ARTHUR PENN - BONNIE & CLYDE (1967)

Et bien écoutez l'histoire de Bonnie and Clyde ...

Clyde a une petite amie, elle est belle et son prénom c’est Bonnie … Gainsbourg avait une petite amie, elle était belle et son prénom était Brigitte … et elle fermait sa gueule à l’époque, causait pas écologie ou politique … N’empêche le tombeur moche lui a écrit une putain de bien belle chanson, inspirée par un film américain.
Beatty, Dunaway & Arthur Penn
Juste retour des choses … A l’origine du film, deux jeunes scénaristes du pays de l’Oncle Sam,  Robert Benton et David Newman, inspirés par un bouquin historique sur un gang de braqueurs ayant sévi une petite poignée d’années dans le sud-est américain au début des années 30. Gang constitué d’un ramassis de bras cassés parfois juste de passage, mais responsable de quelques drive-by-shootings sanglants sous la conduite d’un couple de jeunes délinquants, Bonnie Parker et Clyde Barrow. Problème, un tel scénario a peu de chances d’aboutir dans l’Amérique du milieu des années 60, réactionnaire et engluée dans le conflit du Viet Nam autour duquel la nation est censée se fédérer dans un respect strict de valeurs saines et patriotiques.
La première mouture du scénario est inspirée par les films de la Nouvelle Vague française. Benton et Newman voient bien Truffaut ou Godard derrière la caméra. Truffaut est contacté, étudie l’affaire, et décline. Un peu plus tard, il rencontre un peu par hasard Warren Beatty, lassé de jouer les play-boys neuneus et qui entend désormais produire les films dans lesquels il joue pour donner une autre image de lui. Beatty est intéressé et va chercher à monter le film aux Etats-Unis. Il lui manque à peu près tout : un réalisateur, un casting, et une distribution qui accepte de compléter la partie financière.
Tous ceux qu’il va contacter vont y aller à reculons. Arthur Penn, avec qui Beatty a tourné récemment (dans « Mickey One », un joli bide), qui est vaguement intéressé mais verrait bien Bob Dylan dans le rôle de Clyde. La jeune Faye Dunaway, au physique plutôt grassouillet qui se voit prescrire un régime pour avoir le rôle et n’aime guère Beatty. La Warner qui veut prendre les bénefs s’il y en a, mais ne veut pas essuyer les plâtres en cas d’échec commercial …
Un casting qui a de la gueule ...
La situation sera souvent tendue, humainement et financièrement. Le producteur et l’acteur auront des discussions interminables pour quasiment toutes les scènes, ce qui gavera passablement le reste de l’équipe et du casting. Il faudra pas se louper, pas refaire cinquante fois la même prise (pour la fusillade finale, il n’y a que deux voitures à cribler de balles, donc deux prises, et la première ne sera pas évidemment pas la bonne …). Sans compter Benton et Newman qui bataillent avec Beatty et Penn pour que leur scénario ne soit pas dénaturé. Par exemple, pour eux Clyde Barrow est bisexuel. Il est finalement hétéro impuissant dans le film, mais Bonnie et Clyde ont toujours comme compagnon de chambre Salomon (Michael J. Pollard, qui décroche là le rôle de sa vie). Penn doit également composer avec son chef opérateur, Burnett Guffey, un vieux de la vieille qui déteste tout ce qu’on lui demande de faire, mais récoltera un Oscar pour son boulot …
Il faut dire que « Bonnie & Clyde » est un film novateur. Le couple tueur de flics est glamour, sympathique, drôle et attachant, alors que le cinéma, code Hayes oblige, n’a pas du tout l’habitude de présenter les truands de cette façon. Sans parler de la sexualité équivoque de Clyde, d’une p’tite pipe bien suggérée lors d’une scène, et d’une conception du braquage de banques quasi communiste (on pique le pognon aux banquiers parce qu’on est pauvre et que c’est à cause d’eux, voir la scène du paysan exproprié qui dégomme les vitres de sa ferme, ou du plouc en train de déposer quelques billets à une banque que Clyde lui dit de remettre à la poche).

