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THE BOO RADLEYS - GIANT STEPS (1993)

Furieusement 90's ...
Boo Radleys, c’est le groupe typiquement warholien … le quart d’heure de gloire et la disparition corps et biens ensuite …
Quarantième roue du carrosse Creation, le label de Manchester fondé par Alan McGee, et au catalogue comprenant tous ceux qui ont fait la hype – l’actualité (rayer la mention inutile) fin des 80’s-début des 90’s, à savoir les House Of Love, My Bloody Valentine, Primal Scream, … avant le gros « coup » Oasis. Les Boo Radleys, c’est une paire de disques anonymes, ce « Giant steps », une paire d’autres disques oubliés par tous, et la débandade à la fin de la décennie.
Robert Duvall, le Boo Radley du cinéma
Par habitude sémantique, je me méfie d’un disque ou d’un morceau avec le mot « giant » dans le titre. Généralement, on se retrouve avec un machin boursouflé (mètre-étalon, la rondelle « GIANT » des Woodentops), jouant des biscottos pour se faire remarquer et s’effilochant à mesure qu’on l’écoute. « Giant steps », c’est un peu pareil. Ça part dans tous les sens, multiplie les références à tout-va, cherche à se faire remarquer. De la musique qui a des lettres en somme.
Déjà, le nom du groupe vient de celui d’un personnage de film (Boo Radley un des premiers rôles de Robert Duvall, le mutique soupçonné de sordides histoires avec des gamins, dans le classique de Robert Mulligan « Du silence et des ombres », « To kill a mockinbird » en V.O.), on a de la culture dans le groupe. Même si la musique n’a rien à voir avec un pseudo-concept intello, c’est un digest de plein de choses déjà entendues. Et depuis longtemps, on remonte aux Beatles et aux Beach Boys (les mélodies, les harmonies vocales, tout ça …). Ce qui suffirait, pour peu que ce soit bien fait. Mais c’est pas tout, loin de là. Dans l’épicerie Boo Radleys, vous trouverez aussi du reggae, des machins lyriques avec des cordes et des cuivres, de la new wave 80’s, des guitares grabugeuses grungy ou mybloodyvalentinesques, des bandes passées à l’envers comme au bon vieux temps du psychédélisme, des rythmiques Madchester, ... Et bien souvent le tout dans le même morceau.
The Boo Radleys 1993
Résultat, des pièces montées impressionnantes, mais un peu creuses finalement. Une bonne intro, et on se demande dans quoi le groupe va aller se perdre pour épater la galerie, parce qu’il y a un peu de ça. Les types, avec à leur tête un certain Martin Carr fourmillent d’idées et essayent de toutes les caser (le disque dure plus d’une heure avec 17 morceaux, c’est bien long). C’est pas toujours imbuvable, certains assemblages sont bien vus, rehaussent un niveau d’écriture qui n’a rien d’exceptionnel (de la pop de base, assez loin des quasi contemporains XTC ou Squeeze, et à des lieues de Beatles ou Beach Boys), et, à la louche, une moitié des titres sont plaisants. J’aime bien des choses comme « Leaves and sand », et son alternance quiet-loud poussée au paroxysme, « Butterfly McQueen » sur le même registre et autre référence cinématographique, « Barney (…and me) », sympathique titre sautillant qui rappelle à la fois Cure et XTC, « If you want it, take it », qui avec ses gros riffs et malgré la voix efféminée préfigure Oasis, « Take the time around », qui semble un plagiat des Hüsker Dü de la fin période « Warehouse … », le petit hit « Lazarus », fortement inspiré par la pop à trompettes de Love ou des Pale Fountains, quelques autres sont pas trop mal.
Et puis, on trouve aussi quelques trucs assez risibles aujourd’hui, quelques assemblages sonores ubuesques, mais qui ravissaient la presse musicale toujours à l’affût de sensations (selon un fan, ce « Giant steps » aurait été désigné disque de l’année par le NME et les Inrocks, ce qui est fort possible, c’est le genre de patchwork dont les hebdos sont friands une semaine, avant de passer à autre chose la semaine suivante). Les brouillages trentreznoriens de « Spun around », c’est juste ridicule, des gros riffs nirvanesques sur l’interminable berceuse  « I’ve lost the reason », c’est juste une très mauvaise idée, « One is for » me fait penser aux Beatles, mais ceux inaudibles de « Revolution n°9 » … et grosso modo, pas mal de choses déjà entendues chez les groupes-phares de Creation ou dans l’indie-pop anglaise de l’époque.

« Giant steps » et les Boo Radleys sont un peu, et je suis très gentil, passés de mode aujourd’hui. Sans trop de regrets en ce qui me concerne …

OF MONTREAL - HISSING FAUNA, ARE YOU THE DESTROYER ? (2007)

Mérite le détour ...
Of Montreal est le pseudo de Kevin Barnes, solitaire américain très prolifique, bricolant des titres dans son home studio. Il en fait des disques sous le pseudo de Of Montreal mais peu se retrouvent largement distribués. Un vrai « indépendant » en somme, un geek musical entouré de ses bécanes, s’essayant aux dires des très rares qui l’ont écouté à une sorte de pop synthétique lo-fi. Une bonne dizaine de disques sortis depuis le milieu des années 90.
Kevin Barnes 
Et puis, sans rien changer à sa façon de bosser, arrive ce « Hissing fauna … ». Et là, merci le Net, un buzz se répand, relayant l’info que ce type inconnu vient de faire un disque fabuleux. Rumeur évidemment exagérée, mais Cd intéressant, pour le moins. Apparemment, « Hissing Fauna … » est une œuvre inspirée par une rupture amoureuse, avec des morceaux aux titres à rallonge mystérieux. Mais effectivement il y a un truc. C’est réfléchi, pesé, construit, pas un assemblage de bric et de broc de titres jetés à la va-vite et au hasard sur une rondelle argentée.
Ce Cd est articulé autour d’un long morceau central « The past is a grotesque animal », avec ses synthés qui pulsent très rock (si, si c’est possible), instaurant une ambiance genre new wave gothique, ça bastonne inexorablement et hypnotiquement sans débander pendant douze minutes. Rien ne laissait pourtant présager pareille avalanche sonique. Le début du disque, même si le propos semble morose, est constitué de ritournelles sautillantes, souvent assez barges. Remontent du fond du cerveau des noms d’hurluberlus des 70’s, remarqués pour leur côté bariolé. Les Sparks en premier lieu, sur l’inaugural « Suffer for fashion » baroque, mélodique et déjanté. Aussi le protéiforme bidouilleur pop Todd Rundgren sur le titre suivant, le court « Sink the Seine » « Heimdalsgate … », comptine façon electro-pop 80’s fera même une apparition dans les charts indie US. « Gronlandic edit » mélange bas(s)es funky dansantes et électronique martiale, comme si Chic jammait avec Kraftwerk, et ça sonne à peu près avec un lustre d’avance comme le dernier Daft Punk. Y’a aussi des ratés dans cette belle mécanique d’ouverture (« Cato as a punk », « A sentence of sorts… », rien d’original, on oublie …). Le tout porté par une voix qui semble le plus souvent gonflée à l’hélium, et ceux qui pensent à Mika (le côté boule à facettes et racoleur de minettes en moins) n’ont pas tout à fait tort.
Changement de ton après « The past … ». C’est plus sérieux, et donc forcément moins drôle. Ça devient plus musical, plus réfléchi, et donc plus ennuyeux. On est pas très loin des encombrants disques de jazz-funk de Prince (ceux qu’il s’entête à sortir depuis 20 ans), particulièrement flagrant sur « Faberge … », sur lequel Barnes pousse la similitude jusqu’à retrouver les intonations du Nain Pourpre. Et on sent l’essoufflement sur la fin, « She’s a rejecter » », son gimmick de guitare hard FM sur un beat disco, le genre de plan entendu mille fois depuis le « I was made for lovin’ you » des clowns de Kiss trente ans plus tôt. Le final (« We were born … ») par son côté faussement léger, dansant et hypnotique semble une raclure des fonds de tiroir du New Order des 80’s.
Of Montreal ne va pas tarder à prendre l'eau ...

