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JONI MITCHELL - HEJIRA (1976)

Voyage, voyage ...

Aujourd’hui, environ cinq cents mois après la sortie de ce disque, qu’en reste-t-il de ce « Hejira » et de Joni Mitchell ? Pas grand-chose, ni du skeud, ni de la dame …
Celle qui fut la Reine de Laurel Canyon sinon du peuple hippy une fois la Joplin partie conduire sa Porsche peinturlurée fuschia dans les paradis artificiels qu’elle connaissait bien est aujourd’hui une vieille dame un peu beaucoup oubliée qu’il faut aider à traverser les rues et protéger de la canicule. Et les nouvelles qui suintent du net sur Joni Mitchell la disent bien malade …
Joni Mitchell elle s’est révélée au monde avec l’hymne définitif des grands raouts hippies, ce « Woodstock » dédié au festival du même nom (auquel elle n’a pas participé), qu’elle a écrit et que Crosby Stills Nash & Young ont infiniment popularisé en le reprenant sur « Déjà Vu ». Et tant qu’à évoquer les Beatles hippy, ils furent bien sûr ses amis, voire ses amants … Parce que la Joni, pas un super canon, fut une croqueuse d’hommes et un cœur d’artichaut. La liste de ses amants recoupe à peu près celle des stars du rock californien des 70’s, plus quelques autres de moindre renommée…
Joni Mitchell 1976
Son âge d’or artistique, ce sont ces mêmes seventies. Où tout est à sauver ou presque, même si la qualité ira en déclinant plus la décennie tirera vers sa fin. « Hejira », translation phonétique de « hégire » (le voyage qui marquera la théorisation de l’Islam par Mahomet si j’ai bien compris). Bon, le « Hejira » de la dame Joni est un peu moins lourd de charge devant l’Histoire. Ce voyage, Joni Mitchell l’a réalisé en bagnole avec des amis pour se refaire le moral et se ressourcer après une rupture amoureuse. Et c’est sur la route, avec les moyens du bord (la guitare) qu’elle a composé tous les titres, alors que d’habitude elle compose au piano.  Est-ce la crainte de la simplicité (les mélodies écrites à la guitare sont plus simples que celles écrites au piano) qui lui a fait rechercher la sophistication en studio, ou une suite logique somme toute, entamée avec son précédent « The hissing of summer lawns » ? Que ceux que ça intéresse se fassent connaître, il n’y a rien à gagner et pas de réponse ici …
Toujours est-il que ce « Hejira » a un enrobage musical minimaliste. Mais un minimalisme complexe. La Mitchell est allée chercher le bassiste virtuose de Weather Report Jaco Pastorius himself, et le guitariste jazzy forçat des sessions que tous les studios west coast s’arrachent, Larry Carlton. Les deux ne jouent pas sur tous les titres et pas forcément ensemble, mais l’instrumentation est réduite. Quelquefois une batterie caressée, un filet de clarinette sur un titre, une paire de cuivres quasi inaudibles sur un autre, et c’est tout.
J Mitchell & J Pastorius
Que ceux qui pensent que « Hejira » peut ressembler aux premiers crachats folks de Bob Dylan passent leur chemin, on en est ici à l’antithèse. C’est hyper technique (le Pastorius et le Carlton n’étant pas exactement réputés pour la sobriété de leur jeu), hyper compliqué (on touche aux limites de la composition à la guitare), hyper chiadé (le son est pur et clair comme du cristal, no guitare fuzz évidemment) … et souvent hyper chiant aussi …
« Hejira » est un des plus longs enregistrements couchés sur un seul vinyle (52 minutes), on est dans le cœur du mille du centre du son west coast (rien qui dépasse, qui crisse, qui grince, jamais un mot ou une note plus haute que l’autre). Les textes sont interminables (à la Dylan) et sont de purs récits (jamais de refrain), souvent axés sur sa gamelle sentimentale (dont on se fout un peu beaucoup) ... Et la Mitchell, si elle est un bon auteur-compositeur, n’est pas une chanteuse extraordinaire, elle se met souvent à la limite de la rupture dans les montées vers les aigus, et c’est plutôt pénible, même si c’est son style immuable… Alors faut chercher des branches auxquelles se raccrocher pour éviter de s’endormir.
La pochette d’abord. Et que ceux qui comprennent pas aillent voir à quoi ressemblent les pochettes de la disco de Joni Mitchell (elle a très souvent la désagréable habitude d’y mettre un de ses crobars peinturlurés arrivant à faire rivaliser en mocheté visuelle son œuvre avec celle de Dinosaur Jr, ce qui n’est pas rien …). Celle-ci, elle n’en a eu que l’idée, laissant la réalisation à des gens dont c’était le métier et c’est une bien bonne idée … on voit la Joni en surimpression d’une route attifée du béret à la Faye Dunaway dans « Bonnie & Clyde », accessoire indispensable de toutes les bobos californiennes des 70’s …
Furry sings the blues - Neil Young & Joni Mitchell
Une moitié des titres ne mérite pas pour moi qu’on en parle, not my cup of tea … Force est de reconnaître que le joli écrin dans lequel ils sont sertis fait briller des choses comme l’inaugural « Coyote » (Pastorius et Carlton, la Joni guitare et voix, de la technique qui swingue un peu, allez ça passe …), ou le soft rock de « Song for Sharon » (la Sharon étant si j’ai bien compris une sienne amie, canadienne comme elle, qui aurait voulu être artiste et n’a pas réussi). Recueillent également un avis favorable « Furry sings the blues » (au sujet de Furry Lewis, country man bluesy septuagénaire, qui pour la petite histoire n’a pas du tout apprécié d’être l’inspirateur du titre), rehaussée surtout par la présence de l’harmonica de Neil Young qui intervient là comme dans la B.O. de « Dead Man », c’est-à-dire au feeling et ça tranche avec le côté bien clinique du restant du disque. Un mot pour « Black crow », le titre le plus « rock » (enfin le plus strident dans le contexte), mais qui n’a certainement pas été à l’origine du nom du groupe des frangins Robinson …
Précisons (rigueur, sincérité et objectivité à la de Rugy, hein, vous me connaissez) que certains bobos malentendants considèrent ce « Hejira » comme le sommet de l’œuvre de Joni Mitchell et une des merveilles du style West Coast …



PHIL OCHS - PLEASURES OF THE HARBOR (1967)

Balance ton port ?

