Bouillon de culture ?
M’en souviens … Le dénommé George O’Dowd, plus connu sous le surnom de Boy George et à peu près Culture Club et autres avatars à lui tout seul, avait fait au temps de sa gloire la couverture de Best et Rock & Folk, avec copieux articles de fond (?) à la clef. Me souviens aussi du courrier des lecteurs avec des gens outrés que pareille chose ait place dans les colonnes de ces vénérables magazines … avec le recul, tout ça n’est pas bien grave, les gars réagissaient comme leurs parents quand ils avaient vu ou entendu Elvis, Stones et Beatles. Il y en a beaucoup qui aiment bien leurs balises, leurs repères, et leurs œillères. Le Boy George, condamné et fusillé sans même avoir été entendu … ou trop entendu … Imaginez, ce type et son pseudo-groupe ont été à la deuxième place des charts US (le premier c’était Michou Jackson avec « Thriller »).
Culture Club 1983 |
Ouais Boy George et Culture Club faisaient encore plus
fort que T.Rex. Bolan au début des seventies recrutait l’essentiel de son
public (et de son succès considérable) dans les cours de récréation des
collèges (les filles entre 12 et 15 ans). Boy George, lui, faisait carrément la
sortie des écoles primaires. Les gamines de 9 à 12 ans l’adoraient … et tant
que j’en suis à me souvenir, les préposés aux concerts relataient la foule de
parents se pressant devant les endroits où il se produisait, attendant la sortie
de leurs chères têtes blondes, il y avait encore plus de monde à l’extérieur
qu’à l’intérieur de salles hystériques, forcément hystériques …
On pourrait ergoter pendant des heures pour savoir comment on a bien pu en arriver là, comment on a pu passer en tout juste une décennie de « Exile on Main St » à « Colour by numbers » … On va s’en tenir à Boy George … Qui était avant même d’avoir mis les pieds en studio une figure de la nuit londonienne. Tous les témoignages de ses contemporains sont formels, avant d’être célèbre, il avait déjà ce look totalement improbable à base de pantalons et longues tuniques bouffantes, dreadlocks multicolores et chapeau de rabbin. Sans oublier les tonnes de maquillage sur le museau. Autant dire que même dans le contexte « branché » (post-punk et nouveaux romantiques, tout dans le look et pas grand-chose pour les oreilles) de l’époque il passait pas inaperçu. Il « démarre » dans le music-business sous l’égide de l’escroc en chef Malcolm McLaren (inventeur, manager et communiquant des Sex Pistols) par un rôle-éclair de choriste dans Bow Wow Wow. Pseudo groupe monté de toutes pièces par McLaren autour d’une nymphette anglo-asiatique (Annabella Lwin), vendu comme du « rock tribal » (le « groupe » essayait de refaire le gag du « I want candy » des Strangelove, pseudo-peuplade primitive enregistrant du rock, en fait une blague de requins de studio à la fin des 60’s, où l’on retrouvait Richard Gottherer, futur producteur des premiers Blondie). Les Bow Wow Wow ont fait parler d’eux avec leur premier disque, dont la pochette pastichait « Le déjeuner sur l’herbe » de Manet, avec l’Annabella à poil au milieu de ses « musiciens ». Seul problème, elle avait quatorze ou quinze ans, donc gros scandale, donc mission accomplie pour McLaren …
Boy George 1988 |
Boy George n’est déjà plus de ce naufrage, il a monté Culture
Club avec son copain de l’époque et deux autres zozos. Signé à cause de son
look par Virgin, qui balance quelques singles sans conviction. Les deux
premiers sont des bides, le troisième s’appelle « Do you really want to
hurt me ». C’est un truc commencé quasi a capella, sur une base bien
policée de reggae et de soul. Tout ce que la planète compte de stations de radio
va diffuser ce morceau en boucle, qui est, il faut le reconnaître, le genre de
scie imparable qui peut plaire à un maximum de personnes. Le George a un atout
maître, occulté par son androgynie et son look extravagant : il chante
juste (chose pas forcément courante à l’époque), avec une voix aussi à l’aise dans
des sonorités graves que très douces. Et un vibrato dont il ne se sert pas pour
bêler, comme le premier Julien Clerc ou Véronique Sanson de passage … La
première comparaison vocale qui me vient à l’esprit, c’est – excusez du peu –
Sam Cooke. Boosté par le single, le premier 33 T (très dispensable) se vendra
par camions, d’autres singles seront extraits. La suite, l’album « Colour
by numbers » sera meilleur, contenant le meilleur titre de Culture Club, « Church
of the poison mind » (un beat Tamla-Stax, une partie d’harmonica, des
chœurs féminins très soul).
La suite sera une chute vertigineuse. Quelques rondelles de plus en plus mauvaises, des singles qui se vendent beaucoup moins, et la dissolution du groupe. Ceci pour le côté musical de l’affaire. Parce qu’en même temps, le bon George se révèlera un déglingo total, dans la lignée des Keith Richards – Johnny Thunders. Si son côté homosexuel forcené ne lui a pas causé trop de tort, de multiples descentes de flics qui repartaient de chez lui avec des quantités considérables de poudres blanches (qui ne lui servaient pas à se maquiller), lui vaudront scandales à répétition via les tabloïds anglais très friands de ce genre de faits divers. Cerise sur le space cake, les flics trouveront un jour chez lui un macchabée dans un placard, refroidi par une overdose. Case prison direct, avant qu’il soit euh … blanchi par la justice.
Jesus Loves You 1992 |
Entre-temps, c’est en solo qu’il continue la musique. En
tant que DJ (il y a des décennies qu’il est reconnu comme une pointure du
genre), et en sortant des disques solo. Sur son premier figurera ce qui est pour moi
son meilleur titre, le reggae ralenti de « Everyhing I own » (ce
titre est des Américains de Bread, sortes de Badfinger d’Outre-Atlantique, et
la version de Boy George est calquée sur la reprise reggae qu’en avait fait le
Jamaïcain Ken Boothe). Boy George nous fera ensuite sa Nina Hagen, sombrant
dans le mysticisme oriental, virant bouddhiste zen, se rebaptisant Jesus Loves
You (à moins que ce soit le nom de son groupe), avec le répertoire crétin qui
va avec, comme tous ces types défoncés jusqu’à la moelle, qui ont vu leurs
péchés et la lumière de la rédemption. Témoin sonore de cette époque « Bow
down Mister », quasi-plagiat du « My sweet Lord » de George
Harrison, lui-même plagiat du « He’s so fine » des oubliées Chiffons
…
Ce « Spin Dazzle » de 1992 avec pochette aux
motifs hindouistes de rigueur et logo Hare Krishna (il me semble qu’il est
revenu de ces fadaises), relate donc en quinze morceaux le parcours du garçon
George. Les quatre titres déjà cités y sont évidemment. Parmi les autres, deux
ou trois sont écoutables (grâce à la voix essentiellement), comme « Miss
me blind » (la ballade triste) ou « After the love » (gentille
soul blanche).
Tout le reste est à jeter, ça va des follow-ups ratés de
ses succès (« Time »), à des eltonjohneries bas de gamme (« To
be reborn »), en passant par des comptines pour écoles maternelles
(« Karma chameleon »). Et quelques-unes sont encore plus pourries par
des remix d’époque (92, le règne de la house music) …
Pour desperate housewifes autour de la cinquantaine only…
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