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JIMI HENDRIX - ARE YOU EXPERIENCED (1967)

E.T.
James Marshall (ça s’invente pas, un second prénom comme ça …) Hendrix, lorsqu’il est apparu sur la scène musicale anglaise, lui le Ricain expatrié, n’a influencé personne. Il a traumatisé tout le monde. Et pas des troisièmes couteaux ou des gugusses à l’affût du prochain cataplasme branché. Non, Hendrix a foutu le moral dans les chaussettes à tous ceux dont le nom scintillait tout en haut de l’affiche, tous ces dieux de la guitare qui ont vu débarquer un phénomène hors norme.
Hendrix, pour l’éternité, restera comme le plus grand guitariste du rock. Ce qui est déjà pas mal, mais terriblement réducteur. Sans Hendrix, le rock aurait été aussi amusant qu’un blues-rock de Peter Green ou de Clapton de l’époque, un truc à te tirer une balle tellement c’est triste, fade, grisâtre … Hendrix a introduit dans le rock l’urgence, la flamboyance, la frime, l’épate … comme Janis Joplin, et leurs destins seront les mêmes jusqu’au bout …
Hendrix et sa veste à brandebourgs achetée aux Puces à Paris
Hendrix, souvent présenté comme la rock star ultime, comme celui qui a porté à des niveaux jamais vus avant et jamais égalés depuis la sainte trinité sex, drugs & rock’n’roll et le statut de guitar hero ultime, n’avait rien d’une grande gueule, d’un type prêt à tout pour faire parler de lui. Timide et pas sûr de lui, perturbé par un acné qui ne le lâchait pas, se sous-estimant sans cesse alors qu’il avait le monde du rock à ses pieds, éternel insatisfait de sa musique, les témoignages sont nombreux d’un Hendrix dans le doute. Mais il se dégageait de ce type une aura insensée dès qu’il montait sur scène Stratocaster en bandoulière. Hendrix est un showman, mais pas un artiste de cirque. Il ne mettait pas tous les soirs le feu à sa guitare, pas plus qu’il ne jouait tous les soirs avec les dents ou avec sa gratte dans le dos. Même si ce sont ces aspects là que la petite histoire a retenu. Et Hendrix n’a pas donné que des concerts tonitruants, la qualité de certains se voyant plus que perturbée par quelques substances prises en grande quantité.
Aujourd’hui, la discographie de Hendrix est plus que pléthorique. Des centaines de disques officiels live ou en studio paraissent depuis plus de quarante ans, encore plus de compilations. Sans compter les bootlegs, pirates, enregistrements non officiels qui pullulent. Faut faire là-dedans un sacré tri, tout n’est pas du même niveau, et pas seulement question qualité sonore. Un catalogue totalement labyrinthique dans lequel même le fan le plus motivé se perdra. Autant s’en tenir aux enregistrements officiels parus de son vivant. Là, le compte est plus vite fait. Trois disques studio et un live. « Are you experienced » est le premier.
Quand il paraît au printemps 67, le phénomène Hendrix n’est encore qu’une rumeur du Londres branché. Un Londres où il a atterri par défaut. Les States ne voulaient pas de lui. Ou plutôt ceux qui l’employaient aux States ne le gardaient pas longtemps. Hendrix n’était qu’un de ces obscurs accompagnateurs de noms confirmés de la soul ou du rhythm’n’blues (Wilson Pickett, Jackie Wilson, Isley Brothers, …). Généralement aussi vite viré qu’embauché. Little Richard ne supportera pas ce Black flamboyant et séducteur qui lui fait de l’ombre, Sam & Dave le vireront de scène au bout de trois titres ( ! ), et Hendrix ne fera guère de vieux os dans le backing band d’Ike et Tina Turner (le Ike, pourtant pas manchot avec une guitare, avouera n’avoir rien compris à ce type payé pour jouer rythmique et qui partait en solos étranges dès les premières mesures …). L’histoire de Hendrix, tout le monde la connaît (ou devrait). Chas Chandler, ex bassiste des Animals qui le repère dans un club new-yorkais, en fait l’attraction musicale de l’automne 66 du Swingin’ London, l’emmène en France pour une improbable tournée en première partie de Johnny Hallyday, les trois premiers 45T à succès (« Hey Joe », « Purple haze », « The wind cries Mary »), les deux minots (Mitch Mitchell et Noel Redding) recrutés pour bâtir un power trio fortement inspiré par celui qui avait le vent en poupe, Clapton et son Cream …

« Are you experienced » donc. Le premier de ce qui deviendra le Jimi Hendrix Experience (sur la pochette originale, seul figure le nom de Hendrix). Gros succès en Angleterre (seulement devancé par « Sgt Pepper’s … » dans les charts) et aux States, pas rancuniers envers leur exilé pour le coup. Un disque forcément un peu étrange, nous sommes en 67, année psychédélique s’il en fut. Un de ces debut-albums mythiques dont l’Histoire (et les marchands de disques) se délectent. Et bizarrement, alors que l’on n’a retenu que les extravagances en tous genres d’Hendrix, ce premier disque est bien « sage », bien « classique ». Faut dire aussi que l’époque était prolixe en individus et disques bariolés (Doors, Airplane, Floyd, Love, …). En fait, « Are you experienced » est à la croisée des chemins. Entre les croisés du blues (Clapton, Mayall, Fleetwood Mac, …) et les disjonctés déjà cités, auxquels il convient de rajouter les Beatles du Sergent Poivre et les Beach Boys de « Pet sounds ».
Avec « Are you experienced », Hendrix garde les pieds sur Terre, n’est pas encore le musicien barré de « Axis … », le génie cosmique de « Electric Ladyland ». Il sacrifie peu à l’air du temps (alors qu’il est furieusement « à la mode »), propose des titres de structure assez classique et n’assène pas des solos avec trois milliards de notes / seconde toutes les deux mesures.
Il a juste un background que n’ont pas les autres. Ses années de sessionman miteux aux States lui ont confiné un truc que n’auront jamais les pauvres Clapton ou Beck, Hendrix funke et groove. Et çà, il a su le transmettre à Mitchell et Redding qui font plus volontiers dans le chaloupé sautillant  (sur l’énorme « Fire », on dirait James Brown sous LSD, « Remember » est un bon vieux rhythm’n’blues des familles) que dans l’artillerie lourde. Même si quant il faut, tout le monde est capable de plomber le tempo (« Foxy Lady », blues-rock et son riff aplatissant en intro). Le plus souvent, Hendrix mélange un peu tout, en dépit du bon sens et des canons sonores de l’époque. Les titres peuvent être fantasques, commencer de façon classique et puis partir « ailleurs » (« Manic depression », « I don’t live today »). Fort logiquement, certains s’adressent aux amateurs de buvards parfumés et tiennent plus de la jam que de l’écriture rigoureuse (« Love or confusion », le quasi instrumental « 3rd stone from the Sun », le manifeste psyché « Are you experienced » avec ses guitares carillonnantes, ses effets de scratch, et cette téléportation sonore cosmique).

