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PHOENIX - WOLFGANG AMADEUS PHOENIX (2009)

 

Qu'en aurait pensé Carmine ?

Ou Mozart …

Phoenix, c’est un des très rares machins musicaux français exportables. Des gens qui vendent de la rondelle argentée (ou du streaming) all around the world. Qui sous leur seul nom, sont capables de remplir le Madison Square Garden (les premiers, avant le tour de piste final d’Aznavour) …


Phoenix, c’est un beau gosse qui chante, trois moches derrière, dont deux à lunettes (exactement comme Blur, musicalement la comparaison s’arrête là). Le beau gosse, Thomas Mars (un pseudo, ça claque mieux que Thomas Pablo Croquet, son état-civil officiel), est en plus le mari et le père des deux enfants de la très people Sofia Coppola, fille de Francis Ford et petite-fille du Carmine du même nom …

Phoenix, c’est la connexion versaillaise de ce qu’on a appelé la French Touch, avec Air et Daft Punk, des types qui se connaissent depuis le collège. Phoenix, c’est les plus accessibles, grand-public, du lot (même si les deux autres, c’est pas férocement expérimental). Phoenix, c’est du pop-rock pour ados, farci de machines, de programmations, de boucles, de synthés. Ils sont quatre (chant, deux guitares, basse) plus deux en studio et sur scène (un batteur, un clavier), plus leur producteur Philippe Zdar (du duo electro Cassius) devenu à l’époque de ce « Wolfgang … » à peu près le cinquième membre « officiel » du groupe.

« Wolfgang … » comme tous leurs disques, compte dix titres. Bien souvent, ça sonne comme les Strokes du début (les mid-tempo enlevés et sautillants de leur premier album), mais comme tous les sons sont repassés par des bécanes électroniques, c’est du Strokes désincarné, déshumanisé. Définitivement pas ma tasse de thé.


Ce « Wolfgang … » je l’ai acheté d’occase (pour le prix d’un demi-pression, port compris) dans une version comprenant le Cd plus un Dvd. Avantage (?) du Dvd, on peut l’écouter en 5.1 (y’a une version vidéo, enfin un gros plan sur le disque qui tourne sur une platine), on a droit à une autre version avec paroles en version karaoké. Ce qui est intéressant (enfin, intéressant, je me comprends), ce sont les trois autres versions du disque. Une présentant Phoenix « at work », une avec les commentaires de Phoenix et une avec ceux de Zdar à mesure que défile la musique.

La première, sur les moins de quarante minutes que dure « Wolfgang … », nous montre le groupe écouter le mix des morceaux, battre la mesure, jouer de la air guitar, essayer des trucs à un doigt aux claviers, commenter le poussage de boutons sur la table de mixage … ouais, super, mais ils jouent quand ? On les voit jamais jammer, répéter. Ils sont comme Chuck Berry ou Robert Johnson, ils veulent pas révéler les secrets de leur jeu ? Ah et on les voit boire des canettes de soda, parce que jamais une bouteille d’alcool ou un paquet de clopes dans le décor. Les Phoenix en studio, c’est pas exactement les Stones à Nellcote, si vous voyez ce que je veux dire. Ils sont amish ou quoi, ces types ?


Concernant les commentaires du groupe et ceux de Zdar, ce sont ces derniers les plus intéressants, il s’implique un peu à décortiquer les titres et leurs enchaînements de séquences. Par contre, les Phoenix, manifestement, ils ont pas grand-chose à dire (ou ne veulent pas dire grand-chose) sur leur disque. Mais quelques réflexions incitent à se gratter l’occiput d’un doigt dubitatif. Je cite. A propos de « Litzomania » (principal single, en tout cas titre le plus connu) : « Les Beatles transposés dans la musique classique », rien que ça (pourquoi pas mieux que « Norvegian wood », tant qu’on y est), également « (titre) beau et élégant » (hum …). A propos de « 1901 » (l’autre gros single) : « inspirée par « 1999 » de Prince » (vraiment ? y’a davantage d’idées dans le seul titre de Prince que dans tout « Wolfgang … »). Lequel « Wolfgang … » serait une « quête mystique » (non, les gars, juste de la variét’ dansante). Plus belle pour la fin : « Countdown » est inspirée par le Bryan Ferry de « Avalon » et de « Smoke gets in your eyes », sauf que cette dernière est déjà une reprise d’un traditionnel popularisé par les Platters, faudrait réviser vos classiques, les enfants … Les commentaires de Zdar sont moins prétentieux, il cite juste une fois Neil Young (?) et Prince, une autre fois une partie de banjo « à la Délivrance », le film, et un pont de (fausse ?) batterie « à la AC/DC » (en fait un pompage de la rythmique de « Thunderstruck » sur « Girlfriend »).

Au final, si on s’en tient juste à la musique, il en reste quoi, de ce « Wolfgang … » ? Des singles très « pensés », efficaces et commerciaux (« Litzomania », « 1901 »), des titres surchargés d’arrangements synthétiques (ça passe mieux sur l’instrumental « Love like a sunset Pt I »). Dans le lot, je sauve « Rome » (sauf la voix de Mars, toujours trafiquée dans les aigus, c’est un gimmick qui finit par être pénible) et sa jolie intro.

Retour à Carmine (Coppola), le grand-père de Sofia (Coppola) et compositeur de musique de films pour Francis Ford (Coppola). Qu’est-ce qu’il en aurait pensé du disque du mari de sa petite-fille ? Je vais pas faire parler les morts, mais enfin, j’ai ma petite idée …

Quant à moi, ce que j’en pense, c’est vous qui avez aussi une petite idée …


GUNS N'ROSES - APPETITE FOR DESTRUCTION (1987)

 

Welcome to Sunset Strip ...