Le film est assez loin de la vraie histoire de Bonnie & Clyde, à tel point que quelques membres des familles Barrow et Parker intenteront des procès (une fois le succès commercial – qui fut long à se dessiner – acquis). Il n’en demeure pas moins que le « Bonnie & Clyde » de Penn fait partie de ces œuvres qui font date, qui vont marquer leur époque. Témoin l’anecdote de Faye Dunaway, stupéfaite lors de la tournée promo en Europe (où le film a tout de suite bien démarré) de ces troupes de filles longilignes fringuées rétro et coiffées d’un béret. Parenthèse, si le cinéma s’est souvent inspiré de « la rock attitude », ça a quelques fois fonctionné dans l’autre sens. Il suffit de voir les photos de Joni Mitchell ou Rickie Lee Jones dans les seventies pour savoir qu’elles ont longuement disséqué le look de Bonnie / Faye Dunaway …
Parce que la Dunaway, elle crève l’écran … et pas qu’un peu … dès la première scène, où elle s’emmerde ferme, mais à poil, ce qui change tout pour le spectateur, dans sa chambre avant de s’intéresser au petit manège de Clyde qui essaie de piquer la bagnole de sa mère, on  peut dire qu’un sex symbol est né (là non plus, pas un hasard si une certaine Deborah Harry en tentera dix ans plus tard une imitation, plutôt convaincante il faut dire, au sein de Blondie …). Si Clyde est davantage dans l’action, c’est Bonnie qui dirige et influence ses actes, elle est pas la poule du gangster, mais son alter ego … A côté de la Dunaway, Beatty par une sorte d’effet radioactif, livre ce qui est certainement sa meilleure prestation devant une caméra.
D'après une vraie photo de Bonnie Parker ...
Et le reste du casting est à l’avenant. Composé essentiellement de seconds ou troisièmes couteaux (budget serré), il révèle une  superstar en devenir (Gene Hackmann en frère un peu neuneu de Clyde) et offre un premier rôle pour une courte apparition à Gene Wilder. Plus expérimentée est Estelle Parsons, en belle-sœur hystérique de Clyde, prestation furieuse qui lui rapportera le second Oscar que glanera le film (une relative déception, alors que les pronostics prévoyaient à « Bonnie & Clyde » une véritable razzia de statuettes…).
Arthur Penn en profitera aussi pour donner un second souffle à une carrière jusque-là quelconque et poussive (« Little Big Man » est à venir). Parce que « Bonnie & Clyde » est un film spectaculaire, violent, novateur (les impacts de balles et les giclées de sang sont commandés par tout un tas de fils qui donnent un effet réaliste jamais atteint jusque-là). Les costumes, pas vintage mais inspirés de ceux de l’époque, sont superbes, la reconstitution du Texas et des états avoisinants crédible (si la fusillade finale a été tournée en Californie, tout le reste est en « décors naturels », Penn ayant été stupéfait de découvrir  que sans rien toucher, les petits patelins du milieu des années 60 étaient identiques à ce qu’ils furent trente ans plus tôt).
Même la « gauche » américaine (oxymore) a vu dans « Bonnie & Clyde » une critique sociale et économique de l’Amérique des années 30, traumatisée par la crise de 1929, qui généra des millions de types pauvres et ruinés …
Enfin, de là à imaginer Sophia Chikirou et Jean-Luc Mélenchon en Bonnie & Clyde contemporains …



HOWARD HAWKS - LES HOMMES PREFERENT LES BLONDES (1953)

Material Girls ...

Et pas seulement à cause de la chanson de Madonna et de son clip, hommage-pastiche-parodie d’une chanson du film, et pas n’importe laquelle, « Diamond are  a girl’s best friend », une des plus connues du répertoire ( ? ) de Marylin Monroe …
Marylin
Madonna

« Les hommes préfèrent les blondes » (« Gentlemen prefers blondes » en V.O., ce qui comme d’habitude n’est pas exactement pareil) est une comédie musicale qui reprend des ficelles vieilles comme le cinéma (la recherche d’un mari riche quand on brille davantage par son tour de poitrine que par son QI). Déjà un truc doublement ringard au début des années 50, le film musical et la pin-up écervelée. Même si de superbes comédies musicales, il en reste à venir (« West Side story », « Les parapluies de Cherbourg » par exemple) et si la barre vient d’être placée très haut avec « Singing in the rain ». De toutes façons le scénario de « Les hommes … » vient en droite ligne des années 30, avec des références comme « Gold diggers », avec les chorégraphies démentes mises en scène par Busby Berkeley.
Monroe & Hawks
Avec « Les hommes … », on est loin de tout ça. Même si derrière la caméra, il y a Howard Hawks, excusez du peu. Howard Hawks, le type qui a tourné « Scarface », « découvert » Lauren Bacall, et fini avec les deux westerns crépusculaires (avec à chaque fois John Wayne) « Rio Bravo » et Rio Lobo »… Pour faire simple, on dira que Hawks, c’est pas exactement n’importe qui…
D’autant que devant sa caméra, y’a du matos. La Monroe, en pleine ascension vers la gloire intergalactique, qui joue le rôle d’une blonde (si, si) délurée, cupide, maline mais (très) bête. A ses côtés, Jane Russell, dont on aurait oublié les talents de chanteuse et d’actrice, si Dame Nature ne l’avait pas dotée d’un généreux tour de poitrine. Elle est la brune, plus réfléchie et moins cœur d’artichaut que sa copine blonde. Les deux sont chanteuses sexy de cabaret. Et on suit les tribulations de Lorelei Lee (Monroe) et Dorothy Shaw (Russell) en bateau qui vogue vers l’Europe, à Paris ( la ville romantique de toute comédie musicale digne de ce nom), enfin dans des décors en carton censés représenter Paris…
Monroe & Russell
Le scénario est totalement crétin, la Monroe et la Russell jouent et chantent comme des savates, et donc faut se consoler comme on peut de la médiocrité du film. En appréciant les belles images et le beau technicolor de Hawks, une galerie de seconds rôles pittoresques, même si tous en font des brouettes pour avoir l’air le plus con possible, et quelques bonnes réparties intemporelles. Et pour exciter le mâle américain des années cinquante, quelques chansons et chorégraphies (assez quelconques) qui voit brailler et se trémousser plus ou moins en cadence les deux belles en tenues suggestives.
A l’époque, Russell et Monroe figuraient toutes les deux sur l’affiche avec leurs noms écrits en caractère de la même grosseur. Aujourd’hui, si dans la plupart des éditions Dvd et Blu-ray, on trouve sur la jaquette le nom de Jane Russell, par contre Monroe est souvent seule sur l’image.
C’est logique, « Les hommes préfèrent les blondes » …