Grosso modo, on sent quand même un potentiel, plein de qualités, de trouvailles et d’idées souvent bonnes, et un disque ma foi réfléchi, intelligent, cohérent, le type qui malgré son audience a priori famélique va au bout de son truc. Le succès sera d’estime (même les stars soutenues par les majors ne vendent plus rien dans les années 2000, alors pensez l’inconnu auto-produit), mais affectera profondément la suite de Of Montréal. Qui deviendra un vrai groupe d’une demi-douzaine de personnes sous la direction de Barnes, lequel se prendra à la fois pour Brian Wilson et Arcade Fire. Le disque suivant, « Skeletal lamping », pensum de pop rococo surchargée, sera affreux. Ceux qui sont parus après, j’ai oublié de les écouter …

Du même sur ce blog :

GUIDED BY VOICES - ALIEN LANES (1995)

Illuminations ...
Guided By Voices (GBV pour les intimes), c’est un faux groupe. Ou pour être plus précis, un conglomérat à géométrie très variable gravitant autour de Robert Pollard, citoyen américain des mornes plaines de l’Ohio, leader, âme, et compositeur quasi exclusif des Guided By Voices.
Un gars qui devrait être reconnu comme un des plus brillants songwriters de son temps. Mais pour ça, il faudrait une seule chose : que les gens écoutent ou achètent ses disques. Mais voilà, Pollard ne fait pas des disques. Ou plutôt pas des disques dans le sens admis par le commun des mortels. Car personne, y compris le groupe garage-punk le plus radical, ne se pointerait chez un label aussi minuscule soit-il avec ce que Guided By Voices met sur « le marché ». Qualifier ce que publie Guided By Voices de maquettes est déjà très au-dessus de la réalité.
A côté des disques de GBV, les enregistrements de Son House ou Robert Johnson, c’est quasiment de la qualité sonore de « Dark side of the Moon ». On trouve sur « Alien lanes » (un de ses disques, voire son disque le plus abouti, au dire des spécialistes) la bagatelle de 28 morceaux (jamais terme n’aura aussi bien porté son nom) pour 40 minutes. Et non, les GBV ne font pas du punk hardcore. Loin de là, très loin, même.
Guided y Voices dans les 90's. Robert Pollard  à droite.
Pollard est un mélodiste incroyable, capable de torcher des rengaines que ne désapprouveraient pas les fans des Beatles ou des Kinks. De les enrober dans des guitares que ne renieraient pas les Lemonheads ou Dinosaur Jr. D’appliquer à ses titres un traitement lo-fi  à rendre jaloux Pavement ou les Minutemen. Pollard fourmille de bonnes idées (on se perd dans sa discographie pléthorique et labyrinthique), mais quand tout un chacun transformerait cette idée en chanson, en titre « normal », lui enregistre cette idée et basta, terminé, on passe à la suivante. Alors parfois, c’est juste une bribe mélodique, deux vers d’un couplet, et ça ne dure que 20 secondes. S’il est tout seul à ce moment-là, ben il fait ça avec la première gratte qui lui tombe sous la main, électrique, acoustique, peu importe. Si un ou plusieurs de ses potes traînent par là, ils prennent un instrument et enregistrent avec lui.
Enfin, enregistrer … les mots classiques du vocabulaire musical ne s’appliquent pas à Guided By Voices. Pour ce disque, le groupe avait signé avec un label indépendant, Matador. Qui envoya Pollard et sa bande dans un studio « normal », professionnel, mais certainement pas le plus high-tech des States. Le Pollard se prêta de mauvaise grâce au jeu, fit tourner les consoles quelques temps, écouta le résultat, et devant ce résultat beaucoup trop joli selon lui, retourna illico auprès de son quatre-pistes dans son garage.
« Alien lanes » est un disque qui demande de l’imagination. Au moins les deux tiers des titres sont à tomber et on se demande pourquoi des trucs d’une telle limpidité, d’une telle évidence, personne ne les avait jamais faits. Et là, il faut imaginer ce que donneraient ces titres avec un son correct, une intro, des arrangements, des ponts, d’autres couplets, un refrain, une coda … Parfois, on a des pistes, quelques titres sont pratiquement « finis », ils durent une paire de minutes, il y a plusieurs instruments, voire même des overdubs de guitare. Bon, peut-être aussi que tout ça perdrait tous son charme si c’était fait « comme il faut ». C’est tout ce côté amateur, enfantin quasiment, qui fait tout le charme de ce « Alien Lanes ». Totalement indescriptible, ça fourmille d’idées, de trouvailles, ça défile à toute vitesse, on passe de riffs sales grungy à du country-rock, de la sunshine pop à du folk acoustique, d’arpèges délicats à des rythmiques en surchauffe… déstabilisation et balayage d’idées reçues assurées…
Guided By Voices et Pollard ont bénéficié d’une réputation aussi flatteuse qu’underground, passant même plus tard par la case major (Capitol, avec Ocasek comme producteur). Sans résultat, évidemment (et sûrement aussi sans aucune motivation). On ne demande pas à un maître artisan chocolatier d’aller bosser chez Nestlé …

PS. On pourrait croire que Pollard est un rustique, un réfractaire à son temps. Il est très présent et « publieux » sur Facebook et le site de Guided By Voices et Pollard est d’une exhaustivité incroyable.

PRIMAL SCREAM - XTRMNTR (2000)