Phil Ochs est bien oublié aujourd’hui (il a passé l’arme à gauche, forcément à gauche en 1976). Mais même de son vivant et dans sa meilleure période (les sixties), il jouait en seconde division. La faute à Dylan, qui a tellement écrasé la décennie de ceux qui chantaient en s’accompagnant d’une guitare en bois, et traumatisé ceux des générations suivantes qui voulaient s’adonner à cet exercice. A l’instar de tous ces Paul Simon, Leonard Cohen, Donovan (et je cause là que du très haut du panier), il y avait Dylan et les sous-Dylan.
Qui a dit que personne écoute Phil Ochs
Ochs a commencé dans un style très rustique (like Dylan), avant d’évoluer (like Dylan again). Mais là où le petit frisé recrutait de rudes soudards qui faisaient rugir les Marshall (Bloomfield, Robertson), Phil Ochs s’est orienté vers des arrangements à base de cordes, de vents, de piano, … avec un rendu qui fait souvent penser à de la musique de chambre, ce machin pour les nobles joué dans les palais royaux vers les XVIème et XVIIème siècles. Forcément ça n’a pas plu à tout le monde. L’encyclopédiste et pontifiant Robert Christgau, auto-proclamé pape indiscutable de la critique rock américaine des années 60 et suivantes, a décrété à propos de ce « Pleasures … » que Ochs avait dans les cordes vocales un demi octave et qu’il jouait de la guitare avec des mains palmées. Ce qui est pas très gentil … même s’il y a un peu de ça …
Ochs n’est pas Roy Orbison, on est d’accord. Il interprète tous ses morceaux de la même façon, ballade folk mid ou down tempo. C’est son style, son approche du genre, et on pourrait faire le même reproche à plein de chanteurs, de folk ou d’autre chose. Malgré ses limites, il fait vivre ses chansons, et c’est bien là l’essentiel. Quant à sa technique à la guitare, faut avoir l’oreille plus que fine pour en trouver trace dans ce disque. Elle n’est présente que sur un seul morceau, celui qui donne son titre à l’album. Et on peut lire un peu partout que c’est pas Ochs qui en joue, mais le tout jeune Warren Zevon (Warren qui ? Pfff, laissez tomber …), même si c’est écrit nulle part sur la pochette du disque.
Ah ouais, je vous ai pas encore dit. Déjà que les galettes de Ochs sont pas vraiment en tête de gondole dans les Leclerc, « Pleasures … », assez souvent débiné par tous ceux qui en causent, est encore plus rare que les autres, et ne se rencontre semble-t-il plus que d’occase en vinyle à un prix abordable.
N’écoutant que mon courage en ces temps de pensée nivelée par le bas du gilet jaune, j’affirme que « Pleasures … » est un disque superbe. Il n’y a de fait qu’un titre à jeter, le dernier, « Crucifixion », dans lequel Ochs passe en revue quelques martyrs célèbres, dont JFK, sur un fond de synthés préhistoriques, avec voix hiératique à la Nico – Scott Walker et instrumentation idoine, ce qui ne ravira que les fans de la chuteuse de vélo et du faux frère Walker, autrement dit pas grand-monde … Mais le reste, désolé, ça tient la route et plus que bien à considérer que quel que soit le talent de Dylan, il n’est pas l’alpha et l’oméga de la musique populaire américaine à lui seul.

Il y a fort à parier que ceux qui aiment Leonard Cohen (qui à l’heure où Ochs était supposé sur le déclin commençait à peine sa carrière) ou le Neil Young « symphonique » de « A man needs a maid » ou « There’s a word » du partout adulé « Harvest » devraient jeter une oreille sur ce « Pleasures … ». Ils y entendraient des mélodies à fleur de peau first class (« Cross my heart », « Flower lady », « I’ve had her », « Pleasures … ») sur des titres superbes car pas parasités par les arrangements millimétrés des instruments classiques (alors qu’on peut trouver que le pourtant génial Jack Nitzsche a eu la main plutôt lourde avec le London Symphonic Orchestra sur « Harvest »).
Il y a une similitude de tons et de sons, certes (mais qui à part moi, reproche à Canned Heat de faire le même titre depuis 50 ans ?), même si les digressions restent possibles et de bon goût. Lorsque l’on crie au génie du Band quand ils s’attaquent au dixie (« The night they drove Old Dixie down »), il faut aussi s’agenouiller devant « Outside of a small circle of friends » de Ochs, bien parti pour un faire un hit jusqu’à ce qu’on s’aperçoive d’un « smoking marijuana » au détour d’un vers, ce qui même en 1967, suffisait pour faire interdire une chanson d’antenne. Même si musicalement Ochs vient de New York (et des clubs du Village), il est capable d’aller chercher pour enluminer ses titres du jazz genre piano bar (« The party ») et laisser un virtuose de l’instrument, Lincoln Mayorga apporter une touche de technique avant-gardiste à la manière d’un Mike Garson chez Bowie. La touche jazzy peut se faire plus grivoise genre New Orleans sur « Miranda ».
Pour finir, y’a autre chose qui peut rebuter, c’est la longueur des titres. Cinq (sur huit) dépassent les six minutes, ce qui en matière de folk comme de la plupart des autres genres écoutables, peut paraître un peu longuet, d’autant que les ponts censés aérer les titres ne sont pas de ceux qui s’incrustent dans les mémoires.
Et donc, je vais de ce pas soumettre (mais à qui ?) que soit organisé un RIC afin que soit rééditée à prix gilet jaune l’intégrale de Phil Ochs.



COCOROSIE - LA MAISON DE MON REVE (2004)

Le folk version Comtesse de Ségur ?

Bon, va falloir faire gaffe à ce que je vais écrire. Parce qu’en ces temps hashtagués de porcs à balancer, de flics qui pourront te foutre une prune parce que tu mates le cul ondulant d’une meuf dans la rue, faut rester le doigt ( !) sur la couture (extérieure) du pantalon. Ou alors on va t’accuser d’être pote avec la diabolique Cathy Deneuve (vous trouvez pas qu’elle a encore grossi ?), ce qui à tout prendre (mais non, pas de double sens) vaut mieux que l’être avec toutes ces féministes moches, mal draguées et mal b… oups, j’ai failli faire une Weinstein … ou une Trump …

CocoRosie, alors … deux petites minettes qui semblent se galocher sur la pochette et … oh, putain, je recommence …
CocoRosie, ce sont deux sœurs. Dont l’une ne s’appelle pas Coco et l’autre pas Rosie, ce serait trop simple. Deux  jeunettes avec un passeport ricain, filles d’un couple de baba cools bohêmes (pléonasme), élevées séparément et qui, attention, fairytale à verser une larme, se retrouvent dans une chambre de bonne de Montmartre, et vivent adultes la sororité qu’elles n’ont pas partagé durant leurs jeunes années. Hein ça donne pas envie d’en écraser une (de larme) ? Comme elles ont quand même dépassé l’âge de jouer à la poupée, elles vont jouer à faire un disque. Avec les moyens du bord, ceux que tu as quand tu partages une chambre de bonne sous les toits parisiens, c'est-à-dire aucun.
Bon, ça s’entend que c’est un disque de fauchées. On a droit à tous les poncifs de la vraie vie qui s’immisce sur la musique (les klaxons des bagnoles, les téléphones qui sonnent, la pluie sur le velux, les casseroles qui servent de batterie, les instruments MIDI d’occase que joues d’un doigt malhabile et que tu branches à un Pentium essoufflé, les approximations mélodiques et vocales, and so on …). « La maison de mon rêve » (comme quoi on peut reconnaître aux deux frangines un certain sens de l’humour, même si ça claque moins que « Dreamhouse »), est un disque tout ce qu’il y a d’approximatif. Ce qui le sauve la plupart du temps, c’est que cette approximation semble plutôt naïve que délibérée.

Bizarrement, ce disque sortira sur le label Touch And Go, pas vraiment réputé pour ses artistes maniant à longueur de journée calembours et jeux de mots dans la bonne humeur (Rollins Band, Slint, Big Black, Rapeman, …). Encore plus bizarrement, toute une faune musicale marginale voire étrange, genre le gourou folk new age Devendra Banhart ou le (la ?) transgenre leader d’Antony & The Johnsons (deux qu’on retrouvera par la suite régulièrement sur les rondelles de CocoRosie) s’entichent des deux sœurs chantantes …
Faut avouer que « La maison … » n’est pas rebutant. Folk dépouillé comme tous les fauchés sont obligés de faire depuis Woody Guthrie, mais pas forcément austère et rêche. Plutôt le contraire, d’ailleurs, c’est souvent gai, enjoué au niveau du rythme, même si le propos est parfois moins drôle. Il est toutefois recommandé d’apprécier fortement Kate Bush (ou Bjork et Tori Amos si l’on préfère les copies aux originales), à cause de la voix crispante dans les aigus d’une des deux sœurs (comme quoi, monter dans les aigus peut s’avérer pénible si derrière y’a pas quelques octaves pour nuancer). Il est aussi fortement recommandé d’accrocher dès le premier titre parce qu’ils ont tendance à se ressembler, construits à peu près tous sur le même tempo et les mêmes gimmicks.