Beaucoup plus rarement, Hendrix fait simple, sobre. « May this be love » est mélodique, pop, doux et suave. « Red house » est la leçon de blues donnée aux Anglais. Dans un registre rustique propre au delta-blues, seul morceau du 33T enregistré en mono, Hendrix se réapproprie et réinvente le genre, le titre deviendra un de ses chevaux de bataille de scénique (la tellurique version de vingt minutes à l’Île de Wight est indépassable en matière de blues live).
« Are you experienced » est bien le disque d’un trio, Hendrix laisse s’exprimer et se déchaîner Mitchell et Redding. Qui ont le bon goût de ne pas en faire trop, de tomber dans le risible solo de basse ou de batterie. Et, mais au fait, la guitare d’Hendrix ? Oh certes, il y a bien quelques effets de manche inaccessibles au commun des mortels, mais le disque n’est pas un catalogue démonstratif. Hendrix reste relativement « sérieux », efficace avant tout. Avant de devenir le voyageur de commerce de tous les bidules joués au pied dont il aura parfois tendance à abuser, il se cantonne dans ce premier disque à l’essentiel. De la saturation (pédale fuzz un peu partout, mais à dose raisonnable) et c’est à peu près tout. Pour l’anecdote, la pédale Vox Crybaby ( pédale wah-wah pour le vulgum pecus) qui sera son indélébile marque de fabrique par la suite, n’a pas été utilisée, c’est Clapton le premier qui l’a testée sur disque avec Cream (« Tales of brave Ulyses » sur « Disraeli gears ») …

« Are you experienced » est produit par Chas Chandler, bien aidé par celui qui deviendra le superviseur de tous les disques d’Hendrix (surtout les posthumes officiels), l’ingénieur du son américain Eddie Kramer. Pour celui, honte à lui, qui ne possèderait pas cette pierre angulaire du rock des sixties et du rock en général, choisir les rééditions qui ajoutent aux onze titres originaux les trois indispensables singles et leurs faces B sorties auparavant …


Du même sur ce blog :




FRANÇOIS TRUFFAUT - TIREZ SUR LE PIANISTE (1960)

Oldies & Goodis ...
Truffaut, c’est la Nouvelle Vague. Enfin, pour moi, c’est la Nouvelle Vague pour ceux qui aiment pas la Nouvelle Vague. En gros, le cinéaste le plus classique de tous ceux qui ont été les plus virulents dans « Les Cahiers du Cinéma » à définir une nouvelle forme de cinéma. Excellent pour la théorie, Truffaut, mais avec ses films il m’a plus souvent gavé ou laissé indifférent que ravi …
Truffaut, Aznavour & Dubois
« Tirez sur le pianiste » est son second long métrage, et vient après le succès des « Quatre cent coups ». D’ailleurs, parenthèse, si « Les quatre cent coups » a été un succès populaire dans la France de la fin des années 50, c’est qu’il était pas si avant-gardiste que ça … Pour « Tirez … », Truffaut, se lance dans un hommage-pastiche aux films noirs américains en adaptant (il est parmi les premiers à le faire, faut pas lui enlever ce mérite) un roman du « difficile » auteur américain David Goodis.
Mais Truffaut donne l’impression de s’être fait totalement déborder par son scénario, et au final, on se demande ce qu’il a voulu faire. Un film noir ? Ouais, en partie, mais très vite ça embraye sur du mélo, ça se focalise sur une histoire d’amour, ça envoie devant la caméra des personnages stéréotypés dont on se demande ce qu’ils viennent apporter à l’intrigue. Enfin, intrigue, il faut le dire vite, la trame du film est quand même bien légère. Et à la fin on se demande même ce que Truffaut a voulu faire passer au premier plan.
Est-ce la carambouille des frères Saroyan avec les deux truands ? Est-ce l’histoire et l’esquisse psychologique d’Edouard Saroyan ? Est-ce la vision de Truffaut sur les femmes et l’amour ? Va savoir, on a des petits bouts de films sans liens, visons fugaces de tranches de vie qui n’ont rien à voir entre elles. Rien n’est développé, tout est assez bâclé, et l’affaire conclue en même pas une heure vingt…

Celui qui apparaît le plus souvent à l’image c’est Charles Aznavour. Qui me fait à peu près autant d’effet comme chanteur que comme acteur (oui, je sais, la Nouvelle Vague redéfinissait aussi le rôle et la « performance » de l’acteur dans le film, mais là où de grands acteurs « déjouaient » volontairement, Aznavour me donne l’impression de s’employer à fond pour être finalement transparent …). Donc Aznavour est Charlie Kohler, pianiste de balloche dans un troquet minable. En fait, c’est l’ancien virtuose Edouard Saroyan, échoué dans ce rade parce qu’il a raté autrefois son mariage. Ce qui donne lieu à un grand flashback avec analyse psychologique à deux balles des relations du couple Saroyan. Dans le présent, Truffaut va nous montrer parallèlement les déboires de Saroyan avec ses frères, truands à la petite semaine coursés par d’autres branquignols, et les relations de Saroyan avec deux femmes (sa voisine de palier prostituée, et la serveuse du troquet).
Peu de choses sont crédibles. On s’en fout un peu des situations crédibles, c’est pas un reportage ou un docu, c’est un film. Mais bon, y’a des limites, voir à la fin un gunfight où des gusses se canardent en étant à dix mètres les uns des autres et en se manquant, c’est pas tragique ou haletant, c’est involontairement ballot. Et finalement la seule qui ramasse une bastos, c’est Marie Dubois, planquée derrière des buissons … Nous montrer un Aznavour qui est debout depuis deux jours et deux nuits lors de cet assaut, rasé de frais comme un jeune marié, c’est aussi assez curieux … Ne parlons pas du corps à corps qui le voit tuer accidentellement (quoique on se demande si c’est un accident) le patron du bar qui l’emploie …

C’est un peu filmé avec les pieds aussi, le plus souvent en lumière naturelle, ce qui vaut plein de reflets sur l’objectif de la caméra. D’un autre côté, ça renforce le style amateur et dilettante caractéristique de la Nouvelle Vague, on est pas chez Max Ophuls …
Il y a aussi des choses à sauver, « Tirez … » n’est pas un ratage total. Les dialogues, signés Truffaut, sont vifs, alertes, pleins de gouaille parisienne, bien qu’assez éloignés des merveilles rhétoriques d’un Audiard ou d’un Prévert. On évite le contemplatif, les réparties absconses, le rythme est soutenu. Et puis, il y a un quasi inconnu, Bobby Lapointe, qui crève l’écran au début avec deux chansons (dont « Avanie et Framboise » sous-titrée à la demande des producteurs qui n’arrivaient pas à suivre les jeux de mots mutants !), dans une interprétation live très physique (pour l’époque s’entend). Beaucoup plus anecdotique, un full topless frontal de Michèle Mercier, pas encore Angélique marquise des Anges, l’occasion pour Truffaut de jongler avec les codes de la bienséance et de la censure de l’époque.
Pour la Nouvelle Vague, le polar et le film noir n’ont pas été les genres de prédilection, le truc de base étant plutôt l’observation de la société à travers le prisme d’une jeunesse souvent déphasée dans un monde adulte grisâtre. La comparaison qui me vient à l’esprit pour « Tirez … », c’est le « Alphaville » de Godard. Même si cette relecture par Godard des aventures du privé Lemmy Caution ne restera pas comme son chef-d’œuvre (c’est grave barré dans un trip mystico-philosophique), c’est à mon sens assez nettement supérieur au film de Truffaut.

Lequel Truffaut ne fera pour moi rien de mieux que son quasi chant du cygne, l’ultra classique dans tous les sens du terme « Le dernier métro »…


Du même sur ce blog :



THE WHO - TOMMY (1969)

Game over ...
« Tommy » est le premier très gros succès populaire (en termes de ventes de disques, à l’époque c’est ça qui comptait) des Who, jusque-là plutôt catalogués comme groupe à singles. Cette réputation « légère » tracassait le groupe et son entourage (le manager et producteur Kit Lambert, la maison de disques, …). Au centre des préoccupations et attentions générales, Pete Townshend. Compositeur quasi exclusif du groupe, et compositeur exclusif tout court de ses meilleurs titres.