La synthèse ...
Comme celle qui permet de fabriquer des poudres blanches … ou comme la conclusion d’une réflexion, d’un travail. Toxicos, les Primal Scream le sont, et pas qu’un peu dans les nineties. Enfin, Bobby Gillepsie, tant on peut quasiment résumer Primal Scream à sa seule personne. Aventuriers sonores, Primal Scream le fut aussi durant cette décennie. Qu’ils avaient quasiment inaugurée avec « Screamadelica », leur disque qui est rentré dans les livres d’histoire, et auquel on les réduit souvent, tant son succès et son impact ont marqué l’époque.
Perso, je lui reconnais toutes les qualités qu’on lui prête, mais je trouve qu’il vieillit mal (ou vite, ce qui revient au même), comme tous ces disques à la pointe de la tendance lors de leur parution et donc forcément démodés plus tard. En tout cas, ce cocktail de classic rock et de dance music est resté le fil conducteur de Primal Scream durant toute la décennie (après j’en sais rien, j’ai un peu laissé tomber). En gros, des disques qui tentaient de refaire le coup de « Screamadelica », avec plus ou moins de bonheur.
Bobby Gillepsie
Jusqu’à ce « XTRMNTR » (pour Exterminator, au cas où un fan de Maé passerait par là). Autant jouer cartes sur table, « XTRMNTR », je le trouve meilleur que « Screamadelica ». Parce que là, on parle plus de voisinage, de juxtaposition, de cohabitation de genres, c’est vraiment du mélange, de la fusion. Et pas seulement d’obsessions pour les Rolling Stones et les premières rave-parties. Ici, toutes les idoles du classic rock de Gillepsie remontent à la surface, les derniers sons electro-techno-dance-machin aussi, mais aussi des sonorités jusque là peu rencontrées chez Primal Scream.
Alors oui, on croise sur « XTRMNTR » le punk à tendance stoogienne, le Velvet, du free jazz, du krautrock, et plus encore, tout ça passé à la moulinette big beat, le son « électronique » du moment. Et là, Primal Scream déborde et enfonce les Prodigy et autres Chemical Brothers. Pour une raison toute simple, c’est que Gillepsie, du rock il en a fait pendant dix ans au début de sa carrière, et pas en version fleur bleue (il fut rappelons-le, le mauvais batteur des débuts des Jesus & Mary Chain, pas vraiment des tendres, à quelque niveau qu’on envisage le groupe des frangins Reid). Les bigbeateux, ils ont fait que sampler des grosses guitares hardos et déliré là-dessus.
Et « XTRMNTR », ça déchire sa race. Rien que les titres placent la barre très haut, « Kill all hippies » ou « Swastika eyes », ça a de la gueule, au moins autant qu’un douteux « Smack my bitch up ». Gillepsie et son inamovible lieutenant Innes ont réuni du beau monde, les Chemical Bros sont venus faire un remix, Kevin Shields a participé à un hommage à son groupe My Bloody Valentine, Sumner de New Order traîne sur un titre, et des remerciements sont adressés à Jaki Liebezeit, le fantastique batteur de Can et Liam Howlett, figure de proue de Prodigy.
Primal Scream live 2000
Ça démarre par un extrait de film, ensuite arrivent une guitare filtrée, une batterie très Liebezeit-style, se met en place un gros groove robotique, s’installent les gimmicks de synthé, et c’est parti pour « Kill all hippies ». « Accelerator » qui suit porte bien son nom, on monte dans les tours, « Exterminator » est une tuerie, rouleau compresseur sonore bâti sur une rythmique grondante et des guitares dissonantes. « Swastika eyes », petit succès en single, c’est à la base de l’electro-pop des 80’s, mais comme remixée par un savant fou genre Trent Reznor, ça tourbillonne de partout à en donner le vertige.
Le cœur du disque est plus calme, plus apaisé. D’une façon toute relative. Des chants grégoriens introduisent « Pills », puis il y a des scratches de vinyles sur lesquels Gillepsie ( ? ) vient rapper, au milieu d’arrangements tournoyants. Etrange mais pas forcément captivant. Un énorme grondement de basse à la Entwistle (des Who, pour le fan de Maé s’il est toujours là) lance l’instrumental « Blood money » dans lequel s’entrechoquent synthés cristallins, ambiance jazz, solo de batterie, pour un résultat qui sonne comme du jazz-rock sous acide. « Insect royalty » est un peu son pendant en version psyché barrée, comme si Zappa (quand c’est étrange, on cite toujours Zappa) avait gobé de l’ecstasy. Entre les deux, une magnifique ballade perverse « Keep your dreams », très Velvet Underground (les clochettes de « Sunday morning », les intonations à la Nico).
Retour au boucan pour le final. Un hommage à My Bloody Valentine, « MBV Arkestra (If they move, kill ‘em) », dans lequel le fan de « Loveless » risque fort de ne pas retrouver ses repères, il y a juste ces sonorités « liquides » typiques de la bande à Kevin Shields mais noyées si l’on peut dire dans des vapeurs de krautrock et de free-jazz, avant que tout ça s’encastre dans un mur dissonant. Le remix de « Swastika eyes » par les Chemical Brothers est peut-être le seul morceau sans réelle originalité, ça bastonne comme sur les morceaux énervés de « Surrender ». « XTRMNTR » s’achève par une tuerie (le bien nommé « Shoot speed / Kill light », c’est mixé à un volume beaucoup plus fort que tout le reste, ça envoie la purée, c’est répétitif, bête et méchant, donc excellent.
« XTRMNTR » marque à sa façon la fin d’une décennie, d’un siècle, d’un monde. Désormais, tout pouvait changer, être comme avant mais en pire …Pour moi le disque qui est en même temps le plus original et le plus abouti de Primal Scream …

RADIOHEAD - OK COMPUTER (1997)


Computer blues ...

Alors là, attention chef-d’œuvre … c’est ce que vous diront avec des trémolos dans la voix tous les maniaco-dépressifs, et tous ceux qui n’écoutent que de mauvais disques.
Non, non, mes petits chéris, il n’y a pas de quoi se relever la nuit. Tout au plus je serai d’accord avec vous pour dire que c’est un disque intéressant, le meilleur des tristos Radiohead. Des types pourtant prometteurs, dont j’attends encore qu’ils sortent un bon disque. Qui ne viendra jamais, ils sont maintenant trop vieux, trop rances, trop perdus dans leur cérébralité neurasthénique …
« OK Computer » est un disque qui n’eut pas grand mal à surnager dans cette seconde moitié des années 90, à la qualité musicale en chute libre (on avait commencé avec Nirvana et fini avec Mumuse, c’est dire l’ampleur des dégâts) et globalement très affligeante. « OK Computer » est un ramassis assez bien torché de tout ce qui pouvait « fédérer » la génération désenchantée comme disait l’autre. Des choses, des sons, des structures de titres déjà entendus mille fois chez d’autres, vaguement ripolinés d’une humeur morose et d’un pathos geignard. Et comme point de ralliement, la voix sous Prozac pleurnicharde de Thom Yorke. Que je ne supporte pas, il y peut rien et moi non plus …
Musicalement, ça tient globalement assez bien la route. « OK Computer » sera certainement le dernier grand disque conçu pour les chaînes hi-fi, avant que l’hyper compression pour mp3 et iPod lamine tout. Les Radiohead et leur producteur Nigel Godrich, de fait le sixième membre du groupe, ont effectué un travail considérable et le plus souvent réussi sur la structure sonore. « OK Computer » est un disque qui s’écoute, qui ne se subit pas. Avec suffisamment de prise de risques pour se démarquer du troupeau indie-rock dans lequel s’ébrouait jusque-là le groupe.
On a souvent qualifié ce disque de « floydien ». Ouais, si on veut, quand bien même « Subterranean homesick Alien » doit autant à Dylan par son titre qu’aux disques solo de Roger Waters des 80’s. Comparaison plus pertinente quand il s’agit des brouillages radios de l’intermède « Fitter happier » et surtout du très « Echoes » « The Tourist ». Rayon seventies, « Lucky » me semble inspiré par le « Red » de King Crimson, même s’il est juste pleurnichard quand le disque de la chose à Fripp suintait le tragique et le désespéré. Les deux titres les plus révérés m’ont toujours gavé, que ce soit le patchwork « Paranoid android » (du folk, du bruitisme, du chant grégorien, etc, etc …, me fait penser au fuckin’ prog ce machin …), et la ballade qui s’énerve sur la fin comme il y en a des milliards de « Karma Police ». J’ai aussi beaucoup de mal avec cette sorte de heavy metal qu’est « Electioneering », et avec la bouillasse free-rock sans intérêt de « Climbing up the walls ».
Le reste, je suis preneur. Avec mention particulière pour « No surprises » la comptine mélodique simple mais efficace, « Exit music for a film », qui réveille le fantôme de l’excellent Jeff Buckley, pour une fois bien chantée (comme quoi il en est capable, mais pourquoi diable alors ces sempiternels funestes gémissements ?) par Yorke, et la pop-rock de « Let down », sorte de « Ruby Tuesday » des années 90.
Au vu et surtout à l’entendu de ce qu’ils ont fait par la suite (curieusement, j’ai toujours apprécié un de leurs plus ignorés, le politisé « Hail to the thief »), il semble aussi que les Radiohead aient voulu conclure avec « OK Computer » un cycle de leur carrière, s’acheminant de façon de plus en plus kamikaze vers l’électronique envisagée par eux de façon quasi lugubre. Rien que pour ça, ce pied de nez à tous les schémas de rentabilité immédiate, ils auront gagné ma miséricorde …

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In Rainbows



DINOSAUR Jr - WHERE YOU BEEN (1993)


Des guitares, toujours des guitares, rien que des guitares ...