1987 … Ça commençait à sentir le sapin … Les joueurs de synthé à un doigt de la new wave retournaient dans l’obscurité d’où ils n’auraient jamais dû sortir, U2 sortait un grand disque pour le marché américain (« The Joshua tree »), laissant plus ou moins au vestiaire guitares et tempos rapides, Simple Minds viraient pompier new age, Cure devenaient joyeux (un comble), … Du côté des Ricains, pas mieux chez Dylan, Springsteen, Neil Young, auteurs de rondelles que pour être gentils on qualifiera d’embarrassantes. Seul Prince sortait avec une régularité de métronome un chef-d’œuvre par an (en 87, c’était « Sign the times », à mon sens le meilleur de sa discographie) …

Ouais, mais voilà, j’aimais bien entendre le son d’une guitare saturée branchée sur un ampli Marshall, et de ce côté-là c’était la soupe à la grimace. Jesus & Mary Chain chez les Rosbifs, Hüsker Dü de l’autre côté de l’Océan, quelques rares autres de moindre niveau un peu partout, le tour du proprio était vite fait … restait les hardos pour envoyer du boucan … sauf que j’avais plus quinze ans, et que les rondelles calamiteuses de Scorpions, Van Halen, Aerosmith ou AC/DC n’étaient pas faites pour ranimer ma flamme. La « fameuse » NWOBHM m’avait toujours gonflé, leur tête d’affiche Iron Maiden en tête, les lecteurs de Bruitos Magazine commençaient à se refiler sous le manteau le nom de Metallica (bâillements) …


Quelques Ricains, maquillés comme des voitures volées (ou comme Bowie à la fin d’un concert en 73) lançaient la mode du glam metal, dans le meilleur des cas un revival Alice Cooper (qui, comme par hasard, n’était pas vraiment au mieux dans les 80’s). Phénomène musical essentiellement californien (Mötley Crüe, Ratt, Poison, Cinderella, Quiet Riot, …), qui se concentra vite sur Los Angeles, et établit son siège social sur une partie de Sunset Boulevard, là où se trouvaient salles de jeux, dealers, boîtes de striptease et jeunesse blanche, Sunset Strip. Et on y voyait parader tous ces groupes, dans une compétition de looks décadents, tous ces types bourrés et/ou défoncés avec à leurs bras des bimbos fortement siliconées, délurées et court vêtues, ce qui faisait fantasmer tous ceux qui ne s’étaient pas encore faits un nom.

Parmi ces anonymes, deux types avaient monté chacun leur groupe, L.A. Guns et Hollywood Rose. Le premier fondé par le guitariste Tracii Guns, le second, Hollywood Rose par un certain William Bruce Rose Jr, venu de sa cambrousse de l’Indiana pour profiter de la fête non-stop de Sunset Strip. Cas social à peu près désespéré, il se rebaptisera Axl Rose (anagramme transparent, y’ a que sept lettres …). Les deux groupes fusionnent en Guns N’Roses, les musiciens défilent, certains arrivent, d’autres font leurs valises, dont assez vite, Tracii Guns. Au bout d’un moment, la formation se stabilise. Aux côtés d’Axl Rose, on va trouver trois américains, le guitariste rythmique Izzy Stradlin, le bassiste Duff McKagan, le batteur Steven Adler, et un guitariste anglais, Saul Hudson, auto-rebaptisé Slash. Slash est pour ainsi dire un enfant de la balle, sa mère était conceptrice de tenues de scène, notamment pour David Bowie, qui paraît-il l’a un temps fréquentée pas seulement pour des raisons artistiques …


Ce quintette va se faire une place et un nom sur Sunset Strip. Ils emménagent dans un squat, vite rempli de bouteilles vides, de poussières blanches et de filles consentantes. Et surtout, emmenés par Axl Rose, émérite bagarreur, faire changer toute la concurrence de trottoir quand ils les croisent sur Sunset Strip. Le premier, David Geffen au nez particulièrement creux dès qu’il s’agit de trouver des gens à fort potentiel commercial, les repère et les signe. Et là, miracle …

Les cinq zozos, à longueur de temps dans un état proche du comateux, vont s’atteler à l’enregistrement d’un disque qui va faire date. Parce qu’il va s’en vendre des dizaines de millions all around the world, et parce qu’en plus il est excellent. En gros, « Appetite for destruction » est le dernier grand disque de (hard) rock des seventies sorti alors que la décennie suivante va sur sa fin.

« Appetite ... » est un concentré et un résumé de tout ce que le rock pour les hommes, les vrais, a fait de mieux depuis trois décennies. Du rock’n’roll fifties (Cochran, Petit Richard, …), du British 60’s (Stones, Yardbirds, …), du hard 70’s (Purple, Led Zep, AC/DC, Aerosmith, …), du punk surtout américain, plus « brutal » que les British (Black Flag, Bad Brains, Dead Kennedys, …). Tout ça mélangé à la sauce Guns N’Roses, sans que jamais ça sonne comme un copier-coller. Il y a une trademark Guns avec ce premier disque. Tous les titres ont une longue intro, travaillée (celle, mirifique de « Paradise City » dure 1’20’’ et en est le meilleur exemple), des couplets, des refrains, des ponts, et un vrai final (jamais de shunt brutal ou de fading). Autrement dit, même sous l’effet bulldozer de certains morceaux bien bourrins (« You’re crazy », exemple type), il y a un vrai travail d’écriture.


Avant d’être la chose d’Axl Rose qui imposera ses avis aux autres à coups de baffes, le Guns N’Roses d’ « Appetite … » est le disque d’un vrai groupe, où chacun participe sans chercher à attirer sur soi la lumière. Les trois de la rythmique maintiennent une pression constante, Slash balance de courts solos antithèse de la plupart des guitar-heroes, l’Axl utilise plusieurs tonalités, ne se contentant pas de brailler dans les aigus … Pour faire un grand disque, il faut au moins un titre qui marque les esprits, qui serve de locomotive pour le reste de la rondelle. « Appetite … » ne fait pas les choses à moitié, ou plutôt la moitié des titres sont fabuleux.

Par ordre d’apparition, « Welcome to the jungle » est une entrée en matière idéale, intro marquante, mid-tempo appuyé par une batterie tachycardique, pont qui lorgne vers celui de « Whole lotta love » … « Nightrain » est un des nombreux singles, pas exceptionnel, juste excellent. « Paradise City » est au moins dans le Top 10 des plus grands morceaux de hard, intro fabuleuse, accélération permanente de dragster, faux final avant les deux dernières minutes où tout le monde est à nouveau à fond. Claque monumentale … « My Michelle » n’a rien à voir avec celle de McCartney, mais serait très fortement inspiré d’une copine junkie d’Axl Rose, tempo de punk’n’roll lui aussi en accélération permanente. « Sweet child o’ mine » est l’autre titre d’anthologie, ballade up tempo, le titre qui met le plus Slash en valeur. « Rocket Queen » conclut les cinquante trois minutes du disque en apothéose avec ses deux parties distinctes reliées par des roulements de batterie et les gros riffs de Slash.


Alors forcément le reste souffre un peu de la comparaison, que ce soit le hard tendance FM de « Mr Brownstone », les ponts façon psyché de « It’s so easy », le bourrin « Out ta get me » avec ses chœurs de hooligans et ses faux airs par moments de « Flight of the rat » du Purple. Une paire de titres sont un peu les parents pauvres de la rondelle, plutôt anecdotiques (« Think about you », « Anything goes »), bien qu’ils puissent faire figure de chefs-d’œuvre chez la plupart de la concurrence …

Pour faire retomber les dithyrambes, juste un mot sur la pochette, plutôt très moche, sachant que celle qui était prévue (un dessin représentant un robot qui vient de violer une femme affalée contre un mur culotte sur les genoux), a été jugée trop vulgaire (juste verdict) par Geffen et supprimée assez vite.

