LEO McCAREY - CETTE SACRÉE VÉRITÉ (1937)

Gai, gai, divorçons-les ...
« Cette sacrée vérité » (« The awful truth » en VO), c’est une comédie. Une vraie, c’est-à-dire pas un de ces machins poussifs où les gags éculés (de ta mère), tu les vois arriver cinq minutes avant avec leurs gros sabots, dopés aux effets numériques et aux motion captures.
« Cette sacrée vérité » date de l’avant-guerre (putain, laquelle, il s’en déclenche une tous les trois jours, s’interroge le type cultivé aux programmes de LCI ?), à une époque où tu plantais une caméra devant des acteurs, tu leur filais un texte, et ils faisaient le taf … Après, le reste, à savoir si c’était plus ou moins marrant, ça dépendait du type derrière la caméra, de celui ou ceux qui avaient écrit le scénar, et des types ou des meufs qu’étaient filmés. Les choses étaient simples…
Dunne, McCarey & Grant
Derrière la caméra, Leo McCarey. Un de ces antiques touche-à-tout, réalisateur et producteur ici, parfois même également scénariste, un des hommes de base de la Columbia. Pas le type le plus doué du monde, plutôt laborieux, pas d’images virevoltantes, non, le genre à souder une caméra au sol et à faire passer les acteurs devant, si vous voyez ce que je veux dire. Mais le Leo, avec sa filmo de stakhanoviste, assure l’essentiel. Sans plus … Même si sur celui-là, il s’y est pas mal investi, soi-disant parce que l’histoire à l’écran ressemblait en bien des points à la sienne … Le film ayant été un gros succès au box-office, McCarey a même gagné la statuette du meilleur réalisateur en 1938. Ma foi …
Le scénario est issu d’une pièce de théâtre, ce qui est assez flagrant au vu du film. Œuvre de l’à-peu-près inconnu Arthur Richman, retravaillée par les scribes de la Columbia, en l’occurrence Vina Delmar et Sydney Buchman, elle a déjà été tournée deux fois sans que ça déplace les foules au temps du muet, et le succès de la version de McCarey la verra à nouveau adaptée à moultes reprises, y compris en version comédie musicale … L’histoire de « Cette sacrée vérité » n’est pas vraiment un sommet d’étude psychologique, dans ce couple Warriner qui bat de l’aile, à tel point que le divorce est demandé et sera juridiquement effectif  trois mois plus tard. Le film nous montre alors les étranges pas de deux à la « Je t’aime moi non plus » des futurs divorcés le temps de la période probatoire. Un amusant jeu de séduction sur le tard alors que tout semble dit, au prix de situations rocambolesques, de quiproquos et subterfuges divers, entrecoupés de gens plaqués derrière des portes. Du théâtre de boulevard tout ce qu’il y de classique, avec un final évident (c’est aussi la partie la plus bâclée, en roue libre au niveau écriture) que tout le monde devine au bout de dix minutes … Mais pendant plus d’une heure, les bonnes répliques fusent et s’enchaînent sans aucun temps mort, toutes empreintes de cet humour et de cette finesse so british, bien que le film soit totalement américain …
Mr & Mrs Warriner ... & Mr Smith (le chien)
Bon, y’en a bien un de British dans le lot … Et pas le moindre. Cary Grant, star en devenir (il a déjà cartonné au box office) livre ici une de ces performances d’acteur qui font date. Absolument irrésistible tout en étant d’une économie de jeu remarquable (on n’est pas chez De Funès, if you know what I mean …), enchaînant répliques et postures loufoques sans se départir un instant de son flegme de grand bourgeois (le couple Warriner fait partie de la haute société new-yorkaise), sa présence est un ravissement de tous les instants et une leçon à méditer pour tous les acteurs prétendus comiques.
Ralph Bellamy, Cary Grant & Irene Dunne au restaurant
Une performance qui tire tout le casting vers le haut. Son ex (Irene Dunne), également coureuse et volage, partage avec lui les gros caractères en haut de l’affiche, est un peu en retrait dans les strictes scènes de comédie, mais se rattrape lors de courtes séances de danse ou de chant mémorables. Les seconds rôles, galerie de personnages pittoresques, reprennent toute la galerie de portraits classiques de la comédie de boulevard. Défilent tour à tour les maîtresses de Grant (de la nunuche chanteuse de restaurant, à la très coincée héritière de grande famille), les amoureux de Dunne (le mondain transparent, le riche plouc de l’Oklahoma chaperonné par sa désagréable mère) … Sans oublier la vieille tante bringueuse de Dunne ou le chien du couple, principal objet de querelle du divorce et dont ils obtiennent la garde alternée …
Il y a des scènes où pas une seconde n’est à jeter, les deux plus mémorables étant une rencontre au restaurant entre les deux « divorcés » accompagnés de leur prétendant du moment, l’autre quand Irene Dunne s’invite chez la future belle-famille de son futur ex-mari en se faisant passer pour sa sœur …

Un bon vieux film comme on aimerait en voir plus souvent …



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