Ça tombe bien, car pour moi les meilleurs morceaux sont au début du disque, on sent à la longue l’essoufflement de la formule qui vire redite. Même si le disque se finit sur le titre le plus émouvant (« Lyla ») qui parle de Yougos kidnappeurs d’enfants, hymne de guingois à la fin de l’innocence, ou réalité vécue (en vrai ou par procuration ?) qui vient tirer de la somnolence dans laquelle on finit par s’installer … Parce que rien dans le cœur de « La maison … » n’égale la triplette introductive. « Terrible angels » place le décorum sonore, à base de bruits parasites et de voix en contrechant surimposées approximativement, sans que l’on devine si c’est fait exprès (très certainement) ou si c’est du grand n’importe quoi. En tout cas, ce premier titre attire et l’oreille et l’attention … « By your side », est aussi d’une simplicité touchante, suffit de dépasser l’aspect version gag de « Wuthering Heights » avec sa voix suraigüe et son instrumentation cheap. Le faussement simplet « Jesus loves me » cache une subtilité douce-amère derrière ses airs de comptine neuneu, c’est à mon sens le meilleur morceau de la rondelle.
Par la suite, on dresse l’oreille sur un « Tahiti rain song », bruitisme zen et morceau genre Tom Waits sous hélium, on finit par ranger après écoute attentive « Madonna » (qui n’a rien à voir avec la material girl ou la Lady des Beatles, mais est une ode à la femme du charpentier), dans la catégorie des sous « Hallelujah » (Cohen) ou « Presence of the Lord » (Blind Faith) …
Et on attend la fin du disque en se disant que c’est pas trop mal ce qu’on entend, mais bon, qu’il serait temps de revenir à des choses plus sérieuses et un peu plus énergiques.
Et à la question que tout le monde ( ? ) se pose, à savoir pourquoi l’une des deux frangines se maquille en se dessinant une moustache sur bon nombre de photos, j’ai pas la réponse. Et je la cherche pas d’ailleurs …



JOSH RITTER - THE HISTORICAL CONQUESTS OF JOSH RITTER (2007)

A moitié conquis ...
De Josh Ritter, je ne sais quasiment rien. Singer-songwriter folkeux de la « nouvelle génération », la trentaine au moment de la rondelle dont au sujet de laquelle il est question. Encensé à ses débuts comme un génie en devenir, genre Ron Sexsmith ou Rufus Waingright, avant que ses laudateurs d’un jour passent à autre chose … Et ce disque acheté au hasard, sur la foi de quelques dithyrambes venus de sites ricains, parce que la notoriété du bonhomme a oublié, comme celle de nombre des ses congénères, de traverser l’océan …

« The historical conquests … » (et ne demandez pas pourquoi ce titre à la con, j’en sais rien) est bluffant d’entrée. Mais vraiment bluffant. Le premier titre (« To the dogs of whoever ») convoque instantanément le Dylan circa 65, que ce soit dans le rythme de la chanson, ou dans la voix, à s’y méprendre. C’est pas un décalque, parce que ça évolue en une sorte de gigue celtique qui fait penser à des Pogues au ralenti. En tout cas, effet garanti, ça capte l’attention.
Et ça continue. « Mind’s eyes », qui suit est plus que bien foutu, avec son gimmick de guitare-sirène à la « London calling » (le morceau) du Clash. Et pendant la première moitié du disque, rien  à jeter. Et pas grand-chose qui renvoie à un tristos égrenant sur sa gratte acoustique un pathos dégoulinant pour faire chialer dans sa bière. « Right moves », c’est du Supergrass avec une partie cuivrée (trompette ? trombone ?) à la Love (ou aux Pale Fountains, ce qui revient au même). C’est électrique, mélodique, entraînant, finement produit (le dénommé et inconnu pour moi Sam Kassirer).
Et ça continue, encore et encore. Quatrième morceau, le springsteenien par son titre (« The temptation of Adam »), semble en fait tout droit sorti d’un inédit de Nick Drake (l’épure mélodique parfaite). « Open doors », drivé par un gros shuffle emporte la chanson bien au-delà du folk à papa. « Rumors » est une petite tuerie pop.
Et puis, alors qu’on se dit qu’il va falloir faire un triomphe à cette rondelle et tresser une couronne de lauriers à son auteur, se pointe un court instrumental, genre bouton sur le pif de Miss France. On est prêt à pardonner ce qui pourrait passer pour une faute de goût mineure, un péché de jeunesse. Sauf qu’arrive pile poil derrière « Wait for love », un truc avachi entre folk et ragga hindou, qui te fait immédiatement réviser à la hausse l’œuvre pénible d’un Devendra Banhart. Impression dubitative renforcée avec « Real long distance » qui fait penser aux Kinks, mais gros hic, aux Kinks des années 80, avec mélodie tarabiscotée limite pénible et batterie herculéenne.
Le reste est à l’avenant, soupe à la grimace sonore. On voit bien où le Ritter veut en venir, piochant dans des références (bonnes, voire plus) pour les ressortir à sa sauce. Sauf qu’à force de faire des titres « à la façon de », tu te caches, oublies de montrer de quoi tu es vraiment capable, et l’ensemble finit par sonner comme une auberge espagnole musicale (« Next to the last romantic », comme si Johnny Cash reprenait du Creedence, ou le contraire, à quoi ça sert, sinon à montrer que tu es capable de sonner comme les deux…). Et là, ça défile dans le commun, voire le balourd, avec dans cette seconde partie du disque, le seul « Still beating » (classic folk, mais qui sonne « personnel ») à sauver.

Heureusement que le Ritter a la bonne idée de donner dans le concis (14 titres pour quarante minutes), sinon y’a des fois où on finirait par trouver le temps long … Etrange, cette construction symétrique (pour moi, lui doit pas envisager les choses de la même façon), où après un début sur les chapeaux de roues, on termine dans le bac à sable (l’inconsistant mantra folk « Wait for love » en point final).
Dans l’esprit « t’as vu comme je suis doué et malin, je peux tout jouer … », Josh Ritter me fait penser à Wilco. Sauf que dans Wilco il y a (en plus d’une cohorte de redoutables instrumentistes) Jeff Tweedy qui évite de se perdre dans les hommages trop voyants pour toujours rester au-dessus de ses influences. Et depuis dix ans, il me semble pas que la notoriété de Ritter soit en passe de rattraper celle de Kanye West …

Conclusion : si vous tombez sur cette rondelle pour pas cher, vous pouvez tenter le coup. Sinon, écoutez … autre chose.



KEVIN MORBY - CITY MUSIC (2017)

New York, New York ...
Il y a quelque temps que le nom de Kevin Morby circulait de façon plus ou moins underground. Avec force renfort de superlatifs. Sauf qu’on me la fait pas. Des soi-disant surdoués auteurs de disques extraordinaires et qui finissent six mois après à moins d’un euro sur Priceminister, j’ai cotisé. Et avec l’âge, je suis devenu un vieux con méfiant. Alors la presse elle peut raconter ce qu’elle veut. Je les crois plus sur parole. Faut que j’écoute le bestiau avant de donner un avis ferme, définitif et incontestable.

