J'aime pas le jazz ...
Et c’est pas ce film qui va me
faire changer d’avis. Quoi que … Marilyn chantant « I wanna be loved you »
dans cette robe toute en transparences cousue sur le corps, on te dirait que c’est
du trash metal, tu serais sur-le-champ fan de trash metal …
Pour les trois ermites qui ont jamais vu ce film et qui se demandent ce que c’est que cette intro, je les renvoie vers le milieu du film quand Tony Curtis devenu héritier de la Shell « rencontre » Sugar Cane Kowalczyk (Marilyn Monroe, chanteuse et joueuse de ukulélé dans un groupe féminin) et lui dit « … some like it hot ». En parlant du jazz, et donc du jazz hot (le traducteur français n’a rien compris, comme d’hab, le jazz chaud, ça existe pas …).
Wilder, Curtis & Monroe |
Bon « Some like it hot »,
beaucoup considèrent que c’est la plus grande comédie jamais tournée. Y’a des
jours que je me dis que ces beaucoup ont raison (y’a d’autres jours que je me
dis que c’est « Orange mécanique », mais y’en a qui croient que c’est
pas une comédie). Trêve de ratiocinations. Vous avez payé pour avoir un avis
ferme, incontestable, etc … sur ce film, venons-en aux faits.
An de grâce 1959. Derrière la
caméra, Billy Wilder. Polak émigré aux Etats-Unis, qui débute ses succès avec
une ribambelle de films noirs dont certains sont d’immenses classiques (« Assurance
sur la mort », « Le poison », « Sunset Blvd », « Le
gouffre aux chimères », excusez du peu). Même s’il est capable d’écrire
tout seul ses scénarios, il s’est associé d’abord à Charles Brackett, puis à
partir du milieu des années 50, avec I.A.L. Diamond, ce qui entraînera un changement
de style. Les deux hommes collaboreront longtemps, et pour des comédies, genre
auquel Wilder venait de s’essayer (« Sabrina » avec Bogart et
Hepburn).
Et surtout Wilder venait de
tourner le meilleur film avec Marilyn Monroe en tête d’affiche, le drolatique « Sept
ans de réflexion ». Parce que la Marilyn, elle crevait toujours l’écran
dans tous ses films, certes, par une présence et un magnétisme physiques plutôt
hors du commun, mais était une très piètre actrice, et ça se voyait aussi. Depuis
quelques années, elle suit des cours à l’Actor’s Studio, ce qui améliore son
jeu, lui fait prendre encore plus le melon, et entraîne dans son sillage la
pénible Paula Strasberg (actrice ratée, femme du patron de l’Actor’s Studio,
confidente et gourou de Monroe, qui la suit sur tous les tournages et intervient
à tout propos).Marylin Monroe période Debbie Harry
L’équipe de « Some like it hot » devra donc se fader la star et sa mégère. Parce que plus star que Marilyn tu peux pas. Jamais sur les plateaux le matin (elle cuve ses médocs et sa gnôle de la veille), et quand elle daigne arriver, elle est capable d’amener une scène vers des sommets stratosphériques, ou a contrario de bafouiller misérablement son texte (plus de quarante prises pour qu’elle arrive à dire « Où est le bourbon ? », et qu’elle refuse que la phrase soit rajoutée lorsqu’elle est de dos, elle veut dire son texte face caméra et on discute pas …).
En plus d’être souvent bourrée
et sous antidépresseurs, beaucoup de sources concordantes estiment qu’elle
était enceinte (d’Arthur Miller) lors du tournage (une de ses trois ou quatre
fausses-couches suivra). C’est malgré tout la star du film. Et elle se fait
attendre. Il faut patienter vingt cinq minutes pour la voir arriver, toute de
noir vêtue et ondulant méchamment du croupion sur le quai d’une gare (avec un
clin d’œil à la fameuse scène de la bouche de métro de « Sept ans de réflexion »,
ici c’est un jet de vapeur de locomotive qui la poursuit).
