Nostalgia …
Les Bijou furent en 76 et 77 à l’affiche de l’improbable European Punk Rock Festival de Mont-de-Marsan, initié par Marc Zermati (mort l’année dernière) et son label Skydog. Seuls les Anglais Sean Tyla et Eddie & the Hot Rods furent également des deux éditions … oui, le festival de Mont-de-Marsan, s’il fut le premier festival punk au monde, était quand même beaucoup plus orienté pub-rock (surtout la première année) que punk …
Et Bijou ? Très peu punks et pas plus
pub-rockeurs. Ils venaient d’ailleurs. Géographiquement de la banlieue
parisienne (Juvisy) et musicalement de déjà vieilleries pour l’époque. Des
machins 50’s et 60’s. Mais ils jouaient ces trucs vieillots avec une énergie
qui faisait la farce, et les faisait respecter par toute la scène musicale
française contemporaine.
Bijou était le groupe de cette époque-là qui allait
devenir énorme, tout le monde en était certain. Ils sont pas passés loin
(quoique, ils ont vendu que des clopinettes de leurs disques), et ce sont
Téléphone (surtout) et Trust (un peu moins) qui allaient rafler la mise et
rallier les suffrages populaires fin 70’s – début 80’s.
Les Bijou sont un trio … de quatre personnes. Trois
sur scène (Yann Dynamite à la batterie, Philippe Dauga chant et basse, Vincent
Palmer chœurs et guitare), plus leur parolier et mentor Jean-William Thoury.
Les lecteurs de Rock & Folk depuis …euh longtemps auront remarqué que
Palmer et Thoury ont fait (font encore ?) partie de la rédaction, causant
de vieilleries qui le temps passant deviennent de plus en plus vieilles. Et
puisqu’on en est à causer Rock & Folk, les jambes sur la pochette de cet
« OK Carole » sont celles de Brenda Jackson, elle aussi pigiste, mais
chez leurs concurrents de Best dans les années 70.
« OK Carole » est le second disque de Bijou après le sympathique « Danse avec moi » (grâce notamment à ses deux quasi-classiques « Marie-France » et la reprise de « La fille du Père Noel »). « OK Carole » est plus homogène, ce qui selon le côté par lequel on aborde la chose, peut être un atout ou un handicap. Ici, la barre est carrément mise sur le vintage et la nostalgie.
Vintage parce que tout sonne « comme
avant », c’est-à-dire en gros la première moitié des années soixante.
Musicalement, c’est très anglais (les influences mod, premiers Who, Small
Faces, …), et les paroles très français (les textes naïfs des Chats Sauvages, de
Danny Boy, ce genre …).
Nostalgie parce que forcément rien ne rattache Bijou à son époque (allez si, le court « Pic à glace » peut évoquer le punk’n’roll des Ramones, exception qui confirme la règle). Palmer, maître musicien de la bande, fronce les sourcils dès qu’il est question d’un disque paru après 1966, et tout chez le Bijou de 1978 renvoie à des temps antédiluviens, la période yé-yé française (« Décide-toi (Twist) », rien que le titre, « Ton numéro de téléphone »), d’autres sont clairement sous influence période mod anglaise circa 63-65 (« Je te tuerai », « Non pas pour moi »). Le reste est à l’avenant, petits rocks concis et énergiques, paroles désuètes (l’esprit yé-yé, encore et toujours, l’ambiance du film « American graffiti »). De ce point de vue-là, un des descendant évidents de Bijou est Didier Wampas et son groupe du même nom …
Mais « OK Carole » restera surtout dans la
petite (ou la grande, d’ailleurs) histoire du rock de par ici. A cause de
Gainsbourg. Le Serge, plus ou moins retiré des affaires et surtout de la scène,
autorisera la reprise par Bijou d’un de ses vieux titres oubliés « Les
papillons noirs » (à l’origine un duo en 1967 avec Michèle Arnaud).
Gainsbourg la chantera sur le disque (mixé très en arrière, c’est Dauga qui est
à la voix lead), puis ne manquera pas une occasion d’aller voir ces jeunots de
Bijou de scène, où il finira toujours par les rejoindre pour chanter avec eux
« Les papillons noirs ». Devant l’accueil enthousiaste qui lui est
réservé par le public (plutôt jeune) de Bijou, Gainsbourg se laissera tenter
par l’idée de se produire à nouveau live, chose qu’il n’avait pas faite depuis
des années. Ce sera la tournée restée dans les annales pour l’émoi
réactionnaire qu’elle avait soulevé (à cause de sa version reggae de « La
Marseillaise »), la renaissance populaire de Gainsbourg, et la naissance
(plus souvent pour le pire que le meilleur) de son double Gainsbarre.
« Les papillons noirs » est le titre
atypique qui sert de locomotive à « OK Carole », très largement
au-dessus du lot. Dans un registre plus propre à Bijou, il convient de citer le
morceau-titre, petit rock et nerveux sans fioritures (13 titres en demi-heure,
des fioritures y’en a pas de toutes façons), « Sidonie » (du Wampas
avant l’heure).
Difficile cependant de ne pas se gratter la tête à
l’écoute de titres qu’on qualifiera d’erreurs de jeunesse (à force de
rechercher la naïveté originelle du rock, faut éviter l’écueil de
l’infantilisme), la palme revenant au (heureusement très court) morceau a
capella « L’amitié » (peut-être une pochade de studio, chantée faux
et aux paroles simplettes).
Enfin, pour l’anecdote, en plus de s’être fait
piquer la popularité par Téléphone, les Bijou se sont aussi fait piquer un nom
de morceau par la bande à Aubert (« J’avais un ami », les deux titres
n’ont rien à voir, celui de Téléphone est le meilleur).
Inutile de préciser qu’aujourd’hui, sous le règne du
streaming et des Maître (?) Gims de tout poil, ce petit disque sympa mais pas
essentiel de Bijou, est, comme le reste de sa production, plutôt difficile à
trouver …
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