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MAGMA - MEKANIK DESTRUKTIW KOMMANDOH (1973)


En fusion ...
Magma, c’est tout d’abord un concept, certes, mais organisé autour de Christian Vander. Fils (adoptif) du compositeur Maurice Vander et se sentant fils (spirituel) de Coltrane. A la mort de celui-ci, et après avoir recherché comme son idole le suicide dans la drogue, il aura un jour l’illumination, décidera de faire revivre sa musique dans un groupe qu’il va monter, Magma.
Groupe peu commun, emmené par un Vander leader et batteur, influencé par Elvin Jones, croisé grâce à son père dans le milieu familial. Mais Magma sera plus qu’un groupe, ce sera surtout une « expérience » au sens hendrixien du terme. Un espace sonore sans frontières ni limites, accueillant en son sein au gré de multiples changements de line-up, tout le gotha des musiciens de studio français des seventies. Une illumination supplémentaire fait créer à Vander une langue nouvelle, le kobaïen, qui sera partie intégrante de tous les titres.
Magma 1973
Avec de telles bases d’une originalité assez unique, Magma ne pouvait être qu’un groupe hors-norme, insaisissable et inclassable. Il fera vite le bonheur des fans de prog qui se l’accapareront, ce qui les changera de la bouillasse à laquelle ils sont habitués. Même si Magma n’a rien à voir avec l’école de Canterbury … Magma sera le premier (de toutes façons, il n’y en a pas eu tant que ça depuis) groupe français à jouir d’une (petite) notoriété internationale.
« Mekanik Destruktiw Kommandoh », (M.D.K. pour les amis et sur certaines pochettes de réédition Cd), est le troisième disque de Magma et souvent cité comme leur pièce maîtresse. S’éloignant des relents parfois jazz des deux premiers, Vander oriente sa musique vers quelque chose de martial, limite para-militaire (on pense quelquefois à l’idéologiquement douteux Carl Orff et son « Carmina Burana »), souvent implacable… Il suffit de lire le texte (« Terrien, race maudite … ») du livret, en accord sur la musique. Ce genre de textes et d’ambiances sont évidemment à prendre au second degré, mais quelques bas du front y verront l’apologie des totalitarismes … Magma restera éternellement par ici un groupe qu’il sera de bon ton d’ignorer ou de mépriser.
« MDK » est un Cd à écouter d’une traite, d’ailleurs la plupart des titres sont enchaînés, basés sur la répétition et l’évolution d’une phrase musicale (un peu comme Dylan dans sa B.O. de Pat Garrett & Billy the Kid), alternant passages apaisés avant des explosions soniques accompagnées de chœurs lancinants. Beaucoup de choses, d’ambiances, traversent ce disque. Certes assez hermétiques pour le commun des … Terriens, mais difficile de rester insensible à ce maelström de sons et mots inouïs. Toujours grandiose, mais évitant l’écueil du pompiérisme dans lequel les groupes prog (entre autres) se sont copieusement vautrés dans ces mid-seventies.
« MDK » met en scène ceux que beaucoup considèrent comme la formation « royale » de Magma, dictature démocratique de Vander, entouré par des gens comme Jannick Top, Klaus Blasquiz, Claude Olmos, sa femme Stella Vander, … 

AIR - MOON SAFARI (1998)


Si Versailles m'était conté ...

Air, c’est l’histoire maintes fois répétée de la citrouille qui se transforme en carrosse. Ici, celle de deux potes (Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel) qui font de la musique ensemble depuis toujours, au gré de formations disparues sans laisser de traces (Orange notamment, avec Xavier Jamaux, futur Phoenix et Alex Gopher, futur lui-même ). Et à un moment, plutôt que de faire comme à peu près tout le monde, copier ce qui est dans l’air du temps, Dunckel et Godin vont partir tête baissée dans leur truc, sans trop se soucier du résultat et des conséquences …
Leur truc à eux, entre mille autres choses, c’est un disque, le « Melody Nelson » de Serge Gainsbourg. Que de leur aveu ils trouvent tellement parfait qu’ils se forcent à ne l’écouter qu’une fois par an, pour ne pas galvauder sa magie … Et plutôt que d’essayer de le « refaire » (les Air n’ont jamais eu la grosse tête), ils vont s’en inspirer, partir dans de savants assemblages de cordes éthérées (des vraies, enregistrées dans les studios Abbey Road, pas des synthétiques sorties d’un Moog), de nappes mélodiques, de voix susurrées et (ou) vocoderisées. D’autres influences pointent sur « Moon Safari », leur premier disque, celle du Floyd des longues plages oniriques (rien que le titre du Cd), cet art de la chanson mélodique très arrangée copyright Hal David et Burt Baccharah …
Dunckel et Godin dos au mur, à l'abri des courants d'air ...
Les circonstances de l’enregistrement (les deux entendent garder la maîtrise totale du projet, pas question d’élargir le « groupe », même si un bassiste, un batteur et une chanteuse participent sur certains titres), feront que ce disque comportera beaucoup de synthés, et rattachera Air à la mouvance électronique. Même si la musique produite par Air n’a que peu à voir avec les expérimentations et bidouillages sonores (forcément, la plupart des joueurs de disquettes de la concurrence n’ont jamais su écrire une chanson) de rigueur dans la mouvance electro de l’époque. Leur origine (Versailles) fera bêtement jaser (« ouah, les bourges des beaux quartiers, …sont pas crédibles, … c’est que de la muzak d’ascenseur … », ce genre de niaiseries répandues par leurs détracteurs).
Et comme les Air ont pas l’habitude de bâcler le boulot, et qu’ils recherchent le beau plutôt que le joli, quand tout s’emmanche bien ça donne de superbes titres qui ne subissent pas des ans l’irréparable outrage. Ce « Moon Safari » est hors du temps et des modes, et donc forcément ne se démode pas. Des choses comme « La femme d’argent », entre ambient et new age qui ouvre le disque avec force Minimoog est resté une des pierres angulaires de leurs concerts (car oui, les Air ne sont pas ridicules sur scène, l’exercice live ne leur fait pas peur) ; « Talisman » est juste très beau avec ses arrangements de cordes, « Ce matin-là » pareil, avec son improbable tuba. Ce qui est frappant, c’est que les titres soient chantés ou pas, on a toujours l’impression d’avoir à faire à des chansons, par leurs formats, leurs structures, leurs mélodies toujours soignées et mises en avant. Il suffit d’une voix susurrée (« New star in the sky ») ou trafiquée (Sexy boy », gros hit) pour qu’un titre décolle. Et parfois même, ces chansons n’avancent plus masquées, et s’imposent comme ces rengaines qui enluminaient les lointaines sixties (« All I need », « You make it easy », « Kelly watch the stars », cette dernière étant la seule du disque dont les arrangements font un peu vieillot, malgré une mélodie first class) …
Ce « Moon Safari » sur lequel pas grand-monde aurait mis un kopeck est devenu assez vite une référence que s’est accaparée d’abord la mouvance électronique, avant de gagner le domaine tout public. Et plus que le succès populaire, les Air sont devenus les figures de proue d’un mouvement musical, bêtement baptisé « french touch », englobant des gens comme Daft Punk ou Laurent Garnier, et bénéficiant d’une reconnaissance, d’une notoriété, et de ventes conséquentes au niveau mondial, choses inédites jusque-là pour des productions musicales françaises …


ZOO - ZOO (1969)


Comme un air de famille ...