Et donc, incontestablement, ce « City Music » est un grand disque. Très grand disque. Et il m’étonnerait que des trucs aussi bons, il en sorte plus d’une poignée cette année. Parce que là on en tient un. Un quoi ? Un grand songwriter. C’est à-dire un type capable d’écrire de grandes chansons qui s’incrustent dans le cerveau, un type capable de les enregistrer intelligemment, et de les chanter correctement. Ce qui par les temps qui courent, est une denrée plutôt rare.
Le Morby, il vient du Midwest et est allé humer l’air du circuit folk new-yorkais. Ça vous rappelle pas quelqu’un ? Soyons clair, Morby n’est pas le nouveau Bob Dylan. Pas con, les dizaines qui se voyaient piquer la place au Zim, sont disparus corps et biens, laissant au passage quelques machins ridicules, pompeux, prétentieux mais finalement bien vains et oubliables. De toute façon, Morby (qui cite Dylan comme référence et influence) n’a pas encore de choses du calibre de … ben des classiques de Dylan. Morby cite aussi Lou Reed. Là, il aurait pas besoin, tellement ça s’entend. Ecoutez « Tin Can », tout, mélodie, arrangements, jusqu’à la voix traînante, fait surgir le mot magique de « Transformer ». Carrément.
Morby, c’est pas un perdreau de l’année. Il approche la trentaine, et a largement payé de sa personne dans les groupes à l’audience famélique (Babies, Woods). Les galères en tout genre habituelles, quoi … Et puis il a décidé de partir en solo. Et à Los Angeles. Même si tout dans ce disque est totalement new-yorkais, comme un être aimé qui vous manque et dont on ne peut se défaire de l’image. « City Music » est une déclaration d’amour (il pouvait pas l’appeler « New York », Lou Reed l’avait déjà fait). Et même quand Morby rend hommage aux Germs (de Los Angeles), la relecture qu’il fait d’un de leurs titres (« Caught in my eyes ») transpose le groupe punk extrémiste de l’autre côté du pays. Et tant qu’on est à causer punk ou assimilés Morby se fend d’un hommage aux Ramones totalement dans l’esprit des faux frangins. Le titre s’appelle « 1234 » (que ceux qui n’ont pas compris lèvent le doigt, il y a mes ricanements à gagner), ressemble à leurs titres par la durée (1’45), et la simplicité des paroles et se conclut par un triste et lapidaire « they were all my friends, and they died » …

Lou Reed , les Ramones, c’est évident. Television aussi, le temps du morceau-titre qui s’étire sur plus de six minutes, avec ses parties de guitare qui rappellent furieusement celles de Lloyd et Verlaine. Le reste, c’est plus subliminal, on peut devenir que le type connaît ses classiques (Leonard Cohen, Neil Young, Jonathan Richman, Joni Mitchell, …). Et dès lors il se pose en concurrent direct du Wilco de Jeff Tweedy. Parce que Morby n’a pas enregistré avec de vieux briscards requins de studio maîtres es-country-rock depuis des décennies. Tout est fait par son backing band scénique, avec mention particulière à son alter ego de l’ombre, Richard Swift, multi-instrumentiste et coproducteur de ce « City Music ».
Qui impressionne de la première plage, la lente ballade mélancolique sur fond de nappes synthétiques jamais envahissantes, qui mettent en valeur sa belle voix grave (« Come to me now »), jusqu’à la somptueuse doublette finale (« Pearly gates » avec son riff démarqué de celui de « Sweet Jane » et la ballade apaisée « Downtown’s lights »). Aux dires des connaisseurs, ses trois précédents disques solo sont aussi bons que ce « City Music ». Dès lors, on peut s’interroger sur l’avenir de Morby. Il peut devenir « quelqu’un », par les références aux antiques Commandeurs, la connexion subliminale avec Cobain (la reprise des Germs, dont le guitariste était Pat Smear, qui fut celui des dernières tournées de Nirvana). A son débit, on peut pas dire que Morby soit très charismatique, avec son non look dépenaillé. Pas sûr non plus que le minuscule label indé qui l’a signé (Dead Oceans) ait les épaules suffisamment solides pour le mener vers la gloire. Au pire, il finira avec la réputation d’artiste culte confidentiel, dans la même étagère que d’autres surdoués méconnus, comme Stephen Malkmus ou l’Anglais Richard Hawley…

On vous aura prévenus …  


BOB DYLAN & THE BAND - THE BASEMENT TAPES (1975)

Sacré Graal ?
Cette chose-là, double vinyle parue en 1975, était depuis quasi une décennie l’objet des élucubrations, frissons et fantasmes les plus fous chez tous les fans du petit Bob. Un truc aussi recherché et improbable que le monstre du Loch Ness. Pensez donc, une ribambelle de titres enregistrés tous potards de coolitude sur onze par Dylan et ses accompagnateurs de l’époque, The Band. Et à un moment crucial, à partir de juillet 1966, alors qu’au faîte de son art et de sa gloire, le ménestrel frisé s’était reclus en pleine cambrousse, à quelques pas de Woodstock. Soi-disant pour se requinquer après un accident de Triumph.
Ouais, la vie et l’œuvre de Dylan revisités façon chanson de geste, si ça fait un peu sourire aujourd’hui, à l’époque c’était une affaire autrement plus sérieuse. Parce que Dylan, déjà à l’époque, c’était Dylan. Le nom à balancer lorsqu’il fallait causer choses sérieuses. Sauf que le wokandwoll c’est toujours mieux quand c’est fait par des gens pas sérieux, et surtout à cette époque-là. Dans les sixties, Dylan était la chose des intellos binaires, de tous les ceusses coincés du popotin qui préféraient se prendre le chou à essayer de comprendre de quoi pouvait-il bien causer et quel était le sens caché de ses hermétiques sonnets folk. Y’en a même qui ont pondu des sommes farcies de renvois et d’annotations pour expliquer chacune de ses chansons. Ce qui doit bien faire marrer Dylan parce qu’à force de tirer sur le oinj, de renifler des buvards ou des poudres blanches, t’écris des trucs que tu sais même plus ce que ça veut dire quand par hasard tu te réveilles à jeun, et puis tu t’aperçois que des décennies plus tard, des rats de bibliothèque pondent des thèses sur un truc torché en cinq minutes les neurones en vrac …
Déjeuner sur l'herbe : Dylan & The Band
Où en viens-je avec ce départ cahoteux ? Que comme pour beaucoup, on a un peu trop exagéré avec Dylan. Oh, pas question de les minimiser, ni lui ni ses skeuds des sixties qui ont placé la barre à une hauteur vertigineuse pour la concurrence. Et c’est là le problème. Quand t’es monté trop haut, tu fais comme Icare, tu te crames les ailes et tu tombes de haut. Ou de moto. Ce fameux accident (ou pas, d’ailleurs, tant les dylanologues de tout poil continuent de s’écharper sur son existence même) lui a permis de se mettre en stanb-by. Parce qu’après avoir livré son triptyque ahurissant (« Subterranean … – Highway 61… – Blonde … »), ce genre de galettes indépassables et insurpassables, t’as du mal à enchaîner. Surtout que la concurrence elle sort pas des trucs dégueus. Beatles, Stones, Doors, Floyd, Hendrix, et même Presley revonnu on ne sait comment d’une décennie honteuse, j’en passe et pas des tocards ont relevé le défi et de quelle façon en cette fin des 60’s. Et quand Dylan reviendra avec deux disques inégaux (« John Wesley Harding » et « Nashville Skyline »), avant le naufrage du début des 70’s (« Self Portrait »), il ne sera plus dans le coup. Pire, ses admirateurs-copieurs (Donovan, Cohen, …) auront beaucoup plus de succès que lui. Humiliation artistique suprême, lorsqu’il sera beaucoup plus intronisé au Rock’n’roll Hall of Fame, tous ses amis fans (Petty, McGuinn, …) joueront avec lui « All along the watchtower », mais la version de Hendrix et pas la sienne d’un de ses rares classiques des late 60’s.