Le mystère restera de savoir comment cinq toxicos je-m’en-foutistes ont pu pondre pareille merveille. Parce que la suite sera une assez remarquable chute libre. Axl Rose prendra un melon phénoménal, entre réparties aberrantes, torgnoles à tout-va à tout ce qui passe à portée, nouveau look à base de bandanas et de shorts de cyclistes, admiration sans burnes pour Elton John, etc … Tout ça culminant avec les deux heures et demie de la doublette « Use our illusion », où une poignée de bons morceaux (dont une reprise d’anthologie de « Knockin’ on heaven’s door ») seront noyés sous un déluge de titres à rallonges boursouflés et prétentieux, le tout avant l’inévitable débandade, le nullissime disque en solo d’Axl sous le nom de Guns N’Roses après quinze ans ( ! ) de studio, et les tout autant prévisibles réconciliations, reformations, etc …

« Appetite for destruction » avait suffi pour entrer dans la légende …


ALICE COOPER - FROM THE INSIDE (1978)


 Shock Corridor ?

Résumé des épisodes précédents : Alice Cooper était un groupe censé représenter le double maléfique de son chanteur Vincent Furnier. Après quelques années de disques plutôt bons, voire plus pour certains (« Killer », « School’s out, « Million dollar babies », liste non exhaustive), de grosses ventes, des concerts très courus et de plus en plus spectaculaires, exit le Alice Cooper Group, et place à Vincent Furnier solo sous le nom d’Alice Cooper. Qu’est-ce que ça change, me direz-vous ? Sur le papier pas grand-chose, même si la perte du bassiste Dennis Dunaway, architecte sonore des débuts, va se traduire par un changement de tonalité musicale. Le premier disque solo, « Welcome to my nightmare » est le plus gros succès de « groupe ». Faut dire que Furnier a conservé son atout maître : le producteur canadien Bob Ezrin. Qui va le suivre pour encore deux albums, puis jeter l’éponge. En cause, le comportement totalement erratique de Furnier. Qui a fini par réellement devenir schizophrène, totalement alcoolo (il avouera quelques années plus tard consommer par jour une centaine de bières et deux litres de bourbon, euh … vraiment, t’exagérais pas un peu quand même quand tu prétendais ça, Vincent ?). Résultat des courses : un internement plus ou moins volontaire fin 77 en hôpital psychiatrique pour une « remise à niveau ».

Vincent Furnier 1978

Et musicalement, au niveau de son entourage, nouveau départ. Aux paroles, Bernie Taupin, certainement rencontré sûrement au comptoir d’un bar, quand on connaît le goût pour la picole du partner in crime d’Elton John. A la direction de l’orchestre, Dick Wagner (du duo siamois Hunter-Wagner, remember le « Rock’n’roll animal » de Lou Reed) compagnon de route du Coop depuis plusieurs années. Est rassemblé un équipage pléthorique, au sein duquel on trouve des requins de studio très cotés (Jim Keltner aux fûts), et d’autres en devenir (Rick Nielsen, futur Cheap Trick, Lukather et Kimball, futurs Toto), et une armada de choristes. A la production, un autre Canadien, David Foster, aux déjà nombreux (mé)faits d’armes …

« From the inside » est en quelque sorte un concept-album autobiographique, inspiré par l’internement du Vincent. Vraiment vécu ou résultat d’un brainstorming avec Taupin ? J’en sais rien et je m’en cogne un peu beaucoup si vous voulez savoir. Parce que de toute façon et de n’importe côté qu’on l’envisage, « From the inside » ne fait pas partie de ce que l’homme au boa a fait de mieux. Même si attention, vu le casting et le pognon de dingue comme dirait l’autre guignol, il y a de quoi dans cette rondelle pour attirer le chaland, et le banquier d’Alice a été bien content … Pour situer, « From the inside » pour Alice Cooper, c’est un peu comme « Dynasty » pour Kiss. Le disque carrément à l’assaut des passages radio. Sauf qu’ici pas de tube inoxydable et putassier à la « I was made for lovin’ you ». Même si avec « How you gonna see me now », le Coop s’est essayé au hit consensuel, qui ne sonne finalement que comme un fond de tiroir de l’Elton John de l’époque, et qui n’a vraiment été qu’un succès … en Belgique.

Alice Cooper 1978

J’ai cité Elton John. Et j’assume. Je sais pas si c’est la présence de Taupin ou le fait que beaucoup de titres reposent sur le piano, ou les deux, mais il me semble qu’il y a beaucoup du collectionneur de lunettes dans « From the inside ». « Wish I were born in Beverly Hills » aurait pu avoir sa place sur « Goodbye Yellow brick road », de même que le « How you gonna see me now » déjà cité.  Sinon, ça lorgne parfois vers le baroque, plus ou moins pompier. « Nurse Rozetta » (bonjour le cliché du fantasme sur l’infirmière), fait furieusement penser à la musique du « Rocky Horror Picture Show », et l’ultime, long et tarabiscoté titre final (« Inmates … »), on retrouvera tout ça en bien mieux sur « The Wall » de Waters – Pink Floyd, un disque produit par … Bob Ezrin. Comme quoi tout est dans tout et inversement …

Moi, ce qui me plaît chez le Coop, ce sont ses bons gros riffs méchants. Portion congrue ici, il faut se contenter de l’assez quelconque « Serious » pour avoir quelque chose qui ressemble à du (vrai) rock. Au débit également, la voix malsaine et vicieuse ne drive plus les morceaux, elle fait juste de la figuration sur quelques bribes de titres.


Y’a même un duo assez consternant (avec Marcy Levy ou Marcella Detroit, en fait c’est la même, une ancienne choriste à Clapton), ça s’appelle « Millie and Billie », roucoulade entre deux internés toxicomanes … on est assez loin de « Vol au-dessus d’un nid de coucou », dont « From the inside » s’était de façon assez évidente inspiré …

Allez, une paire de trucs à sauver, « From the inside » le morceau, rock middle of the road sympathique et « The quiet room », entame de ballade mièvre et vaporeuse avant une accélération et un final où l’Alice retrouve sa voix « historique » …

Ce disque très centriste et plutôt mollasson sera une bonne vente, ça permettra au Coop de rajouter quelques numéros tordus et d’autres effets spéciaux gore dans ses concerts, qui seront de plus en plus courus, et la cash machine de l’Alice Cooper Inc. pourra tourner à plein régime …

Il n’empêche, c’est avec ce genre de disques assez inconsistants que le futur partenaire de golf de Donald Trump (‘tain, sans déc’, mon petit Vincent, comment t’as fait pour tomber aussi bas ?) entamera une carrière grand public … Sans moi (ouais, je sais il a pas fait que des daubes depuis plus de quarante ans, y’a quelques trucs passables de temps en temps) …


Du même sur ce blog :




DAVID BOWIE - THE RISE AND FALL OF ZIGGY STARDUST AND THE SPIDERS FROM MARS (1972)

 

Passer au niveau supérieur ...