Dans le rock énervé US des années 90, Dinosaur Jr., le groupe de Jay Mascis et (aux débuts) de Lou Barlow, n’a pas eu l’aura d’un Nirvana, la noirceur d’Alice in Chains, ou le succès de Pearl Jam.
Faut dire qu’ils l’ont bien cherché aussi, avec leurs titres tartinés jusqu’à plus faim de grosses guitares saturées, ce qui a valu au groupe une filiation évidente avec Sonic Youth et Neil Young. Mais sans le sens de la trouvaille sonore des premiers et sans le talent mélodique du second.
Dinosaur Jr. livre des morceaux qui ont tendance à tous se ressembler, basés sur des mid-tempos écroulés sous d’imposantes couches de guitares bruyantes. Ajoutez à cela la pauvre voix traînante de Jay Mascis et des pochettes de disques toutes plus affreuses les unes que les autres (sauf, allez savoir pourquoi, celle de « Green mind »), et vous avez de quoi largement rebuter le chaland moyen.
Mais parfois, la chape de plomb des six-cordes se desserre, et la mélodie (« What else is new ») s’impose. Quelquefois des titres quasi acoustiques (« Not the same ») contribuent aussi à alléger l’atmosphère. Le dernier titre du disque, « Keeblin’ » est même un folk biscornu avec guitare acoustique et sans batterie. Ajoutez à cela une attitude sans compromission de Mascis, qui a toujours fait (et continue encore aujourd’hui) son truc, insouciant du temps, des modes, et du succès ou pas de ses productions, et qui risque pas de vendre un de ses morceaux pour un fond sonore de pub Gap ou Calvin Klein. Un type bien, quoi …
Ainsi, au fil des ans, Dinosaur Jr. est devenu une référence qui compte dans l’indie-rock. Surtout américain, le groupe restant relativement confidentiel dans le reste du monde.

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Bug

THE VINES - HIGHLY EVOLVED (2002)


Dans le rouge ...

Ceux-là, les Vines, ils demandaient rien à personne et se sont retrouvés dans la fumeuse liste des groupes en « The » apparus au tournant du siècle. Pourtant, ils n’étaient pas Anglais (Libertines), Américains (White Stripes, Strokes), ou Scandinaves (Hives). Ils venaient d’Australie, pays-continent au passif lourdement encombré de groupes violents, ils n’avaient certainement pas vent de l’existence du NME, du Melody Maker ou des Inrocks. Et se sont retrouvés à leur corps défendant dans la même charrette que les autres. Condamnés à n’être qu’un groupe de revivalistes garage-rock de plus.
Ce qui n’est pas totalement infondé mais sacrément réducteur, remarque également valable pour leurs congénères cités au-dessus, tant ces groupes ont peu de choses en commun et se distinguent entre eux dès les premières mesures. Mais bon, y’a plus rien à faire, cette étiquette un peu méprisante et condescendante ne les quittera plus.
Les Vines, c’est le traditionnel groupe de potes agencé autour de Craig Nicholls, guitariste, chanteur et auteur ou co-auteur de tous les titres de ce « Highly evolved » leur premier disque. Cette rondelle est bordélique, à l’image de Nicholls. Dont à la suite de quelques pétages de plombs hystériques, on se rendra compte qu’il souffre d’une forme d’autisme aiguë et rare. Dès lors, on comprend mieux tout ces entrelacs de sons, de climats, d’ambiances, ces passages du coq à l’âne ininterrompus. Bien dans la tradition des surdoués de l’écriture un brin rétamés qui ont marqué l’histoire de la musique des djeunes. Il y a chez ce garçon un peu de la folie et de la démesure des Brian Wilson, Arthur Lee et autres Syd Barrett.
Sauf que le terrain de jeu n’est pas le même. Déjà le disque est produit par Andy Wallace, le genre de très gros calibre aux consoles qu’on ne séduit pas avec une ritournelle de guingois ou du folk acoustique. En 2002, Wallace avait déjà vu son nom associé à du rock qui déménage (de Nirvana à Slipknot, en passant par Sepultura, System of a Down, et en gros tout ce la Terre a porté de bruyants et d’enragés dans les 90’s) et d’entrée chez les Vines, le premier titre « Highly evolved » entre décharge punk et garage épileptique, déménage salement.
Seulement voilà, le sieur Nicholls ne se cantonne pas à fournir de la mitraille pour buveurs de bière en Perfecto. Il est fan maladif des Beatles et comme eux, entend bien partir dans tous les sens. Le second titre est une ballade très propre, très classique, contrastant avec le brûlot précédent. Et dès lors, dans ce curieux disque, vont s’entrecroiser mortiers soniques de deux minutes et des choses beaucoup plus complexes, travaillées, sur des tempos nettement moins frénétiques. Avec dans ce rayon-là une nette prédisposition pour des titres qui renvoient à la pop psychédélique des sixties.
Certes, parce que ce devait être plus facile « à vendre », les morceaux mis en avant ont été les plus rapides (« Outthathaway » a même fait un petit hit). Moi, ce sont les titres un peu plus élaborés qui m’interpellent davantage, avec mention particulière à la délicatesse pop avec son piano à un doigt de « Homesick », ou encore le final « 1969 » (rien à voir avec les Stooges), un morceau mélodique très Pink Floyd (« Us and them », ce genre) entrelardé de giclées d’électricité boueuse avant un final louchant vers le prog metal, le tout rendant une atmosphère sourde, lente et noire. Tout n’est pas parfait, il y a quelques titres anecdotiques, la ballade folk qui vire bubblegum  (« Mary Jane »), voire même une grosse bêtise, un truc niaisement sautillant avec refrain à la Offspring (« Factory », le « Ob la di Ob la da » du disque).
Un disque en tout cas étrange et intéressant, fruit d’un cerveau en perpétuel chantier. La Nicholls-dépendance du groupe fera que l’aggravation de l’état du santé du leader l’empêchera de donner une suite correcte à ce premier jet plein de promesses. Ils sont semble t-il revenus après une longue période de passage à vide et un Nicholls chargé de médocs, rendant très improbable le renouvellement déjanté et insouciant de ce bon « Highly evolved ».