Townshend est un type bizarre, ou pas formaté, selon le côté dont on prend les choses. En tout cas un bosseur ambitieux. Et c’est ça, le travail et l’ambition qui sont au cœur de l’affaire « Tommy ». Ah ouais, les Who ne sont qu’un groupe mineur, des artistes pas très crédibles ? Eh bien, je te me vais concocter une œuvre musicale majeure, un projet comme personne n’a jamais osé en mettre en chantier… Le concept de « Tommy » sera inédit. C’est écrit après le tracklisting : « Opera by Pete Townshend ». Bon c’est pas le genre d’œuvre qui sera à l’affiche du Royal Opera House, mais ça inaugure la mortelle série des « opéra-rock », qui comme leur nom ne l’indique pas, n’ont rien à voir ni avec l’opéra ni avec le rock d’ailleurs. En fait pour rétablir la vérité historique, ce sont les Pretty Things avec « SF Sorrow » qui ont été les premiers à se commettre dans ce genre de péripéties, mais des aléas de contrat et de maisons de disques ont fait que « Tommy » est paru avant le disque de la bande à Phil May.
A l’époque de l’écriture de « Tommy », Townshend est comme il le sera souvent en état de délabrement nerveux (quand on se pose beaucoup de questions et qu’on compte trouver la réponse avec des cures d’amphets et d’alcool forts, ça arrive souvent), et en chantier mental (c’est l’époque où il fréquente et suit les préceptes du gourou illuminé - pléonasme - Meher Baba). La trame narrative de « Tommy », le cœur de l’affaire, c’est l’histoire de Tommy, né aveugle, sourd et muet, pédophilisé par la suite, qui ne réagit que de façon intuitive et sensorielle, devient un champion de flipper puis un gourou … Pitch totalement crétin, et détail des paroles à l’avenant.
Musicalement, « Tommy » c’est tout et n’importe quoi. Avec le n’importe quoi qui l’emporte largement. Le thème musical récurent a déjà été ébauché dans un des « mouvements » de la funeste suite qui clôturait « A quick one », le disque précédent. Les prétentions « musicales » de « Tommy » nous valent à plusieurs reprises un Entwistle (bassiste sous-mixé alors qu’il peut déclencher des tremblements de terre avec ses quatre cordes) jouant un thème neuneu au cor anglais. Pire elles nous gratifient d’une « Overture » aussi terrible que les pires machins du prog à venir et d’une « Underture », monstrueux pensum instrumental de dix minutes. Mais surtout, les Who tournent la plupart du temps le dos au rock au sens large, sont méconnaissables. Keith Moon a dû s’emmerder ferme en studio, on ne sent aucune conviction dans ses roulements de toms, Daltrey d’évidence ne sait comment transformer et placer sa voix en fonction des « personnages » qu’il interprète.
Les Who de "Tommy" : fatigués ou fatigants ?
En dehors d’intermèdes de quelques secondes listés, « Tommy » se compose d’une vingtaine de titres (double vinyle et aussi double Cd, alors que ça contiendrait sur un seule rondelle argentée, business is business). Les trois quarts sont mauvais ou sans intérêt, reprise méconnaissable d’un blues de Sonny Boy Williamson (« Eyesight to the blind »), orgues de Barbarie de fête foraine « Tommy’s holiday camp », country-hillbilly à la sauce Townshend (« Sally Simpson », pas le plus moche du lot), … Faut quasiment attendre la fin du premier Cd pour dresser l’oreille avec « Acid queen », et encore, parce qu’on a fatalement la vision d’une exubérante Tina Turner dans le film qui a été tiré du skeud.  En comparaison avec ces quarante indigentes premières minutes, le second Cd est bon. C’est en tout cas celui des trois meilleurs titres.
Avec par ordre d’apparition « Pinball wizard », ses arpèges acoustiques à droite et le gargantuesque riff de Gibson SG qui vient déchirer le haut-parleur gauche. Un grand titre, un grand classique des Who. « Go to the mirror » est peut-être le seul morceau de « Tommy » où l’on sent les quatre concernés, se donnant sans retenue. Il n’aurait pas démérité s’il s’était retrouvé sur « Who’s next ». « I’m free », c’est de la pop de très haut niveau, pour rappeler que les Who, c’est pas seulement du cabossage de batterie et des moulinets sur la guitare, il y a aussi des mélodies tuantes (« The kids are alright », « Pictures of Lily », …).

Vous l’avez compris, mes très chers, pour moi « Tommy » c’est limite poubelle direct, le pire disque de leur première décennie. Bizarrement ? Logiquement ? il a fait un triomphe dès sa sortie, et est de très loin le disque des Who qui s’est le mieux vendu … Le monde doit être plein de Tommy …


Des mêmes sur ce blog :

THE VELVET UNDERGROUND - THE VELVET UNDERGROUND & NICO (1967)

Walk on the wild side ...
Le premier Velvet, c’est un des disques les plus mythiques de la maintenant interminable saga du wock’n’woll … un disque qui ne laisse pas indifférent. Soit on le porte au pinacle, soit on ne comprend pas très bien ou pas du tout pourquoi tant de barouf autour de cette rondelle. « Velvet Underground & Nico », c’est le disque qui passe de l’autre côté, qui explore toutes les dark sides de la vie, de la musique … toutes ces choses et ces sons pas très jojos qu’on évacuait jusque là un peu hypocritement.
Nico, Warhol, Tucker, Reed, Morrison, Cale
Du pop-rock qui attaque l’oreille, alors que la mode, la référence ultime, c’était les Beatles, les Beach Boys, les girl-groups, la sunshine pop, tout ce qui était joli, bien fait, bien propre, bien mignon … Alors tu parles quand tu prends le son du Velvet … quasiment l’antithèse. La rythmique du Velvet ? Une batterie (jouée par une meuf, et circonstance aggravante dans un monde de paraître, toute moche) réduite à un kit dans sa portion la plus congrue et jouée debout (hérésie ? non, beaucoup des batteurs des pionniers du rock’n’roll jouaient de la sorte, celui des Forbans aussi d’ailleurs...). La basse ? jouée par celui (Cale ou Morrison) qui avait pas autre chose à foutre. Alors que le règne des sections rythmiques musclées et techniques (les fondations, la base, bla-bla-bla, …) arrivaient, le Velvet faisait quasiment l’impasse sur cet aspect. La guitare ? un type qui moulinait mécaniquement le structure rythmique (Sterling Morrison), un autre qui cherchait pendant ce temps la note qui produise le même effet que les ongles griffant un tableau noir (Lou Reed)… tout çà à l’époque des tags « Clapton is God » sur les murs de Londres, annonçant le culte (stupide) du guitar-hero technique et flamboyant … Un violon ? quoi, un putain de crin-crin dans un groupe de rock ? Le symbole absolu de toute la musique qu’il était de bon ton de mépriser : la classique pour les bobos, la country pour les ploucs … en plus un violon alto (le plus grinçant), entre les pattes d’un type (Cale) qui s’efforçait de le rendre le plus désagréable possible à l’oreille. Et au chant ? alors là, c’est la cerise sur le gâteau … ils étaient deux, le Lou Reed qui parlait, marmonnait, et une femelle blonde (Nico) avec une voix caverneuse, les deux à peu près incapables de chanter juste sur des mélodies pourtant pas très élaborées …
Et ils causaient de quoi, au fait ? Oh, Jésus Marie Joseph, jamais on n’avait entendu çà … pas des pluie dures de bombes (Dylan), et pas de vouloir hold la hand de la pretty little girl (tous les autres). Non, le type, là, qui écrivait quasi tous les textes (en plus de la musique), ce Lou Reed, c’était juste un sale pédé accro à l’héro, qui balançait sur des boogies préhistoriques ou des mélodies macabres ses histoires de putes, de dealers qu’on attend au coin de la rue, de sado-masochisme et de fix à l’héro … la naissance du glauque’n’roll, cherchez pas ailleurs, c’est le 1er Velvet … Petite parenthèse, la vraie vie de Lou Reed n’était pas aussi caricaturale que ce que le prétend l’histoire « officielle », il a été plus longtemps hétéro qu’homo, et ses rapports avec les drogues très dures terminés depuis le début des années 60 (les shoots avec des seringues usagées, l’hépatite C contractée alors, même si Lou Reed a été bien destroy quelques temps, en gros jusqu’à la fin des 70’s, il a également pris quelques sages précautions pour rester en vie, et la légende du junkie agonisant et se fixant sur scène n’est justement que légende et mise en scène …). 
 