1972 … David Jones rebaptisé Bowie essaie depuis huit ans (« Liza Jane », 1964) de capter la lumière des projecteurs de la célébrité. Il s’est beaucoup dépensé, a suivi beaucoup de courants musicaux, seul ou avec des groupes. Il a même eu un hit, « Space Oddity », surfant sur la vague « 2001, Odyssée de l’Espace ». Il vient de signer un grand disque (« Hunky Dory ») accueilli favorablement par la critique, nettement moins par le public … La preuve, le titre imparable qu'il contenait (« Life on Mars ») a fait un bide en single (ce titre ressortira en 73 et il finira cette fois en haut des charts). Et pire pour l’amour-propre de Bowie, son pote Marc Bolan avec qui il rêvait de conquérir les charts, est devenu l’idole des jeunes anglais (et des très jeunes anglaises) avec ses chansons pour lesquelles on a créé le terme de glam-rock …

David Bowie début 1972

Rétrospectivement, on peut dire que Bowie va tenter un coup de poker fabuleux, de ceux qui peuvent à jamais te ridiculiser ou faire de toi une superstar. Parce que, réfléchissons cinq secondes, comment faire gober a priori un concept fumeux aussi con que celui de Ziggy Poussière d’Etoile et ses Araignées de Mars, à un public anglo-saxon qui a connu les Beatles et voit les Stones au sommet de leur art (pour ne citer que les deux grands groupes de la perfide Albion) ? Bonne question, camarade, j’ai bien peur qu’elle reste à jamais sans réponse … C’est peut-être à ce genre d’intuitions géniales qu’on reconnaît les meilleurs, les plus grands … renverser la table et repartir de zéro …

« Concept » et musique chemineront de pair. Ziggy Stardust est l’antithèse du Major Tom de « Space oddity ». Major Tom partait vers les étoiles dans sa fusée, Ziggy est un alien qui arrive sur Terre. Bon, je vous l’accorde, faut avoir cinq ans ou pris les bonnes drogues pour trouver le concept intelligent voire intéressant (et je vous fais cadeau des paroles des chansons (de l’alligator bisexuel de « Moonage daydream » au temps qui prend une cigarette dans « Rock’n’roll suicide », y’a de quoi se gratter l’occiput …). Le personnage de Ziggy Stardust est un mix improbable de Vince Taylor, (forcément) Iggy Pop, et de l’excentrique countryman Legendary Stardust Cowboy. Bowie se coupe les cheveux, les teint en jaune citron, commence à rechercher des tenues extravagantes en suivant de près les créateurs de mode japonais. C’est ce look qu’il arbore sur la pochette de « … Ziggy Stardust … » (si le pèlerinage londonien des pochettes de disques vous intéresse, après le passage clouté devant les studios au 3 d’Abbey Road, rendez-vous au 23 Heddon Street pour celle de « … Ziggy Stardust … »). Ne pas s’y tromper, le meilleur est quand même ce qu’il y a à l’intérieur de la pochette …

Le même, quelques mois plus tard

« … Ziggy Stardust … » a été enregistré dans la foulée de « Hunky Dory ». Six mois jour pour jour séparent les deux disques (Décembre 71 pour le premier et Juin 72 pour le second, ça on peut pas l’ignorer, tellement les célébrations du cinquantenaire de la parution ont été médiatisées). Et la tournée qui suit la parution de « Hunky Dory » qui débute en Février 72 sera basée sur les titres à paraître … Imagine-t’on de nos jours une quelconque « vedette » issue des télécrochets sortir un disque tous les six mois et tourner avec un tiers d’inédits au répertoire ? Répondez pas tous en même temps, mais quelque part on a les idoles qu’on mérite …

« … Ziggy Stardust … » a une place particulière dans la discographie de Bowie. Tout en haut … alors que la période Ziggy n’a duré que de Février 72 au 3 Juillet 73 (« mort » officielle de Ziggy Stardust lors du concert documenté par un live au Hammersmith Odeon). La raison est toute simple, ce disque est incontournable parce qu’il est excellent, un des marqueurs essentiels du rock seventies et du rock tout court.

Bolder, Woodmansey, Bowie & Ronson : Spiders from Mars

Des points faibles ? En cherchant bien, une paire. Le cœur du disque, « It ain’t easy » et « Lady Stardust » (sur le vinyle dernier titre première face et premier seconde face) est constitué par les deux morceaux qualitativement en retrait par rapport aux autres. Le premier, une reprise du peu connu Ron Davies (compositeur américain « tout-terrain » venu de la country) dénote avec la tonalité générale de l’album et la seconde, ballade bien dans le concept du disque, mais composition prévisible. Ces deux titres ne seront quasiment jamais joués sur scène tout du long de la carrière de Bowie. Autre point discutable, le choix délibéré de Bowie de chanter très haut dans les aigus, alors qu’il a une palette vocale beaucoup plus étendue … bon, fin de la rubrique « cherchons des poils sur les œufs » …

Alors, il y a les compositions dont un bon paquet font partie de ce que Bowie a fait de mieux. Une mise en place sonore qui est un modèle du genre. Captation d’un quatuor « basique » (basse-batterie-guitare-chant) sur lequel les ajouts (sax, piano, orchestre à cordes) semblent couler de source. Le tout en glorieuse stéréo seventies (des effets très clairs entre droite et gauche), une voix de Bowie souvent doublée sur les refrains, et des mises en avant de la guitare de Ronson quand celle-ci prend le jeu à son compte, qu’il s’agisse de riffs ou de solos. Aux manettes, Ken Scott, venu des studios Abbey Road qui a fait ses premières armes comme assistant de George Martin sur les disques des Beatles, ce qui donne quand même quelques idées sur la façon d’utiliser du matériel d’enregistrement. Et nul doute que si officiellement ce sont Bowie et Ronson qui sont crédités aux arrangements, Ken Scott y est aussi pour quelque chose. Quelques exemples, le fade-in de batterie sur l’intro de « Five years », les riffs colossaux de Ronson sur « Soul love », ceux de « Moonage daydream » qui shuntent le fading de « Soul love », le crescendo à apprendre dans les livres d’histoire de « Rock’n’roll suicide ».