PIXIES - TROMPE LE MONDE (1991)


Ça sent le sapin …

Et pas seulement parce qu’il y a de la neige et des yeux ( pourquoi ? ) à la place des boules sur la pochette, une des plus moches de chez 4AD … Tout dans ce disque indique que le groupe part en sucette (oui, je sais, plus de vingt ans après, c’est facile d’écrire çà, mais même à l’époque, y’avait des détails qui trompaient pas – le monde – on y reviendra …).
Les Pixies, c’était un des rares groupes dont quelques cinglés comme moi attendaient vraiment les disques à cette époque. Avec les Jesus & Mary Chain, le compte était vite fait … et encore, les frangins Reid commençaient à se vautrer dans la redite et le quelconque. Tandis que les Pixies, ils devenaient, phénomène rarissime, meilleurs à chaque disque… Jusqu’à ce « Trompe le monde ».
Pourtant, les Pixies c’était un des assemblages les plus improbables à avoir sévi dans le milieu des musiques plus ou moins trépidantes adressées aux djeunes. Un gros patapouf excité au centre de la scène, une bassiste raide def qui commençait aussi à s’envelopper, un métèque porto-mexicain ou un truc du même genre à l’autre guitare, un batteur genre vieux beau surfeur qui revient sur la plage en ayant perdu sa planche … Fringués comme des beaufs au camping, charisme zéro …
Mais les disques, putain, c’était quelque chose, ma bonne dame … les Beach Boys repris par les Sex Pistols, les Herman Hermitt’s par les Ramones, les Supremes par les Damned … des mélodies époustouflantes, des rythmes épileptiques, des guitares surf, des harmonies vocales célestes, des morceaux tellement crétins qu’ils en devenaient géniaux, … et puis un truc (qu’ils avaient certes pas inventé), mais qui allait faire la fortune de tout un tas de chevelus à chemise à carreaux, Nirvana en tête, cet assemblage ce couplets quiet et de refrains loud… Les Pixies c’était ça, les ploucs totaux qui jouaient la meilleure musique de la galaxie …
Et puis, là, avec « Trompe le monde », y’a des trucs qui ont commencé à coincer. Et d’abord, putain c’est quoi ce bordel, on n’entendait plus la voix de Kim Deal. Les supputations y allèrent cinq minutes bon train, avant de se rendre à l’évidence, le gros qui écrivait tous les titres avait décidé que sa voix de goret qu’on égorge suffisait, et exit vocaux, chœurs et contre-chants de la toxique bassiste. Pas cool … Et « Trompe le monde » est autant un disque en solo de Black Francis qu’un disque des Pixies. Et si on dissèque la bestiole, on se rend compte que finalement, de ces trouvailles folles, de ces gimmicks cinglés qui rendaient « Doolittle » et « Bossanova » cruciaux, ben ici, ils sont moins nombreux (si on est gentil), ou ont à peu près disparu (si on est lucide). Alors voilà, un groupe qui vend que dalle ou presque, et qui se met à faire son Simple Minds, qui répète sa formule en moins bien ? On n’y était pas habitué. Sauf que quand même, un disque plutôt foiré des Pixies, c’est quand même mieux foutu qu’un de réussi des Simple Minds …
Parce que d’entrée, « Trompe le monde » le morceau et « Planet of sound » te collent une balle entre les yeux, c’est bourrin et mélodique à la fois, y’a des breaks zarbis de partout, … terrain connu. « Alec Eiffel » est assez étonnant (moi, je prends, mais beaucoup avaient froncé les sourcils devant ce titre, un des plus pop et légers écrits par le gros), le suivant (« The sad punk »), une bêtise hardcore qui vire « climatique », commence à interpeller. Ils vont où, là ? Et Kim Deal, on l’entend plus ?
Cool as Kim Deal
Bon, tout n’est pas à jeter, mais quand même, on trouve sur « Trompe le monde » des choses douteuses, fades, déjà entendues sur les disques précédents. Les Pixies n’avancent plus, ils commencent à tourner en rond. Des choses comme « Palace of the brine » récite des pans entiers de « Here comes your man », « Letter to Memphis » c’est du classic rock come Bon Jovi ou Billy Idol en faisaient quelques années plus tôt, « Distance equals » est tellement court que ça ne vaut pas la peine d’en dire tout le mal qu’il mérite, … c’est dire si les Pixies font du sur-place. A l’inverse, des choses comme « Space (I believe in) », ou « Motorway to Roswell » en plus d’énoncer les thématiques sci-fi tordues chères à Black Francis, voient idées sonores et trouvailles diverses se bousculer, le second étant même fini au piano, ustensile jusque-là peu mis en avant dans le groupe.
Faute de mieux ailleurs, il a bien fallu s’en contenter de ce « Trompe le monde ». Un disque qui empestait la fin programmée, le manque de discussion dans le groupe passé sous la totale grosse pogne de Black Francis. Qui, grenouille voulant se faire plus grosse que le bœuf, a sorti une paire de rondelles correctes en solo (les deux premières), avant une longue litanie de skeuds dont strictement personne n’a plus rien à foutre. Kim Deal, en plus d’inspirer des titres de chansons aux Dandy Warhols, a réactivé son ancien groupe Breeders pour quelques disques hétérogènes juste passables. Les deux autres, le métèque et le surfeur, on s’en fout …
Tout ce beau ( ? ) monde s’est retrouvé dans les années 2000 pour une séquence nostalgia – reformation bien  plus rémunératrice que quand ils étaient « vivants ». Thanks God, ils n’ont pas poussé la mauvaise blague jusqu’à revenir en studio … pour le moment …

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THE BIRTHDAY PARTY - JUNKYARD (1982)


Fine party ...

