Clyde a une petite amie, elle
est belle et son prénom c’est Bonnie … Gainsbourg avait une petite amie, elle
était belle et son prénom était Brigitte … et elle fermait sa gueule à l’époque,
causait pas écologie ou politique … N’empêche le tombeur moche lui a écrit une
putain de bien belle chanson, inspirée par un film américain.
Beatty, Dunaway & Arthur Penn |
Juste retour des choses … A
l’origine du film, deux jeunes scénaristes du pays de l’Oncle Sam, Robert Benton et David Newman, inspirés par un
bouquin historique sur un gang de braqueurs ayant sévi une petite poignée
d’années dans le sud-est américain au début des années 30. Gang constitué d’un
ramassis de bras cassés parfois juste de passage, mais responsable de quelques
drive-by-shootings sanglants sous la conduite d’un couple de jeunes
délinquants, Bonnie Parker et Clyde Barrow. Problème, un tel scénario a peu de
chances d’aboutir dans l’Amérique du milieu des années 60, réactionnaire et
engluée dans le conflit du Viet Nam autour duquel la nation est censée se
fédérer dans un respect strict de valeurs saines et patriotiques.
La première mouture du scénario
est inspirée par les films de la Nouvelle Vague française. Benton et Newman
voient bien Truffaut ou Godard derrière la caméra. Truffaut est contacté,
étudie l’affaire, et décline. Un peu plus tard, il rencontre un peu par hasard
Warren Beatty, lassé de jouer les play-boys neuneus et qui entend désormais
produire les films dans lesquels il joue pour donner une autre image de lui.
Beatty est intéressé et va chercher à monter le film aux Etats-Unis. Il lui
manque à peu près tout : un réalisateur, un casting, et une distribution
qui accepte de compléter la partie financière.
Tous ceux qu’il va contacter
vont y aller à reculons. Arthur Penn, avec qui Beatty a tourné récemment (dans
« Mickey One », un joli bide), qui est vaguement intéressé mais
verrait bien Bob Dylan dans le rôle de Clyde. La jeune Faye Dunaway, au
physique plutôt grassouillet qui se voit prescrire un régime pour avoir le rôle
et n’aime guère Beatty. La Warner qui veut prendre les bénefs s’il y en a, mais
ne veut pas essuyer les plâtres en cas d’échec commercial …
Un casting qui a de la gueule ... |
La situation sera souvent
tendue, humainement et financièrement. Le producteur et l’acteur auront des
discussions interminables pour quasiment toutes les scènes, ce qui gavera
passablement le reste de l’équipe et du casting. Il faudra pas se louper, pas refaire cinquante fois la même prise (pour la fusillade finale, il n’y a que
deux voitures à cribler de balles, donc deux prises, et la première ne sera pas
évidemment pas la bonne …). Sans compter Benton et Newman qui bataillent avec
Beatty et Penn pour que leur scénario ne soit pas dénaturé. Par exemple, pour
eux Clyde Barrow est bisexuel. Il est finalement hétéro impuissant dans le
film, mais Bonnie et Clyde ont toujours comme compagnon de chambre Salomon
(Michael J. Pollard, qui décroche là le rôle de sa vie). Penn doit également composer
avec son chef opérateur, Burnett Guffey, un vieux de la vieille qui déteste
tout ce qu’on lui demande de faire, mais récoltera un Oscar pour son boulot …
Il faut dire que « Bonnie
& Clyde » est un film novateur. Le couple tueur de flics est glamour,
sympathique, drôle et attachant, alors que le cinéma, code Hayes oblige, n’a pas
du tout l’habitude de présenter les truands de cette façon. Sans parler de la
sexualité équivoque de Clyde, d’une p’tite pipe bien suggérée lors d’une scène,
et d’une conception du braquage de banques quasi communiste (on pique le pognon
aux banquiers parce qu’on est pauvre et que c’est à cause d’eux, voir la scène
du paysan exproprié qui dégomme les vitres de sa ferme, ou du plouc en train de
déposer quelques billets à une banque que Clyde lui dit de remettre à la
poche).