Bowie & Ronson live at Santa Monica

« … Ziggy Stardust … » est le disque qui a fait de Mick Ronson un des guitaristes marquants des années 70. Capable de s’effacer, de se faire rythmique et discret, et puis d’exploser dans les tweeters pour des riffs d’anthologie (« Soul love », « Moonage daydream », « Star », « Suffragette City »), ou de solos marquants (le final de « Moonage daydream », celui de « Hang on to yourself »).

Avec ce disque, Bowie règle définitivement son compte à Bolan. Certes, T. Rex sera en Angleterre et en Europe un plus gros vendeur. Mais Bolan se verra dépassé sur son aile gauche. A grands coups de déclarations tapageuses so shocking pour la société de l’époque (« je suis bisexuel »), de maquillages peu discrets, et d’excentricités capillaires et vestimentaires en tout genre, Bowie va pousser le bouchon beaucoup plus loin que son ami-rival. Mais là où Bowie fera la différence, c’est qu’il va aller (alors que commercialement il n’y est rien) « démarcher » le public américain, multipliant les tournées Outre-Atlantique. En une paire d’années, il y deviendra, sinon une superstar (trop clivant, imaginez l’effet du look Ziggy – Diamond Dogs dans le Midwest et le Sud profond), en tout cas quelqu’un de connu …

Comme c’est écrit au verso de la pochette, « to be played at maximum volume » … et le plus souvent possible …


Du même sur ce blog :

GRAVENHURST - FIRES IN DISTANT BUILDINGS (2005)


 Never say never ...

Warp … c’est le label de Gravenhurst … Vous connaissez pas les trucs du label Warp ? Vous avez bien raison … Originellement dédié à de la musique électronique expérimentale (ça fout les jetons, n’est-il pas…), révéré par quelques malentendants adorateurs de Broadcast (Portishead du pauvre), Boards of Canada (Pink Floyd des sourds), Aphex Twin (Boulez pour trisomiques), j’en passe et des pas meilleurs, le label s’est comme tous, ouvert à l’économie de marché, comme disent les ultra-libéraux qui veulent se faire passer pour progressistes … Et donc a signé des gens susceptibles de vendre (un peu) de disque, pour faire bouillir la marmite.

Au mitan des années 2000, Warp signe le dénommé Nick Talbot (originaire de Bristol, c’est pas non plus rendez-vous en terre inconnue quand on donne dans la musique électronique), folkeux minimaliste et dépressif se cachant sous le nom de Gravenhurst … Le gars fait ses disques tout seul, et se fait accompagner par quelques comparses en live, le tout pour une célébrité qui ne lui a, on s’en doute, jamais valu la une des JT …

Nick Talbot

Tout ça pour dire, que ce « Fires in distant buildings », jeté sans la moindre once de conviction dans la gueule du lecteur de Cd, j’en attendais rien … tu parles, un folkeux lo-fi sur le label roi des joueurs de disquette …

Mea culpa, errare humanum est, and so on … Parce que sur ce « Fires in distant buildings », ben, y’a rien à jeter (ouais, bon, la pochette si on veut). Le titre de la rondelle, on le dirait trouvé par David Byrne et Brian Eno (« More songs about buildings and food » des Talking Heads). Ça tombe bien, le Brian est une des références de Talbot, et ça s’entend … enfin le Eno des disques des mid seventies, pas celui ambient ou des musiques d’ascenseur. Mais plus encore que le dégarni bidouilleur de sons et de mélodies, moi Gravenhurst, ça m’évoque Nick Drake. Du timbre voilé à la pureté mélodique des compositions, le triste barde folk à la musique féérique est présent tout le long des titres. Mais chez Talbot, les chansons ne sont pas uniquement à base d’arpèges acoustiques ou d’arrangement de cordes. Gravenhurst, on dirait souvent Nick Drake accompagné par les Yardbirds époque Beck-Page.

Parce que de temps en temps (et pas tout le temps, sinon la formule serait vite éventée), le Talbot balance de grands riffs sursaturés tous potards sur onze, et va même sur une reprise hallucinée (on y reviendra) de « See my friends » jusqu’à partir dans un rave-up acide que ne renieraient pas les fans de Quicksilver Messenger Service … Les titres de Gravenhurst prennent leur temps (huit pour plus de cinquante minutes) sans qu’une seule fois on pense remplissage ou délayage. Sur le coup, le Talbot n’a pas tout enregistré et produit tout seul, il s’est adjoint les services d’un vrai batteur (et il le fallait, une boîte à rythmes ou un séquenceur, ça l’aurait pas fait du tout sur l’intro de « Song from under the arches », cette batterie lointaine et qui semble à la dérive, avant de prendre en main le morceau, faudrait apprendre ça dans les écoles de musique). Talbot pour le reste se débrouille plutôt bien, sur tout ce qui a des touches blanches et noires (pas trop de synthés, de vrais orgues ou pianos, ou alors c’est plus que bien imité) et même à la guitare (le guitar hero chez Warp, c’est lui, et me dites pas que c’est pas difficile, que c’est le seul à en jouer sur le label …).


« Fires … », faut juste passer les trente premières secondes du disque qui donnent pas envie d’aller plus loin. Sur ce titre (« Down river », référence au millième degré à Neil Young ?), après une intro donc désolante, s’immisce une mélodie jazzy sophistiquée qui rappelle Steely Dan, avant que le final, entamé avec de gros riffs qui font planer l’ombre royale cramoisie de Robert Fripp (ou de ses quelconques imitateurs contemporains genre Black Midi).