Des clins d’œil, il y en a d’autres. Parce que « Some like it hot » est un film qui mélange les genres. L’action se situe en 1929 et dans le Chicago de la prohibition. Trafic d’alcool frelaté, fusillades, poursuites en bagnoles, tripot clandestin, parrain de la mafia locale, descente de flics, règlement de comptes. Les deux premiers personnages principaux sont le mafieux Colombo les-Guêtres (George Raft, vieux de la vieille des films de gangsters et souvent passé du côté obscur de la Force) et le flic qui essaye de le serrer (Pat O’Brien, un autre vétéran des studios). Mêlés à tout cela, deux musiciens ratés, un saxophoniste (Tony Curtis) et un contrebassiste (Jack Lemmon), qui réussissent à s’esquiver lors d’une descente de flics dans un tripot mais se retrouvent témoins d’un règlement de compte et donc traqués par les mafieux. Leur seule échappatoire sera de se travestir et de rejoindre un orchestre de jazz féminin qui part jouer à Miami (en fait à San Diego, l’hôtel et la plage où seront tournés nombre de scènes est quasiment devenu un lieu de pèlerinage).
Brown & Lemmon : dernier tango à Miami ? |
C’est ce travestissement forcé
qui est l’apex comique du film. Joe devient Joséphine et Jerry Géraldine. Le premier
plan de Joséphine et Géraldine titubant en talons aiguilles laisse augurer d’une
grande performance d’acteur. Et à ce jeu, c’est Jack Lemmon (à l’époque le
moins connu des deux) qui se taille la part du lion. Avec son maquillage qui le
fait ressembler au Joker dans les films de Batman, il livre dans chacune de ses
scènes une performance mémorable et à mon sens très au-dessus de ceux qui se
sont livrés à cet exercice (le Dustin Hoffman de « Tootsie », Terence
Stamp et Guy Pearce dans « Priscilla, folle du désert », et par
charité, pas de commentaire sur le De Funes de « La folie des grandeurs »
ou le Serrault de « La cage aux folles ») … la drag queen ultime, c’est
Lemmon … Détail archi-connu, le film devait être en couleurs. Quelques essais
avec Curtis et Lemmon montraient de façon trop évidente le maquillage
outrancier dont ils étaient tartinés. Il a été décidé de tourner en noir et
blanc pour le rendu esthétique, et pour rendre hommage aux films de gangsters
des années 30 (puisque l’action est en 1929) filmés en noir et blanc. Le plus dur
fut de convaincre Monroe (et Paula Strasberg) de ce changement, Monroe voulant
tourner dans un film en couleurs, c’était stipulé dans son contrat, elle a un
temps menacé d’abandonner le projet et d’envoyer ses avocats …
« Some like it hot »
multiplie les scènes extraordinaires (la party dans la couchette du train, le
tango sur la plage, le « repas » sur le yacht, les chassé-croisé dans
l’hôtel, …). On est souvent à la limite du burlesque mais ça ne dérape pas dans
le n’importe quoi juste pour amener un gag ou une réplique. Et quand dans le
dernier quart du film, on voit à l’entrée de l’hôtel un gros plan sur une paire
de guêtres blanches, on sait que Wilder et Diamond n’ont pas perdu le fil de
leur histoire, nos deux messieurs-dames vont devoir à nouveau se coltiner la
mafia qui les course …
Parce que l’histoire qu’on suit
quand tout semble partir en vrille, ça définit assez bien la patte de Wilder. Le
bonhomme n’est pas un adepte des grands mouvements de caméra. Il se contente de
les placer savamment dans l’espace, les laisse immobiles, et ce sont les
acteurs, qui tout naturellement dans le déroulé des scènes, viennent se
positionner dans l’axe des objectifs. Les scènes de Wilder doivent beaucoup plus
à la chorégraphie des acteurs qu’à une démonstration technique de prise de vue.
Pour faire un grand film
comique, il faut aussi des « gueules » (voir le cas d’école par ici
des « Tontons flingueurs »). Et ça, le casting de Wilder n’en est pas
avare. Il y a dans « Some like it hot » des figurants qui même s’ils
n’esquissent pas le moindre geste ou ne disent pas un mot, ont le physique de l’emploi.