Le Velvet, au départ et à la base, c’est pas un groupe de rock comme on l’entendait à l’époque et l’entend aujourd’hui. C’est juste la partie sonore du concept artistique qui se voulait total et global monté par Andy Warhol à New York, The Factory. C’est là, dans cet immense loft que celui qui était en train de devenir le pape du pop art, avait réuni une faune hétéroclite, voire interlope, censée travailler à l’élaboration de nouvelles formes d’expression artistique. De fait, c’était à peu près une party ininterrompue, avec comme figures de proue Paul Morrissey (photographe, futur cinéaste), Joe Dallessandro et Edie Sedgwick (acteurs), Ultra Violet (peintre et plasticienne), Gerard Malanga et Mary Woronow (danseurs), plus quelques figures locales « pittoresques » comme Candy Darling … Le Velvet Underground était avant tout un assemblage hétéroclite ( Reed, Cale, Morrison, Tucker) et cosmopolite (trois Américains et un Gallois, John Cale). Il deviendra encore plus hétéroclite et cosmopolite quand Warhol lui adjoindra (ou plutôt lui imposera) une mannequin et actrice allemande, répondant au surnom de Nico, et remarquée par son Pygmalion pour son apparition (le plus souvent en armure !) dans « La dolce vita » de Fellini. Warhol entend faire de cette sculpturale blonde troublante son égérie et la chanteuse de cette bande de va-nu-pieds qu’est le Velvet Underground. Un spectacle est monté, l’Exploding Plactic Inevitable, le Velvet accompagne Nico, Lou Reed chante quelques titres, Woronow et Malanga dansent (lui met en scène une choquante chorégraphie à base de tenues de cuir et de fouet), Morrissey balance sur un écran des photos et animations psyché-barrées … Les « concerts » sont donnés dans des galeries d’art ou de petites salles à travers les Etats-Unis, divisent la presse très spécialisée, mais n’ont aucun impact réellement populaire.

Le Velvet et Nico se doivent de laisser une trace. Avant de disparaître, car l’atmosphère est détestable entre Nico, prétendue star parachutée peu diplomatiquement par Warhol dans le groupe et Lou Reed, a priori à cette époque-là le seul capable d’écrire quelque chose qui ressemble plus ou moins à des chansons. Lou Reed, qui commence là sa carrière de joyeux luron et philanthrope rebaptisera d’ailleurs Nico « l’emmerdeuse ». Ce disque sobrement baptisé « The Velvet Underground & Nico », sort dans les bacs début 67, juste avant le fameux Eté de l’Amour. Autant dire que question timing, il est pas vraiment dans l’air du temps. Warhol a conçu une pochette toute blanche, avec une banane au milieu, même pas le nom du groupe mais le sien. Cette banane peut se peler (« Peel slowly and see »), dévoilant une partie comestible … rose. Une symbolique phallique que même les fans de la Comtesse de Ségur pouvaient percevoir. Sur les premiers exemplaires, légende ou anecdote, une fois cette chair rose dévoilée, il fallait passer à l’acte, la gomme adhésive étant parfumée au LSD …
En comptant large, ce disque se vendra à mille exemplaires. Et peu après sa parution, Nico quittera le Velvet. Scénario classique, la galère habituelle du groupe de rock anonyme … L’histoire aurait pu, aurait dû s’arrêter là. En dépit de mésententes de plus en plus grandes chez les « rescapés » (à chaque disque suivant, le Velvet perdra encore un membre essentiel, Cale, puis Lou Reed), trois autres disques officiels estampillés Velvet Underground paraîtront entre 67 et 70, avant la débandade définitive. Deux Anglais, d’abord Brian Eno de Roxy Music et David Bowie de la Ziggy Stardust Incorporated ne vont pas tarir de louanges sur le Velvet. Le premier aura une phrase restée célèbre (« Velvet & Nico s’est vendu à 1000 exemplaires, mais tous ceux qui en ont acheté un ont monté immédiatement leur propre groupe »), l’autre reprendra très fréquemment sur scène le « White light / White heat » de leur second album, avant de décider de faire de Lou Reed une superstar glam …
Edie Sedgwick, Gerard Malanga & The Velvet Underground live
La légende du Velvet, sa réhabilitation et sa sacralisation sont dès lors en route. Même si … le Velvet c’est trop dérangeant, pas assez « confortable ». Il suffisait d’entendre dans les JT officiels et sérieux il y a quelques jours lorsque le vieux Lou  (maintenant archi-reconnu, célébré et décoré) a cassé sa pipe le fonds sonore : toujours « Walk on the wild side », certes pourtant pas bluette inoffesive au niveau du texte, et jamais « Heroin » ou « Venus in furs ».
Car au final, qu’est-ce qu’on y trouve, sur ce « Velvet & Nico » ? La Révolution, tout simplement, la première vraie mutation monstrueuse du rock, qui qu’on le veuille ou pas était jusque là affaire de bisounours, tant ceux qui en faisaient que ceux qui l’écoutaient. Les choses étaient simples : le rock, ça venait de chez les ploucs le bluegrass, la country, le hillbilly (rien que les noms déjà …), le blues (en plus d’être des paysans, ils étaient noirs …), le folk, le rock’n’roll, rien que des campagnards tout çà … La ville, c’était le domaine de la pop, moins sauvage, plus conviviale ? Les Beatles à Liverpool, la Tamla à Detroit, le Brill Building à New York, Spector et Beach Boys à L.A, c’était parfaitement « cadré »… Les hippies qui commençaient à se multiplier, c’était pire, ils partaient de San Francisco pour aller se perdre à Woodstock, Monterey, ou dans le Larzac … en fait ils retournaient chez les ploucs …