Du même sur ce blog :




THE CORAL - MOVE THROUGH THE DAWN (2018)

Le temps des cathédrales ...

De ces cathédrales pop dont la recette semblait perdue à jamais … de ces machins et tellement tarabiscotés et tellement évidents à la fois, qui naissaient dans des temps immémoriaux de l’esprit dérangé de Brian Wilson ou Arthur Lee, ou dans les rêves de McCartney.
The Coral, ils ont eu un énorme handicap. Ils venaient de Liverpool et savaient trousser la mélodie, et donc, sans qu’ils aient rien demandé, se sont évidemment vus taxer de (énièmes) nouveaux Beatles. Ce qui, malgré une poignée de disques, honorables voire plus dans les années 2000, était un costard un peu trop grand pour leurs épaules. L’affaire Coral semblait classée, d’autant que leurs deux ou trois dernières livraisons, parasitée par des départs (celui du guitariste notamment), étaient loin de faire l’unanimité y compris au sein de leurs aficionados.
The Coral 2018
Et ce « Move through the dawn » se pointe. Avec sa pochette à faire frémir, genre rednecks américains en goguette à Tokyo (y’en a un avec un tee-shirt Mickey, même Curt Cobain, peu soucieux de sa garde-robe et de son look, n’avait pas osé …). Le genre de skeud que tu mets dans un coin en te disant que tu l’écouteras quand tu auras vraiment rien d’autre à foutre …
Tout faux. « Move through the dawn » est un grand coup de pied aux idées reçues et aux a priori … même avec la meilleure mauvaise volonté du monde … Ouais, le premier titre « Eyes like pearls » est extraordinaire, un bijou de sunshine pop, un titre comme plus personne n’en a sorti depuis Crowded House, Prefab Sprout ou XTC, ce qui ne rajeunit personne et surtout pas moi... Mais tout le monde met un bon morceau en ouverture des disques, je vais pas me faire avoir, et je prépare la kalachnikov pour dézinguer le reste, qui forcément, ne tiendra pas la route…
Sauf qu’il faut arriver au dixième titre (sur onze), le très mal nommé « Stormbreaker » (on dirait un titre de chanson de Deep Purple ou de Rainbow, c’est dire) pour trouver quelque chose qui s’apparente à une baisse de niveau, un semblant de régression qualitative. Et encore, on en connaît à la pelle, des zozos qui passent en tête d’affiche des festivals avec cachet indécent à la clé, qui vendraient père et mère pour être capables d’écrire ce genre de ballade mid-tempo très seventies avec sa partie centrale très Pink Floyd. Tout ceci avant que le disque ne se termine par « After the fair », ritournelle folk pleine d’arpèges acoustiques que n’aurait pas reniée un Nick Drake et qui devrait inciter nombre d’apprentis Dylan ou Neil Young qui pullulent depuis cinquante ans à changer de métier …
James Skelly, chanteur et principal compositeur
Tout le reste est un enchantement (pour qui n’est pas fan de Slayer s’entend). On ne sait plus où donner de l’oreille devant ces trouvailles mélodiques, ces arrangements millimétrés d’une finesse et d’une classe folle, alors que le genre abordé (la pop baroque ou luxuriante) ne conduit généralement qu’à un ramassis de sonorités ampoulées et prétentieuses. Tout ça en évitant le piège de l’emphase, du kouglof mis en musique. Les titres sont vifs, nerveux. « Reaching out » fera plaisir aux fans des Go-Go’s ou du Dwight Twilley Band, « Sweet release » aurait trouvé sa place dans le « Live at Budokan » de Cheap Trick, « She’s a runaway » swingue et funke comme le meilleur de Crowded House, « Stranger in the hollow » déploie des trouvailles mélodiques insensées, « Eyes of the moon » fait oublier l’absence depuis des lustres du Paddy McAloon (pas vraiment sa faute, il est gravement malade) qui tutoyait les étoiles avec Prefab Sprout, et « Undercover of the night » (rien à voir avec un très mauvais disque des Stones 80’s) sonne tellement Simon et Garfunkel qu’on croirait que le nabot et la grande asperge se sont encore rabibochés.
Et puis, pour en revenir aux Beatles dont il était question au début, « Love or solution » devrait donner envie à tout le monde de réécouter « Revolver » pour constater que oui, ce titre aurait pu y figurer dans le tracklisting sans que personne y trouve à redire.
A ce stade, il reste deux questions : un, mais putain comment les Coral ont-ils fait pour torcher pareille merveille et deux, seront-ils capables de reproduire pareil coup d’éclat ? On l’espère …



