrumentaux, forcément très datés, s’empêtrent dans la copie de BS & T (« Ramsès »), les pénibles jams violoneuses (« Rythm and Boss »), ou bluesy (« Bluezoo », comme son nom l’indique). Deux morceaux sont un peu à part, « Un samedi soir à Carnouet », ambiance bal à papa psychédélique ayant plus à voir avec Chicago (le groupe) qu’avec les Cotes d’Armor ; également le dernier, « Mammouth », avec sa rythmique très lancinante qui fait penser à ce que produira plus tard Magma …
Les départs de Daydé et Fanen porteront un trop rude coup à Zoo pour qu’il s’en remette. Un autre disque verra le jour, avec beaucoup moins de retentissement que ce premier qui avait quand même réussi à marquer les esprits. Quelques musiciens accompagneront Léo Ferraille momentanément en quête d’un virage « électrique », et quelques survivants remonteront le groupe sous le nom de Zoo Tribute en 2010 avec le succès que l’on imagine …

BLOOD, SWEAT & TEARS - GREATEST HITS (1972)


Fanfare en fusion
Ils étaient dans l’air du temps à la fin des années 60. Mieux, même ils avaient lancé la mode, celle de ces formations pléthoriques, très « techniques », mélangeant (mais pas toujours avec bonheur) rock, blues, jazz, rock, soul, rythm’n’blues, …
A la base de Blood, Sweat & Tears, on trouve Al Kooper, organiste du Blues Project, mais surtout sessionman dont l’orgue Hammond a enjolivé ou enjolivera les disques de Dylan (« Like a rolling stone » ou tout « Highway 61 revisited », il y est), mais aussi d’Hendrix ou des Stones. Une pointure et un type recherché, qui n’aura guère de mal à trouver des complices, et en premier lieu, un autre ancien du Blues Project, le guitariste Steve Katz. Kooper quittera « son » groupe après un seul disque (pour monter un « super-groupe » avec Michael Bloomfield notamment), et sera remplacé dans le leadership par un guitariste canadien, David Clayton-Thomas. Pour les autres de la formation, c’est le panier de crabes total, tant dès le départ le line-up a été très fluctuant, et on s’en fout un peu, BS & T est plus une formule qu’un groupe bien défini …
Le Blood, Sweat & Tears Football Club
Ce « Greatest hits » de 1972 visite les cinq premiers disques du groupe et a la bonne idée (contrairement à certaines rééditions de ce disque), de présenter les single-edit du groupe, c’est-à-dire les morceaux sans les inévitables solos ou jams en roue libre les encombrant. Même si tous les titres se ressemblent un peu, car à l’opposé des « rivaux » de Chicago œuvrant dans à peu près les mêmes sonorités mais où tous les zicos n’intervenaient pas systématiquement sur chaque titre, les  BS & T ont la fâcheuse manie d’être toujours tous présents. Alors la plupart des titres commencent par des riffs de cuivres, cuivres très présents et qui ont tendance à boursoufler l’ensemble, signe des temps qui (heureusement) changent.
A leur crédit, BS & T a toujours pu compter dans ses premières années sur de bons chanteurs à la voix soul et chaude (Kooper, Clayton-Thomas), qui rendent efficace tout ce qui dans leur répertoire touche à la soul et au rythm’n’blues.
Il y a dans cette compile l’essentiel des titres les plus connus de cette formation assez ringardisée aujourd’hui, et qui a perduré sans aucun de ses membres fondateurs pendant des décennies, avant de se « reformer » pour quelques lucratifs concerts, au hasard des disponibilités de ses anciens musiciens …

JAMES BROWN - IN THE JUNGLE GROOVE (1986)


Du groove (et des souris ?)

Au milieu des années 80, tout le monde s’en tamponne de James Brown, il n’est plus dans le coup, tout juste bon à sortir des stupidités comme le grossier « Living in America ». Plus personne ne l’écoute. Plus personne, … sauf les rappeurs qui pillent à qui mieux mieux son catalogue pour poser les structures rythmiques de leurs titres. Certes, les avocats du vieux coq d’Atlanta multiplient les procédures et l’argent rentre dans les caisses du Parrain de la soul, mais artistiquement, James Brown est submergé par tous ces nouveaux sons (bientôt la house, et les joueurs de disquettes qui achèvent juste de lire la notice de leur Atari ne se priveront pas non plus de sampler dans sa discographie).
Son historique maison de disques Polydor réagit, et plutôt qu’une énième compilation survolant ses hits 50’s et 60’s, lâche un pavé dans la mare, manière de remettre les pendules à l’heure. Et ce pavé (70 minutes tout de même) s’appelle « In the jungle groove » et met l’accent sur la période la plus samplée de James Brown : son évolution musicale à la fin des années 60.

