AC/DC - BACK IN BLACK (1980)


Live through this ...

Ce disque commence exactement de la même façon que le « Plastic Ono Band » de John Lennon. Par une volée de cloches. Et pour qui sonne le glas ? Pour Lennon, c’était un hommage à sa mère Julia. Pour AC/DC, c’est adressé à Bon Scott …
Putain, Bon Scott … ça avait été une secousse … le Hendrix, Joplin et Morrison de ma génération. Comment ça, les héros meurent aussi ? Et pas d’une façon flamboyante, étouffé un soir de cuite par son vomi (just like Hendrix). Et les autres, les AC/DC, ils allaient faire quoi, là ? Question cruciale, c’était quand même là, en 80, le plus grand groupe de rock du monde (qui a dit les Clash ? dans mes bras !).
Parce que Bon Scott, c’était beaucoup plus qu’un chanteur, c’était l’aîné de la troupe, un peu beaucoup son âme aussi, l’ange gardien d’Angus en concert … Bon, ils ont hésité les quatre autres, savoir si ça valait le coup de continuer après ça, et puis finalement ils ont décidé : the show must go on … et ils se sont lancés dans la quête de leur Graal à eux, remplacer l’irremplaçable… Le type retenu, personne le connaissait, un certain Brian Johnson, chanteur d’un groupe de hard écossais de quinzième zone …
Et parce qu’il valait mieux faire tourner les riffs que les idées noires, moins de six mois après la mort de Bon Scott, arrivait dans les bacs ce 33T  tout noir, « Back in black » … et en plus du disque, celui qu’on attendait tous, c’était le nouveau chanteur, là, ce Brian Johnson. Qui se laisse désirer. Après les choches, et une longue intro musicale, on entend enfin sa voix sur « Hells Bells ». Ouais, ça va, ça gueule bien fort dans les aigus, terrain connu … et puis, même si on s’aperçoit qu’il n’y a pas l’étendue vocale de Bon Scott, et comme le reste a pas changé, on se dit que c’est bien …
Parce que musicalement, « Back in black », il est sur la lancée de « Let there be rock » et « Highway to hell », c’est-à-dire ce que les faux Australiens ont sorti de mieux. Un peu inférieur, peut-être, moins fou que « Let there … », plutôt un copier-coller de « Highway … », avec l’impression de déjà entendu. Mais bon, les gars compensent par une sorte de rage, de rancœur contre la camarde qui vient de leur piquer Bon. Le disque est contruit « à l’ancienne », comme un 33T qui se respecte et veut cartonner. Les trois meilleurs titres (même si c’est pas ceux-là qui sortiront initialement en single, ils arriveront après pour enfoncer le clou et faire s’affoler les compteurs de ventes) sont au début de chaque face (« Hells bells » sur la 1, « Back in black » et « You shook me all night long » sur la 2). Et même si les tempos d’AC/DC sont immuables (comme sur « Highway to hell », c’est « Mutt » Lange qui produit, on est de suite en terrain connu), chaque face a droit à son titre un peu plus frénétique que les autres (« Shoot to thrill » et « Shake a leg »), si le rythme décélère c’est pour un titre bluesy (« Have a drink on me »), et chaque face se termine par un morceau ralenti en forme d’hymne (« Let me put my love into you », et surtout « Rock’n’roll ain’t noise pollution »). Les textes, hormis une paire qui font allusion à Bon Scott, traduisent bien les préoccupations essentielles de Johnson (les meufs, les meufs, voire les meufs), guère éloignées de celles de son prédécesseur.
Un Johnson qui essaye de s’appliquer, quand bien même son manque de nuances vocales se fait de plus en sentir à mesure que défilent les titres. Comme s’il était en train de réaliser qu’il est le chanteur d’AC/DC, avec derrière lui quatre types qui dressent un mur de l’Atlantique de riffs. Avec un Angus Young aussi qui préfère maîtriser des solos rageurs plutôt que de se lancer dans des cavalcades de notes folles …
Avec ce disque très noir, assez inattendu (surtout si vite) et improbable, AC/DC va décupler son audience, essentiellement aux Etats-Unis où « Back in black » se vendra par millions, et où le groupe deviendra une institution. Dès lors, une fois qu’on a touché le jackpot des arenas américaines, on peut tout se permettre. Le disque suivant sera immonde (« For those about to rock »), et Brian Johnson, se sentant installé à vie derrière le micro, n’aura de cesse de brailler de plus en plus bêtement dans les aigus d’une façon insupportable…

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