« The velvet cell » suit, et là, avec la voix nonchalante et la mélodie power pop, on se croirait sur le premier Strokes. Une merveille de truc sautillant de trois minutes. Et alors qu’on croit que tout est dit, un break, et Talbot sur un final instrumental sur un tempo totalement différent. Bien joué … C’est ce final qui servira de base quelques titres plus loin à la bien nommée et très rock « The velvet cell reprise ». Entre temps, changement de décor sonore, le folk très Nick Drake de « Animals » et la lenteur dépouillée de « Nicole » (esprit de Leonard Cohen, sors de ce corps …) sont là pour démontrer qu’on peut encore faire du neuf et du beau avec des formules pourtant déjà ressassées à l’infini …

« Cities beneath the sea » est construit sur une base folk crépusculaire, et amène une autre preuve de l’aisance mélodique du sieur Talbot, avant qu’il fasse décoller ce titre par une partie d’orgue et une redescente rythmique où s’entrecroisent synthés discrets et arpèges de guitare (ou le contraire). Tout ça conduit à la pièce montée du disque (plus de dix minutes), « Song from under the arches ». J’ai déjà dit tout le bien que je pensais de son intro avec cette espèce de batterie flottante, mais on n’est jamais au bout de ses surprises avec ce titre, où l’on trouvera des passages avec guitares lentes et lourdes (genre Black Sabbath), une partie très apaisée avant un final tout en riffs dévastateurs digne du meilleur de King Crimson. Par sa construction, ce titre n’est ni plus ni moins que du prog, mais du prog comme n’en ont même pas envisagé en rêve les Genesis ou Yes de sinistre mémoire …


Last but not least, la reprise de « See my friends » des Kinks (précision à l’usage des auditeurs habituels des productions Warp). Le titre est ici quasiment méconnaissable (ne subsiste que la mélodie très ralentie), traité comme Jojo Harrison l’aurait fait de retour de son ashram indien quand il avait la tête dans les bâtons d’encens (très psyché-orientale donc). Et le final du morceau (de moins de trois minutes dans sa version originale, on arrive ici à neuf) devrait ravir comme j’ai dit plus haut tous les amateurs de Cippolina …

Ce « Fires … » est parfait. Assez loin en termes de qualité avec tout ce qu’a produit avant ou après Nick Talbot / Gravenhurst. C’est ce que dit la rumeur publique et ce qu’il m’a semblé après l’écoute de quelques titres au hasard du reste de sa discographie.

N’empêche, un des grands disques de rock de ce siècle qui en a pas produit foule … et tout ça chez Warp … ce monde fout vraiment le camp …


ELLIOTT MURPHY - JUST A STORY FROM AMERICA (1977)

 

L'homme aux semelles de vent ...

Elliott Murphy, c’est un voyageur … ou un exilé. En tout cas une trajectoire étrange …

La première fois que j’ai vu son nom, c’était sur les notes de pochette du « Live 69 » du Velvet Underground (bien après sa parution, je suis très vieux, mais pas à ce point …). Je savais aussi qu’il y avait un Elliott Murphy qui faisait des disques, mais j’avais pas la moindre idée de ce à quoi ça pouvait bien ressembler, et j’avais pas fait le rapprochement entre les deux … qui étaient évidemment la même personne. Je me suis (un peu) rattrapé depuis …


Murphy, c’est un new-yorkais littéraire, d’où les notes de pochette du Velvet. Il fait aussi de la musique et son premier disque (« Aquashow ») sort en même temps que le premier d’un de ses potes, un brave gars du New Jersey, Springsteen de son nom, Bruce de son prénom. Et comme le Bob Dylan, grosse influence pour les deux, n’est pas au mieux dans ce premier tiers des années septante, on les présente bien sûr comme les nouveaux Bob Dylan …

On connaît la suite pour Springsteen … on sait aussi que c’est un mec bien qui n’oublie pas ses vieux copains et il a fait monter sur scène plusieurs fois Elliott Murphy quand ses tournées passent par la France. Parce que Murphy est maintenant depuis une quarantaine d’années le plus français des new-yorkais ou inversement …

Alors, oui, Murphy il aurait pu être Springsteen à la place du Boss, … si tant est qu’il en ait eu envie. Parce qu’au départ, il avait tout pour lui, la culture, la belle gueule d’ange blond (s’ils ont fait des virées ensemble, avec le Bruce, pas difficile de savoir qui rentrait accompagné et qui retournait seul se palucher dans sa piaule de Hoboken), et il écrivait des chansons impeccables … sans vendre des disques. D’où une carrière de voyageur, un disque, un label …

« Just a story from America » est son quatrième. Cette fois-ci chez la vénérable maison Columbia, celle de Dylan … mais aussi de Springsteen et de Billy Joel … autrement dit, ça faisait beaucoup de types qui faisaient à peu près la même chose au même endroit au même moment … comme dans le film « Highlander », il a fallu procéder par élimination … là aussi, on connaît le vainqueur …

E Murphy et .... Slash ? Bruce Springsteen ? Faites vos jeux ...

Dans « Just a story … », il y a évidemment du Springsteen en filigrane, mais d’autres choses aussi. Mais c’est surtout de l’Elliott Murphy. Le gars sait composer, aborde plein de genres de ce qu’on appellera classic rock. Le résultat est superbe à deux exceptions près. A la batterie, il y a Phil Collins, qui à l’époque ne dédaignait pas de cachetonner entre deux bouses de Genesis. Je vais pas dire que le type n’y comprend rien, mais le rock, c’est pas manifestement son truc. Présence envahissante, plein de technique, et aucun feeling. Il n’y a qu’un titre où il ne joue pas, et ça s’entend, et la comparaison n’est pas à son avantage, même si le dénommé Barry DeSouza, qui officie sur ce « Caught short in the long run », n’est pas le plus connu (doux euphémisme) des batteurs des seventies …

Et s’il faut aller chercher des poils sur des œufs, on peut parler de la voix de Murphy. Impeccable sur les ballades et les mid-tempo, ça se complique sur les rythmes rapides et quand il faut lâcher les watts. Là, Murphy souffre du syndrome vanne EGR encrassée, ça manque de puissance (putain, si après pareille comparaison, je suis pas contacté par AutoPlus pour la place de rédac’chef, c’est que la presse écrite automobile va vraiment mal …). Ce manque de coffre (!) est particulièrement audible sur des titres comme « Think too hard » ou « Darlin’ (and she called me) ».


Il y a sur ce « Just a story … » de bien belles choses. « Drive all night » pour commencer. Un petit rock sautillant sympa, des riffs de cuivres (pour la seule fois sur le disque), dans une ambiance à la « Speedy Gonzalez ».  Oui, je sais, y’a un titre de Springsteen qui s’appelle « Drive all night ». Les deux n’ont rien en commun (si ce n’est ce goût de la conduite nocturne), et celui du Boss sortira trois ans plus tard …

Les deux moments forts de la rondelle s’appellent « Rock ballad » et « Anastasia ». Le premier bénéficie (et le mot trouve ici tout son sens), d’une intervention lumineuse de Mick Taylor et jette une passerelle entre Stones et Boss. Le second (sur la fin des Romanov) passera quelques fois sur les radios françaises (tard la nuit), et il y a un chœur gospel, on pense forcément à « You can’t always get what you want » (le classique des Louise Attaque) et la mélodie évoque celle de « Rock’n’roll suicide » de Maître Gims (c’est ça les réflexes automatiques, on commence par citer Genesis, et puis on finit par lister tous les trucs qu’on déteste …).