A cette époque-là, le disque du « tournant », c’est « Sex Machine », faux live mais gigantesque leçon de soul. Le nouveau backing-band de Brown recruté pour l’occasion, articulé autour des frangins Collins (guitare et basse) et de rescapés des antiques JB’s (Wesley, Stubblefield, et le toujours fidèle Bobby Bird), change radicalement l’enrobage sonore du Godfather. Fini le classic soul sound, et place à des structures rythmiques répétitives et lancinantes, le chant devient cri et hurlement, les cuivres répètent ad lib juste quelques notes … la recherche de la transe par l’épure se substitue à celle de la danse. Des albums, souvent inégaux, seront produits en nombre, et la machine à funker James Brown, un temps menacée par la comète Sly & the Family Stone, sera définitivement supplantée par George Clinton et ses tribus bariolées (Parliament, Funkadelic). Mais malgré tout, il y aura dans ces années 70 de grands titres signés Brown.
When he was king, James Brown à Kinshasa, 1974
Cette compilation en sert quelques-uns uns, et des fameux. Et pour faire « in », certains se voient même affublés du qualificatif de « remix » ou « extended », la bonne blague, on voit pas vraiment la différence. Le must de la blague étant le remix mono ( ! ) de « Get up … », brut de décoffrage, direct dans le plexus pour montrer que le groove, tu l’as ou tu l’as pas. On trouve bien sûr « Funky drummer », une des rythmiques les plus samplées du monde avec ses ambiances jazzy, « Give it up or turnit a loose », l’implacable groove mathématique de « Talkin’ loud … », l’épure squelettique mais infernale de « Soul power ».
Musicalement, c’est une tuerie sous hypnose, les types ne lâchent et ne relâchent rien (les titres durent entre sept et dix minutes), et là c’est pas Cubase en position « repeat », c’est du jus de coude (la colossale ligne de basse de Bootsy Collins sur « Hot pants », c’est quand même quelque chose, ma bonne dame …). Le James est peinard derrière une assise pareille, il n’a plus qu’à pousser quelques hurlements de temps et temps sur l’imperturbable rengaine que lui servent les autres. A tel point que le « Blind mind can see it » qui clôt cette compile est quasi instrumental.
Bon, évidemment, les grincheux pourront toujours dire que c’est toujours le même bouzin, et ils auront pas tout à fait tort. C’est quand même un choix délibéré de Brown, qui s’en est exliqué à maintes reprises, il voulait sortir de l’aspect chanson de la soul et du funk, et revenir à l’essence même de la musique noire, la trame percussive tribale. Et contrairement à d’autres stars des 60’s ou 70’s totalement larguées par ce qui se tramait dans les ghettos new-yorkais ou les entrepôts de Detroit, James Brown est allé se frotter à l’electro (Afrika Bambaata), ou au rap (son excellent et très sous-estimé « I’m real » avec Full Force) …
L’innovation et l’ouverture d’esprit, ça sert aussi à reconnaître les plus grands, et James Brown fait partie des quatre ou cinq types les plus importants de la musique populaire du siècle passé. Et même s’il a très mal fini, le crack et le PCP lui ayant calciné le cerveau, ce « In the jungle groove » est un témoignage captivant de son talent …
 

SMOKEY ROBINSON - SMOKEY (1973)



Bonne came ...

« Shop around », « Track of my tears », «  You’ve really got a hold on me », « Tears of a clown », autant de succès, autant de titres des Miracles signés ou co-signés Smokey Robinson … sans compter les titres produits ou écrits pour d’autres …

« Smokey Robinson est le plus grand poète américain vivant ». C’est Bob Dylan, qui sait quand même un peu de quoi il parle qui l’a dit un jour …

Smokey Robinson fut un des piliers « historiques » de la Motown dans les années 60, et un des derniers fidèle à Berry Gordy, après « l’émancipation » et les départs en solo (toujours chez Motown) de Diana Ross, Marvin Gaye, Stevie Wonder … Mais au début des années 70, Smokey Robinson entend voler de ses propres ailes. Totalement dans la nature du personnage, la séparation d’avec les Miracles se fait en douceur, sans rupture, en toute simplicité et camaraderie (la lente ballade soul « Sweet harmony » est d’ailleurs dédicacée dans une intro parlée à ses copains restés dans les Miracles).

« Smokey » est le premier disque solo de Robinson, initialement paru en 1973. Un disque de soul sophistiquée, lente, douce, quasi bucolique, portée par la voix de miel de Smokey Robinson. Souvent voisin par le rythme du « What’s going on » de Marvin Gaye, ce qui n’est pas un petit compliment. Tout en laissant de côté le discours écolo et social du Marvin … Chez Robinson, tout n’est qu’amour, luxe, calme et volupté.

Les lentes ballades soul dominent (la très belle « Holly », la fabuleuse  et pour moi sommet du disque « Just my soul responding » qui oscille entre soul, gospel et psychédélisme, « Sweet harmony », « The family song », l’intemporelle « Baby come close » et son orgue Hammond, …) et c’est le registre dans lequel Smokey Robinson excelle. Quand il s’en éloigne quelque peu, sur la reprise de « Never can say goodbye » par exemple, il en donne pour moi la moins bonne version de tous ceux de la Tamla qui l’ont chantée, sans même parler de la superbe relecture des Communards. Quand le tempo s’accélère et s’oriente vers le funky et les prémisses du disco, là aussi les résultats sont un peu moins convaincants (« A silent partner », « Wanna know my mind ») …

A noter que curieusement, alors qu’il en était le chanteur lead, les Miracles continueront d’obtenir des succès après son départ, tandis que la carrière solo de Smokey Robinson se fera à peu près dans une indifférence polie. A tel point que ses disques solo seront quasiment introuvables pendant des décennies. Ils sont maintenant réédités (très correctement) sous l’appellation générique « Smokey Robinson : The solo Albums », à raison de deux 33T par Cd. « Smokey » est couplé avec son successeur de 1974 « Pure Smokey ».