Avec le Velvet, le rock, tendance ‘n’roll devient un élément culturel du décor urbain. La rupture est encore plus consommée dès lors qu’il s’agit des textes. Absolument tous (Dylan et quelques autres folkeux de moindre acabit étant l’exception qui confirme la règle) ne parlaient que de meufs (avec plus ou moins d’élégance), de saine amitié virile, de bagnoles et de motos … Lou Reed causait de putes, de travestis, d’homos, de drogués (tous les autres se défonçaient, mais étaient au mieux vaguement allusifs), de dealers, de sado-masochisme, de petits matins blêmes … ça jouait pas dans la même cour de récréation que « Yellow submarine », c’est clair…
Quatre titres sont chantés (ouais, si on veut) par Nico. La ballade mortifère des lendemains qui déchantent (« Sunday morning »), pop perverse, voix grave hautaine qui comme si ça ne suffisait pas est gavée d’écho. La voix de Nico dégage une impression de dominance, un aspect hiératique, solennel, totalement flippant. Même dans le registre girl-group dévoyé (« Femme fatale »), ou la comptine dépravée (« I’ll be your mirror », tout le 3ème disque du Velvet est en gestation dans ce titre). La solennité inaccessible et funèbre de la dame trouvant son apogée dans « All tomorrow’s parties ».
Warhol & Nico
Lou Reed trouve son meilleur rendement dans les lents boogie monolithiques de la première face vinyle (« I’m waiting for my man », le « man » étant le dealer), ou « Run run run », ce dernier se colorant de relents psyché, une des rares concessions à l’air du temps. « Venus in furs » est le titre le plus dérangeant de cette face, par son thème-hommage à Sacher-Masoch, mais aussi parce qu’il fait se confronter dans les discordances et les dissonances l’alto de Cale et la guitare de Reed, sur fond des percussions tribales de Mo Tucker. On entend, on ressent la douleur, la souffrance et la mort que véhiculent ce titre.
Car « Velvet & Nico » c’est aussi un disque organique, qui parle aux sens, tout le contraire d’un boucan arty obtus. On s’en rend compte à l’entame de la seconde face vinyle quand on doit affronter « Heroin », le titre qui a le plus fait pour la réputation malsaine  de Lou Reed. « Heroin » est une description par la parole et la musique d’un fix, cette relation-dépendance entre amour et haine que le junkie porte à sa came. Description portée par un tempo qui s’accélère (le sang qui cogne dans les tempes) et striée par le violon de Cale (la raison qui zigzague). A ma connaissance, personne n’avait encore abordé la drogue et sa dépendance de façon aussi frontale, aussi crue, dans une chanson. Le contraste est saisissant avec la suivante, la plus « légère » du disque, l’enjouée (par le tempo) « There she goes again ». Après le court intermède chanté par Nico (« I’ll be your mirror »), on pourrait penser à un final moins éprouvant. C’est justement là que le Velvet choisit de pousser le bouchon le plus loin. Peut-être lassé de l’hégémonie d’écriture de Reed, Cale fomente un coup d’état et s’arroge la co-écriture pour « The black angel’s death song ». C’est le violon  strident du Gallois qui mène cette danse forcément macabre, et ces trois minutes d’agression préfigurent les 17 de « Sister Ray » sur le disque suivant, « White light / White heat ». Le final du disque « European son » est une longue litanie stridente, résultant de jams bruyantes du temps de la tournée Exploding Plactic Inevitable, signée collectivement. Elle présente dans l’esprit beaucoup de similitudes avec « The end » des Doors sortie quelques semaines plus tôt. Les paroles sont un hommage à Delmore Schwarz, père spirituel de Lou Reed, écrivain « maudit » américain récemment mort dans l’oubli.
« The Velvet Underground & Nico » mettra à peu près cinq ans avant de commencer à être reconnu et cité comme un disque majeur. Son aura n’a depuis fait que croître, des pans entiers du rock (le krautrock, le punk new-yorkais, Sonic Youth et tous ses descendants, tous les frangins Bruitos de la planète, série en cours, …) le citent comme influence majeure. Les autres disques du Velvet en découlent d’évidence. Même si dès le suivant Nico ne sera plus là … On l’a oublié, mais le Velvet n’était à l’origine censé être que son backing-band …
Parmi la multitude de rééditions en version plus ou moins DeLuxe ou Expended parues, celle de 2010 fait la part belle à l’Allemande. Outre les versions mono et stéréo du disque, on y trouve en version single (inutile de dire qu’ils n’ont pas visité le haut des charts) les quatre morceaux qu’elle chante et une bonne part de son premier disque solo « Chelsea girl », écrit par Lou Reed et produit par John Cale, ce qui permet de signaler que malgré le peu de succès rencontré par ses disques en solo, c’est vraiment elle la première « héritière » du Velvet, celle qui est restée toute sa carrière dans « l’esprit » du groupe, responsable d’une discographie assez abrupte, où l’on retrouve toujours cette atmosphère hiératique et glaciale des « All tomorrow’s parties » et autres « Femme fatale ».