Dylan ne peut pas vivre sans musique, la preuve aujourd’hui où la septantaine largement entamée, il continue son Neverending Tour entamé depuis quarante ans, prenant un malin ( ? ) plaisir à massacrer plus de cent jours par an son répertoire sur scène. Or donc, et j’y arrive à ces « Basement tapes », le Dylan convalescent de 66 à 68 a continué d’écrire et d’enregistrer. Avec The Band, cet improbable conglomérat de Mormons du rock, bouseux rustiques et défoncés jusqu’aux yeux. Mais putains d’anthropologues et d’historiens de la musique américaine, auteurs sous leur bannière perso d’une paire de rondelles qui valent ô combien le coup d’oreille. Là, dans leur bicoque commune de Big Pink, les ploucs et leur gourou ont laissé tourner les magnétos, enregistrant des mois durant ce qui leur passait par la tête. Mais avec un leitmotiv, une figure imposée : du roots, toujours du roots. Certains voient dans ces enregistrements les Tables de la Loi de l’americana. Ouais, si on veut. En tout cas, tout ce que le monde musical comptait de fans du petit frisé vénérait ces enregistrements. Qui n’ont pas été publiés par la Columbia, mais qu’importe les bootlegs pullulaient, ces morceaux étaient disséqués, commentés et repris par une foultitude de gens. A tel point, que profitant d’un retour de flamme du Zim (la BO de « Pat Garrett », « Blood on the tracks »), sa maison de disques allait livrer en pâture à des foules consentantes le foutu double vinyle. Evidemment, réaction orgasmique des fans. Qui comme toujours ont tort.
Ces deux rondelles ne sont pas mauvaises, certes. Mais au lieu des deux douzaines de titres, la moitié auraient suffi (et dire que y’a pas très longtemps ils ont réédité ça en je ne sais combien de Cds pleins à la gueule, y’a des zozos qu’ont du pognon de reste pour se fader les éclats de rire de Robbie Robertson, les miaulements remastérisés du chat de Levon Helm ou toutes les scories sonores de cette époque-là).
The Band à Big Pink
« The basement tapes » en un truc en totale roue libre, passant du simplet dispensable (des copier-coller en moins bien du Dylan d’avant, le Band moulinant des rengaines poussives pécores, on sait pas si Dylan est seulement présent, en tout cas il chante pas sur tous les titres) au morceau qui te donne envie d’appuyer sur « Replay » à l’infini. Malheureusement, y’en a pas beaucoup dans ce cas.
Mais des choses comme « Million dollar bash » (un titre qui aurait pu figurer sur « Blonde … » ou « Blood … ») représentent la quintessence de Dylan (pas un hasard si ce titre est dans la compile bizarre « Biograph », assemblée par Dylan lui-même aux débuts de l’ère Cd). « Tears of rage » est monumental, c’est le « Whiter shade of pale » de Dylan, le pompiérisme de Procol Harum en moins. « You ain’t going nowhere » et « Nothing was delivered » sont deux autres grands titres, et la conclusion est un morceau fort connu, que la troupe baba Julie Driscoll, Brian Auger & Trinity avaient déjà repris en 1969 avec succès, l’énorme « This wheel’s on fire ».
Ce qui si on compte bien, fait cinq titres indispensables sur deux douzaines. Par pas mal de monde, ce serait un super score, quand il s’agit de Dylan, c’est un peu léger.
Question subsidiaire : comment expliquer que quand Dylan s’associe avec des groupes très connus (là le Band, plus tard le Grateful Dead ou les Heartbreakers de Tom Petty), ces gens-là sont toujours moins bons avec lui que quand ils volent de leurs propres ailes ?

Bon, vous cassez pas la tête, je m’en tape de la réponse …

Du même sur ce blog : 






NEIL YOUNG & PROMISE OF THE REAL - THE MONSANTO YEARS (2015)

