Bon, comment dire …déjà que les disques de Little
Bob, c’est matière assez rare (non pas qu’il en ait pas sorti beaucoup, mais c’est
pas le genre de « catalogue » qu’on réédite) et à un prix délirant
(généralement d’occase qui plus est), y’a comme chez tous du déchet. Dont ce
« Ringolevio ». Sachant tout de même que les déchets de Little Bob
(avec ou sans la Story), ça vaut bien les Best of de la plupart.
« Ringolevio », c’est d’abord un bouquin
de l’écrivain américain « culte » Emmett Grogan. Bouquin que j’ai pas
lu, donc ça m’évitera de m’embourber dans un parallèle avec le disque. Ce que
je sais, c’est que Little Bob et sa Story, on peut pas les accuser de faire du
rock intello, c’est pas le côté littéraire de leur truc qui passe en priorité.
Little Bob, de toutes façons le studio et ses disques il s’en fout un peu, ce
qui compte c’est la scène, où là, franchement, y’a rien à dire, depuis presque
quarante ans il donne tout, que ce soit devant une centaine de personnes ou …
une centaine de personnes. Tout son problème, ce petit bonhomme est connu,
apprécié et respecté (c’est pas une curiosité rock’n’rollante exotique à la
Johnny), par tout un tas de zicos anglais ou américains qui vendent infiniment
plus de disques que lui, tandis que lui, Little Bob, il n’a eu au mieux que des
« succès d’estime », et encore je suis gentil.
Little Bob Story 1987 |
Ce petit bout de rocker haut comme trois boots
Anello & Davide, fut et demeure respecté par les scènes pub-rock et punk
anglaises, et quand il va enregistrer aux Etats-Unis, jouent sur son disque
(« Rendez-vous in Angel City » 1989) des gens comme Steve Hunter
(Mott The Hoople), Kenny Margolis (Mink/Willy DeVille), Dave Alvin (Blasters),
Charlie Sexton (Bob Dylan Band), Eddie Munoz (Plimsouls), … Pas mal pour un
type quasi inconnu en France … Et sur ce « Ringolevio » en intro du
premier titre éponyme (qui par ailleurs casse pas des briques), y’a la douce voix
de castrat de Lemmy qui éructe un tonitruant « Listen up, sons of bitches,
Little Bob is gonna to tell you a story ». Parce que quand Little Bob est
en ville, Le Moteur en Chef vient lui serrer la paluche.
« Ringolevio », le dernier disque de
l’historique Story a donc été enregistré à Londres. Et inconsciemment ou pas,
il sonne comme un baroud d’honneur. Little Bob et sa bande vont laisser de côté
cet éminemment sympathique côté crasseux, bordélique, tout aux tripes et au
feeling qui caractérisait ses disques pour se « payer » le gros son
de l’époque. Celui de la fin des années 80, grosses batteries sophistiquées en
avant, riffs hardos, potards sur onze, son FM, … Résultat, c’est bien joué,
putain de bien chanté, mais ça va aussi bien à Little Bob qu’une sonnerie
« Helter Skelter » sur le portable de Christine Boutin… « Shadow
lane », on dirait du Foreigner, « Life goes on », c’est juste
bourrin, « Crosses on the hill », on dirait un slow des Scorpions, et la
reprise du classique « Hush » ne fera pas partie de celles qui resteront
dans les annales. Et mine de rien, on en est déjà à la moitié du skeud.
LBS et le producteur Hervé Deplasse (1er à gauche) |
Heureusement, ça s’arrange dans la seconde moitié,
on laisse tomber le côté hard à deux balles pour revenir vers des choses
beaucoup plus classic rock, soul, rhythm’n’blues. On n’est pas loin de l’axe
Springsteen – Seger avec des titres comme « Sad song » et
« Roads of freedom » (ce dernier, on jurerait vraiment du Springsteen
d’entre les deux « Born .. »). D’autres fois, ça ressemble aux Cars
(sans les tonnes de synthés) le temps d’un « Tell everybody the
truth », « Motorcycle song » démarre comme un rock épique, mais
dure moins de trois minutes et laisse sur notre faim, et les bonnes idées de
« Green back dollar » sont gâchées par ce maudit son hardos FM.
On l’aura compris, « Ringolevio » n’est
pas le disque que les livres d’Histoire retiendront comme l’œuvre essentielle
de Little Bob (avec ou sans la Story). Il colle à son époque comme un vieux
chewing-gum, et malgré cet effort « d’ouverture » n’aura pas plus de
succès que ses prédécesseurs.
« Ringolevio » a été réédité avec en bonus
les quatre titres d’un EP précédent (« Cover girl »), titres
sympathiques très orientés soul-rhythm’n’blues (cuivres, chœurs féminins en
plus de la Story), mais qui eux non plus ne font pas partie des choses
essentielles à retenir de Little Bob.
Alors plutôt que de chercher cette rondelle ou les
autres à des prix plus que prohibitifs, allez le voir en concert (faudra quand
même pas trop tarder, il va avoir 70 balais), et là vous allez vous prendre une
heure et demie de rock’n’soul total par
un des plus grands shouters blancs de sa génération …