La filiation est clairement évidente et d’ailleurs revendiquée, Zoo a pour modèles Blood Sweat & Tears et Chicago, et surtout les premiers. Petite précision à l’usage des non encore grabataires, Zoo est un groupe français.
Famille évidemment nombreuse vu les influences (les Zoo sont neuf), lorsque la fanfare se forme, ses membres sont déjà des musiciens accomplis, ayant sévi dans des groupes ou hanté les studios de l’époque. Leaders et figures de proue, le chanteur Joel Daydé, le bassiste Michel Hervé et le guitariste Pierre Fanen, autant de noms que le fan de Lady Gaga ne connaît pas, mais que quelques vénérables ancêtres chenus doivent encore avoir à l’esprit.
Ce disque éponyme est tout à fait représentatif d’un genre aujourd’hui totalement désuet, cet amalgame entre toutes les musiques « de jeunes » de l’époque. Se mélangent, et s’entrechoquent parfois, mélodies pop, tristesses blues, langueurs soul, énergie rock, transpiration rythm’n’blues, une pincée de fuckin’ jazz… Bref, tout ce qui était matière à se disputer avec ses parents en cette fin des années 60. Mais aussi et surtout une fascination pour la technique instrumentale, avec le funeste prog-rock en gestation. Encore plus frappant en ce qui concerne les groupes français de l’époque, persuadés qu’une reconnaissance et qu’une crédibilité musicale dans le rock au sens large ne pouvait passer que par une démonstration technique alambiquée et grandiloquente. Les Zoo maîtrisent leur sujet et ne perdent pas une occasion de le montrer.
Ce qui donne lieu à quelques choix pour le moins curieux. Comment, lorsque l’on a dans ses rangs un aussi bon chanteur que Daydé, à la voix grave très soul, aligner sur un disque la moitié d’instrumentaux, mettant en avant un violon imbécile ou des cuivres redondants ? L’époque y est sans doute pour beaucoup, mais ce genre de choix artistique délibéré est pour le moins curieux, et les conséquences ne se feront guère attendre, Daydé et le guitariste Fanen quitteront le groupe après ce disque.
Les meilleurs titres de ce « Zoo » sont d’assez loin ceux qui sont chantés, le rythm’n’blues jazzy de « If you lose your woman », l’alerte « Memphis train » repris à Rufus Thomas, le très Ray Charles « You sure drive … ». Les instrumentaux, forcément très datés, s’empêtrent dans la copie de BS & T (« Ramsès »), les pénibles jams violoneuses (« Rythm and Boss »), ou bluesy (« Bluezoo », comme son nom l’indique). Deux morceaux sont un peu à part, « Un samedi soir à Carnouet », ambiance bal à papa psychédélique ayant plus à voir avec Chicago (le groupe) qu’avec les Cotes d’Armor ; également le dernier, « Mammouth », avec sa rythmique très lancinante qui fait penser à ce que produira plus tard Magma …
Les départs de Daydé et Fanen porteront un trop rude coup à Zoo pour qu’il s’en remette. Un autre disque verra le jour, avec beaucoup moins de retentissement que ce premier qui avait quand même réussi à marquer les esprits. Quelques musiciens accompagneront Léo Ferraille momentanément en quête d’un virage « électrique », et quelques survivants remonteront le groupe sous le nom de Zoo Tribute en 2010 avec le succès que l’on imagine …

TRUST - TRUST IV (1983)


A côté de la cible et de ses pompes ...
Bernie, rentre le ventre, c'est pour la photo ...
Ce "Trust", quatrième du groupe est un album-concept, et qui tant qu’à faire développe deux thèmes : le premier (1ère face du 33 T à l’époque) basé sur la situation politique de la Pologne, d’où la pochette lourdement symbolique sur fond de drapeau polonais. « Solidarité », dans le titre « Varsovie » scandé en hommage à Solidarnosc, le syndicat libre de Lech Walesa opposé au régime communiste de Jaruzelski, fait de Bernie une sorte de Bernard-Henry Levy (Metal) peu crédible. Non pas que rock et conscience politique n’aient rien à voir (Dylan, le MC5, les Clash entre autres ont fait de grands morceaux ou de grands disques « politisés ») mais le public de base de Trust n’attendait pas (que) cela de ses héros. Et donc Trust, enfin plus particulièrement Bernie, se retrouve dans une situation délicate, lui le prolo enragé des années Giscard ne veut pas tirer sur la Gauche au pouvoir, et part donc dans des concepts elliptiques et mondialistes, qui vont à peu près aussi bien à sa grande gueule qu’un bon texte à Bigard …  Et ce n’était pas le hard-rock FM de « Idéal » avec ses cuivres genre « Urgent » de Foreigner qui pouvait rattraper le coup, tant il dénotait avec le boucan si particulier produit jusque-là.
La seconde partie du disque s’attaque carrément au mythe de Faust, plutôt réservé jusque-là à la musique classique et à l’opéra. Rock pompier à tendances progressives, chœurs de salle Pleyel, rien n’est à sauver.
Malgré une popularité, renforcée par un échange standard de batteurs avec les pénibles Iron Maiden quand avait fait grand bruit à l’époque chez tous les forgerons à blouson de jean, et une crédibilité sans failles jusque-là, ce disque totalement foiré sera un échec pour Trust et ne sera pas pour rien dans la dissolution du groupe deux ans plus tard, la France perdant du coup son seul groupe de hard crédible au niveau international.
Depuis, on attend la relève …
Enfin, y’en a qui attendent …


M - QUI DE NOUS DEUX (2003)