Dorian Gray ...
Un petit tour au Rock’n’Roll Hall of Fame des has-been, ça vous dit ? Vous savez, là où on trouve les cadavres de tous ces types morts (pas forcément physiquement), toutes ces superstars qu’ont pas sorti un bon disque depuis au moins vingt ou trente ans, les Bowie, Stones, Springsteen, Prince, Wonder and so on … Pourquoi cette balade gothique me direz-vous ? Ben pour voir si Neil Young ne s’y trouve pas …
Un cas à part, lui. Nettement plus vieux que la plupart des croûtons suscités, et qui s’est entêté à sortir de bons disques dans les années 60, 70, 80 et 90. Qui dit mieux ? Personne, même pas Dylan. Ouais, mais voilà, le bon Neil depuis pile vingt ans (le fabuleux « Mirror Ball » avec les tocards du grunge Pearl Jam, fallait le faire, sortir pareil chef-d’œuvre avec pareille ribambelle de pas bons …), n’était plus que l’ombre chauve de lui-même, on le voyait traîner ses larsens et ses rouflaquettes tombantes sur tout un tas de galettes qui sentaient la redite, le pilotage automatique et l’inspiration aussi sèche qu’un vagin de centenaire. A tel point que le seul truc qui ait fait illusion, c’était le soundtrack de « Dead man », tout en saturation et grondements guitaristiques, enregistrés live pendant que défilaient les images de Jarmusch. Problème, sans les images justement, ce truc est inécoutable …
Neil (Plus Très) Young 2015
Par contre, Neil Young avait quelque peu accentué son côté Don Quichotte, soutenant de plus ou moins bonnes causes, de plus ou moins catastrophiques candidats à la Présidence US (alors qu’il est Canadien, de quoi il se mêle, ce con ?), se lançant dans des combats épiques perdus d’avance. Comme sa dernière tocade, le Pono, iPod version hi-fi, censé grâce à un encodage (de mouches ?) novateur, donner un son qui déchire sa mère … alors que le brave Neil, t’écoutes ses disques, on est quand même assez loin du Pharell Williams sound, t’as le choix entre de la saturation et du folk acoustique, pas besoin de stéréo de la mort pour ça, mais bon, c’est Neil Young et ses croisades …
Plus haut fait d’armes, l’ancien Roi des Hippies s’était reconverti dans l’humanitaire social concerné, était devenu la  pierre angulaire du Farm Aid, ce téléthon musical annuel pour les paysans américains, encore plus mal barrés que les bouseux d’Europe, ce qui n’est pas rien. Et on le voyait chaque année depuis trente ans arpenter les scènes du Midwest en compagnie de Willie Nelson (prenez des notes, y’a des trucs qui ont leur importance) et John (anciennement Cougar, on ne rit pas) Mellencamp, vous savez le Springsteen campagnard, celui qui fait des disques (pas mauvais au demeurant) sur des petites villes et des épouvantails…
Et pourquoi il fallait que Young les soutienne les culs-terreux yankees ? Ben en gros parce qu’ils se faisaient niquer grave par toute l’industrie agro-alimentaire,  peu soucieuse d’environnement, de commerce équitable, de partage et autres balivernes de gauchistes révolutionnaires et surtout prompte à ramasser tout le brouzouf qu’on pouvait tirer de l’agriculture. Principale cible : la multinationale Monsanto (on y arrive … quoi, qui a dit enfin ?) qui fournit graines et semences et pesticides divers pour que tes mouflets ils se gavent d’OGM et pèsent deux cent kilos à quatorze ans … En fait, Neil Young, c’est un peu le José Bové de son continent, la guitare en plus et la pipe en moins …
Promise Of The Real
Et aux concerts du Farm Aid, Young découvre les fils de Willie Nelson, Lukas, leader et guitariste, et Micah (comme papa est de toutes les éditions, ça aide pour se faire connaître, népotisme quand tu nous tiens …) et leur groupe Promise of the Real. Un groupe qui casse pas trois pattes à un canard transgénique, mais qui assure d’après quelques extraits écoutés, le minimum syndical en termes d’americana sans imagination. On sait pas trop pourquoi, Neil Young convoque ces minots pour enregistrer un disque. « The Monsanto Years » donc. Le truc à gros sabots, le gros pamphlet, la charge incendiaire qui mange pas de pain, mais qui fait bien dans un CV, ou, vu l’âge du Neil, dans une prochaine épitaphe : « Il est mort guitare au poing, dénonçant les complots des suppôts du capitalisme sans frontière qui exploitent les autres, les ruinent pour s’en foutre encore plus plein les fouilles etc, etc … », alors que les mecs maintenant ils ont la flemme de se brosser les dents, ils achètent un bidule électrique qui leur bousille les gencives, tu parles s’ils vont se bouger pour faire la révolution … Et bizarrement, la rumeur enfle, prétendant que vous allez voir ce que vous allez entendre. Sauf qu’on me la fait pas, des retours du diable vauvert orchestrés par le buzz de vieux schnocks qui seraient meilleurs à 70 balais qu’à 25, y’en a chaque semaine. Et quand t’écoutes leurs rondelles, oh putain la misère …
Et plus par réflexe boulimique que par conviction, tu mets le skeud dans le lecteur, t’appuies sur Play … une intro folky électro-acoustique dont voudrait même pas Hugues Aufray(ses), tu te dis que cinquante minutes ça va être long et que comme il fait un putain de cagnard, vaudrait mieux aller chercher une mousse pour aider à tuer le temps. Sauf qu’au bout d’exactement vingt et une secondes, il se passe un truc, y’a la foudre qui sort des haut-parleurs. Un riff de brontosaure, hyper cradingue, saturé, une batterie aplatissante jouée par un mammouth en rut, un tempo rampant comme un crotale ébouillanté, la voix du Neil certes vieillie, breathless mais toujours reconnaissable entre dix millions. Et les neurones en surchauffe font clignoter des titres qu’on croyait à jamais disparus, des « Down by the river », des « Cortez the Killer », des « Hey hey my-my », des disques comme « Live rust », « Ragged glory », « Weld », « Mirror ball », … Ouais, carrément … Le Neil Young que j’aime is back, alive and very well. « A new day for love », il s’appelle ce titre inaugural de « Monsanto years ».
Un peu fatigué, quand même, le Loner
Et ça va durer comme ça jusqu’au bout. Sauf sur « Wolf moon », la ballade acoustique éternelle, comme tout le monde en pond, et Young particulièrement sur « Harvest » ou sa fausse suite « Harvest moon ». Et ce « Wolf moon » n’aurait pas dépareillé dans ces deux classiques, c’est dire son niveau. « The Monsanto Years » est à peine un peu moins bon que « Ragged glory » (parce 70 balais le Neil, parce que Promise of the Real c’est pas Crazy Horse, que Lukas Nelson c’est pas Whitten ou Sampredo, et que moi aussi j’ai plus vingt ans …). Il y a des choses raisonnablement inenvisageables ou qu’on croyait maintenant inaccessibles à Young, cette colère électrifiée tous potards sur onze, ces coulis de distorsion, ces duels épiques de guitare, ces slogans braillés rage aux tripes. Des titres comme « People want to hear about love », « Workin’ man », « Monsanto years»,  sont proprement exceptionnels et « A rock star bucks a coffee shop », avec son refrain à limite de la rupture et son irrésistible gimmick sifflé est un des dix meilleurs morceaux que Neil Young ait jamais écrit. Et ne me dites pas que j’exagère, c’est brothers and sisters la putain de vérité vraie …

Disque de l’année, au moins …


Du même sur ce blog :

LEONARD COHEN - SONGS OF LEONARD COHEN (1968)

To old to rock ...
Cohen, c’est un cas un peu à part dans la musique des 60’s. Alors que la musique pour jeunes était faite par des gens de leur âge (le plus vieux, ce devait être Chuck Berry, mais vers la fin des 60’s, il était comme qui dirait passé de mode), Leonard Cohen s’attaquait aux hit-parades avec ce « Songs of … » à trente deux ans. Et alors que les cheveux poussaient jusqu’à la démesure et que les fringues se bariolaient exagérément, lui se pointait avec son look de clerc de notaire, son air de chien battu et ses stricts costards noirs. Conclusion : adeptes du glam-rock, Cohen n’est pas exactement un précurseur de votre musique favorite.
Quoi que pour être aussi rigoureux qu’un banquier qui calcule vos intérêts débiteurs, y’avait déjà eu le nom de Leonard Cohen dans les charts. Dans les crédits de « Suzanne », petit hit par l’oubliée Judy Collins, chanson qu’il avait écrite mais pour laquelle il n’avait pas touché un rond, ayant dû renoncer à ses droits pour se voir publié. Comme quoi, y’a pas que les niggas qui se font arnaquer dans le showbiz. Parce que Cohen, c’est un peu un accident sa carrière de chanteur. Il commençait à se faire un petit nom dans l’underground canadien (sa nationalité) et américain comme poète et écrivain.
C’est John Hammond qui le signera et lui fera enregistrer sa première rondelle, ce « Songs of … ». John Hammond, il peut être bon de le rappeler aux fans de M Pokora, c’est le type qui a découvert et signé quelques demi-sels comme Billie Holiday, Aretha Franklin ou Bob Dylan, excusez du peu. Un type qui avait un peu l’oreille quoi. Un peu aussi le sens des affaires pour son label Columbia. Parce que chez Columbia, en 1968, on était un peu dans l’expectative rayon folk. La star maison incontestée du genre, le sieur Dylan se remettait entouré de musiciens au look de paysans mormons (The Band) d’un soi-disant accident de moto. Et à une époque où faire paraître deux trente-trois tours par an était la norme, le Zim était silencieux depuis plus d’un an. Et même si le talent de Cohen se suffit, la semi-retraite du Zim n’est certainement pas pour rien dans sa signature chez Columbia et les moyens assez conséquents mis en œuvre pour en faire la nouvelle « rock-star » du folk…
Rare : l'artiste hilare ...
Même si Cohen, c’est comment dire … Ardu … Faut se motiver avant de l’écouter, quoi. Pas exactement les chansons qu’on entonne à la fin d’un repas de chasseurs … Et puis faut faire l’effort de pas se contenter de quelques machins connus et plus ou moins radiophoniques des 80’s (« First we take Manhattan », ce genre). Cohen, pour l’écouter à son meilleur, faut le prendre aux débuts, avec « Songs of … » et son quasi siamois « Songs from a room ». Parce que chez Cohen, Môssieur, y’a du texte. A peine un peu moins elliptique et énigmatique que chez Dylan, c’est-à-dire qu’à moins de Bac+10 en anglais, Cohen, c’est souvent aussi clair que du bouillon de légumes.
Mais Cohen, bizarrement pour un littéraire pur et dur, a un sens de la mélodie assez extraordinaire. Les chansons de Cohen, pour musicalement squelettiques qu’elles soient, elles sont évidentes. Il y a sur ce premier disque trois bombes mélodiques qui sont trois classiques folk. Sa propre version de « Suzanne », depuis reprise par des dizaines de gens plus ou moins ténébreux et mélancoliques (cas type, Bashung). « Sisters of Mercy » religieuses ou prostituées, allez savoir, mais qui servira de nom de baptême au groupe gothique caricatural d’Andrew Eldritch dans les 80’s. L’échevelée (dans le contexte du disque) « So long, Marianne » dans laquelle Cohen se lâche, allant jusqu’à chanter (juste) et mettant une batterie sur le devant du mix, ou pas loin.
Parce que faut préciser que les disques de Cohen, c’est pas exactement de la sunshine pop chatoyante. De la guitare acoustique pleine d’accords compliqués qui sonne comme un piano, y’en a partout. Et puis, un peu comme chez Simon & Garfunkel, par touches infinitésimales, quantité d’autres instruments, venus plus souvent de la musique de chambre ou classique que du rock basique. Mais faut tendre l’oreille pour les écouter, et quand par hasard ils sont mis en avant (quelques notes de guitare saturée dans « Master song »), ils font l’effet d’une déflagration. Une des autres trademarks indissociables de Cohen, c’est aussi ces chœurs virginaux ( ? ) éthérés, qu’il a fini au long des disques à mettre trop en avant pour cacher ses faiblesses vocales mais qui là tombent juste où il faut quand il faut et rajoutent cet aspect de mélopée céleste qui fait toute la beauté de ses premiers disques.
Parce que oui, les premiers disques de Cohen sont beaux, semblent régis mathématiquement par cette pureté et ce dénuement mélodiques souvent imités et bien peu égalés. La démarche sera la même sur le suivant (« Songs from a room »), encore plus engoncé dans son austérité rigide, ce jusqu’auboutisme décharné qui malgré tout en fera, quelque peu à son corps défendant, une « star » du rock.