RIDLEY SCOTT - ROBIN DES BOIS (2010)

Robin Hood prequel ...

Le film de Ridley Scott est la vingt et unième adaptation au cinéma des aventures de Robin des Bois. Pas mal pour un type qui n’a jamais existé … en fait parmi tous ces kilomètres de pellicules consacrées à Robin à la Capuche, seules deux étaient jusqu’à présent passées à la vraie grande postérité. Celle de Michael Curtiz, avec Erroll Flynn en collant moule-burnes vert sur un fond de couleurs pétaradantes, et celle très quelconque du troisième couteau Kevin Reynolds avec dans le rôle-titre le très bankable Kevin Costner, assurant sur son seul nom un retour sur investissement très conséquent.
Blanchett, Crowe & Scott
Et là, en 2010, on pouvait s’attendre à voir débarquer la version ultime de Robin des Bois. Parce que derrière la caméra il y a quand même rien de moins que Ridley Scott, qui bien qu’ayant ses œuvres légendaires tournées depuis quelques lustres (« Alien », « Blade runner », « Thelma et Louise »), sortait encore des trucs plus que bien foutus (« Gladiator », « La chute du faucon noir », « Kingdom of heaven », « American gangster », …). Et en gros plan sur l’affiche, la tronche rondouillarde de Russell Crowe, incontournable des années 2000 dès lors qu’il s’agissait de pulvériser des records au box-office (« Gladiator », « Master and Commander », « American gangster », « Jeux de pouvoir », …). Scott – Crowe, un attelage qui n’en était pas à son coup d’essai et promis à un succès assuré …
Les bons
Et succès il y eut (des centaines de millions de dollars de recettes au box-office). Mais de grand film point … Peut-être parce que l’équation était trop difficile à résoudre, même quand on s’appelle Ridley Scott. Comment faire du neuf avec du vieux, mille fois vu ? Même si Scott avait trouvé le gimmick : raconter l’histoire de Robin des Bois avant que ne commencent toutes les autres déjà filmées. Le prequel de Robin Hood en quelque sorte. Quitte à triturer tous les scénarios précédents pour en faire un de nouveau. Sans éviter le principe du prequel, assez gênant quand on fait un film de deux heures et demie, c’est qu’on connaît la fin puisqu’on a déjà vu la suite … alors on peut multiplier les méchants, les fourberies, chausse-trappes et situations désespérées, y’a pas de suspense. Et tout l’art et le talent de Scott, servis par quantités d’effets numériques n’y changent rien. Pire, lors de la bataille finale qui se veut le summum du film, on s’aperçoit qu’elle ressemble à un copier-coller de celles des Champs du Pelennor dans le dernier volet du « Seigneur des Anneaux », avec la femme, ici Lady Marianne qui se bat contre le méchant absolu Godefroy (à noter que Cate Blanchett qui joue Marianne est dans les deux films).
Les méchants
Et puis il y a le cas Russell Crowe. Qui dans la plupart de ses films ne joue pas un personnage, mais fait du Russell Crowe. Le type massif, œil noir inexpressif limite bovin qui finit par castagner tout ce qui passe à portée. Une sorte de Schwarzenegger néo-zélandais qui occupe certes l’écran d’une façon vue et revue et somme toute très stéréotypée. Perso, j’ai jamais considéré ce type comme un grand acteur malgré tous les énormes succès de son CV.
Certes, pris en dehors de son contexte le « Robin des Bois » de Scott est un film d’aventures divertissant, qui tiendra en haleine la cellule familiale un dimanche soir …
Ce « Robin des Bois » c’est quand même un peu beaucoup de la chair à prime time sur chaîne généraliste …

Du même sur ce blog :