Le gentil Mathieu Chédid ...
M, quand par hasard je tombais sur une de ses chansons à la radio ou à la télé, je zappais direct. Impossible de supporter sa voix, il y peut rien, et moi non plus … ses clips naïfs, ses textes de poésie collégienne, désolé, mais y’a longtemps que j’ai plus douze ans… Je détestais même pas, pire, je m’en foutais complètement.
Jusqu’au jour, où, par un concours de circonstances, des histoires compliquées de partenariat, tout ça, je me suis retrouvé à un de ses concerts. En arrivant sur le lieu des prétendus méfaits, j’ai craint le pire … des nuées de gamins habillés encore plus flashy que la Bachelot, certains munis de guitares en plastoc roses, une scène qui semblait dessinée par Lewis Caroll … Bouffées d’angoisse, et un ange passe, qui a pris les traits de Chantal Goya …
Jimi Chédid ?
Et dès que les lumières s’allument et que retentissent les premières notes, toute cette cour de récréation qui s’hystérise, toute ferraille dentaire en avant… Putain, je suis où, là ? Et puis, très vite, surprise … Mais ça joue, là, ils font un raffût d’enfer à quatre, et çà, là, je rêve pas, c’est l’intro de « All along the watchtower », ce sont les riffs de « Whole lotta Rosie », ou de « Walk this way » ? Pendant deux heures, j’ai vu un concert bien plus rock que cinquante douzaines de groupes indie-alterno-machin en produiront jamais, servi par des types manifestement heureux d’être là, qui se la pètent pas du tout, qui assurent grave sans aucune démagogie racoleuse, et ravissent les trois mille minots en transe … Mea culpa, M sur scène, ça vaut vraiment le coup …
Du coup, j’ai même acheté un disque, à ce moment-là son dernier. « Qui de nous deux » que ça s’appelle. Un de ses plus côtés. Et bien, bof … Pas de quoi se relever la nuit. Des petits rocks gentillets à la Placebo (« Mon ego »), du petit hit sympa (« Qui de nous deux », « Sous ta peau »), de la ballade lunaire à la Higelin (« C’est pas ta faute »), du jazzy  (« Ma belle étoile »), du « culte » (« Le gimmick », où en concert M invite systématiquement quelqu’un du public qui a amené son instrument à venir jammer avec le groupe), … Et puis, tout le reste, malheureusement rempli de muzak onirico-poétique …
Conclusion, les disques de M, on peut très facilement s’en dispenser, mais live, on peut y aller …





LES NEGRESSES VERTES - MLAH (1988)


Tout va bien ...

… Puisque paraît-il c’est la traduction du titre en arabe de leur premier disque. Et ma foi, ça ne correspond pas trop mal à cette forme d’optimisme et de légèreté qui semble parcourir la musique des Négresses Vertes. Cette … famille nombreuse de bateleurs venue du milieu « alternatif » comme on disait à l’époque, va remettre au goût du jour toute une tranche du patrimoine culturel français, mais pas seulement,  tombée quelque peu en désuétude.

On retrouve chez les Négresses un peu du swing du jazz ringard de Ray Ventura, un peu de la poésie simple et décalée de Trenet, un peu de la chanson réaliste française (Damia, Fréhel), de la gouaille des titis parisiens, de la morgue des Apaches, et tous ces flonflons des bals des pompiers du 14 Juillet. Le tout mêlé à des sonorités empruntant aux folklores des deux côtés de la Méditerranée, Balkans, péninsule ibérique, Afrique du Nord … Un vaste fourre-tout, déjà esquissé à des degrés divers par les contemporains Rita Mitsouko, Bérurier Noir, Pigalle, Mano Negra…

Marchands de tapis ? De soupe ?
Les Négresses, c’est au départ la crédibilité en béton armé, notamment grâce à leur chanteur et figure de proue Helno, un ex de la raya Béru, la signature sur un label indépendant (Off The Track). Tout pour faire un succès d’estime. Seulement, et contre à peu près toute attente, c’est le succès grand public sera au rendez-vous, dans le sillage du drolatique « Zobi la Mouche » et du guilleret « Voilà l’été ».

Alors, à ce stade, il y a deux façons de voir les choses. Soit on applaudit, ouais, les losers, les sans-grade, sans le soutien de l’artillerie lourde du music-business, qui vendent du disque, font les prime time à la télé, et qui viennent faire la nique au système, toute cette sorte de choses…

Ou alors, on se dit que les Négresses Vertes ont ouvert avec leurs accordéons et leurs bouzoukis toute la putain de Boîte de Pandore et on pense à toute leur descendance, tous ces groupes de java-punk minables, en bermudas et Doc Martens, qui me les brisent menu dans des raouts champêtres sentant la merguez et la bière tiède, tous ces pseudo chanteurs réalistes, qui ne chantent pas bien et sont déconnectés de toute réalité … 

Le choix, à cette époque-là, il était là, soit continuer raide dans ses boots et crever la dalle avec dignité comme l’ont fait par exemple les Bérus, Parabellum, les Ludwig et tant d’autres, avant de crever tout court, soit la jouer prétendu second degré et courir les émissions de Drucker, Foucault et Sabatier comme l’a fait la tribu Mellino …

Tout va bien … tu parles … allez, cassez-vous avec vos accordéons, laissez ça à Giscard et Yvette Horner, et envoyez plutôt un gros riff distordu à la Chuck Berry sur une gratte pourrie. Vous passerez peut-être pas à la télé ou à la radio, … mais vous aurez mon estime.


FLORENT MARCHET - RIO BARIL (2007)


Kleenex sonore

Il y avait déjà les papiers peints sonores d’Eudeline ironisant gentiment sur la misère musicale des années 90, et le terme en avait traumatisé certains, persuadés qu’ils étaient que la musique des 90’s était géniale. Grosso modo elle est très nulle, mais c’est pas le problème … Un papier peint, à moins d’être un maniaque du relooking d’intérieur, ça reste en place quelque temps, ça décore et enjolive un intérieur, ça fait un cadre dans lequel on vit plus ou moins longtemps ...