Le film est assez loin de la
vraie histoire de Bonnie & Clyde, à tel point que quelques membres des
familles Barrow et Parker intenteront des procès (une fois le succès commercial
– qui fut long à se dessiner – acquis). Il n’en demeure pas moins que le
« Bonnie & Clyde » de Penn fait partie de ces œuvres qui font
date, qui vont marquer leur époque. Témoin l’anecdote de Faye Dunaway,
stupéfaite lors de la tournée promo en Europe (où le film a tout de suite bien
démarré) de ces troupes de filles longilignes fringuées rétro et coiffées d’un
béret. Parenthèse, si le cinéma s’est souvent inspiré de « la rock
attitude », ça a quelques fois fonctionné dans l’autre sens. Il suffit de
voir les photos de Joni Mitchell ou Rickie Lee Jones dans les seventies pour
savoir qu’elles ont longuement disséqué le look de Bonnie / Faye Dunaway …
Parce que la Dunaway, elle
crève l’écran … et pas qu’un peu … dès la première scène, où elle s’emmerde
ferme, mais à poil, ce qui change tout pour le spectateur, dans sa chambre
avant de s’intéresser au petit manège de Clyde qui essaie de piquer la bagnole
de sa mère, on peut dire qu’un sex
symbol est né (là non plus, pas un hasard si une certaine Deborah Harry en
tentera dix ans plus tard une imitation, plutôt convaincante il faut dire, au
sein de Blondie …). Si Clyde est davantage dans l’action, c’est Bonnie qui
dirige et influence ses actes, elle est pas la poule du gangster, mais son
alter ego … A côté de la Dunaway, Beatty par une sorte d’effet radioactif,
livre ce qui est certainement sa meilleure prestation devant une caméra.
D'après une vraie photo de Bonnie Parker ... |
Et le reste du casting est à
l’avenant. Composé essentiellement de seconds ou troisièmes couteaux (budget
serré), il révèle une superstar en
devenir (Gene Hackmann en frère un peu neuneu de Clyde) et offre un premier
rôle pour une courte apparition à Gene Wilder. Plus expérimentée est Estelle
Parsons, en belle-sœur hystérique de Clyde, prestation furieuse qui lui
rapportera le second Oscar que glanera le film (une relative déception, alors que
les pronostics prévoyaient à « Bonnie & Clyde » une véritable
razzia de statuettes…).
Arthur Penn en profitera aussi
pour donner un second souffle à une carrière jusque-là quelconque et poussive (« Little
Big Man » est à venir). Parce que « Bonnie & Clyde » est un
film spectaculaire, violent, novateur (les impacts de balles et les giclées de
sang sont commandés par tout un tas de fils qui donnent un effet réaliste
jamais atteint jusque-là). Les costumes, pas vintage mais inspirés de ceux de l’époque,
sont superbes, la reconstitution du Texas et des états avoisinants crédible (si
la fusillade finale a été tournée en Californie, tout le reste est en « décors
naturels », Penn ayant été stupéfait de découvrir que sans rien toucher, les petits patelins du
milieu des années 60 étaient identiques à ce qu’ils furent trente ans plus tôt).
Même la « gauche »
américaine (oxymore) a vu dans « Bonnie & Clyde » une critique
sociale et économique de l’Amérique des années 30, traumatisée par la crise de
1929, qui généra des millions de types pauvres et ruinés …
Enfin, de là à imaginer Sophia Chikirou et Jean-Luc Mélenchon en Bonnie & Clyde contemporains …
Ouais, un sacré film. Les gangsters vus comme les derniers héros romantiques et rebelles. C'était comme ça avant le code Hayes (justement) mais avec un détail de plus : dans les années 30, les modèles réels des gangsters étaient encore en vie, ou en activité ! Dillinger n'a-t-il été arrêté en sortant du cinéma qui diffusait sa biographie ?!
RépondreSupprimerOn en avait déjà causé de Faye Dunaway. Gros, potentiel... Beatty aussi d'ailleurs, qui va devenir un producteur / réalisateur très intéressant à suivre, et un type très influent à Hollywood (avant de l'être dans la politique).
Je lui trouve beaucoup de charme à Chikirou, "je ne baisserai pas les yeux, faudra qu'on me les crève!" waouh, la classe, ça doit être une véritable tornade cette femme-là. Elle n'aurait pas besoin de bosser beaucoup pour redresser ma cote de popularité.
Ah!! ça c'est l'achat de mon 3eme blu-ray, après The Song remains the same et Bullit.
RépondreSupprimerJe me demande si Peckinpah ne se serait pas inspiré du carnage final pour celui de La horde sauvage.
Putain Faye Dunaway!! ( bon je l'ai déjà faite celle là...)
J'ai cherché une contrepèterie dans ta dernière phrase Lucio, mais non, faut bien la prendre telle quelle...
Telle quelle, premier degré, et tout dans la finesse...
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