MINK DEVILLE - LE CHAT BLEU (1980)


Willy au bout de ses rêves ...

Ce disque est le troisième de Mink DeVille, le dernier chez Capitol, et s’il fallait n’en garder qu’une petite poignée du dandy new-yorkais, il serait forcément dans le lot. Parce que c’est celui qui représente le plus et le mieux Willy DeVille, le leader de son Mink de groupe.
Il y a tout des débuts de Willy, et même beaucoup de son âme, de ses fantasmes, de ses obsessions. Willy est un étrange personnage, qui, comme le chat (bleu ou pas) qui sert de titre au disque, a eu plusieurs vies, renaissant sans cesse de naufrages, et pas seulement artistiques, avant de voir son existence s’arrêter pour cause d’hépatite C carabinée dans l’été 2009.
Souvent en équilibre entre sublime et ridicule, et réussissant on ne sait trop comment (la classe, peut-être) à très souvent, mais pas toujours, retomber du bon côté. D’abord Willy est un fan. De plein de choses essentielles et très bonnes (la soul, le doo-wop, le rythm’n’blues, et en gros de tout ce que la musique américaine a produit de meilleur et de rythmé), de choses auxquelles on a du mal à échapper quand tout gosse on a toujours rêvé de New York et qu’on est allé y habiter (les comédies musicales comme « West Side Story », où Willy est allé trouver son look durant les années 70 et sa fascination pour le côté borderline des gangs). Et fan de la France à travers quelques chanteurs ou musiciens qu’il vénère. Passe encore pour Piaf, mais l’adoration de Willy DeVille pour Michel Legrand ou Charles Dumont, beaucoup ont eu et ont encore du mal à saisir …
Willy & Toots : félins pour l'autre ?
Pour ce « Chat Bleu », Willy réussit à travailler avec une de ses idoles, Doc Pomus, qui a été chanté par Elvis (Viva Las Vegas »), ou Ray Charles (« Lonely Avenue »), et un des auteurs attitrés des Drifters (« Save the last dance for me », « Sweets for my sweet », …) de Ben E. King, dont l’énorme succès de sa carrière solo (« Stand by me ») sera souvent , dans des versions tout en crucifixions et génuflexions, le point d’orgue des concerts de Willy-Mink DeVille …
Pomus et DeVille cosignent ici « Just to walk that little girl home », fabuleux doo-wop dans les règles de l’art, l’excellente ballade soul « That world outside », et l’espagnolade, avec ses arrangements de castagnettes, « You just keep holding on » … Pour le reste, hormis une reprise du « Bad boy » de Lil Armstrong (la femme du trompettiste Louis Armstrong), c’est Willy DeVille qui signe tous les titres. Dont quelques-uns de renversants, les fantastiques rythm’n’blues « This must be the night », « Savoir faire » et « Lipstick traces » notamment.
Willy DeVille est aussi attiré par des choses plus « exotiques ». La Nouvelle-Orléans (qui plus tard le verra « renaître ») et la Louisiane, ce qui donne la mazurka traitée cajun-zydeco « Turn you every way … », titre entraînant et réussi. Mais aussi les sonorités hispano-caraïbes (cf les gangs portoricains de « West Side Story »), ce qui donne un morceau raté (« Slow drain »), crispé et coincé du popotin, à des lieues des choses torrides et swinguantes de Kid Creole & The Coconuts, qui débutent dans le même genre à la même époque. Niveau titre quelconque, il faut aussi rajouter l’anecdotique conclusion « Heaven stood stills », gâchée par un piano grandiloquent …
Mais la balance est malgré tout très largement favorable, car en plus de grandes chansons, Willy DeVille peut s’appuyer sur un grand backing band. Mink DeVille est un super groupe, soudé et cohérent, emmené par le guitariste killer Louie Erlanger, s’appuyant sur quelques vieux de la vieille, Jerry Scheff (basssite chez Presley et sur le « L.A. Woman » des Doors), Steve Douglas, remarquable sax (chez Spector, les Beach Boys, Aretha Franklin, …) et ici également producteur, ou encore le multi-instrumentiste Kenny Margolis. Certains, la presse musicale française notamment ne tariront pas d’éloges sur Mink DeVille, et les comparaisons en cette fin des 70’s – début des 80’s avec le E-Street Band iront bon train. Bon, soyons clair, autant Mink DeVille peut rivaliser très favorablement sur disque (avec Willy, pas de morceaux à l’arrache, tout est dans le feeling et l’émotion, Erlanger c’est quand même mieux que Miami « Bandana » Van Zandt, et ne parlons pas de Douglas comparé à Clarence Clemons et sa corne de brume), autant sur scène, Willy DeVille, ça coince… Capable de prestations phénoménales, mais aussi et plus souvent que de raison de concerts pathétiques qui le voient s’écrouler au sens propre sur scène, Willy DeVille payera très tôt un lourd tribut à des addictions diverses et variées, qui relègueront sa carrière à quelques succès d’estime …
L’occasion de souligner l’importance ( ? ) à ses côtés de sa gorgone de femme, sa Yoko Ono à lui, la très insupportable Toots. Comme la femme à Lennon, avec qui elle partage bien des ressemblances et pas seulement physiques, elle ne quitte jamais son Willy d’époux, l’« assistant » dans ses interviews, et à l’époque de la parution du « Chat Bleu » (c’est son épaule tatouée à elle sur la pochette), en plein trip mystico-vaudou, se trimbalant toujours avec force amulettes, et petits réticules emplis de préparations, potions et philtres divers. Et malheureusement pour Willy, au milieu d’inoffensives poudres de perlimpinpin soi-disant magiques, d’autres bien blanches, dont son mari abusera, ruinant sa santé, sa carrière et les espoirs que certains, dont Ahmet Ertegun (qui allait le signer pour le disque suivant, le fabuleux « Coup de Grâce »), mettaient en lui …