Tout ça pour en arriver à Florent Marchet, qui lui va faire tapisserie, chez moi en tout cas, et inaugurer un genre particulier de disques, ceux que l’on jette après une écoute. Non, j’exagère, je suis un type sérieux et facilement attendrissable, je l’ai écouté presque trois fois ce truc…

Florent Marchet milite aussi pour le port du jacquard sans manche ...
Qui est mauvais et sans intérêt, ce qui en soi n’est pas grave, il y en a tellement dans ce cas. Non, en plus, ce « Rio Baril » est prétentieux et ambitieux, et se liquéfie à mesure qu’on l’écoute … Il s’agit d’un album-concept narrant plusieurs épisodes de la vie d’un quidam (Marchet en l’occurrence), dans une petite ville de province (Rio Baril). Des vignettes très imagées, quasi cinématographiques, à l’image de sa jolie pochette façon cinémascope. Jusque là ça va, c’est même intéressant. Intéressant, le premier titre, un court instrumental façon B.O de western italien, l’est aussi. Le titre suivant « Rio Baril », nous présente la ville fictive, c’est un très bon morceau, très mélodique, avec des arrangements bien vus de cordes et de trompettes qui viennent souligner le refrain.

A cet instant, mes milliers de lecteurs se demandent pourquoi j’ai dit que ce disque était nul. Ben c’est simple, après deux titres, c’est comme s’il était fini. Tous les morceaux qui suivent reproduisent (en nettement moins bien) pendant trois quarts d’heure « Rio Baril » le titre. Même tempo, mêmes constructions, mêmes schémas rythmiques, mêmes arrangements aux mêmes moments de cordes et de trompettes (qui finissent à la longue par gonfler aussi grave qu’un solo de biniou de barde celte, n’est pas Love ou les Pale Fountains qui veut), même diction de Marchet entre parlé et chanté. Les textes, originaux trente secondes, genre collage dadaïste chiadé, finissent vite par ressembler à du n’importe quoi à l’emporte-pièce et lasser aussi sûrement que la musique. Et ce malgré des efforts et des effets d’écriture, certains étant dus à un certain Arnaud Cathrine. A propos de Cathrine, y’a aussi l’autre, Katerine, le très pénible Gotainer des années Sarkozy, sur deux-trois titres… Comment voulez-vous faire un bon disque s’il traîne en studio ?

Alors, Marchet avec le soutien indéfectible des Inrocks (toujours aussi ridicules et qui la preuve sont corruptibles et démontrent encore une fois qu’ils n’ont rien à voir avec le rock, emboîtant le pas de la journalistique médiocrité à Rock & Folk encensant depuis un lustre les BB Brunes), est devenu le cataplasme branchouille à la mode. Rassurez-vous, quand les bobos avant-garde l’auront oublié, on n’en entendra plus parler du tout … Et ce sera une bonne chose.


LES VARIATIONS - TAKE IT OR LEAVE IT (1973)


Take it !

Imaginez dans les années 70, un disque dont le 1er titre (« Silver Girl ») évoquerait Stones et J. Geils Band. Le second (« Help me Marianne ») serait basé sur un riff et une voix à la Led Zeppelin. Les Faces ne renieraient pas le « Make you mine ». « I want to know » a de faux airs du « Mandolin wind » de Rod Stewart. Suivent encore un boogie à la Canned Heat (« Take the time to live »), un titre comme Joe Cocker période « Mad Dogs & Englishmen », et puis aussi …

Les Variations, ça décoiffe ...
Bon, on va s’arrêter là, car ce Cd n’est pas une vulgaire copie. Pas non plus un disque de fans. Ou pas seulement.

Ce disque aurait été sorti par un quelconque combo anglo-saxon, il serait une référence du rock des années 70, universellement célébré.

Malheureusement ses auteurs, Les Variations sont français. Et dans la Pompidolie finissante, aucune place ne leur sera réservée.

Les Variations de Joe Lebb et Marc Tobaly seront les premiers d’une liste de groupes français (Little Bob Story, Dogs, Thugs, …) crédibles à l’étranger et ignorés de presque tous ici. Les Variations sont le premier grand groupe de rock d’ici et « Take it or leave it » est un disque monumental.

Introuvable pendant des lustres, il est maintenant réédité et quelquefois couplé avec « Nador ».

Indispensable.

DOGS - LEGENDARY LOVERS (1983)


Maîtres Chiens

Trop de classe pour le voisinage ?
Ce qui frappe à l’écoute de ce disque, plus de vingt ans après sa sortie, c’est ce son toujours d’actualité, mettant magnifiquement en valeur les superbes morceaux présents ici. Rien  ne sonne daté ou nostalgique.

Les Dogs ont commencé à aboyer avec les punks. De ceux-ci, ils ont retenu l’urgence et l’attitude sans compromission. De tout ce que le rock’n’roll avait produit de meilleur, Dominique Laboubée et ses hommes ont su faire la synthèse. L’année d’avant avec les quelques moyens alloués par Epic leur nouvelle maison de disque, les chiens rouennais s’étaient fendus d’un remarquable « Too much class for the neighbourhood ». « Legendary lovers » est encore meilleur, parfait de bout en bout. Dans un monde idéal, tous les morceaux auraient pu être des hits. Las, même la version française de « Secrets » une de leurs très rares concessions à la langue de Molière est passée inaperçue.

Ce Cd est un des tout meilleur jamais enregistré par des Français, et malgré la disparition de Dominique, il n’est pas trop tard pour s’en apercevoir. Tombez sous le charme ….


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MIOSSEC - BOIRE (1995)


 Rue de la Soif

Ce premier disque de Miossec au milieu des années 90 avait marqué le Landerneau de la chanson rock. On y découvrait un type plus tout jeune (30 balais), balançant contre vents, marées et sons ambiants ses folk songs avinées. Le fantôme de Gainsbourg fut réquisitionné pour un étiquetage facile. Certes, on trouve des choses « écrites » sur les disques de Miossec (il a été journaliste et nègre pour une maison d’édition), il se fait photographier clope au bec et regard éteint par l’alcool de la veille pour une pochette qu’on peut faire voisiner avec celle de Gainsbarre en trave sur « Love on the beat » … et c’est à peu près tout. Les univers esquissés par les deux n’ont rien à voir.

Il est des nooôôôtres ...
Miossec vient d’une culture folk. Pas le folk engagé et à message des Guthrie ou Dylan destiné à changer le monde ou la vie des gens, ici il est seulement question de raconter le quotidien du vulgaire pékin, de sa vie moche et de son existence morose, avec la picole comme fil rouge. Miossec ne charge pas non plus la mule sur le côté breton de l’affaire et ne s’empêtre pas dans la facilité d’un pénible revival celtique, avec en point de mire les bardes barbus comme Stivell ou Dan Ar Braz.

