Diamonds are a girl's best friends ...
« Breakfast at Tiffany’s », titre autrement plus significatif que sa traduction française a fait d’un premier rôle féminin de comédies romantiques (Audrey Hepburn) parfois réussies (« Vacances romaines », « Sabrina », « Charade »), une icone du cinéma et de la mode. Alors qu’elle ne cochait aucune des cases requises à l’époque.
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Breakfast at Tiffany's |
Pas américaine (Anglaise de
naissance, réfugiée aux Pays-Bas pendant la WW2, elle n’ira aux States que la
vingtaine sonnée commencer sa carrière au théâtre), brune (alors que les stars
de l’époque se nomment Marylin Monroe ou Kim Novak), longiligne silhouette limite
anorexique (alors que les susnommées ont des formes généreuses), des grands
pieds et de grands sourcils.
« Breakfast at Tiffany’s » en
fera aune star, inaugurant un look androgyne mis en valeur par les grands
couturiers (français, cocorico). Son « habilleur » attitré sera
Hubert de Givenchy, ce chic frenchy sera plus ou moins dupliqué tout au long
des sixties (Jackie Kennedy, Françoise Hardy, …). De brune mutine qui semblait
promise à une carrière de faire-valoir de stars vieillissantes (exemples-type
« Sabrina » avec Bogart, « Charade » avec Cary Grant),
cette autre Hepburn va se muer en cover girl (le too much « My fair
Lady », l’amusant « Comment voler un million de dollars ») qui
fait tomber les hommes à ses pieds.
« Breakfast at Tiffany’s » est tiré d’une nouvelle de Truman Capote, adaptée d’une façon plutôt soft. Nouvelle qui narre les aventures d’une Texane montée à New York pour y vivre de ses charmes (explicite chez Truman Capote, suggéré dans la seconde scène du film, où un quidam la course jusque devant chez elle, furieux de lui avoir donné cinquante dollars pour qu’elle aille se refaire une beauté aux toilettes d’un endroit chic et qu’il n’a pas vue revenir, les cinquante dollars n’étant pas uniquement pour le pourboire de la dame pipi).
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Audrey Hepburn & Blake Edwards |
C’est la Paramount qui est
maître d’ouvrage, qui a choisi le metteur en scène (Blake Edwards, sous contrat
avec elle) et son actrice principale (Marilyn Monroe). Las, la blonde fait un
de ses caprices de diva, refuse le rôle, et les producteurs, sans y croire
vraiment, contactent Audrey Hepburn, qui à la surprise générale accepte
sur-le-champ. Elle sera donc Holly Golightly (patronyme à multiples jeux de
mots quasiment intraduisible qui pourrait donner quelque chose comme
« sainte allumeuse »).
La première scène donne son
titre au film. Petit matin, dans un New York désert un taxi jaune laisse devant
la boutique du bijoutier Tiffany’s une jeune femme en robe de soirée, qui petit-déjeune
en dévorant des yeux les pierres précieuses exposées en vitrine. Elle quitte à
regret sa contemplation et rentre lentement à pied chez elle où l’attend
l’éconduit furibard cité plus haut.
« Breakfast at Tiffany’s » est une des références de la comédie romantique des sixties. L’aspect romantique, c’est la liaison contrariée par de multiples rebondissements que l’on voit venir de loin entre Holly et le nouvel occupant du logement situé à l’étage au-dessus, un écrivain plus ou moins raté et fauché joué par George Peppard. La comédie, c’est la patte de Blake Edwards et son art des gags et des personnages loufoques. Intrinsèquement, sur ces deux aspects, « Breakfast at Tiffany’s » n’est pas une franche réussite.