Des mêmes sur ce blog :












DUSTY SPRINGFIELD - A GIRL CALLED DUSTY (1964)


Une certaine idée de la variété

Ce Cd est la réédition du 1er album de 1964 publié par l’Anglaise Dusty Springfield. Une Anglaise sous forte influence US, ainsi que le montrent les (nombreuses) reprises présentes : Dionne Warwick, Lee Dorsey, Supremes, …

Le résultat est excellent, une  soul teintée de rythm’n’blues, servie par une des meilleures (la meilleure ?) voix blanches de l’époque. Des arrangements et une production « grand public » ne doivent pas rebuter les puristes. Le tout donne certes dans la variété, mais de la variété de très grande classe. Tout le contraire des Nouvelles Stars, Star Ac et Cie.

Sa voix, les genres musicaux abordés font de Dusty Springfield une des grand-mères artistiques d’Amy Winehouse, autre chouchroutée anglaise.

A noter sur ce Cd une section bonus conséquente (8 titres) avec notamment le 1er single de Dusty (« I only want to be with you »), énorme succès en Angleterre, mais aussi en France par l’adaptation qu’en avait faite Richard Anthony (« A présent tu peux t’en aller »).


DR JOHN - THE VERY BEST OF DR JOHN (1995)


 Le groove de la Nouvelle Orleans

Gris-gris et Dr John
Malcolm John Rebennack, plus connu sous le pseudo de Dr John, est un artiste important, pianiste de son état (mais pas que), reconnu par ses pairs, mais négligé par le grand public, que ce soit ici ou aux USA. Pourtant les plus grands (Stones, Clapton, Clash, …) ont travaillé avec lui, s’en sont inspirés, ont repris ses morceaux.

Cette compilation offre un bon aperçu de la discographie (pléthorique) de Dr John. Sa musique, comme la ville de La Nouvelle Orleans à laquelle il est indéfectiblement attaché, est un immense melting pot où se côtoient blues, rock, funk, vaudou, jazz, et toutes les spécificités sonores locales. Ce qui donne ce groove chaloupé, moite, inimitable de Dr John. Qui rajoute par dessus les instruments le grognement mélodique qui lui tient lieu de voix.

Pour tous ceux qui ne connaissent pas, dépaysement sonore garanti.

Du même sur ce blog :
Gris-Gris
In The Right Place
Locked Down

DUSTY SPRINGFIELD - DUSTY IN MEMPHIS (1969)


Un homme et une femme ...

La femme, c’est Dusty Springfield. La plus belle voix anglaise, quelque peu au creux de la vague en cette fin des 60’s après quelques années de gros succès populaires.

Encore un peu de choucroute ?
L’homme, c’est Ahmet Ertegun. Fondateur des disques Atlantic, qui a personnellement engagé Aretha Franklin, Wilson Pickett, Otis Redding et vient de signer Led Zeppelin. Le plus grand patron de maisons de disques que la musique ait connu. Avant tout un connaisseur et un fan de ses artistes. Rien à voir avec les sinistres comptables actuels dont le seul intérêt est de se faire de l’argent sur le dos du public ET des artistes.

En 1968, Ertegun offre à Dusty Springfield tout ce dont un chanteur pouvait rêver : un disque clé en mains, enregistré dans les studios de Memphis, avec les plus grands musiciens,  producteurs et compositeurs de soul. Lorsque Dusty est arrivée à Memphis, cette perfectionniste maladive aurait testé une centaine de titres ! Insatisfaite du résultat, elle abandonne le projet, avant de se raviser sous l’amicale pression d’Ertegun et de finaliser onze titres à New York qui sortiront sur le 33T original.