Pour être exhaustif, une mention pour la ballade « Summer house » et le mid tempo « Let go », dans le haut du panier du genre. Un mot pour le morceau-titre, étrange trame reggae (dans le sens où ça n’a pas grand-chose à voir avec les Jamaïcains, c’est pas non plus du reggatta de Blancs à la Police, on est plus près des tentatives dans le genre de Tatie Elton John ou d’Elvis Costello). Et Last but not least, la ballade springsteenienne qui clôt le disque, qui se nomme « Caught short in the long run », et qui par sa construction évoque « Jungleland » …

Comme ses prédécesseurs « Just a story … » sera une gamelle commerciale. Murphy s’exilera à Paris, recueilli dans un premier temps par (qui d’autre à l’époque) les gens de New Rose … Il se produit encore aujourd’hui accompagné depuis des années par son fils à la batterie et Olivier Durand (un ancien de la Story de Little Bob aux guitares). Il a le cheveu moins blond et plus rare, mais une sacrée présence live et ses concerts peuvent durer très très longtemps … Elliott Murphy écrit aussi des livres …

Un artiste majuscule en somme …


PUBLIC IMAGE - PUBLIC IMAGE (1978)


 Bad Religion ?

Tout commence avec les Sex Pistols … ou plutôt tout commence avec la fin des Sex Pistols. Le plus célèbre – provocateur – vendu (rayer la ou les mentions inutiles) orchestre punk, une fois paru son manifeste « Nevermind the bollocks » part vite en sucette (merci au crétin ingérable Sid Vicious, et aux divagations managériales de Malcolm McLaren), de toute façon, comment aurait-il pu en être autrement, les Sex Pistols par définition et essence n’étaient pas faits pour durer …

Walker, Levene, Wobble & Lydon : Public Image 1978

Le premier à claquer la porte (il ne supportait pas McLaren) et signer de fait la mort du groupe est Johnny Rotten. Qui reprend son état-civil (John Lydon), et entend montrer à la Terre entière que son génie n’a pas besoin d’un groupe de bras cassés et de McLaren pour éclater à la face du monde … Lydon étant quelque peu connu, il n’a pas trop de mal à monter un groupe. Et tant qu’à faire, il choisit pour l’accompagner des gens qu’il connaît depuis longtemps. Keith Levene à la guitare. Pote de Vicious et ayant fait partie d’une des formations du Clash avant qu’ils enregistrent leur premier disque pour CBS. Jah Wobble tiendra la basse. Lui et Lydon se connaissent depuis des années, il a appris la basse de façon autodidacte parce qu’il est fan de reggae et de dub, et n'a pas la réputation d’un type commode, ses poings étant son principal outil de communication … Le batteur (Jim Walker) sera recruté via une petite annonce.

Au départ et encore plus une fois la machine Public Image en marche, il sera évident que c’est le groupe de Lydon. Il faut des envies de généalogiste pour recenser tous ceux qui participeront au groupe, censé être encore en activité, même si ses parutions sont très épisodiques depuis le début des années 90. La première formation n’échappe pas à la règle du turn-over. Le batteur ne fera qu’un album, Jah Wobble se fera virer en 1980, et Keith Levene en 83, ces deux-là gardant une rancune certaine à Lydon …

« Public Image » le single inaugurera la carrière de Public Image le groupe. Et assure la transition avec les Pistols. On est en terrain sonore connu (la voix de Lydon, la pulsation rock brute de décoffrage), avec un petit côté grinçant et répétitif en plus. Ce titre ouvrira la seconde face du vinyle original.


Qui atteint pile les quarante syndicales minutes. Au prix de quelques délayages. Faut dire que le budget alloué par Branson et Virgin a surtout servi en « remontants » divers et variés, et que cette bande d’ingérables n’est pas forcément la bienvenue dans un studio d’enregistrement (la légende – mais en est-ce une – prétend que Jah Wobble démolira un ingé-son tatillon et pas convaincu de sa technique à la quatre-cordes). D’où des titres à rallonge (quatre titres sur huit flirtent où dépassent les six minutes, voire les neuf pour « Theme »), assez loin des formats punks de 2’30 alors de rigueur, des mixages étonnants (« Attack » beaucoup plus mat et étouffé que ce que l’on avait entendu jusque-là, ou « Fodderstompf » le reggae-dub expérimental et mutant final) montrent que du personnel qualifié et compétent n’est pas inutile en studio, surtout quand le trio a eu l’idée saugrenue de produire la rondelle …

Il n’en reste pas moins que « Public Image » constituera une déflagration non négligeable dans le landernau musical londonien. Par facilité linguistique, on appellera ce nouveau son post-punk, étiquette facile et qui permettra de ranger tous ceux qui s’en inspireront (… ou pas, il suffira qu’ils ne respectent pas les « règles » originelles du punk pour s’en trouver affublés).

« Public Image » n’invente rien, mais pioche et assemble des choses que l’on n’avait pas l’habitude de voir frayer ensemble (un peu de musique industrielle, de rock, de krautrock, de punk-rock, de prog même, le Johnny est très fan de Peter Hammill le chanteur de Van der Graaf Generator, et ça s’entend parfois). Technique musicale rudimentaire oblige, on est dans le lancinant, le crissant, le grinçant et le répétitif. Hormis des schémas de batterie saccadés, l’approche musicale est assez souvent celle du reggae, avec basse en avant et guitare à contre-temps (mais jouée façon tronçonneuse). Maintenant on a entendu des millions de groupes (pas forcément les plus doués) jouer comme ça, mais force est de reconnaître qu’en 1978, c’était plutôt novateur.

Et puis, ne surtout pas oublier que Lydon, en plus d’une technique de chant assez particulière, genre muezzin qui appelle les fidèles à la prière, est un type qui n’a pas la langue dans sa poche (avoir affaire à lui en interview ou en conférence de presse était un exercice attendu – et redouté – par tous les journaleux rock), et un certain sens des punchlines qui dépasse largement les capacités de Praud, Bouleau, Salamé ou Polony.


Sur « Public Image » le thème central est la religion (chrétienne en l’occurrence, mais Lydon les déteste toutes). Le Paradis est appelé à aller se faire foutre dès le premier titre (« Theme »), titre noirâtre sur la mort (le verbe « to die » revient bien une vingtaine de fois). C’est encore pire sur les deux « Religion ». Le « Religion I » est juste un court speech ultra-violent (1’25) contre l’Eglise catholique. Et manière d’enfoncer le clou dans les paumes des mains ou la plante des pieds de ceux qui auraient pas saisi, les mêmes paroles sont mises en musiques sur « Religion II ». Et cerise confite sur l’hostie rance, « Annalisa » sur une trame de rock assez simple et basique, donne le point de vue de Lydon sur Anneliese Michel, jeune allemande prétendument possédée et exorcisée 67 (!) fois, jusqu’à ce qu’elle meure la vingtaine à peine dépassée …

Pour être tout à fait exhaustif, mentionnons « Low life » qui ne vaut que pour les psalmodies nasillardes de Lydon.