Le cadre musical qui entoure les courtes tranches de vie décrites s’articule autour d’une orchestration minimale, à base seulement de grattes acoustiques et d’une basse au service d’un talent mélodique indiscutable. Pas la moindre trace de batterie au long de ce Cd, et seuls quelques accords martelés de piano sur « Recouvrance » ou de très rares guitares électriques sursaturées et stridentes (sur « Crachons veux-tu bien », « Des moments de plaisir », « La fille à qui je pense », ou le dernier titre caché  plutôt expérimental) sont présents.

On pense quelquefois au minimalisme des Violent Femmes, à une version acoustique de Noir Désir et forcément à ce que feront plus tard par ici les Louise Attaque, le pénible crin-crin de la bande à Gaetan Roussel en moins…

Le talent mélodique, un Cd assez court (les 40 syndicales minutes), et les titres s’enchaînent sans donner l’impression de répétition … quelques uns surnagent du lot, les deux premiers, « Non, non, non, non, je ne suis pas saoul » qui définit le cadre acoustique et ce phrasé de Miossec entre voix parlée et chantée, et « Regarde un peu la France », le moins intimiste de tous, qui cabosse les portraits du Ministre de l’Intérieur de l’époque, homme de SAC et de corde et de l’entiaré du Vatican … La meilleure réussite du disque étant pour moi « La fille à qui je pense », reprise à Johnny Hallyday et transformée en  une sorte de folk-grunge avec ses couplets acoustiques et son irrésistible refrain hurlé et électrifié.

A noter que Miossec, souvent réduit à son chanteur et leader Christophe Miossec est un groupe (Miossec, Guillaume Jouan et Bruno Leroux).

Du même sur ce blog :
L'Etreinte







KATERINE - ROBOTS APRES TOUT (2005)



Louxor j'adore ... le reste beaucoup moins
Katerine s’est créé une image. Le type décalé, lunaire, bizarre, intriguant. Incontournable des talk-shows télé à l’époque de la sortie de « Robots … ». Comme Gainsbourg qui venait faire son Gainsbarre dans les années 80, ou Lucchini son numéro d’hystérique dans les années 90. Après tout, si ça a aidé Katerine à vendre des disques, tant mieux pour lui.
Mais sur un Cd justement, adieu l’image, ne reste que la musique. Et là ça coince. Car passé « Louxor j’adore », absolue tuerie pour dance-floors et un des meilleurs morceaux français de la dernière décennie, le reste est plutôt triste. Fond electro minimaliste et simpliste pour ne pas dire simplet, et quand par hasard il y a une mélodie (« Numéros »), ce n’est qu’un pompage de celle de « 69 Année Erotique » de Gainsbourg.
Les textes ne valent pas mieux. Quelques délires dadaïstes (comme Higelin ou Brigitte Fontaine) mais ici vite bâclés, deux-trois obscénités pour faire rosir les joues des petites filles … Comme si tout ce qui lui passait par la tête devait absolument devenir prétexte à une chanson. Mais faire un morceau sur Marine du FN, est-ce une bonne idée ? A moins que ce ne soit au hommage au énième degré au « Nazi Rock » … de Gainsbourg.
Alors justement, Katerine le nouveau Gainsbourg ? Y a encore du boulot. Pour le moment, ce serait plutôt le prochain Gotainer.






JAD WIO - CONTACT (1989)


 Décadanse

Il y a le titre du disque qui renvoie à un morceau de Gainsbourg. Il y a aussi le texte de « L’amour à la hâte », qui cultive les tournures de phrases du buveur de Pastaga. Une influence évidente, mais pas la seule de Jad Wio, et pas la plus visible de prime abord.

Car en cette fin des années 80, K-Bye, Bortek, leurs potes et leurs machines, remettaient au goût du jour le glam-rock des seventies. Maquillés comme le Bowie de « Pin Ups » et d’ « Aladin Sane », fringués comme au temps des premiers Roxy Music, les Jad Wio s’offraient une virée sur la machine à remonter le temps, faisant au passage un petit coucou à toute cette frange du rock que l’on appelait « décadent » par ici. Cultivant androgynie et ambiguïté, enrobant leurs saynètes salaces de riffs que n’auraient pas renié Ronson, Hunter ou Wagner …

« Pricilla », sorte de chute de « Ziggy Stardust » ouvre les hostilités, et a même fait une petite carrière sur les ondes. Méritée, c’est le titre le plus évident du disque. « 3615 Mad Sex » aurait eu plus de mal, son texte aurait fait grincer quelques dents, et pourtant il s’agit de pop’n’roll d’excellente facture.

Le sommet du Cd, c’est « Ophélie », une ballade à la mélodie belle à pleurer reposant sur une douze-cordes acoustique. Un titre qui explose toutes les frontières littéraires de la chanson française, description crue de pratiques zoophiles revisitant une page mémorable de « L’Ane d’Or » d’Apulée. Mais il ne faut surtout pas réduire Jad Wio à quelques textes sulfureux ou dérangeants. « Contact » est un disque bien euh … léché, gros travail de mise en place sonore, instrumentation précise et soignée, à l’opposé d’une provoc vulgaire.

Ici, tout est classieux, guitares omniprésentes, et grosse performance de Bortek au chant. Pas non plus un disque de glam monolithique comme en produisaient les rustauds de Slade, on a droit à la fin du Cd à un rythm’n’blues lent et vicieux (« Gimme Ur night »), du pop-rock dansant (« Ride on » avec un riff de guitare qui évoque celui de « Need you tonight » d’INXS), ou encore « C’est çà » qu’on aurait pu retrouver tel quel chez les Rita Mitsouko.

Jad Wio, excellent en studio, est aussi un groupe bénéficiant d’une grosse réputation live, mettant en scène de véritables spectacles théâtralisés. L’activité du groupe s’écrit cependant en pointillés, parutions de disques et concerts étant assez aléatoires. Aux dernières nouvelles, Jad Wio existe toujours.