Birthday Party, c’est le groupe de Nick Cave. Et de la plupart des futurs Bad Seeds. Un groupe de jeunesse donc. Assez hors-norme et terrifiant. En un mot extrémiste.
Avec ses potes, l’indéfectible Mick Harvey, Phil Calvert, Howard S. Howard, Tracy Pew, Nick Cave végète en Australie, pays-continent où succès d’AC/DC oblige, le hard-rock bluesy et sauvage écrase tout. Un genre qui n’est pas exactement la tasse de thé des Birthday Party, troupe punky d’amateurs de ce rock qu’on appelait « décadent » (le glam pour faire simple), et de leurs pères à tous, Lou Reed et Iggy Pop. Du premier, Cave retiendra l’aspect littéraire sombre et torturé des lyrics, du second un jeu de scène outrancier et apocalyptique.
Birthday Party 1982
Les Birthday Party (et la copine-muse de Cave Anita Lane) quitteront l’Australie pour l’Angleterre. Une Angleterre quelque peu fantasmée, qu’ils imaginent tout entière sous la coupe de groupes punks ou post-punk. Quand ils arrivent fin 80 à Londres, c’est pour s’apercevoir que Spandau Ballet, Human League et Orchestral Manœuvres sont en haut des charts, que leurs groupes punks fétiches ont pris du plomb dans l’aile ou n’existent plus et que la scène post-tout ce qu’on veut (rock, punk, …), a une audience famélique. Gros coup de blues pour les Birthday Party, qui vont se jeter à corps perdu dans la dope, et pousser au paroxysme un genre qui commence à sortir de l’underground, le rock dit « gothique », issu de la scène batcave. Un genre musical à la base austère et tourmenté, servi par des officiants tout de noir vêtus.
Birthday Party pousseront les curseurs nettement plus loin que la plupart des poseurs issus de ce mouvement. Les messes noires deviendront avec Birthday Party des cérémonies sabbatiques. S’appuyant sur une batterie plus percussive que rythmique, des guitares qui découpent la masse sonore façon scalpel, et un Cave possédé, hurlant, grondant, menaçant, jurant, … au chant. Des prestations dangereuses, voire choquantes, en tout cas très agressives…
Birthday Party est plus ou moins une démocratie dirigée par Cave, chacun apporte sa contribution. A l’écoute de ce disque, on a l’impression que c’est souvent en ordre dispersé, que les gens jouent leur truc sans trop s’occuper de ce que joue le voisin. D’où un son assez unique, hyper sauvage et déstructuré, sur lequel Cave vient déclamer et hurler ses histoires malsaines, glauques et tordues. Une performance d’allumé intégral, bien loin des ballades de crooner déglingo qui feront son succès, voire sa fortune, à partir du milieu des années 80. En d’autres termes, on ne risquait pas d’entendre dans un disque de Birthday Party des duos avec Kylie Kylie Minogue ou PJ Harvey …
Nick Cave dans une imitation d'Iggy Pop
Le disque, enrobé dans une pochette comics madmaxienne (que perso je trouve à chier), œuvre d’un dessinateur underground pote de Cave, renfermait à l’origine 10 titres. Dans l’édition Cd qui maintenant fait foi, on en trouve trois de supplémentaires, l’inaugural « Blast off » (qui porte bien son nom, et évoque effectivement un blast sonore, tout en syncope et hurlements), et nichés en fin de Cd, une version notablement différente de « Dead Joe » et le 45 T sorti en éclaireur « Release the bats », encore plus sauvage que les titres « officiels » et qui on s’en doute, n’a pas grimpé à la cime des hit-parades.
Le disque original est un gros pavé d’agression sonore, manifeste de déglingue rock’n’roll, textes noirs, musique crissante et crispante. Guère de nuances, tout au plus peut-on distinguer deux familles de titres, ceux à base d’incantations lancinantes (« She’s hit »,  « The dim locator », « Hamlet … », « 6’’ gold blade », « Junkyard »,…), et quelques agressions soniques citant des racines rockabilly ou rock’n’roll (« Dead Joe », « Big Jesus trash can », « Kiss me black », …). Le reste oscillant entre noir et sombre, boucan et bruit blanc au service de la prestation vocale théâtralisée de Nick Cave.
« Junkyard » n’est pas un disque « facile », cherche à marquer les esprits par son extrémisme, tente de définir une nouvelle frontière jusqu’auboutiste à la manière d’un « Fun house » ou d’un « Raw power », modèles évidents. L’accueil en Angleterre (et ailleurs) fut tellement enthousiaste (sourire) que des dissensions entre les musiciens entraînèrent la fin du groupe, et le départ de Nick Cave et de celui qui lui resta fidèle (Mick Harvey) vers Berlin, où là les choses seraient claires, exit le « groupe » et place à Nick Cave & The Bad Seeds …

JANE'S ADDICTION - NOTHING'S SHOCKING (1988)


Addictif

A sa sortie, ce disque est passé relativement inaperçu. Faut dire qu’il tombait assez mal. Dans le grand supermarché du rock, au rayon heavy, les Guns’n’Roses vendaient des disques par millions, écrasant toute velléité de concurrence. Même si Jane’s Addiction et les Gunners ne sont pas vraiment concurrents.
Certes ils viennent tous les deux de Los Angeles et du hard-rock des seventies, mais les similitudes s’arrêtent là. Ils deviendront même incompatibles parmi ceux qui les citent comme références. Autant les Guns ne sont finalement que le dernier stade de dégénérescence d’un show-biz à l’américaine ultra-prévisible, autant Jane’s Addiction va devenir, sans l’avoir vraiment cherché ou provoqué, le porte-drapeau de tous ceux qui veulent faire du rock fort en gueule, mais rejettent tout son côté strass et paillettes. Autant les premiers seront débinés par les tenants du tsunami grunge et du rock indie en général (qui ont oublié au passage que « Appetite for destruction » est un disque colossal), autant le groupe de Perry Farrell deviendra le symbole d’un rock dur intransigeant et intègre.
Un peu à leur corps défendant, ils n’avaient rien au départ de porte-drapeaux de quoi que ce soit. Il s’est toujours dégagé de ce groupe des vibrations malsaines, dérangeantes. Ils ont toujours fait se côtoyer des agressions frontales classiques, basiques, avec des titres plus sournois, plus retors, et ont toujours préféré le choc des mots et des photos au boucan des Marshall.
Jane’s Addiction, c’est pourtant nettement la famille hard. Mais la section rythmique s’éloigne souvent des sentiers battus et des chemins balisés du genre. Perry Farrell est un chanteur atypique, il n’a pas la voix des ténors chevelus qui ont fait la légende du rock lourd, et cultive un aspect physique androgyne loin des clichés machos de mise. Quant à Dave Navarro, c’est tout simplement le dernier guitar-hero, caractériel misanthrope et défoncé, débiné par beaucoup (et notamment les fans des souvent pénibles Red Hot Chili Peppers), mais qui laisse une trace définitive sur tous les titres … une sorte de Ritchie Blackmore version années 90 …
Tout ce côté atypique de Jane’s Addiction, on le découvre d’entrée. Alors que n’importe qui essaie avec le premier titre d’accrocher l’oreille de l’auditeur, on a ici un quasi instrumental tendu comme un string de bimbo, la voix de Farrell est filtrée, et Navarro se signale déjà à l’attention de ses contemporains par quelques descentes de manche tarabiscotées. Par la suite, ça s’arrange pour ceux qui aiment le boucan, « Ocean size » et « Had a Dad » (le premier zeppelinien en diable, le second heavy bien saignant), ont de quoi contenter le headbanger de base. Et de nouveau les Jane’s Addiction surprennent leur monde, embrayant sur le titre le plus long du disque, « Ted, just admit it … », sorte de planerie psyché et mystique, adressée à un serial-killer, avec un Farrell qui se pose en conscience des victimes. On est quand même assez loin des odes célébrant les gonzesses, les bagnoles et la picole de la plupart des concurrents.
Ce sont d’ailleurs ces digressions sonores, et ces écarts aux « fondamentaux » littéraires du hard qui font de Jane’s Addiction un groupe totalement à part dans son époque. Attention, ils ne font pas n’importe quoi pour autant (enfin, si, il y a un titre heureusement très court de swing jazz vers la fin), on sent bien qu’ils ont écouté et pas qu’une fois l’intégrale de Led Zeppelin, et à ce titre « Standing in the shower … » est le « Stairway du heaven » de ce disque, du moins par sa construction. Musicalement aussi, on s’éloigne des sentiers archi-battus du genre, un morceau comme « Janes says », tant par son titre que par son côté acoustique, faisant inévitablement penser au Velvet Underground. Une seule réserve, « Idiots rule », funk-rock (avec même des cuivres) à la Red Hot Chili Peppers n’est pas réellement convaincant.
Transgressif, Jane’s Addiction ne l’est pas seulement par son approche toute particulière du hard-rock, le groupe l’est aussi par des visuels glauques ou dérangeants, comme cette photo de pochette avec ses deux siamoises nues et en flammes, plus encore avec la peinture du suivant (Farrell en train de peloter deux femmes nues), le successful « Ritual de lo habitual ».
Le groupe sera somme toute éphémère, et aura une existence en pointillés avec épisodiquement des reformations (le dernière en date cette année ne semble pas faire l’unanimité). Il faut dire qu’entre-temps Farrell sera très occupé avec le festival indie, crossover et itinérant qu’il a monté (Lollapalooza), tandis que de son côté Navarro, entre disques solos inégaux et participations diverses (l’excellent « One hot minute », disque et tournée avec les RHCP, étant la plus connue et allez savoir pourquoi, également la plus controversée), fera beaucoup parler, pas toujours en bien …


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GRANDADDY - SUMDAY (2003)


Le coin des grabataires ?