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Peppard, Hepburn & Neal |
George Peppard, espoir du cinéma américain, avec son physique de beau gosse sportif, ne concrétise pas avec ce film (ni avec les suivants d’ailleurs) les espoirs que la production a placés en lui. Jeu transparent et limité, il se fera surtout remarquer en draguant (plutôt lourdement paraît-il, et sans aucun résultat) ses deux partenaires sur le film, Audrey Hepburn et Patricia Neal (joli second rôle, celle qui donnait la réplique à Paul Newman dans « Le plus sauvage d’entre tous », est ici la maîtresse décoratrice qui entretient Peppard). Mais Peppard n’est pas la seule faute de casting, il y a pire avec Mickey Rooney, qui joue un autre voisin asiatique de l’immeuble. Irascible et grimaçant, jeu très outré derrière un maquillage grossier, tous les intervenants (Edwards, les producteurs) ont reconnu qu’il n’était pas le bon choix (a-t-il d’ailleurs été un bon choix un jour, tant il en fait toujours trop dans tous ses films ?). Autant que Rooney, c’est son personnage qui pose problème, envoyant à chacune de ses apparitions en forme de running gag, la comédie sentimentale vers des contrées de grosse farce lourdingue. N’est pas Jerry Lewis qui veut …
De toutes façons, c’est Audrey
Hepburn qui écrase tout, pour ce qui est sa meilleure prestation devant une
caméra. Très glamour, limite sexy, elle porte le film à bout de bras, et fait
de Holly Golightly un personnage de fiction devenu légendaire. Toutes les
femmes ont rêvé de ses sobres robes noires, de son sac à main, de son
fume-cigarettes (d’au moins cinquante centimètres). Si ses liens avec Givenchy
ressemblent souvent à du placement de produit, la firme Ray Ban peut aussi lui
dire un grand merci. On voit Hepburn plusieurs fois avec des Wayfarer à verres
teintés de vert. Au moins autant que Bob Dylan qu’on apercevra beaucoup avec
les Wayfarer dans les sixties (mais pas seulement, voir la pochette de « Infidels »),
elle contribuera à la notoriété de la marque (pas assez pour éviter que la
vénérable firme de binocles soit rachetée par des Ritals, no fun et no comment …).
Sans parler évidemment de la bijouterie Tiffany’s (qui n’avait pas vraiment
besoin de cette pub pour être connue) dont Hepburn deviendra aussi l’égérie et une
sorte de porte-parole.
Dans « Breakfast at
Tiffany’s », Hepburn montre qu’elle peut tout jouer (l’ingénue, la malicieuse,
la séductrice, l’émotion les larmes…). Et surtout la jet-setteuse de basse
extraction. Toujours clope au bec et whisky à la main, une composition
magistrale de pilier de bar légèrement (ou gravement) ivre en permanence.
Contre toute attente, elle refuse d’être doublée lorsqu’il s’agit de chanter l’imputrescible
classique de Henry Mancini (écrit pour l’occasion) « Moon river ». Ce
couplet et ce refrain chantés (en faisant semblant de s’accompagner à la
guitare) récolteront l’Oscar de la meilleure chanson originale.
Face à cette prestation de Hepburn, tous les autres noms du casting font piètre figure. Outre les déjà évoqués Peppard et Rooney, d’autres auraient pu tirer leur épingle du jeu. Mais que ce soit Martin Balsam (un des « Douze hommes en colère »), Buddy Ebsen (le mari texan « oublié » de Holly), ou même Patricia Neal (décoratrice, maîtresse et carnet de chèques de Peppard), pourtant seconds rôles confirmés, ils disparaissent noyés par la tornade Hepburn.
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La party |
Et le réalisateur dans tout ça ?
A mon humble avis, il montre ses limites. Capable de mettre en scène quelques
gags, on peut pas vraiment dire que Blake Edwards impose sa marque de fabrique.
A une exception près, lors de la party organisée dans l’appartement de Holly,
où se succèdent personnages et situations surréalistes, avec acteurs et
figurants serrés comme des anchois dans quelques mètres carrés (certainement
pas un hasard si les mêmes paramètres seront repris dans ses plus grands
succès, « La Panthère Rose » et of course « La Party »).
Alors que le film est censé se passer entièrement à New York, quelques
extérieurs ont bien été utilisés (la devanture de Tiffany’s, la Bibliothèque
municipale, la maison où vit Holly), mais toutes les scènes d’intérieur ont été
tournées dans les studios de la Paramount à Hollywood. Et encore, on a échappé au
quasi débutant à l’époque John Frankenheimer, initialement prévu derrière la
caméra et qu’au vu de sa carrière, on voit mal se dépêtrer d’une comédie
glamour.
« Breakfast at Tiffany’s »
c’est l’histoire du verre à moitié plein. Raté sur bien des points, il n’est
sauvé que par une prestation hors normes d’Audrey Hepburn. Et rien que pour ça,
il faut l’avoir vu …