Le résultat est exceptionnel, les critiques dithyrambiques, et « Son of a preacher man » (que le malin Tarantino ira chercher pour le soundtrack de « Pulp Fiction ») choisi comme premier single fait une percée dans les charts … Et le public ne suit pas et « Dusty in Memphis » est un bide retentissant, qui va marquer le début de la fin pour sa carrière.

Il s’agit pourtant bel et bien d’un des quatre ou cinq plus grands disques de soul jamais gravés. Une œuvre totalement indispensable.

Réédité il y a quelques temps par Rhino avec la bagatelle de 14 titres bonus. Tous également d’une qualité sidérante, tant artistique que sonore.


DEXYS MIDNIGHT RUNNERS - SEARCHING FOT THE YOUNG SOUL REBELS (1980)


Soul anglaise des 80's 
Brouillages radio. Bribes de Deep Purple, Sex Pistols, Specials. Puis explosion de cuivres. Ainsi débute « Burn it down », le 1er titre du 1er Cd des Dexys Midnight Runners.

Dexys Midnight Runners 1980 : on danse pas,on garde les sacs de nos copines ...
Dexys Midnight Runners, c’est pour les profanes (éclairés) un tout-puissant (Kevin Rowland) leader tyrannique et qui le deviendra de plus en plus, et leader et tyrannique, et un titre ( « Come on Eileen ») que l’on trouve sur toutes les compilations estampillées musique des années 80. Le tube est sur le Cd suivant (« Too-Rye-Ay »), mais pourtant c’est bel et bien ce « Searching … » qui est le meilleur du groupe.

Disque hommage à la soul et au rythm’n’blues des années 60. Une fois que l’on s’est habitué à la voix aiguë de Kevin Rowland loin des standards du genre (Redding, Pickett, …), reste un disque agréable qui a bien vieilli. Normal, la soul (comme le blues), lorsque l’on respecte les codes de l’diome, donne des œuvres intemporelles.

Derrière la locomotive « Geno » (en hommage au chanteur américain de rythm’n’blues Geno Washington) lui aussi gros succès en son temps, le reste de ce « Searching for the Young Soul Rebels », se montre également au niveau.

Cd hautement recommandable.


CURTIS MAYFIELD - THERE'S NO PLACE LIKE AMERICA TODAY (1975)


Rage Against The Machine ?

Un disque atypique de son temps et de la discographie de Curtis Mayfied … Mayfield qui est déjà un peu à part dans la musique noire avec sa soul soyeuse s’aventurant dans les contrées jazzy. Quand paraît ce « There’s no place like America today » en 1975, l’heure est au funk discoïde, et Mayfield quelque peu au creux de la vague. Les succès de ses premiers disques solos, avec mention particulière à « Curtis » et le très successful « Superfly », commencent à s’estomper, et forcément plus encore ses hits des 60’s avec les Impressions …

Et alors que les Blacks cultivent l’hédonisme dansant et insouciant, Mayfield va donner dans le revendicatif et le social. La pochette est sans équivoque. On y voit des Noirs dans une file menant à quelque soupe populaire sous une affiche représentant une famille blanche dodue et souriante en voiture. Contraste des clivages sociaux accentué par l’ironie quelque peu amère du titre de l’album. Même si Curtis Mayfield ne se prend pas pour Luther King, et encore moins pour Malcolm X ou les Black Panthers. Pas de revendications, pas de militantisme guerrier dans les textes, juste quelques-uns ont une portée « sociale » marquée (« Billy Jack », « Hard times », « Blue Monday people »), mais l’espoir reste présent à travers l’amour (« So in love », « Love to the people »), ou la foi (« Jesus ») …

Musicalement, c’est épuré à l’extrême, basé sur des tempos lents, la voix de fausset immédiatement reconnaissable et la Telecaster aigrelette de Mayfield. Il y a pourtant pléthore d’instruments présents, des plus classiques (rythmiques, claviers, cordes, cuivres) aux plus inattendus (quelques accords de harpe)… Mais chacune de leurs interventions est dosée avec parcimonie, quelques notes des uns ou des autres suffisant à emplir l’espace sonore. Un travail d’orfèvre au niveau de la production et des arrangements, particulièrement en évidence sur le gospel futuriste « Jesus », la classique roucoulade soul « So in love », le « Billy Jack » inaugural et son ambiance soft jazz. Seul « Hard times » est plus allegro, avec sa guitare folle qui égrène des notes aiguës …

Le seul reproche que l’on peut faire à ce disque, c’est son côté monolithique, on aurait aimé trouver quelque mélodie up tempo, quelque rengaine un peu plus « facile » au milieu de toutes ces suites d’accords tarabiscotés …

Ne pas faire le difficile pour autant. Si un Prince (qui s’est énormément inspiré de Mayfield) venait à sortir un disque de cette qualité, tout le monde s’esbaudirait sur le talent et le génie retrouvés du nabot de Minneapolis… Avec « There’s no place like America today », on est juste en présence d’un des derniers (le dernier ?) grands éclats de la discographie de Curtis Mayfield …