Des mêmes sur ce blog :







GERARD MANSET - LUMIERES (1984)



Lumineux

Gérard Manset est un cas unique : il fait des disques quand il veut, ne tolère aucune forme de promotion, ne se produit  jamais en concert. Autant dire que l’aspect commercial de son œuvre lui importe peu. La preuve, ce Cd commence par un morceau de pratiquement douze minutes. Et comme on a affaire à un des quatre ou cinq plus grands auteurs-compositeurs de langue française, ces douze minutes de « Lumières » sont captivantes, dotées de  superbes arrangements sur une rythmique de plomb.
Manset est le chanteur du spleen et de la mélancolie, ses textes sont certes désabusés mais profondément humanistes. Il n’a jamais produit de mauvais disques et celui-là ne faillit pas à la règle, on y trouve une merveille comme « Finir pêcheur », et le piano de « Vies Monotones » rappelle (forcément) celui de « Il voyage en solitaire ». On peut trouver pire comme comparaison …
Laissez vous tenter et entrez dans la lumière …





HIGELIN - BBH 75 (1974)


Nouveau départ

Avant de devenir le poète lunaire, décalé et éthylique à gros succès des années 80 et suivantes, Higelin avait traversé beaucoup de déserts…
Depuis le début des années 60, il a été acteur de théâtre, a enregistré avec la cinoque Brigitte Fontaine et Areski , (l’excellent « Cet enfant que je t’avais fait » seul titre à sauver de cette époque), sorti une paire de disques avec Pierre Barouh chez Saravah Records à oublier, joué les jeunes premiers au cinéma avec Marthe Keller (le dispensable « Elle court, elle court la banlieue »). En gros, rien qui lui ait amené une quelconque reconnaissance auprès du grand public.
« BBH 75 » va voir Higelin effectuer un virage radical vers le rock, et du rock  dans une version assez radicale, chose peu courante dans la France du milieu des 70’s… « Paris New-York … », le mini-hit « Mona Lisa Klaxon », « Est-ce que ma guitare… » (hommage ou pas à Woody Guthrie ?), « Œsophage … », « Boxon » sont des titres qui « déménagent ». Ce « BBH 75 » n’omet pas les ballades plus ou moins dadaïstes qui feront plus tard sa fortune et son fonds de commerce, ici « Cigarette », élucubration vaguement sexuelle, ou la somnolente « Une mouche sur la bouche ».
Le gros problème de ce Cd réside au niveau du son. Même si l’accompagnement musical est assez intéressant (avec de bonnes parties de guitare de Simon Boissezon), c’est quand même loin des standards anglo-saxons du genre. Essentiellement à cause d’un mixage variété qui met la voix d’Higelin très en avant et relègue tout le reste au second plan… Et comme le grand Jacques n’est pas Otis Redding …
Et comme souvent par la suite, c’est sur scène, où Higelin s’est révélé comme un des grands showmen de par ici, que se révèleront vraiment des titres souvent quelconques dans une discographie relativement inégale.











DOGS - TOO MUCH CLASS FOR THE NEIGHBOURHOOD (1982)



La Classe

Avec un titre pareil  (« Trop de classe pour le voisinage »), il vaut mieux être sûr de son coup et assurer, faute de quoi, plutôt que d’épater l’entourage, on va le faire rire.
Mais voilà, les Dogs ne sont pas des rockers prétentieux, pas plus qu’ils ne sont passéistes, suivistes, arrivistes ... Ce sont juste des rockers qui aiment la musique qu’ils jouent, et des gens comme eux, dans les années 80 (croyez-moi j’y étais), les rayons des disquaires en étaient pas vraiment remplis.
Bon, ce Cd est excellent, plein à la gueule de bonnes chansons originales (seulement deux reprises dont l’obligatoire et convenu « Train kept-a-rollin’ ») avec notamment deux merveilles de ballades : «The most forgotten french boy » et « Sandy Sandy » et son piano entêtant.
Les Dogs sont français et chantent en anglais (vous en connaissez des très bons disques de rock en français ?), la photo de pochette (parce qu’à l’époque on regardait un disque avant de l’écouter) fait preuve de bon goût (une Rickenbacker et Marvin Gaye à la télé).
Même si à titre perso je préfère celui d’après (« Legendary lovers »), « Too much class … » est également indispensable.



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LES PLUS GRANDS SUCCES DU PUNK - VOLUMES I & II



France, terre punk ?

C’était en tout cas la première fois dans les annales de la musique qui rocke et qui rolle qu’on n’avait pas quelques wagons de retard. Comme en Angleterre (les Etats-Unis, c’était trop loin, on savait moins ce qui s’y tramait), une multitude (enfin, quelques personnes) de jeunes mal coiffés, fans de disques «  bizarres » et bruyants (de Captain Beefheart à Dr Feelgood, ça ratissait tout de même large, fallait surtout pas que ça ressemble à Genesis ou Deep Purple) allaient vouloir faire de la musique, alors que dans le meilleur des cas ils n’étaient même pas foutus d’accorder une guitare, et ne parlons même pas d’en jouer…
Une poignée de lieux, d’individus, serviront de catalyseurs. Et tant qu’à n’en retenir qu’un, autant que ce soit Marc Zermati, dont le magasin de disques à Paris (l’Open Market) servira de lieu de rassemblement et de ralliement. Instigateur de ce qui doit être le premier festival punk européen (les improbables arènes de Mont de Marsan en août 1976), fondateur d’un label « militant » (Skydog), c’est évidemment lui que l’on retrouve à l’origine de cette compilation.
Déclinée en deux épisodes (il y aura une suite « Volume II : Le Retour », comprenant peu ou prou les mêmes groupes, avec d’autres titres). Evidemment, il n’y a aucun « succès » au sens NRJ du terme. Et d’ailleurs pas que des « punks » (c’est quoi un punk ?). Juste une collection de titres par des gens apparus à la même époque, à Paris ou en province, adeptes du « do it yourself », dans des genres musicaux assez hétéroclites. Il y a un monde qui sépare, tant par les racines ou les cultures musicales, le doo-wop 50’s  assez académique des Rockin’ Rebels et la bouillie sonore de, au hasard, Dentiste ou Abject … Mais chez tous, la même envie, la même urgence, de faire de la musique, ou au moins d’essayer de faire quelque chose qui y ressemble.
Bien peu de groupes présents continueront l’aventure, affineront leur propos, feront une « carrière », Little Bob Story et les Dogs faisant figure d’exception. Encore que leur carrière se mesure davantage en terme d’estime qu’en terme de fortune amassée pendant des années, voire des décennies de galères …  Il y a les « légendes » du mouvement, ceux devenus « culte » à titres divers, ou qui comptaient en leur sein des gens dont on a reparlé. Les Olivensteins des frères Tandy et leur géniale profession de foi « Fier de ne rien faire », les Asphalt Jungle (très mal joué, très mal chanté, donc excellent) du journaliste Patrick Eudeline, le fracas des gros riffs et de la boîte à rythmes de Metal Urbain annonciateur des Bérus, le Taxi Girl de Mirwais et Daniel Darc, punks et new wave en même temps, l’« ancêtre » Jean-Pierre Kalfon et son Kalfon Rock Chaud totalement obnubilé par les New York Dolls, les Scooters (futurs Starshooter) pour une reprise parodique du « Sweet Jane » de Lou Reed que Kent transforme en « Hygiène » (en fait, ce titre est un fake, les Scooters ne l’ont jamais enregistré, et il a été « refait » entre les deux premiers disques de Starshooter).
Les autres, ceux que l’histoire, qu’elle soit grande ou petite, a plus ou moins oubliés (Electric Callas, Marie & les Garçons, Lou’s, Pura Vida, Guilty Razors, Calcinator, 84, …), sont là aussi, pour démontrer qu’à Paris comme en province, ça bougeait, ça s’agitait au son de rythmes plutôt frénétiques.
Sont exclus des groupes apparus à la même époque (Ganafoul, Trust, Téléphone, …), oeuvrant dans des registres et des genres moins novateurs, plus conventionnels.
Par contre manquent sur cette compilation (et la suivante) les Stinky Toys, de Elli Medeiros et Jacno, pourtant rattachés à la scène punk française, et parmi les plus connus (ils ont tourné en Angleterre) de toutes ces formations bouillonnantes et électriques.
Quelques mois après cette « vague » française, le succès en Angleterre des Damned, Pistols et autres Clash, tirerait vers l’oubli ces quelques froggies novateurs …


















