ELLIOTT MURPHY - JUST A STORY FROM AMERICA (1977)

 

L'homme aux semelles de vent ...

Elliott Murphy, c’est un voyageur … ou un exilé. En tout cas une trajectoire étrange …

La première fois que j’ai vu son nom, c’était sur les notes de pochette du « Live 69 » du Velvet Underground (bien après sa parution, je suis très vieux, mais pas à ce point …). Je savais aussi qu’il y avait un Elliott Murphy qui faisait des disques, mais j’avais pas la moindre idée de ce à quoi ça pouvait bien ressembler, et j’avais pas fait le rapprochement entre les deux … qui étaient évidemment la même personne. Je me suis (un peu) rattrapé depuis …


Murphy, c’est un new-yorkais littéraire, d’où les notes de pochette du Velvet. Il fait aussi de la musique et son premier disque (« Aquashow ») sort en même temps que le premier d’un de ses potes, un brave gars du New Jersey, Springsteen de son nom, Bruce de son prénom. Et comme le Bob Dylan, grosse influence pour les deux, n’est pas au mieux dans ce premier tiers des années septante, on les présente bien sûr comme les nouveaux Bob Dylan …

On connaît la suite pour Springsteen … on sait aussi que c’est un mec bien qui n’oublie pas ses vieux copains et il a fait monter sur scène plusieurs fois Elliott Murphy quand ses tournées passent par la France. Parce que Murphy est maintenant depuis une quarantaine d’années le plus français des new-yorkais ou inversement …

Alors, oui, Murphy il aurait pu être Springsteen à la place du Boss, … si tant est qu’il en ait eu envie. Parce qu’au départ, il avait tout pour lui, la culture, la belle gueule d’ange blond (s’ils ont fait des virées ensemble, avec le Bruce, pas difficile de savoir qui rentrait accompagné et qui retournait seul se palucher dans sa piaule de Hoboken), et il écrivait des chansons impeccables … sans vendre des disques. D’où une carrière de voyageur, un disque, un label …

« Just a story from America » est son quatrième. Cette fois-ci chez la vénérable maison Columbia, celle de Dylan … mais aussi de Springsteen et de Billy Joel … autrement dit, ça faisait beaucoup de types qui faisaient à peu près la même chose au même endroit au même moment … comme dans le film « Highlander », il a fallu procéder par élimination … là aussi, on connaît le vainqueur …

E Murphy et .... Slash ? Bruce Springsteen ? Faites vos jeux ...

Dans « Just a story … », il y a évidemment du Springsteen en filigrane, mais d’autres choses aussi. Mais c’est surtout de l’Elliott Murphy. Le gars sait composer, aborde plein de genres de ce qu’on appellera classic rock. Le résultat est superbe à deux exceptions près. A la batterie, il y a Phil Collins, qui à l’époque ne dédaignait pas de cachetonner entre deux bouses de Genesis. Je vais pas dire que le type n’y comprend rien, mais le rock, c’est pas manifestement son truc. Présence envahissante, plein de technique, et aucun feeling. Il n’y a qu’un titre où il ne joue pas, et ça s’entend, et la comparaison n’est pas à son avantage, même si le dénommé Barry DeSouza, qui officie sur ce « Caught short in the long run », n’est pas le plus connu (doux euphémisme) des batteurs des seventies …

Et s’il faut aller chercher des poils sur des œufs, on peut parler de la voix de Murphy. Impeccable sur les ballades et les mid-tempo, ça se complique sur les rythmes rapides et quand il faut lâcher les watts. Là, Murphy souffre du syndrome vanne EGR encrassée, ça manque de puissance (putain, si après pareille comparaison, je suis pas contacté par AutoPlus pour la place de rédac’chef, c’est que la presse écrite automobile va vraiment mal …). Ce manque de coffre (!) est particulièrement audible sur des titres comme « Think too hard » ou « Darlin’ (and she called me) ».


Il y a sur ce « Just a story … » de bien belles choses. « Drive all night » pour commencer. Un petit rock sautillant sympa, des riffs de cuivres (pour la seule fois sur le disque), dans une ambiance à la « Speedy Gonzalez ».  Oui, je sais, y’a un titre de Springsteen qui s’appelle « Drive all night ». Les deux n’ont rien en commun (si ce n’est ce goût de la conduite nocturne), et celui du Boss sortira trois ans plus tard …

Les deux moments forts de la rondelle s’appellent « Rock ballad » et « Anastasia ». Le premier bénéficie (et le mot trouve ici tout son sens), d’une intervention lumineuse de Mick Taylor et jette une passerelle entre Stones et Boss. Le second (sur la fin des Romanov) passera quelques fois sur les radios françaises (tard la nuit), et il y a un chœur gospel, on pense forcément à « You can’t always get what you want » (le classique des Louise Attaque) et la mélodie évoque celle de « Rock’n’roll suicide » de Maître Gims (c’est ça les réflexes automatiques, on commence par citer Genesis, et puis on finit par lister tous les trucs qu’on déteste …).

Pour être exhaustif, une mention pour la ballade « Summer house » et le mid tempo « Let go », dans le haut du panier du genre. Un mot pour le morceau-titre, étrange trame reggae (dans le sens où ça n’a pas grand-chose à voir avec les Jamaïcains, c’est pas non plus du reggatta de Blancs à la Police, on est plus près des tentatives dans le genre de Tatie Elton John ou d’Elvis Costello). Et Last but not least, la ballade springsteenienne qui clôt le disque, qui se nomme « Caught short in the long run », et qui par sa construction évoque « Jungleland » …

Comme ses prédécesseurs « Just a story … » sera une gamelle commerciale. Murphy s’exilera à Paris, recueilli dans un premier temps par (qui d’autre à l’époque) les gens de New Rose … Il se produit encore aujourd’hui accompagné depuis des années par son fils à la batterie et Olivier Durand (un ancien de la Story de Little Bob aux guitares). Il a le cheveu moins blond et plus rare, mais une sacrée présence live et ses concerts peuvent durer très très longtemps … Elliott Murphy écrit aussi des livres …

Un artiste majuscule en somme …


2 commentaires:

  1. Les grands esprits se rencontrent, comme disaient les Stones à Charden. Je suis en train de me refaire tout son catalogue au Murphy, et c'est vrai que c'est somptueux. Il y a du Tom Petty aussi dans sa musique, comme dans sa blondeur, du Dylan of course, du Springsteen évidemment. Et comme tu le signales, les seules fois où j'ai vu Murphy en concert, c'était à ceux du boss en France. Sur les premiers albums, je lui trouve des intonations de chant très proche de Bowie (68-72), la photo de son premier album, très androgyne... ou du jeune Dylan. Il s'est depuis accoquiné avec le guitariste Olivier Durand, j'ai maté sur Youtoube un concert récent au New Morning, le troisième larron était le fils Murphy à la gratte, et juste un cajon. Ca envoie bien !

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    1. C'est sûr que Murphy on peut le suivre à la trace, il multiplie (comme tous les lettrés) les références ...
      Rien que ses pochettes de disques, celle de Aquashow est fortement inspiré de Subterranean homesick blues de Dylan, sur Lost Generation c'est le look Bowie-Hunky Dory, celle-ci c'est le même cadrage que Springsteen sur Born to run ... Quant à Night Lights, on dirait une pochette de Tom Petty (ou l'inverse, Petty est arrivé après) plus vraie que nature, sauf j'ai pas en tête de pochette de Petty similaire, ce doit être subliminal ...

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