Lequel, quoi qu’il ait pu en dire, n’a pas atteint avec Public Image l’aura naturellement indépassable des Sex Pistols. Livré à lui-même, avec des comparses extatiques aux ordres, Public Image (qui s’appellera selon les circonstances Public Image, Public Image Ltd, ou P.I.L.) deviendra vite une carricature de son premier disque (« Metal Box » est aussi bon, la suite ne sera que dégringolade artistique), n’obtenant son seul vrai succès qu’avec le single bâclé et (donc forcément) répétitif « This is not a love song » …


THE VELVET UNDERGROUND - THE VELVET UNDERGROUND (1969)

 

Le calme après la tempête ...

Après le déluge sonique de « White light / White heat », le Velvet ne pouvait pas aller plus loin dans l’agression bruitiste et prend avec ce disque, le plus calme et le plus apaisé de sa discographie, le contre-pied total. D’ailleurs, comment aurait-il pu en être autrement ? Le Velvet n’a jamais eu de plan de carrière, même à ses débuts sous la tutelle de Warhol (qui depuis s’en est désintéressé totalement), n’a jamais été à la mode ou dans l’air du temps … et n’a jamais cherché à l’être.

Pire, le Velvet est un groupe peau de chagrin. Après le premier disque, exit Nico (« l’emmerdeuse » comme aimait à la qualifier Lou Reed), et après « White light … » exit John Cale. Trop peu américain (il est Gallois), trop bon musicien, et prié de laisser toute velléité d’écriture ou de direction musicale au vestiaire ? Cale préfèrera suivre et produire sa copine Nico et entamer une carrière solo certes captivante, mais aussi très euh … étrange …

Yule, Reed, Morrison & Tucker

« The Velvet Underground » est donc le troisième disque du groupe. Ne restent de la formation initiale que Mo Tucker, Sterling Morrison et Lou Reed. Un quatrième larron, Doug Yule, est embauché avec la bénédiction de Lou Reed (le Doug est plutôt beau gosse, joue de plein d’instruments et est capable de chanter convenablement, et deviendra assez vite calife à la place du calife, mais c’est une autre histoire …).

Lou Reed écrit tous les titres. Il produit et arrange, même si très généreusement (ou diplomatiquement), c’est le groupe en entier qui est crédité. Et si l’on se base sur les titres les plus connus de Lou Reed, c’est « The Velvet Underground » qui de toute sa discographie en compte le plus. Cinq de ses incontournables sont ici : « Candy says », « What goes on », « Pale blue eyes », « Beginning to see the light » et « After hours ». Excusez du peu …

Côté pull de Morrison, la couleur n'arrange rien

Le disque débute avec « Candy says », premier et pas dernier d’une série de «  … says » (Stephanie, Caroline, Lisa), et premier et pas dernier de titres faisant allusion à Candy Darling, l’égérie transgenre de la Factory, celle qui « never lost her head even when she was giving head » sur « Walk on the wild side ». « Candy says » est chanté tout en douceur par Doug Yule, sur l’insistance expresse de Lou Reed, et donne la direction, musicalement acoustique et apaisée de l’ensemble du disque.

« What goes on », c’est The Velvet Underground playing boogie-woogie. Dans la tradition Velvet du genre (« I’m waiting for my man », « Run run run » sur leur premier disque), c’est-à-dire assez loin de Canned Heat et consorts. On ne garde qu’un accord mouliné ad lib, et on remplace les solos de guitare par de la recherche sur la structure sonore (toutes les guitares de Television sont dans « What goes on »).

« Pale blue eyes », c’est la chanson d’amour romantique, ultra dépouillée (Mo Tucker, qu’on ne risque déjà pas de confondre avec Ginger Baker, laisse même tomber ses trois toms pour agiter un tambourin). Les spécialistes es-Reed assurent que le titre est adressé à une fille, premier grand amour d’adolescence du Lou …

« Beginning to see the light », c’est du classic Velvet. Trame boogie tranquille, paroles introspectives laissant plusieurs portes ouvertes : rédemption ? « vraie vie » ? émancipation ? Elle succède sur le disque à « Jesus », chanson mystique désabusée, le recours à la religion quand tout part en vrille (« Help me in my weakness, ‘cos I’m falling out of grace »).

Dernier classique du disque et qui le clôture, une courte bluette de deux minutes (brouillon mélodique du « Goodnight ladies » de « Transformer » ?), comptine chantée-murmurée par Mo Tucker …

Et le reste ? Rien de renversant, entendez par là rien qui n’ait déjà mis en chantier par le Velvet. « Some kinda love » aurait pu se retrouver sur n’importe quel autre disque, le phrasé de Lou Reed, le minimalisme, la façon d’aborder parties de guitares et de batterie, … sont reconnaissables immédiatement. « I’m set free » et « That’s the story of my life » se répondent d’une certaine manière. La première est la plus « travaillée » (enfin, la moins monolithique, on est tout de même assez loin de Spector), et la seconde est la plus « légère » (la plus facile ?) du disque.

Velvet live in Chicago, 1969

Enfin, un mot sur « The murder mystery » (presque neuf minutes), sorte de mix entre les deux sommets abrasifs de « White light / White heat ») qu’étaient « The gift » (les parties parlées-scandées à quatre voix Yule – Reed d’un côté de la stéréo, Tucker – Morrison de l’autre) et « Sister Ray » (en guitares nettement moins abrasives et par force sans le violon alto de Cale).

Le succès de « The Velvet Underground » sera colossal … euh, non, pas du tout, en fait, il s’en vendra autant que des deux précédents, c’est-à-dire quelques centaines all over the world. Sera-ce le déclencheur de la retraite de Lou Reed, qui retournera se « ressourcer » chez ses parents, ou juste la fin d’un cycle (le Lou sera quand même coutumier de virages artistiques en épingles à cheveux durant toute sa vie) ? En tout cas, une fois le disque paru, Reed annoncera qu’il quitte le groupe, non sans lui avoir laissé de quoi remplir un nouveau disque du Velvet (« Loaded »), avec notamment celles qui sont pour moi les deux meilleures chansons du groupe (« Sweet Jane » et « Rock’n’roll ») …

Mais c’est encore une autre histoire …



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