« Velvet Underground & Nico » est pour moi un des deux ou trois meilleurs disques du siècle passé, de l’actuel, et de ceux à venir. Depuis sa parution, pillé, imité, plagié … mais jamais égalé …


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P.S. Sur la vidéo de "Wating for my man", l'enfant assis à côté de Nico est Ari, le fils qu'elle a eu avec Alain Delon

PINK FLOYD - THE PIPER AT THE GATES OF DAWN (1967)

Psychédélisme Version 1.0
Il y a quatre groupes différents qui s’appellent Pink Floyd. Le premier, celui de Syd Barrett, dont au sujet duquel il va être question quelque part plus bas. Le second, celui avec Gilmour à la pace de Barrett, adoré par tous les progueux. Le troisième, celui sous la coupe de Waters, adoré par les progueux et les hi-fi maniacs, « Dark side of the Moon » assurant la transition. Quatrième et on l’espère dernière formule du groupe, la configuration dite «  de tribunal » sans Waters. Cette dernière sans le moindre intérêt, à boire et à manger dans les deux précédentes. Et la meilleure pour commencer.
Syd Barrett
Pas la plus populaire, la courte période Barrett, en terme de ventes. Mais la plus folle, la plus innovante, la plus mythique aussi. Tout ça à cause de Barrett, évidemment. Le lutin psychédélique trop vite cramé par le LSD, la tête pensante, chercheuse (et trouveuse) de sa bande potes d’étudiants en beaux-arts. D’entrée, le groupe est différent de ceux de l’époque, en majorité composés de prolos londoniens. Le Floyd vient de la province chic (Cambridge), ses membres de la petite bourgeoisie.
Pink Floyd délaissera vite l’influence majeure de l’époque, le British blues boom, qui lui a valu son nom de baptême, hommage à deux bluesmen déjà (et encore plus aujourd’hui) oubliés, Pink Anderson et Floyd Council. Le Floyd est le groupe de Barrett, qui très vite va s’intéresser de près à une musique et un way of life venus de San Francisco, et que l’histoire rangera sous l’étiquette de psychédélisme. En gros, une libération de toutes les barrières mentales et sociales, et une drogue de synthèse (alors en vente libre), le LSD, comme vecteur. Le monde hippy est en route …
Et la plupart des disques qui ont compté dans ces deux années 66 et 67, fortement influencés par cette culture, sont tout peinturlurés de ce fameux psychédélisme. Et « The piper … » du Floyd est pour moi le meilleur de tous. C’était pas gagné d’avance, les Californiens semblaient avoir une longueur d’avance, et chez les Rosbifs, tout le monde s’y mettait (même Clapton, le jésuite du blues roots), y compris les très grosses têtes d’affiche Stones et Beatles. Le tri dans toute cette production psychédélique est assez facile. Les pionniers du Grateful Dead ne valaient que live, leurs disques de l’époque sont des pensums avachis, les Doors étaient trop blues, l’Airplane trop pop et trop tiraillé entre trop de leaders, Joplin braillait avec des baltringues comme backing band, semblant se contenter de son titre de Reine des Hippies, … Stones et surtout Beatles n’ont fait qu’essayer le LSD et sont restés discographiquement bien raisonnables, les 13th Floor Elevators sont arrivés trop tôt, Sly Stone, trop occupé à se poudrer le nez, trop tard. Il n’en restait plus que quatre susceptibles de sortir le disque-référence. Quatre groupes emmenés par des leaders à l’évidence totalement ailleurs, qui avaient un peu trop forcé (dans une époque pourtant peu avare en camés notoires) sur les buvards et les space cakes. Brian Wilson et ses Beach Boys, Arthur Lee et son Love, Hendrix et son Experience et l’outsider Barrett avec son Floyd. Outsider parce que vomi du néant, placé sur le devant de la scène londonienne où le groupe s’était expatrié, donnant des concerts-performances sur fond de projections mouvantes lumineuses, sortant 45T  et 33T en rafales. En trois mois, les deux singles, l’objet sonore non identifié « Arnold Layne » et la comptine spatiale « Emily play », et leur premier Lp, ce « Piper … ». A côté duquel « Pet sounds », « Forever changes » ou  « Are you experienced ? » étaient des oeuvres de gens « établis », déjà célèbres (les Boys) ou influents (Lee, Hendrix) depuis longtemps (longtemps étant synonyme de quelques mois, il y a des époques où tout va beaucoup plus vite).
Mason, Barrett, Waters, Wright, Pink Floyd 1967
« The piper … » est pour moi le disque le plus novateur de son temps. Parce qu’il n’extrapole pas à partir de choses déjà connues, plus ou moins entendues, il crée de toutes pièces ses propres territoires sonores. Avant l’été 67, on n’a jamais rien entendu de semblable à « Astronomy domine » ou « Interstellar overdrive ». Des wagons de disques publiés par des multitudes de groupes dérivent de ces deux titres. Tout le space rock, le krautrock, et le funeste prog sont en germe dans ces deux titres. Et en ces années où le mixage stéréo prend le pas sur l’antique mais efficace mono, tous ces effets spatiaux, ces sons qui passent de droite à gauche, s’assourdissent ou deviennent hurlants, ces claviers tournoyants, serviront de référence à des myriades de producteurs et de maniaques sonores (si le premier Floyd n’est pas la matrice de choses qui en paraissent  a priori très éloignées comme le shoegazing en général et My Bloody Valentine en particulier, je veux bien passer le reste de mes jours à écouter en boucle les Boards of Canada). Le son des premiers Floyd est attribué à l’oublié Norman Smith. Soit. Mais les anecdotes d’un Syd Barrett, totalement sous substances, montant et descendant à vitesse supersonique tous les boutons de la console apparemment au hasard, sont légion, et il ne fait guère de doute que c’est lui, intuitivement, qui est responsable de ce bouillonnement sonore alors inédit, Smith n’ayant fait que nettoyer ou rationaliser le résultat de ce joyeux foutoir bruyant.
Pink Floyd live 1967
Barrett et les autres (ne pas oublier les autres, le drumming de Mason est totalement atypique, en perpétuelle déconstruction, la basse de Waters est très en avant, ronde et menaçante à la fois, et Wright au toucher venu du classique évite dans l’immense majorité des cas les archi-entendus Hammond et Farfisa) ne s’arrêtent pas au rock planant. Il est curieux de constater que tous les garage bands les plus radicaux mettront souvent dans leur répertoire le démoniaque « Lucifer Sam » et son riff de guitare d’anthologie. Barrett assure le chant et la guitare, a composé seul la quasi-totalité de l’album, Waters ne signant que « Take up thy stethoscope … », paradoxalement le titre le plus à l’Ouest, le plus barré du disque, et le groupe au complet n’est crédité que sur « Interstellar … » issu de jams sur scène. Barrett réussit à lier on ne sait trop comment des choses aussi éloignées et disparates que du rock down tempo comme « Matilda mother » avec des comptines (« The gnome »), faire cohabiter des sons qui fleurent bon l’encens et le séjour à l’ashram (« Matilda … » encore) avec des fanfares très Sergent Poivre (« Bike »). Ce dernier aspect sonore trouvant peut-être son explication dans le fait que Floyd et Beatles enregistraient en même temps aux studios Abbey Road. Et des gimmicks, notamment les bruits enregistrés et réinjectés sur les bandes qui seront une des marques de fabrique des disques du Floyd suivants, sont déjà présents (les horloges sur « Flaming », les mécaniques rouillées et les sonnettes de vélo sur « Bike »).
Le succès de « The piper … » sera tout relatif auprès du public, Pink Floyd a eu d’emblée l’étiquette de groupe branché, arty, élitiste. Et même en 67, année faste pour cerveaux en capilotade, Barrett et son oeuvre restaient assez insaisissables. La lente macération de ce disque dans les esprits et une large reconnaissance ne viendront que plus tard.
Le coup de génie de Barrett restera sans suite. Tout le problème des drogues, tu peux pas savoir l’effet qu’elles te feront avant d’en prendre. Barrett n’était pas Lemmy ou Keith Richards, il finira totalement électrocuté au LSD, et c’est un copain à lui, le guitariste Gilmour qui le remplacera au sein du Floyd … On connaît la suite.

« Piper … » est le disque d’un homme et d’une époque. Curieusement, il a beaucoup mieux vieilli que d’autres jalons sonores de cette époque. La dernière version mise sur le marché en 2011 à l’occasion de la énième remastérisation de la disco du Floyd propose en trois Cds la version stéréo, la version mono, les singles « Arnold … » et « Emily … », ainsi que quelques versions alternatives. Sur l’ensemble, la version stéréo (celle qui était sortie à l’origine) est à privilégier, même si logiquement les titres les plus rock comme « Lucifer Sam » sont plus directs en mono …

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THE LOVIN' SPOONFUL - THE ULTIMATE COLLECTION (1992)

A la louche ...
Bon, le Lovin’ Spoonful, y’a pas de quoi écrire une encyclopédie sur eux. Balancer leur nom à un dîner en ville va faire s’écarquiller les yeux des convives … What ? Le Lovin’ quoi ?
Faut reconnaître qu’ils n’ont eu que leur quart d’heure warholien de gloire dans les sixties. Enfin, leurs trois-quarts d’heure, ils ont eu trois hits certifiés. Et leur leader John B. Sebastian doit pas avoir de soucis de fin de mois, tant ces trois titres ont été repris et, allez savoir pourquoi, utilisés à maintes reprises dans des spots de pub.
C’est sur une de ces pubs télé que j’avais entendu un titre. Je crois bien que c’était « Summer in the city » pour une marque de jeans, mais depuis le temps, je suis plus sûr …
Toujours est-il que les types du label Flarenasch, boutiquiers de série Z spécialisés dans l’euro-dance très bas de gamme, et dans l’achat de licences pas chères pour sortir des compiles bas de gamme comme celle-ci, ont mis dans les bacs cette « Ultimate collection ». Visuel minable, fautes d’orthographe, livret recopiant des articles de presse anglo-saxonne, son plus que limite (j’irais pas jusqu’à affirmer qu’ils ont repiqué sur les vinyles, mais c’est sûr qu’ils ont pas remastérisé …). Coup de bol, parce qu’avec ce genre d’épiciers sonores tu peux te retrouver avec un tracliksting de morceaux inconnus sous un intitulé ronflant, les trois hits y sont.