Suffit de voir leurs bobines aux Grandaddy, improbable mix entre bûcherons canadiens, truckers américains et ZZ Top pour savoir que l’on n’a pas affaire à un phénomène de mode. Des types bedonnants et hors d’âge, de grand dadais (trop facile, celle-là) à la ZZTopesque pilosité, issus de Modesto, Californie.
Grand Manitou du groupe, Jason Lytle … qui a tout d’un grand, auteur unique de tous les titres de ce « Sumday ». Qui est un disque américain atypique, puisque c’est un des meilleurs disques anglais de la décennie. Lytle et ses potes sont fans de pop anglaise, et ça s’entend au détour de chaque chanson. Un fan qui en plus sait écrire des trucs imparables, d’une évidence sidérante. Un des grands songwriters américains, à ranger aux côtés de son contemporain Elliott Smith, rayon surdoués mélodiques. Sauf que là où l’auto-poignardé faisait plutôt dans l’enrobage austère, les Grandaddy poussent leurs titres dans une exubérance de sons, d’arrangements, d’harmonies vocales, retrouvant les alchimiques formules qui faisaient fonctionner les chansons dans les lointaines sixties.
Mais Grandaddy ne sont pas que des revivalistes béats, obnubilés par les instruments en bois et les amplis à lampes. Ils montrent qu’ils s’y entendent à faire tourner toutes les bécanes électroniques dans des studios modernes. Les machines sont là et bien là, omniprésentes, mais reléguées au second plan pour offrir un écrin aux chansons.
On pense quelque fois, et même plus que de raison aux Beatles, « I’m on standby » semble un inédit de « Let it be » (l’album), « Saddest vacant … » va encore plus loins dans le côté « Let it be » (le titre) avec son intro au piano, même si c’est pas le meilleur titre de ce « Sumday ». Pour en terminer avec le syndrome Fab Four, il convient de citer le fantastique « Stray dog … », qui utilise les mêmes gimmicks rythmiques déjà entendus sur leur reprise de « Revolution » pour la B.O. du film « I am Sam », ou le piano très « Imagine » de « The warming sun ».
La voix fluette et aiguë de Lytle oblige à citer Neil Young (sacré mélodiste celui-là aussi), et on pense souvent au country-rock du Canadien de ses débuts en solo ou de l’époque Buffalo Springfield, flagrant sur le renversant et inaugural « Now it’s on », sur « Yeah is what we had » (avec sur ce titre des bribes mélodiques de « Watching the wheels » de Lennon me semble t-il). Parce que çà, exhiber la madeleine proustienne sonore, ils savent faire Lytle et ses Grandaddy et que celui qui ne pense pas à « Mrs Robinson » de Simon & Garfunkel en écoutant « El Caminos … » prenne rendez-vous chez son ORL …
Bon, il faut quand même avouer, et c’est parfois le reproche fait à ce disque, que l’immense majorité des titres étant sur le même tempo et faisant appel aux mêmes recettes, on a l’impression de tourner en rond sur la même chanson. Si on n’aime pas au bout de quelques mesures, pas la peine d’insister …
Moi j’ai choisi mon camp, des disques qui font penser à l’orfèvrerie des Beatles, des Beach Boys, ou des plus oubliés magiciens de la chose pop qu’ont été Left Banke ou les Zombies, eh bien je suis preneur …
Grandaddy a existé dix ans avant de se dissoudre au milieu des années 2000, et a laissé une poignée de disques dont ce « Sumday » constitue le dernier volet d’un triptyque majeur comprenant « Under the western freeway »«  et « The sophtware slump ».

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(On trouve de tout sur YouTube, même un blaireau qui met ses photos de vacances avec Grandaddy en fond sonore ...)

DRIVE LIKE JEHU - YANK CRIME (1994)


Cryptique ...

Ils n’ont duré que le temps que le raz-de-marée grunge monopolise l’attention, quelques années au début des 90’s. Autant dire qu’ils ont pas fait les unes des JT. D’autant plus qu’ils ne faisaient pas du grunge, mais un bouillon sonore pas simple à définir, assez original en tout cas …
A l’origine de Drive Like Jehu, deux guitaristes, John Reis venu de Rocket From The Crypt dont je connais juste le nom, et Rick Froberg qui après moultes péripéties finira bien des lustres plus tard leader du très intéressant garage band Obits. Ce sont ces derniers que j’avais repérés, et je suis arrivé à Drive Like Jehu en remontant l’écheveau … et ma foi, je regrette pas.
C’est de la musique pour hommes, et le genre de groupe qui fonce droit dans le mur et réfléchit après. Non pas que ce soit un truc speed et bourrin, ce serait même plutôt le contraire. Mais c’est le genre de musique qui se veut « crédible », et qui fuit donc comme la peste tout ce qui pourrait être joli, sympathique, radiophonique (ça y est , le gros mot est lâché).
Les Drive Like Jehu font leur truc, sans se soucier du résultat. Evidemment, les majors n’ont pas voulu de pareille chose, ils sont sur un (très gros) label indépendant, Interscope. Plein d’étiquettes sont accolées à la musique de Drive Like Jehu ( post-hardcore ( ? ), alternative pop ( ? ), emo ( ? ), …), autant dire que c’est pas quelque chose de simple, qu’on entend à tout bout de zapping …
Ça commence en tout cas très fort, avec un tir de barrage hardcore impressionnant (« Here comes the Rome plows ») de presque six minutes, où surnagent des éléments que l’on retrouvera tout au long du disque, une rythmique implacable (avec mention particulière au batteur Mark Trombino), des guitares qui tronçonnent (Reis), et le chant hurlé de Froberg. Et curieusement, alors que beaucoup de choses tirent vers le côté hardcore, (genre musical habituellement servi par des brûlots pied au plancher de deux minutes), les titres les plus marquants de Drive Like Jehu sont les plus longs (on parle là de morceaux taquinant les dix minutes). Les plus retors vont alors insinuer que c’est du fuckin’ prog planqué sous une carapace métallique. Et pour une fois les tenants de la funeste musique n’auront pas tout à fait tort, on pense quelquefois aux dérives noirâtres et tendues de King Crimson époque « Red » (l’épopée bruyante et torturée de « Luau »), voire aux Metallica circa « … and justice for all » à l’écoute de « Super Inison ».
Les titres d’une durée plus « raisonnable » allient pression rythmique oppressante à la Black Flag ou Big Black. Quand le rythme se ralentit, mélangeant climat oppressant et tempos lourds et torturés, on n’est pas très loin d’Alice In Chains (« Do you compute »). Le dernier titre (« Sinews »), le plus construit et alambiqué du disque passe d’une intro « atmosphérique » avant que des riffs lents et lourds, malsains et dérangés, prennent le dessus, et se dirigent vers un final sauvage.
Trois bonus ont été rajoutés, la « version originale » de Sinews (maquette ?) qui montre la transformation du titre par le boulot accompli en studio, et les deux titres d’un 45T paraît-il légendaire mais sans grand intérêt (« Bullet train to Vegas » / « Hand over fist »), « Bullet … » étant une sorte de hard incantatoire à la Iron Maiden, c’est dire si on s’en fout …

SPIRITUALIZED - LADIES AND GENTLEMEN WE ARE FLOATING IN SPACE (1997)


Il rêvait d'un autre monde ...