Du même sur ce blog :
Superfly






SLY & THE FAMILY STONE - THE WOODSTOCK EXPERIENCE (2009)


L'arnaque indispensable

N’eût été le décès de l’ancien beau-fils de Presley, le gros coup de l’été 2009 aurait été la commémoration des 40 ans de Woodstock. Le genre de projet minutieusement préparé par Sony pour rajouter un peu de toile aux parachutes dorés de ses actionnaires. « Take the money and run » comme disait Steve Miller …

5 doubles Cds comprenant les rééditions d’un disque studio de l’époque, plus l’intégralité de la performance de l’artiste à Woodstock. Sont concernés les signatures maison Joplin, Airplane, Johnny Winter, Santana, Sly & The Family Stone. Et si ce genre de machins vous plaît, le coffret avec l’ensemble des 10 Cds.

Woodstock, ce barbecue géant de hippies… Dont on connaît le son (les triple 33 T, les doubles Cds, et tous les titres qui traînent sur des compilations, coffrets, bootlegs, …) et l’image (le film de Wadleigh). Avec quand même quelques moments qui ont marqué leur époque et les générations futures.

Hendrix à l’aube du quatrième jour, devant trente mille rescapés hébétés, qui lacère l’hymne américain à grands coups de Stratocaster. Santana qui se fend d’un « Soul Sacrifice » aussi chaud que le soleil exceptionnellement présent cet après-midi là. Le plombier Joe Cocker, les yeux exorbités, qui invente la air guitar sur « With a little help from my friends ». Alvin Lee qui se fend d’un hallucinant solo sur « I’m going home ».

Comment vouliez-vous qu'ils passent inaperçus ?
Et Sly et sa Famille qui propulsent à grands coups de « I want to take you higher » leur soul-funk psychédélique dans un ailleurs cosmique.

Sly & The Family Stone, justement. Essentiellement un groupe de Noirs. Et des Noirs, à Woodstock, il n’y en avait pas beaucoup, sur scène, et encore moins dans le public, d’après le film. Et j’étais curieux de voir si le show de la Family était du niveau de ce que tout le monde connaissait.

Et bien oui. En cinquante minutes de folie furieuse, Sly et son groupe envoient une grande leçon de musique totale, une scansion rythmée hallucinante et hallucinée. Il me semble que les témoignages live de Sly & The Family Stone ne sont pas très nombreux, et donc cette prestation est indispensable.

Ce soir-là, le sieur Sylvester Stewart et sa famille ont tutoyé les étoiles. Le buzz sera tel que Miles Davis  lui-même poursuivra Sly de ses avances, le suppliant de travailler avec lui. Lequel Sly, trop souvent (toujours ?) « high », n’en aura rien à foutre et jettera même Davis des studios quand il sera lassé de le voir dans ses pattes. Le jazzman, de dépit, se lancera à corps perdu avec McLaughlin et consorts dans ce que l’on appelera jazz-rock, et que quelques malentendants persistent à trouver génial. L’autre Maître de la black music, James Brown, ruminera dans son coin avant de trouver la réponse à Sly qui aligne en ce début des 70’s 45 T et 33 T majestueux. James Brown se sentira tout à coup terriblement vieux et dépassé, il jouera son va-tout dans un sublime coup de poker, virant ses antiques JB’s pour embaucher une troupe funky d’ou émergeront les tignasses afro de Bootsy et Catfish Collins. Une des premières séances de ce groupe donnera la moitié du faux live mais vrai chef-d’oeuvre « Sex Machine ».

Mais il y a quand même quelques détails que le chaland potentiel doit savoir.

Le disque studio du package Sly & The Family Stone, c’est « Stand ! », au demeurant excellent. Mais pas de bol,  je l’avais en 33 T et racheté en Cd. Je me retrouve donc avec un joli petit frisbee au logo Woodstock et à l’estampille Sony Music dont je n’ai que faire.

Autre détail, le son du concert est remastérisé. Ce qui veut dire que l’on entend beaucoup moins l’énorme souffle de mammouth de la sono qui faisait disparaître la moitié de la musique. Revers de la médaille, les bandes ont été « retravaillées ». Si Sly Stone ne s’en tire pas trop mal, le résultat pour d’autres est pour le moins curieux, avec notamment l’Airplane, le plus mélodique des groupes psychédéliques qui sonne comme … Steppenwolf. Au vu de la qualité du coffret Rhino « 3 Days of Peace & Music », on peut dire que les ingés de Sony ont sorti avec ces bandes un boulot de  gougnafiers.


Mais comme je suis de bonne humeur, je vous mets pour le même prix mon avis sur les quatre autres.

L’Airplane renforcé de Nicky Hopkins au piano, sonne comme un groupe de hard, avec Grace Slick et Balin qui hurlent, et balance une interminable version (plus de vingt minutes) de leur emblématique mais fort ennuyeux « Woodenships ». Disque studio : « Volunteers ». A réserver au conseil d’administration du fan-club.





Santana est grandiose, tout est du niveau de « Soul Sacrifice ». Disque studio « Santana » son 1er 33T avec la tête de lion sur la pochette. Mais tout le concert existait déjà officiellement (coffret « Legacy » il me semble).