« Do you believe in magic ? », « Daydream » et « Summer in the city », au milieu de plus d’une vingtaine d’autres que pour  être charitable on qualifiera de quelconques… Le Lovin’ Spoonful, c’était à partir du milieu des années 60 un de ces groupes américains qui aurait voulu être les Beatles par chez eux. On a donc en moins de trois minutes des mélodies, des chœurs à plusieurs voix, tout le tralala pop … Particularités des Lovin’ Spoonful : un compositeur quasi exclusif, le déjà cité Sebastian, pas de reprises (en tout cas sur cette compile), et une base sonore typiqueemnt américaine (country, folk, rock). Et jamais de mélange de ces genres. En fait, et dans le meilleur des cas, les Lovin’ Spoonful étaient de piètres ersatz des Byrds.
Même si John B. Sebastian est un bon songwriter (on n’écrit pas trois gros hits par hasard), c’est pas vraiment l’imagination au pouvoir. L’essentiel se traîne, donne une pop cotonneuse archi-prévisible dans son écriture et ses arrangements, et vocalement c’est loin d’être renversant, tant en voix lead (Sebastian) que dans les harmonies vocales. Il est même curieux de voir l’abîme qui existe entre leurs trois titres phares et le reste de leur production …
Le groupe, qui tire pourtant son nom d’une bribe de phrase dans un titre de Mississppi John Hurt, n’a semble t-il jamais touché au blues, a sorti une poignée d’albums dont une paire seraient paraît-il fréquentables (mais au vu de cette compile, j’ai quelques doutes, même si dans sa seconde partie – elle est chronologique – elle s’améliore un peu), avant que Sebastian s’en aille tenter l’aventure solo. Une paire ont continué un temps, sorti quelques titres assez calamiteux avant de sagement mettre la clef sous la porte. Sebastian de son côté n’a plus retrouvé le chemin des hits parades, et il fait même partie de ces complets oubliés de l’Histoire qui ont joué au festival de Woodstock.
Les hits du Lovin’ Spoonful sont de grands classiques de la reprise pour ceux qui veulent lancer (Mama Cass Elliott en solo après la débandade des Mamas & Papas avec « Daydream ») leur carrière ou effectuer un énième come-back (le plombier Joe Cocker avec « Summer in the city »).

Le genre d’objet à réserver aux maniaques des séries B de pop américaine tendance sixties. Si tant est que cette rondelle ait été rééditée, ce qui ne semble pas être le cas …

THE BEACH BOYS - PET SOUNDS (1966)

La vie de Brian ...
Malgré l’image policée, sympathique et festive donnée par les Beach Boys, elle devait pas être marrante tous les jours, la vie de Brian … Le plus doué du groupe familial Wilson  avec la pression qui va avec (des singles, des skeuds pour Noël, des inédits pour les 33T), bien entretenue par un père maquereau de sa progéniture dans la grande tradition show-bizz du « on achève bien les chevaux » …
Le fiston idéal, Brian, cependant pas très bien dans ses baskets, et qui commençait à (gentiment) se défoncer pour aller un peu mieux dans sa tête au milieu des années 60. Peut-être un peu à l’Ouest (non, je parle pas de la Californie), mais passionné par l’écriture de chansons, le travail en studio (la scène, pas son truc, il se faisait souvent porter pâle quand les Boys tournaient). Et aussi ambitieux, avec les oreilles grandes ouvertes sur le monde merveilleux ( ? ) de la pop, il voulait toujours faire mieux … que tous les autres en fait.
Seulement voilà, en cette fin 65, quatre types qu’il surveillait de près, issus des brumes de Liverpool, venaient de mettre dans les bacs un disque appelé « Rubber soul », et là, tout d’un coup, Brian se rendait compte que Lennon, McCartney, Harrison et Martin (oui, j’ai bien écrit Martin et pas Starr, si vous savez pas pourquoi, je peux plus rien pour vous …) étaient en train de placer la fuckin’ barre très haut. « Rubber soul » était pensé, construit, cohérent, d’un déroulement qui lui apparaissait logique, évident … fini les collages de bric et de broc de six titres disparates sur chaque face de plastique noir, fini le disque, place à l’album.
Les Beach Boys 1966 : bientôt, Brian va voir des éléphants roses
Et Brian Wilson, pour qui les Beatles étaient les seuls concurrents valables, se mit en tête de faire le disque parfait, celui qu’il imaginait devenir le plus grand disque de pop jamais réalisé. Il lui fallait non seulement écrire une douzaine de chansons parfaites, mais surtout les lier en un bloc, en faire un ensemble indissociable devant lequel le Monde se prosternerait. Et Brian Wilson, ce challenge un peu fou, il l’a réussi. Quand au mois de mai 1966 paraît « Pet sounds », rien de comparable n’existe …
« Pet sounds » n’est pas un album gai, d’ailleurs cette forme de tristesse, de mélancolie, ne quittera plus l’écriture de Brian Wilson. Fini le « Fun, fun, fun » des ados surfeurs, leur sunshine pop est quelque peu ombragée, voilée. Et l’entraînant « Wouldn’t it be nice » (le titre imparable qui ouvre « Pet sounds », les autres sommets seront placés tout à la fin avec « Caroline no » et pile au milieu avec « Sloop John B » / « God only knows ») n’est qu’un trompe-l’œil, la tonalité globale du disque est assez sombre, nettement moins enjouée que sur ceux du passé.
Alors que les Beatles sont de fait quatre pour créer leurs disques, Brian Wilson est lui à peu près seul. Inutile de compter sur les frangins, bringueurs peu concernés par l’écriture, et pas trop sur le cousin Mike Love, qui ne cherche qu’à placer une note ou trois mots de temps en temps, juste pour empocher des droits d’auteurs. Parenthèse : ce crétin ultra-républicain de Love intentera moult procès pour se faire créditer sur quantité de titres des Beach Boys, il réussira devant les tribunaux à récupérer le nom du groupe, et c’est maintenant ce pitoyable vieillard mesquin qui tourne avec quelques employés menés à la trique sous le nom de Beach Boys. S’ils donnent un concert près de chez vous, faites-vous plaisir, n’y allez pas … Fin de la parenthèse … De fait, le seul complice de Brian (uniquement pour les textes, lui se réserve toute la musique) sera le parolier Tony Asher.
Wilson s’aperçoit que les Beatles s’inspirent de la musique classique pour les mélodies et les arrangements. La musique classique, lui n’y connaît rien. Il va se tourner vers les maîtres américains de la comédie musicale (Bernstein, Gershwin, Berlin, …), et aussi vers ce génie de la pop qui dévastait les charts du début des années 60, Phil Spector. Comme d’habitude (Brian Wilson est au piano et divers claviers le seul des Beach Boys à jouer sur les disques, dans une moindre mesure frangin Dennis à la batterie), il va s’appuyer en studio sur le Wrecking Crew, le groupe attitré des sessions de Spector. Ce sont donc les Hal Blaine, Carol Kaye, Leon Russell, Steve Douglas et consorts que l’on entend sur « Pet sounds ». Brian Wilson pourra aller au bout de ses idées, car Spector est en train de devenir furieusement cinglé et son label Philles commence à prendre l’eau de toutes parts …
Il y a dans « Pet sounds » une unité sonore assez frappante. Il y a un rythme, une ambiance générale, des tics de construction, d’utilisation des voix (là, c’est vraiment la tribu Wilson qui est à l’œuvre pour les parties vocales, Brian se réservant souvent la voix lead) communs à tous les titres. On retrouve partout ces voix de cristal portées par des crescendos mathématiques (la leçon retenue de Spector), ces mélodies qui vont plus loin que le binaire du rock, qui font la jonction entre les grands musiciens américains du passé et la « variété » des années 60 …
Brian Wilson va devenir complètement chèvre ...
Même si les quatre titres évoqués plus haut se dégagent du lot et sortiront en single (aucun n’atteindra cependant la première place des charts), Brian Wilson a sorti avec « Pet sounds » une œuvre sans point faible (même pas les deux instrumentaux). Le disque se retrouve systématiquement listé dans les tous meilleurs jamais parus (malgré sa pochette, putain qu’elle est horrible …), McCartney déclarera que « God only knows » est la plus belle chanson jamais écrite. Quand paraît « Pet sounds », Brian Wilson oublie son surmenage et est sur un petit nuage (qu’il commence à parfumer au LSD).
Cette plénitude (ça y est, il l’a réussi, son immense grand disque) ne durera pas. Moins de deux mois après « Pet sounds », les Beatles lâchent « Revolver ». Wilson estime qu’ils ont fait mieux que lui, mais ne s’avoue pas vaincu. Il va s’attaquer à un projet pharaonique, que cette fois personne ne pourra égaler ou surpasser. L’entreprise « Smile » est mise en chantier. Brian Wilson commence à perdre pied mentalement, fait paraître ce qui est pour moi de très loin son meilleur morceau « Good vibrations ». Quand il entendra quelques semaines plus tard la « réponse » des Beatles, le 45T avec « Penny Lane » en face A et « Strawberry fields forever » en face B, Brian Wilson va craquer psychologiquement, il estime qu’encore une fois, qu’encore et toujours, les Beatles ont fait mieux que lui ... La parution de « Sgt Pepper’s » va finir de le détruire. Le « Smile » en chantier ne sortira jamais …