Où la Terre serait ronde, et la Lune blonde … Ou un truc de ce genre, car il carburait pas au Vichy-fraise Jason Pierce. Parce que malgré un casting pléthorique (les Spiritualized se sont adjoints cordes, cuivres, grands orchestres et quelques guests de renom, comme Dr. John qui n’a pas l’habitude de se déplacer pour des baltringues), il ne fait aucun doute que ce disque est d’abord le sien.
D’ailleurs, pour bien montrer qu’on est là dans le vécu, et que cette musique, avant de l’enregistrer en studio, Jason Pierce l’a bien des fois entendue dans sa tête, il s’est rebaptisé, bêtement et pas très modestement « Spaceman ». Et plutôt qu’un hommage aux Byrds ou à Babylon Zoo ( ? ), il faut voir dans ce nouveau choix patronymique peu finaud un règlement de comptes avec son ancien complice Pete « Sonic Boom » Kember, son alter ego dans les Spacemen 3. Pierce semble peu modestement s’arroger l’héritage entier de son ancien groupe, ce qui me semble quelque peu présomptueux et démesuré … Et tout cela fait finalement querelle de cour de récréation …
Il n’empêche que ce « Ladies & gentlemen … » est pour moi le meilleur des Spiritualized. Déjà le packaging est une merveille de trouvaille. La  pochette pastiche le design d’une boîte de médicaments, et le livret en devient la notice (formule active, posologie, recommandations d’administration, effets secondaires, persistance des symptômes, …). Gimmick génial d’amateurs éclairés de pilules de toutes les couleurs …
Spiritualized live Black Sessions 1997
La tonalité globale du disque repose sur des mélodies planantes « spatialisées », noyées dans l’écho et la reverb, modèle déposé et breveté par Barrett aux débuts du Floyd … on reste dans la « famille » (des amateurs de substances). Les ronchons diront que tout ça n’est que shoegazing au ralenti (« I think I’m in love » est à peu près le seul titre qui corresponde à cette définition), ce serait faire fi de tout un travail pour jouer dans toutes les nuances du rock à guitares, qu’elles soient furieuses ou accompagnent de lentes ballades. « Ladies and gentlemen … » est un disque beaucoup plus varié que l’on pourrait croire.
On passe du « Come together » qui n’a rien à voir avec les Beatles, mais plutôt avec les Stones, et en tout cas reprend les choses là où les à peu-près cousins de Primal Scream les avaient laissées avec « Screamadelica » ou de « Electricity » (évidemment pas une reprise d’Orchestral Manœuvres), tout en guitares saturées qui me fait penser à Clapton quand il était le soliste des Bluesbreakers circa 1965, à des titres beaucoup plus apaisés (la traîtresse « Stay with me » lente ballade qui finit par s’engloutir dans un maelström de guitares, « Broken heart » qui pourrait passer pour le meilleur titre du Floyd post « Wall ».
Et entre rage et accalmie, on a droit à toute la panoplie des émotions musicales, du trou noir « Home of the brave » dans lequel tous les instruments semblent aspirés, titre enchaîné avec « The individual » très marqué lui par le krautrock bruyant (Can, Faust, Amon Düül, ce genre …). Evidemment un disque de Jason Pierce aurait un goût d’inachevé s’il n’y avait pas quelque envolée mystique genre gospel ou prière. Ici, c’est « Cool waves » qui s’y colle, et même si on s’y attend, ça le fait, ce titre est un des plus beaux du disque. En fait, il n’y a à mon avis qu’une balourdise qui cache derrière un bon titre (« No God only religion »), une sorte de vilain free jazz manouche …
La conclusion de ce « Ladies and gentlemen … » est une longue pièce (17 minutes tout de même), débutée par un piano jazzy (Dr John ?), zébrée par des chorus de guitares zeppeliniennes, qui s’abîme dans une purée de pois électrique, avant de revenir au thème initial. Bel exercice de style tout de même un peu vain mais qui ravira les fans de prog (si tant est qu’il en reste).
Le chef-d’œuvre de Jason Pierce et de ses Spiritualized, et comme c’est écrit dans le livret :
For aural administration only
Protect from light
Keep out of reach of children … 

GREEN ON RED - THE KILLER INSIDE ME (1987)


Retour aux fondamentaux
Green On Red est dans les livres d’histoire (quand ils y sont mentionnés, ce qui loin d’être toujours le cas) rattaché au mouvement dit Paisley Underground. En gros, un tas de groupes essentiellement basés en Californie, redécouvrant au milieu des années 80, les bienfaits d’une musique puisant son inspiration dans les sixties psychédéliques américaines (le folk-rock et le rock garage assaisonnés au LSD, toute cette sorte de choses …). Un retour aux sources et les prémices de ce que l’on finira par appeler americana.
Et une forme de réaction au punk, au hair metal, au revival rockabilly qui monopolisaient l’attention du « grand public ». Le mouvement Paisley Underground est composé de rustiques qui s’assument (la plupart des membres de Green On Red sont d’ailleurs des « immigrants », venus de Tucson, Arizona).
Leur musique présente un rock de facture classique, old-school, serait-on tenté de dire. La lecture des crédits, et celle du nom du producteur Jim Dickinson (l’homme des studios Trident de Memphis, et le metteur en sons des derniers soubresauts du Big Star d’Alex Chilton), commence à baliser le terrain. Le premier titre annonce la couleur sonore, avec un chanteur (Dan Stuart) à la voix fleurant bon clopes et alcool forts consommés en quantités déraisonnables, et un guitariste (Chuck Prophet), économe de notes, mais au toucher et à l’inventivité assez uniques. Un des rares guitaristes qui sera célébré par la suite (et deviendra un sessionman très recherché), beaucoup plus pour son originalité que par sa vitesse sur le manche …
« The killer inside me » présente une collection de chansons (les Green On Red savent en écrire et les jouer plus que correctement) de facture classique, bien en ligne avec ce que produisaient les stars célébrées du classic-rock des mid-eighties (Springsteen, Seger, Mellencamp, …). Tout en évitant le ronronnement dans lequel ces gens-là commençaient à tomber. Les Green On Red ont tout à prouver et se « lâchent ». Dan Stuart ne s’économise pas et son timbre vocal n’est pas sans rappeler celui de Dan Zanes, des malheureusement également oubliés Del Fuegos qui sévissaient à la même époque. L’ombre des Stones du début des seventies plane souvent sur ces compositions, celles de Dylan ou Springsteen aussi. Quand le tempo s’énerve et l’ambiance s’obscurcit (« Ghosthand »), on pense aux Cramps ou au Gun Club, quand un titre (« Track you down ») est lancé par un riff  voisin de celui de « Rebel Rebel », s’ajoute une touche plus glam-rock et sautillante.
Chuck Prohet marque son territoire sur tout le disque, survole de façon évidente quelques titres (« Clarkesville », « No man’s land », « Born to fight » « Killer inside me »). Le seul gros point noir est pour moi un son de batterie très typé (en gros celui du « Born in the USA » de Springsteen) et forcément daté, qui parasite quelque peu l’ensemble et relègue au second plan l’orgue et les claviers pourtant cruciaux dans ce genre de musique.
Il faut être clair, on n’a pas avec Green On Red et ce « Killer inside me » affaire au groupe génial honteusement ignoré, pas plus qu’à un disque « maudit » oublié qui mériterait toutes les louanges. C’est juste du bon boulot de fans, qui allaient à contre-courant des tendances de l’époque, et jetaient avec d’autres (Dream Syndicate, Rain Parade, Long Ryders, …) les bases d’une americana qui allait devenir un des genres majeurs des années 90 et suivantes aux USA.