Les mafieux sont extraordinaires, de la bande à Colombo-les-Guêtres à ceux
réunis au banquet des parrains, pas besoin de scènes d’exposition, on sait à la
première image qui ils sont. De ce côté-là, Wilder voulait reconstituer les
castings des années 30, il voulait aligner Raft et pour lui donner la réplique Edward
G. Robinson en Parrain. Il y a bien un Edward G. Robinson au générique, mais c’est
le fiston (qui imite le gimmick de Raft dans ses films en jouant avec une pièce
de monnaie), Robinson père ayant refusé le rôle (parce que Raft était déjà casté,
les deux en étant venu aux mains sur un antique tournage). Faute d’avoir l’original
Little Caesar, Wilder se contentera de Little Bonaparte …
Mais le plus pittoresque second
rôle n’est pas à chercher du côté des truands. Il est endossé par Joe E. Brown dans
le rôle du milliardaire qui tombe amoureux de Geraldine – Lemmon. Chacune de
ses apparitions est inoubliable et c’est à lui qu’il reviendra de prononcer la
dernière réplique du film, le cultissime « Nobody’s perfect » (à
noter qu’initialement, elle devait être dite par Curtis dans la scène à la
plage, où déguisé en héritier de la Shell, il fait tomber Monroe pour pouvoir
la brancher). Et plein d’autres ont vraiment le physique l’emploi (le groom de
l’hôtel, l’accompagnateur-chaperon du groupe de filles, l’impresario que vont
voir au début Curtis et Lemmon, …).
Quelques anecdotes pour finir, et pour tester le robot censeur.
Elle a bien grandi, Marylin Monroe |
Tony Curtis et Marilyn Monroe
avaient eu une liaison. Dans la scène du yacht, une Marilyn avec sa fine robe
transparente cousue sur le corps et couchée sur Curtis, tente à grands coups de
baisers de le guérir de son insensibilité. Dans le film, cela prend un certain
temps. Dans les faits, Curtis (c’est lui qui le dit) a très vite réagi un peu en
dessous de la ceinture, if you know what I mean … La Monroe s’en est évidemment
aperçu, et manière de le chauffer encore plus, lui a roulé quelques vraies
pelles au gré des multiples prises …
Une des dernières scènes
filmées a été celle de la baignade. Accréditant la grossesse de Monroe,
celle-ci a demandé afin de masquer son embonpoint un maillot de bain plusieurs tailles
au-dessus. Problème, si ça allait pour le bas, sur le haut ça débordait souvent
sur les côtés, à la grande joie des figurants et des badauds à proximité, et au
grand dam de Wilder qui multipliait les prises bonnes à jeter.
Monroe, en raison de sa
grossesse, n’a pas fait les photos publicitaires et celles pour les affiches du
film. C’est la grande blonde de l’orchestre (celle qui joue je crois du
trombone) qui avait à peu près la même morphologie qui l’a remplacée. Et comme y’avait
pas Photoshop à l’époque, on a rajouté tant bien que mal la tête de Marilyn sur
le corps de l’autre fille et y’a des photos où le raccord se voit vraiment …
Nobody’s perfect …
jazz hot ....je suis con...merci Lester
RépondreSupprimerA propos de George Raft : embauché pour jouer le truand, parce qu'il avait joué dans le fameux "Scarface" de Hawks, où déjà il faisait sauter dans sa main des pièces de monnaie. Citation fort à propos de la part de Wilder. Sinon, rien à redire, c'est un chef d'oeuvre, la prestation de Lemmon ne doit tout de même pas éclipser celle de Tony Curtis, car à l'époque c'était lui la star, l’idole des filles (il reste à jamais le Danny Wilde de la télé, mais pourtant, quelle filmographie, doublé d'un mec vraiment bien sous ses airs nigauds) et accepter ce rôle de travelos était gonflé (surtout après son aventure avec Monroe, dont il se plaisait à dire en interview que lui rouler un patin revenait à embrasser un glaçon...).
RépondreSupprimerTony Curtis est un con ... parce que moi, j'aimerais bien avoir sous la langue des glaçons comme ça, surtout en cette période de canicule ...
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