Ne reste que « Pet sounds » comme preuve tangible du génie trop vite calciné de Brian Wilson… 

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THE STAX SESSIONS - 1000 VOLTS OF STAX (1991)

Bizarreries ...
Celui-ci, je l’avais acheté il y a très longtemps par correspondance. Une photo format timbre-poste au 1/10ème, un descriptif genre « compilation avec Otis Redding, Eddie Floyd, Booker T, … ». La bonne affaire, pour s’initier à la soul via un des plus grands labels du genre …
Déception au déballage, il s’agit de « rare & unreleased tracks », et comme c’était à peu près aussi simple pour retourner un Cd que pour un parkinsonien de gagner un tournoi de mikado, je l’ai gardée cette compil …
Qui n’est pas un mauvais disque, mais certainement pas non plus un disque pour « débutants » dans la soul. Un Cd pour complétiste maniaque plutôt. D’ailleurs, c’est pas seulement de la soul au sens strict, puisqu’on y trouve le rythm’n’blues d’Albert King ou Rufus Thomas, ou les plutôt doo-wop Astors. Cette compilation a été réalisée par un certain Roger Armstrong (employé chez Stax ?) qui a remonté des archives des bandes inédites, des alternate takes, des enregistrements live des artistes maisons …
Belle affiche (dans tous les sens du terme) pour les revues Stax
Exemple : les deux titres d’Otis Redding, l’inédit à l’époque « Cupid », et une version alternative de « I’ve got dreams to remember » ne font pas partie des « classiques » de son répertoire. Il y a bien « Dock of the bay », mais sous la forme d’une version instrumentale, certes par Booker T. & The MG’s, ce qui n’est pas rien, mais ça ne vaut pas la version chantée par Otis …
Mais Stax étant une « usine » à faire de la soul, et les mêmes « recettes » étant toujours appliquées quels que soient les artistes, il y a de quoi passer quelques bons moments et éventuellement découvrir des gens que l’Histoire  a relégués au second plan, mais qui auraient mérité la tête d’affiche (Bobby Marchan et William Bell sont deux grands chanteurs).
Il y a même deux titres exceptionnels, une version atomique live de « Knock on wood » d’Eddie Floyd, nettement mieux que « Aussi dur que du bois », son adaptation par Jojo Hallyday. Et surtout, une tornade vocale nommée Ruby Johnson, décrite une fois n’est pas coutume sans exagération par les notes du livret comme la Janis Joplin du label Stax, et dont le titre présent (« When my love comes down ») plane très haut au-dessus de tous les autres.

A noter qu’aussi étrange et improbable que puisse paraître ce disque, une dizaine d’autres du même genre ont suivi, qu’on peut (ou qu’on pouvait) se procurer séparément ou réunis dans un coffret …


THE BEATLES - THE BEATLES AGAIN (1970)

La bonne affaire ...
C’était pendant le premier règne de Chirac. Un coin de pochette de 33T aperçue dans une brocante entre  des 45T de Gilbert Bécaud et des 33T de Michèle Torr. Mais oui, c’était bien ça, un disque de Beatles que j’avais jamais vu. Je lâchais sans marchander dix francs, persuadé d’avoir fait une affaire, d’avoir récupéré à peu de frais une pièce rare, voire de collection.

Tu parles, aujourd’hui en état mint, ça vaut dix euros sur les sites d’occases, et le mien il craque de partout et est tout gondolé. « The Beatles again », c’est une compile sortie en 1970 partout dans le monde. Peu rééditée et jamais depuis 1973, année de parution du Rouge et du Bleu, nettement plus copieux et encore à ce jour définitifs résumés de l’œuvre du plus grand groupe etc … « The Beatles again » n’est pas sorti en Cd, mais comme tout ce qui touchait aux quatre garçons dans le vent se vendait comme des petits pains en plus avec cette foutue histoire de séparation, on doit la trouver dans plein de greniers.

« The Beatles again » c’est dix titres. Un assemblage de bric et de broc, conçu pour rendre accessible aux fans quelques morceaux « rares », autour de la locomotive du disque censée être la (elle bien connue) scie de McCartney « Hey Jude » (« Hey Jude » était le titre du disque envisagé dans un premier temps par Apple et EMI). Aujourd’hui que tout est disponible, et pour rien, l’intérêt de cette rondelle noire est maigre. A mon sens, elle ne vaut que pour sa pochette, une photo devant une modeste demeure que venait de s’offrir Lennon (un Lennon à droite des autres, enfin plutôt à l’Ouest dans ce cas, accoutré qu’il est en Rabbi Jacob).
Parce que le tracklisting, bon, faut être honnête, c’est vraiment n’importe quoi. « Can’t buy me love » (le prototype des hits des quatre jeunes de Liverpool dans leur période costard-cravate) et « I should have known better » sont sur le 33T « A hard day’s night » et pas rares pour deux sous. « Paperback writer » qui suit, sorti uniquement en 45T, est signé Macca (à l’attention des fans de Maé, quand les titres sont signés Lennon-McCartney, celui qui a en fait écrit seul le morceau, c’est celui qui fait la voix lead), est autrement plus consistant, les Beatles ne donnent plus de concerts, passent énormément de temps en studio, y’a une trouvaille sonore toutes les cinq secondes. « Rain » (signé Lennon), la face B de « Paperback … » a longtemps fait figure de titre rare des Beatles (on le trouvait pas sur le Rouge), à la réputation exagérée. C’est un bon titre issu des sessions de « Revolver », avec là aussi plein d’expérimentations sonores de George Martin (les voix passées à l’envers entre autres), mais pour moi il est pas dans le Top 50 des Beatles, même si c’est un peu la tarte à la crème des pédants in Fab Four connoissance …
« Lady Madonna », c’est du Macca qui s’amuse, entre rag et Fats Domino style, avec une énorme pulsation de basse et une voix qui semble sortie d’un vieux phono des années 20. Titre archi-connu, un des 27 numéro un aux hit-parades des Beatles. Suit ensuite la chanson « politique » de Lennon « Revolution ». Il s’agit de la version dite « saturée » avec ses grosses guitares fuzz, sortie en 45T. L’autre face de ce 45T (les Beatles pouvaient se permettre de sortir des 45T avec deux faces A), c’est donc « Hey Jude », d’une simplicité et d’une facilité mélodique (une suite d'une poignée de notes répétées pendant cinq minutes) telles qu’on se demande pourquoi personne y avait pensé avant (réponse : c’est simple, tous les autres n’étaient pas les Beatles).
Les trois derniers titres sont les plus récents, issus des séances de « Let it be » et « Abbey Road ». On y trouve le « Old brown shoe » de Harrison, face B de la « Ballad of John & Yoko » de Macca, également présente, ainsi que « Dont let me down » signée Lennon et face B de « Get back ». Trois titres enregistrés alors que l’affaire Beatles commençait à sentir le sapin, et ma foi, ça s’entend, c’est juste le minimum syndical …

Bon, c’est les Beatles, ouais, mais finalement, même à dix balles, c’était pas une si bonne affaire que ça, ce « The Beatles again ».







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The Beatles