ANTOINE - ANTOINE RENCONTRE LES PROBLEMES (1966)

ANTOINE RENCONTRE LES PROBLEMES (1966)







Problématique

Antoine avec ses « Elucubrations » a eu au début 1966 un énorme succès au goût de scandales en tous genres. Durant ses galas (en France, on ne dit pas concerts, on a du vocabulaire) comme sur ses premiers enregistrements, ils est accompagné par un groupe, les Problèmes. C’est là qu’intervient leur manager commun, Christian Fechner, qui par la suite fera fortune en produisant de mauvais films (ceux des Charlots, les derniers De Funès, ce genre de choses, …).
Fechner veut capitaliser sur le succès d’Antoine et lancer les Problèmes. La carambouille est simple, faire un disque avec les deux. Ainsi naît le concept foireux de ce « Antoine rencontre Les Problèmes ». Une arnaque, Antoine n’est présent que sur deux titres. Les Problèmes se voient pour tout le reste adjoindre un chanteur (Gérard Rinaldi) à voix de ténor (le genre de voix qui fera le succès et la fortune de Lama ou Sardou), et que vogue la galère.
La « ligne » musicale est inconsistante. Les Problèmes singent ce qui marche Outre-Manche, peu importe qu’il s’agisse de soul, de rythm’n’blues, de rock garage, de pop. Le tout produit « à la française », les musiciens au fond du mix, le chanteur très en avant, avec des textes assez souvent navrants …
Même s’il y a dans le lot des titres intéressants, dont quelques-uns renvoient à la sauvagerie des Pretty Things (« Dodécaphonie »), reposent sur de gros riffs fuzzy (« Pop jerk », « Je ne vois rien »), ou mettent en avant de jolies mélodies au service de textes forts (« Ballade à Luis Rego, prisonnier politique », meilleur titre du disque et dénonciation de l’incarcération de leur guitariste rythmique dans les geôles de son Portugal d’origine). Le reste se perd entre titres anodins, pseudo-révolte dans l’air du temps (« On s’en fou »), ou reprise-pastiche du « I feel good » de James Brown (« S’il boude »).
Les deux titres d’Antoine ne relèvent guère le niveau. Un duo avec Rinaldi (« Contre-élucubrations problématiques ») reprend sans saveur les recettes des « Elucubrations ». Seul le titre de clôture du 33 T original (« Je dis ce que je pense ») voit Antoine se lâcher dans un pamphlet assez incendiaire conclu par un « Et merde ! » parfaitement audible. Very shocking dans la France de De Gaulle …
Si la réédition s’arrêtait aux 14 titres originaux, ce Cd serait musicalement passable. Six titres bonus montrent l’évolution des protagonistes, enfin, surtout les Problèmes, Antoine s’en allant enregistrer quelques rengaines à succès (« Pietre » notamment) en Italie. Ce « Antoine rencontre les Problèmes » va faire un four. Très rapidement sous l’impulsion de Fechner, les Problèmes vont devenir les Charlots, se lançant dans des pastiches de succès internationaux (« Hey Max », parodie de « Hey Joe » avec l’accent paysan berrichon), ou du comique ( ? ) franchouillard de la pire espèce (l’inénarrable « Paulette tu es la reine des paupiettes »).
De groupe de rock, les Problèmes étaient devenus en quelques semaines groupe à beaufs. Ne faisant par là que suivre une tradition entamée par tous les jazzeux Rive Gauche des années 50, faux anars mais vrais réacs (Vian, Yanne, le pathétique Henri Salvador), fans des soupes à l’oignon jazzy de Sydney Bechet, et se croyant cultivés, malins et comiques avec leurs « Blues du dentiste » et autres « J’aime pas le rock ». Comme eux, les Charlots allaient confirmer que décidément, le rock est une chose bien trop drôle pour être confiée à des clowns …


ANTOINE - ANTOINE (1966)





Oh Yeah ?