 
Johnny Winter fait ce qu’il a toujours fait et refera ad vitam eternam, son numéro de juke-box avec longs solo de guitare un peu partout se terminant par (quoi d’autre) « Johnny B Goode ». Doit bien exister 300 live de l’albinos texan aussi bons ou meilleurs que celui-là. Disque studio « Johnny Winter » de 1969 avec la pochette noire (lui par contre excellent).





 
Reste le cas Janis Joplin. Elle s’était opposée à ce que sa prestation apparaisse sur le triple 33 T de 1970. Et là on comprend pourquoi. Ce n’est pas elle qui est en cause, elle est même très correcte au chant, même si d'après les témoignages des "rescapés", elle était pourtant "ailleurs". Mais le groupe (le Kozmic Blues Band) est pitoyable avec mention  spéciale à une section de cuivres imbécile passant du free-jazz à la soul et au rythm’n’blues à l’intérieur du même morceau et couvrant tout le reste de son affreux raffût. A fuir absolument. Disque studio « Kozmic Blues ».




Comment ça, j’ai pas trop causé du live de Sly & The Family Stone. Je vous ai dit quelque part qu’il était excellent et indispensable. Et je persiste et signe.

Du même sur ce blog :
There's A Riot Going On



SAM COOKE - WONDERFUL WORLD (1987)


Pour un monde meilleur ...

Ben non, c'est pas Henri Salvador ...
Sam Cooke, référence ultime de Rod Stewart, a été révélé par la dure école du gospel, avant de devenir  l’idole de la jeunesse black américaine (surtout les filles) au début des années 60, grâce à un répertoire où se mélangent soul, pop et rock.
Tous les titres présents sur ce court Cd (30 minutes) sont des hits certifiés, mettant en valeur cette voix d’une facilité, d’une aisance et d’une souplesse stupéfiantes.
Abattu en pleine gloire par un mari jaloux, Sam Cooke ne profitera pas de son immense succès, et est honteusement oublié aujourd’hui.

Malgré l’âge de cette édition (1987), le son est correct et le Cd permet de découvrir ce fabuleux chanteur.

Cd à ranger à côté du live « Harlem Square Club », témoignage incandescent du magnétisme qu’exerçait Sam Cooke sur son public.



CHICAGO - CHICAGO IX - GREATEST HITS (1975)



Le meilleur et le pire
Chicago, cette fanfare hippie aujourd’hui oubliée, a connu ses meilleurs moments à ses débuts, fin 60’s début 70’s. Formation pléthorique, encore plus nombreux que les Sept Nains, et au moins aussi opiniâtres au travail, avec la perpétuelle marotte de numéroter ses disques en chiffres romains … Aux dernières nouvelles, le groupe ou ce qu’il en reste aurait embauché Peter Wolf ( !? ) du J. Geils Band et récemment publié un Chicago XXXII ( !! ).
Ce IX paru en 1975 est leur première compilation, et se situe (forcément) entre le VIII, sorte de tribute-album à ceux qui les ont influencés, et le X, qui symbolise la prise de pouvoir par le bassiste Peter Cetera et une orientation définitive vers du rock FM lent et hyper-commercial (les scies « If you leave now » ou plus tard « Hard to say I’m sorry », ce genre …)
Le groupe a débuté dans un style voisin d’une autre famille nombreuse, Blood Sweat & Tears, précurseurs d’une certaine idée de fusion alors fort en vogue, en mélangeant sonorités venues du rock, de la pop, du jazz, de la soul, du rythm’n’blues, du funk … Chicago, où tout le monde composait, avec une prédominance exercée par le claviériste Peter Lamm et le tromboniste James Pankow, aura dans ses débuts laissé une œuvre hétéroclite, passant d’une plage à l’autre de la fulgurance rock à la redondance cuivrée …
Cette compilation en témoigne, en faisant voisiner titres d’anthologie du groupe (« 25 or 6 to 4 » gros hit, les excellents « Does anybody really … », « Feelin’ stronger every day », ou le phénoménal « Beginnings »), et puis d’autres choses beaucoup plus anecdotiques, soul et rythm’n’blues blanchis, gâtés par des arrangements de fanfare cuivrée jazzy (« I’ve been searching so long », « Call on me » funky mou à la Earth, Wind & Fire ), ou des ballades qui commencent à devenir pataudes (« Wishing you where here », comme du Wings en petite forme).
On peut aussi regretter qu’il n’y ait pas plus de titres de leur premier et meilleur disque (le bleu et noir « Chicago Transit Authority », le seul à ne pas avoir de numéro), et qu’à l’exception de « 25 or 6 to 4 », on n’entende pas trop sur cette compilation leur fabuleux guitariste Terry Kath, un des rares « héritiers » crédibles de Hendrix, beaucoup plus intéressant que les habituels nominés de l’époque à ce poste (Trower, Marino, California, …), et qu’on n’aura d’ailleurs guère l’occasion d’entendre par la suite, puisqu’il s’auto-révolverisera à la roulette russe quelques années plus tard …