« Songs of Leonard Cohen », c’est d’entrée une pièce maîtresse de Cohen. Qui elle n’a pas pris une ride…

Du même sur ce blog :


ISRAEL NASH GRIPKA - ISRAEL NASH'S RAIN PLANS (2013)

Forever Young ?
Avec un blaze pareil, c’est pas gagné (et encore quelquefois on l’appelle Israel Nash Gripka, et ne me demandez pas pourquoi). Tu pars dans la vie avec un prénom qui te donne envie de buter tes parents tellement il est lourd à porter, et un nom qui peut faire croire que t’es le fils d’un Anglais, co-boulet avec Crosby de Stills et Young …
Ben non, Israel Nash, c’est pas le fils de Graham Nash, et c’est tant mieux pour lui, dans la musique comme ailleurs, l’ombre tutélaire des géniteurs se révèle souvent assez pesante … N’empêche, le Israel, il a sorti ces derniers temps un disque qui va faire croire que c’est le fils à Neil Young, pour rester dans la famille des Beatles américains.

Ce type est un rustique parmi les rustiques, et semble vomi du néant, ou plutôt des seventies (ou d’un « Spinal Tap » hillbilly) avec son look de baba barbu, qui s’entête à n’enregistrer dans son trou à rats du Missouri qu’avec du matos vintage tant au niveau des instruments que de la console (c’est lui qui produit, en plus, le gars sait ce qu’il veut et a vu le résultat, les capacités pour arriver à ses fins), il a fait un des meilleurs disques des années 70 qu’est pas sorti dans les années 70. On aurait envie d’écrire logiquement. Sauf que parmi les multitudes en manque d’imagination qui copient-collent les antiques générations, bien peu se hissent à ce niveau bluffant.
C’est bien simple, « Rain plans », il aurait pu sortir tel quel dans la disco de Neil Young, avant (ou après, peu importe) des choses comme « After the gold rush » ou « Harvest ». Et non, je déconne pas … Suffit d’écouter le skeud, c’est la pure vérité vraie. « Rain plans », c’est du folk qui s’ouvre au monde du rock, qui évite le pensum austère du type assis dans la pénombre avec sa guitare acoustique s’évertuant à tisser un répertoire que pourront reprendre des scouts à la veillée ou Cabrel en panne d’inspiration … D’ailleurs Israel Nash il a sorti un disque de folk plein de grattes électriques, et pas qu’un peu, mais qui jamais ne s’enlisent dans le gros son hardos.

Neil Young, c’est évident, plus souvent que de raison, mais sans pour autant qu’on puisse crier au plagiat. Totalement dans l’esprit et profondément différent, ne serait-ce que par la mise en avant de la pedal steel guitar, peu usitée dans la disco du Canadien. Si « Who in time », l’énormissime sommet du disque qu’est le titre « Rain plans », « Iron on the mountain », ou « Mansions » (on the hill ??), c’est pas du Young style pur sucre, je veux bien m’inscrire au fan-club de Stromae (les plus perspicaces l’auront noté, ça fait deux coms successifs dans lesquels je cite ce trisomique musical, mais j’y peux rien, je viens de le désigner comme héritier indiscutable des Mumuse, Coldplay et Radiomachin, catégorie Belge triste une fois …).
Bon, revenons-en à notre folkeux. Ouais, Neil Young, mais aussi le père Dylan. Dont « Woman at the well » qui ouvre le disque (country-rock pépère, mélodie « facile ») et « Rexanimarum » (qui le clôt en un parfait symétrisme et mériterait de devenir le « Knockin’ on heaven’s door » des années 2010) auraient pu telles quelles relever le niveau de nombre d’albums du Zim dans les seventies …
Curieusement, au mépris de tout sens mercantile (quelqu’un a-t-il dit à Israel Nash que des gens pourraient avoir envie d’acheter ses disques ?), c’est l’entrée de ce « Rain plans », en gros les trois premiers titres, qui est la plus faible. Enfin, faible, façon de parler, c’est le reste qui fait très fort.

Meilleur disque de l’année (dernière).


En écoute (et plus si affinités) ici



k.d. lang - INGENUE (1992)

Préjugés ...
Ouais, les préjugés, je sais, faut s’en méfier … Mais elle, k.d. lang, y’avait tellement de choses extra-musicales qui revenaient sempiternellement, que bof, ça me donnait pas envie de m’intéresser à son cas … Son blaze orthographié sans majuscules (pourquoi ? m’en fous), son physique comment dire, ingrat, son look androgyne, les riot grrrls, la folkeuse à la lesbianité proclamée, les combats pour la cause homosexuelle, la Canadienne qui vient la ramener aux States … Je subodorais les pensums sonores austères et militants, et comment dire, j’avais déjà cotisé pour les bonnes causes musicales dont on ne peut décemment pas dire de mal, mais qu’on s’emmerde quand même à écouter …