Antoine, c’est une météorite. Qui a traversé le paysage musical en l’an de grâce 1966, avant de se perdre en Italie (le pays de ses origines) et de prendre l’eau dans tous les sens du terme, ne réapparaissant par chez nous avec des bluettes sans intérêt que dans les prime time de Drucker, Sabatier et consorts (« On l’appelle Cannelle », cette sorte d’horreurs), ou dans les spots de pub pour vanter les prétendus mérites de binocles (sur ce point, exactement comme son « ennemi » Johnny, mais il en sera question forcément de l’Hallyday dans ce commentaire), quand il fallait rafistoler son rafiot ou en changer …
Antoine s’est retrouvé affublé du titre de beatnik. Déjà à peu près un contresens, comme tout ce qui touche la culture de la jeunesse en France. La culture beat est à l’origine littéraire et américaine (Kerouac leur père à tous, ses disciples Ginsberg, Burroughs, …). Antoine s’est arrêté à la partie musicale de l’affaire, les Woody Guthrie, Ramblin’ Jack Elliott, Bob Dylan. Et encore par l’intermédiaire de leur admirateur principal, son copain le folkeux anglais Donovan (ils sont en photo ensemble sur le livret). Le folk est un genre inexistant en France au milieu des années 60, où seul Hugues Aufray s’escrime à adapter sans trop de succès les premières rengaines de Dylan.
Ce « Antoine », à l’origine un 33 T compilant des Eps, est composés de folks qui doivent beaucoup au petit frisé de Duluth, qu’ils soient acoustiques (« Petite fille ») ou électriques (« Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ? », « Ne t’en fais pas ils rêvent », cette dernière faisant, et pas seulement par sa durée de plus de cinq minutes, irrésistiblement penser à « Like a rolling stone »). La jolie ballade à arpèges est aussi présente (« Bruit de roses », « J’ai oublié la nuit »), il y a même une incursion (ratée) vers le rythm’n’blues (« Métamorphoses exceptionnelles »). Voire vers la soul, avec « Une autre autoroute », titre à la mélodie voisine du « Stand by me » de Ben E. King, et saupoudré d’arrangements de sirtaki et de solos d’harmonica, pour moi « musicalement » le meilleur titre du Cd …
Mais ce n’est pas vraiment la musique qui a fait le succès d’Antoine, son backing-band, les Problèmes (futurs Charlots) ne se montrant guère irrésistible instrumentalement. Avec Antoine, c’est au niveau des textes que se situe l’essentiel. Non pas que des chanteurs à texte, il n’y en ait pas, à la limite il n’y a jamais eu que ça en France. Mais tous ces types qui semblent n’avoir jamais été jeunes (la sainte trinité Brel, Brassens, Ferré) sont des vieux qui font des disques pour des vieux. Antoine a 20 ans, et joue pour les gens de son âge, avec les mots et les thèmes que des jeunes comprennent. Le succès colossal des « Elucubrations » (tout est dit dans le titre, c’est du n’importe quoi qui rime) sera un rayon de soleil iconoclaste dans la France rance et grise de De Gaulle. Antoine ne respecte rien ni personne et le chante. Il n’est qu’à voir la réaction du pauvre Hallyday, brocardé dans une strophe, qui répondra par un « Cheveux longs, idées courtes » avant de se prendre lui-même quelques mois plus tard, en inconséquent pantin manipulé qu’il a toujours été, pour  un hippie.
Antoine ne se contente pas du délire informel des « Elucubrations ». D’autres titres mettent le doigt avec une longueur d’avance sur des problèmes dont va s’emparer la jeunesse et qui vont devenir récurrents dans la fin de la décennie. « La loi de 1920 », sur cette antique loi anti-avortement, montre toutes les batailles qu’avaient encore à mener les femmes dans la France gaullienne. Les pamphlets anti-militaristes (« La guerre », la comptine au vitriol « Pourquoi ces canons ») préfigurent les grandes vagues d’insoumission soixante-huitardes.
En tout cas, ce disque vaut bien mieux que l’image de skipper vaguement anar souriant et sympa que se coltine Antoine depuis des décennies. En 1966 , Antoine jetait les fondations de premières barricades qui allaient finir par pousser partout.
Même si avec cette réédition (d’excellente qualité sonore, soit dit en passant) la légende en prend un coup. On apprend ainsi dans les notes que tous ces titres que l’on croyait écrits par Antoine, ont en fait été pour la plupart déposés à la SACEM cosignés par un certain François Renoult. La légende de l’Antoine, rebelle auteur-compositeur-interprète seul contre tous se retrouve quelque peu écornée.
Le succès des « Elucubrations » ouvrait une voie pavée d’or pour la suite de sa carrière. Il n’en sera rien …
La suite au prochain épisode …




OH LA LA ! - OH LA LA ! (2011)




Oh Yeah !


Oh La La ! (hommage à Jacno ?), c’est Natacha. Lejeune. Ex frontwoman des fabuleux AS Dragon, qui avaient déjà « rencontré » Bertrand Burgalat, accompagné Houellebecq pour son OVNI sonore « Présence humaine », avant qu’elle les rejoigne pour deux disques « Spanked » et « Va chercher la police », où sa présence, son jeu et ses « tenues » de scène lui avaient fait obtenir une réputation d’Iggy Pop féminin, ce qui n’est pas rien … Las, trop de talents, trop d’egos au mètre carré, trop de succès (sourires), et exit AS Dragon …
Oh La La ! n’est pas un paravent pour un disque solo, même si ça en a tout l’air. Natacha partage l’écriture avec Benjamin Lebeau, ancien de The Film, duo electro-rock rémois, dont un titre « Can you touch me », servit il y a quelque temps à vanter les mérites ( ? ) d’une bagnole de chez Peugeot.
« Oh La La ! » est un disque court (35 minutes), nerveux, mariant urgence des guitares, métronomie de quelques machines, saturation électrique parfois nineinchnailienne … Et par-dessus tout ça, la voix de Natacha … A l’aise dans tous les registres, qu’il faille susurrer, murmurer, suggérer, feuler, gémir, crier, hurler … Grosse perf, mais qui ne se résume à un numéro technique. Natacha Lejeune n’est pas une potiche chantante (elle s’apelle pas Atlas ou pire, St Pier), on sent immédiatement qu’il faut pas trop lui marcher sur les Converse … Une présence à la Catherine Ringer. Analogie d’autant plus troublante lorsqu’un morceau (l’excellent single « Relax »), sonne comme du Rita Mitsouko de la grande époque « No comprendo » - « Marc & Robert » … On trouve tout du long de ce Cd des shots de rock’n’roll avec de gros riffs qui tronçonnent (« Carmen », « Really nothing »), de l’electro-rock (l’inaugural « Paris ne t’aime pas » assez proche des Kills), beaucoup de belles mélodies pop (« Rendez-vous avec un salaud », plongée en apnée dans les sixties yé-yé), la power pop de « Goodbye Superman », « Nu dans ton jean », le merveilleux « Oser », lui réminiscent des voix et mélodies très années 80 des Go-Go’s, Bangles, ou par ici Lio, Elli Medeiros (avec ou sans Jacno) …
En fait, ce disque est parfait jusqu’aux trois-quarts, jusqu’à ce qu’arrive pour un duo (voix et aussi malheureusement écriture ) le piteux Katerine pour l’affreux « Un poing c’est tout », que les auditeurs de Ruquier, ou pire les lecteurs des Inrocks pourraient malgré tout trouver génial. Les deux derniers morceaux sont eux aussi un peu faiblards, « I’m in the mood » et « Tomorrow » malgré quelques roulements de batterie très Keith Moon …
Mais bon, à l’heure où l’on nous vante le talent, voire le génie de quelques chantants ectoplasmes transparents (pas de noms, c’est pas le genre de la maison), on ne peut que recommander ce « Oh La La ! » aux hautes vertus calorifères qui aidera à attendre l’arrivée des jours meilleurs …