Des mêmes sur ce blog :





WOMACK & WOMACK - CONSCIENCE (1988)



Sweet Soul Music

Ne pas juger ce disque à sa pochette, où l’on voit un couple et leur fifille poser béatement comme si c’était pour la couv’ d’une version funky de Paris-Match, tels de vulgaires Hallyday présentant le dernier gosse qu’ils viennent d’achet … pardon d’adopter à toutes les mémères à chien-chien des beaux quartiers.
Bien que des couvertures de magazine, à l’époque de ce « Conscience », Womack & Womack en ont fait, ce disque ayant obtenu un bon succès. Il faut dire que leurs auteurs ont un sacré pedigree. Lui, c’est Cecil Womack, d’une fratrie de musiciens noirs dont son aîné Bobby est le plus connu. Elle, c’est sa femme, Linda, fille de Sam Cooke, un des plus grands soulman que l’Amérique ait produits. Ce qui crée quelques liens familiaux compliqués, Linda Womack se retrouvant en même temps belle-sœur et belle-fille de Bobby Womack, qui avait épousé sa mère après l’assassinat de Sam Cooke.

Mais foin de ces considérations généalogiques … « Conscience », au vu de ses auteurs, ne peut être un disque quelconque. Les deux époux ont concocté une pâtisserie sonore comme la musique noire oubliait d’en faire en cette fin des années 80. A base de choses aussi désuètes en ces temps-là que soul, funk, rythm’n’blues. Joué dans les règles antédiluviennes de l’art, des gens (dont la moitié s’appellent Womack) et des vrais instruments. Mais comme les deux tourtereaux sont de leur temps, ils ont intégré avec un sens de la mesure infini et un bon goût jamais démenti des sonorités modernes, synthétiques, qui font de ce « Conscience » un disque bien ancré dans son époque, et non un exercice de style en forme de madeleine proustienne renvoyant à des temps immémoriaux. Un disque qui plus de vingt après n’a toujours pas pris une ride …
« Conscience » est un disque où tout n’est que retenue, luxe, calme et volupté. Des arrangements soyeux (c’est Chris Blackwell, le patron d’Island qui produit), au service de mid-tempos swingants, funky, de langoureuses ballades soul, avec une justesse de ton toujours présente. Et puis, quand on s’appelle Womack ou Cooke, on sait ce que chanter veut dire. Le plus généralement, les deux se partagent les parties vocales de tous les titres, sauf sur « I am love », bluette pop miraculeuse au délicat groove funky couché sur un tapis de percussions électroniques et qui revient à la seule Linda.
Et ce disque tout en caresses sonores rencontrera (au moment où explose à la face de la planète le rap militant et revendicatif des Public Enemy) un bon succès a priori improbable tant il semblait éloigné de tout effet de mode. Deux titres iront même squatter les premières places des charts un peu partout dans le monde, les fantastiques « Celebrate the world » et surtout « Teardrops » et son groove imparable qui renvoie Earth, Wind & Fire, Kool & The Gang et autres bruyantes sornettes à leurs chères études.
Bizarrement un succès sans trop de suites, le couple ayant plutôt préféré se consacrer à la vie de famille qu’à la musique …


VAN MORRISON - HARD NOSE THE HIGHWAY (1973)




En roue libre ...
Il y a dans ce Cd comme une odeur de cendre, comme si le brasier de trop plein d’âme qui consumait Van the Man depuis quasiment une décennie, était, lentement mais sûrement, en train de s’éteindre. Ou, pour être plus méchant, comme des vapeurs de formol ou de naphtaline, comme si tout ce qu’il nous est donné d’écouter sur ce « Hard nose the highway », on le connaissait déjà par cœur.
Ce disque n’est pas mauvais, il est juste ennuyeux. Ici, nulle trace de ces bouffées sanguines qui faisaient éructer au jeune Irlandais des « Gloria » ou des « Mystic eyes », lui faisaient pulvériser les classiques du répertoire soul et rythm’n’blues du temps des Them. Pas non plus de ces grandes envolées mystiques où son gosier de feu incendiait les tempos jazzy de ses premiers disques solo, avec mention particulière à « Moondance », mon préféré …
Avec « Hard nose … », Van Morrison déroule … Il faut quand même lui savoir gré de ne rien céder aux airs du temps de ce début des 70’s, de ne pas faire rugir guitares et amplis Marshall, de ne pas se perdre dans des redondances pompières classico-progressives. Van Morrison reste lui-même, le souffle épique qui le caractérisait jusque là en moins.
« Snow in San Anselmo » et « Warm love » qui ouvrent le disque sont pour moi nettement au-dessus des autres titres… Van Morrison n’est pas « fini », témoin le double live « It’s too late to stop now » qui suivra, où, boosté par le public, il démontre qu’il est toujours capable de se transcender et de transcender son répertoire.
« Hard nose … » marque pour moi un tournant dans sa carrière. Désormais, on ne sera plus impressionné par ses disques, on les écoutera juste poliment. En essayant de réfréner des bâillements …

Du même sur ce blog :
Moondance