« Ingénue », c’est à force de lire ici où là que c’était son chef-d’œuvre atypique, que je l’ai écouté. Presque à reculons, je le sentais pas, ce truc… Ben, je vais vous dire, ce disque, il est vachement bien. Pas chiant pour deux sous. D’abord la donzelle, elle a une sacrée voix. Chante bien des mélodies pas simples, sans en faire des tonnes. Et puis « Ingénue », c’est pas du folk. C’est … j’en sais rien, en fait. Il y a plein de choses, d’arrangements venus d’horizons divers … Plein d’instruments « additionnels » (violoncelles, cordes, clarinette, marimbas, accordéon, …) dont les death metalleux ignorent l’existence, des musiciens dont j’avais jamais entendu causer.
Ça reste homogène dans la démarche, tout en partant dans tous les sens, ça évoque plein de noms sans jamais donner l’impression de copie ou de plagiat. On pense tour à tour à Suzanne Vega, aux Cowboy Junkies, aux productions de Lanois, aux U2 de « Joshua tree », aux disques « difficiles » de Scott Walker, à Dead Can Dance, Elvis Costello, Chris Isaak, Jeff Buclkey … Et pas souvent à Roy Orbison, auquel k.d. lang a souvent été comparée …
Les chansons (malgré le côté un peu précieux, on est bien dans le format chanson, tout est dit en moins de cinq minutes) sont apaisées, un peu tristes mais pas pleurnichardes, évitent le côté lyrique pompier dans lequel tombent trop facilement les « grandes » voix. Et puis, mis à part une paire, ces titres ne sont pas prévisibles, linéaires, ils ondulent, bougent, évoluent, multiplient les points d’accroche sans jamais être racoleurs … de la belle ouvrage …
Bizarrement, alors qu’il y a quand même un petit côté arty-élitiste, cet « Ingénue » a cartonné grave en Amérique, bien aidé par le succès en single du titre le plus « facile », le petit rock mid-tempo « Constant craving ». Mais des choses comme « Miss Chatelaine » et sa base salsa discrète, la ballade « Still thrives …» avec son ambiance femme fatale de film noir, ou la majesté tout en finesse de « Season of hollow soul » (pour moi le sommet du disque) sont d’une évidence immédiate …

Me donne bien envie d’aller jeter une oreille sur ses autres disques. Malgré mes préjugés …


THE JOHN BUTLER TRIO - SUNRISE OVER SEA (2004)

Tenter l'Experience ?
« Sunrise over sea », c’est le genre de disques qu’on a l’impression d’avoir entendu mille fois avant de l’écouter. Rien qu’en regardant la pochette. Oh, bonne mère, tous les clichetons des trucs pénibles … design des rondelles  ancestrales Vanguard ou Chess, teintes sépia, retouche Photoshop pour donner l’illusion d’un 33T aux coins cornés et à l’usure de l’empreinte du vinyle, et un type, acoustique en bandoulière et banjo à côté … Si ça c’est pas du clin d’œil adressé aux amateurs de bruit rustique … Et la formule trio, le mètre-étalon de la culture blues-rock, passage obligé de tous ces tocards / ringards qui s’imaginent marcher sur les traces de Cream ou du Jimi Hendrix Experience …
Sauf que … si le dénommé John Butler et ses deux acolytes (formule de scène, là en studio, il y a parfois des apports « extérieurs » dont même sur un titre une section de cordes) n’évitent pas sur la durée le pataugeage et l’embourbage dans les stéréotypes de la formule, ils se passe un truc … Ceux dont la kulture musicale se limite au visionnage de Taratata ressortent systématiquement le nom de Ben Harper, preuve qu’ils n’ont rien compris (ni au centriste Harper, ni à Butler).
John Butler
John Butler est australien. Un pays dont l’histoire internationale se limite à une paire de siècles et dont le seul apport culturel à notre humanité est l’opéra biscornu de Sydney. En gros des Etats-Unis qui n’auraient pas inventé le jazz, la country, le folk, le blues et la soul … Ce qui n’empêche pas les Australiens de faire du rock. Et l’île continent a légué au monde quelques furieux gueulards dont AC/DC, Rose Tattoo ou Angel City ne constituent que la partie visible du brûlant iceberg. Butler (pas pour rien que le trio porte son nom, les deux autres n’y font pas de vieux os, les changements de line-up sont innombrables), comme la plupart de ses congénères, s’est abreuvé de musiques venues d’ailleurs. Fait notable qui le différencie, il ne s’est pas contenté des sempiternels anglo-saxons (ou américains, ce qui revient au même). Rien qu’à voir ses dreadlocks, on imagine que le reggae ne l’a pas laissé indifférent. Les machins celtiques non plus.
Le résultat est surprenant. Mais surtout intéressant, voire par moments captivant. Pour deux raisons : le spectre musical de Butler est beaucoup plus étendu que ce à quoi l’on pourrait s’attendre. Et le type à un putain de charisme qui manquera toujours à … (complétez vous-mêmes, la liste est trop longue). Et s’il fallait se lancer dans des comparaisons, je citerai en vrac Tracy Chapman et Counting Crows (pour le folk « concerné »), Manu Chao (le côté bohème alter-mondialiste), Jon Spencer et Wraygunn (les accélérations électriques mystiques), Midnight Oil (l’aspect aussie politico-écolo), les Chieftains et Led Zep (les relents celtiques) … et on pourrait en rajouter bien d’autres, tant le patchwork concocté tire son essence de genres variés, parfois antinomiques …
On l’aura compris (enfin j’espère), on n’a pas avec « Sunrise … » le même morceau décalqué sur toute la durée du disque. Tiens, à propos de durée, c’est là que le bât blesse un peu, on en prend pour une heure dix, ce qui fait quand même un peu beaucoup, certains titres auraient pu rester dans les armoires, quelques autres n’auraient rien perdu à être raccourcis …
Le John Butler Trio
Il y a des trucs bluffants, assemblages étonnants de choses entendues pourtant des millions de fois séparément, mais qui passées dans la moulinette John Butler en ressortent immaculées. Ces étranges mixtures où peuvent cohabiter folk, blues, rock, reggae, sonorités celtiques, traversées de montées d’adrénaline violente ou au contraire d’une intimité doucereuse, sont littéralement transcendées par la voix de Butler, une des plus expressives, au feeling et à l’arrache, qu’on puisse trouver dans ces genres pourtant très fréquentés. Butler joue toutes sortes de guitares acoustiques amplifiées (surtout une onze-cordes, et ne me demandez pourquoi onze au lieu de douze), ne tombe jamais dans le piège du solo démonstratif (thanks). Ces chansons sonnent comme des voyages émotionnels (peu importe si on entrave pas les paroles), vous prennent par la main et ne vous lâchent pas.
Tout n’est pas parfait, et logiquement les titres convenus, prévisibles (archétype le morceau final « Sometimes » de plus de dix minutes, on « sent » tout ce qui va arriver dès l’intro) font retomber l’intérêt. Mais c’est au détour de l’adrénalisant « Treat your Mama », du chaloupé « Company sin » avec sa bas(s)e reggae, du court instrumental au banjo (« Damned to hell » qui renvoie instantanément au « Duelling banjos » du début du film « Délivrance »), du celtisant « Mist » (le « Gallow’s Pole » des années 2000 ? et putain me dites pas que vous connaissez pas « Gallow’s Pole »), ou du (petit) hit « Zebra », le titre qui a fait connaître Butler sur les autres continents, que les trois sont à leur zénith …
Ce « Sunrise over sea » est à peu près le seul disque du John Butler Trio disponible par ici. Fidèle à une certaine éthique passant évidemment par les labels indépendants, Butler était un secret bien gardé hors de l’Australie. Il semblerait que le garçon, voulant assurer ses arrières en Australie, ait cédé là-bas aux sirènes commerciales, et que ses parutions suivantes seraient (pas faciles non plus à dénicher) apparemment un ou plusieurs tons en dessous…

« Sunrise over sea » est un disque de vieux fait pour tout le monde par un jeunot. Respect…