Quoique … Va savoir … C’est peut-être avec un de ces
machins théoriquement invendables que Burgalat finira par se faire connaître
au-delà du petit cercle de bobos qui constitue l’essentiel de son public. Parce
qu’il mériterait non pas de devenir riche et célèbre (on s’en fout et lui aussi
certainement), mais juste de pouvoir continuer son boulot d’artisan et de petit
épicier (au sens noble du terme et à l’opposé des gros machins qui sortent du
truc convenu au kilomètre) du disque sans flipper à chaque facture qui arrive.
Pour qu’il continue d’en sortir sous son nom (j’aime pas trop – pour être
gentil – et c’est de çà dont au sujet de la chose que je vais causer), mais
surtout de son label Tricatel qu’il porte à bout de bras depuis des décennies.
Et qui a fait paraître des choses fabuleuses : la fantastique April March
(l’américaine qui réinvente les sixties yéyé françaises), les faramineux AS Dragon
(le meilleur groupe de rock d’ici à avoir sévi en pré-Macronie), jusqu’aux très
improbables – du moins sur disque – Valérie Lemercier et Michel Houellebecq.
Fin de la page de pub …
BB |
Burgalat donc. Artiste rare (par ses parutions) et
précieux (par son approche). Qui, ironie du sort est maintenant plus connu pour
son diabète (il mène un combat d’activiste sur cette maladie envahissante, a
écrit des bouquins sur le sujet, et on le voit parfois en causer sur les
chaînes d’info en continu) que pour ses disques. Qu’en gros j’aime pas trop, et
celui-là ne faillit pas à la règle.
L’univers musical de Burgalat, sédimentation d’une
multitude de choses empruntées à six décennies de rock (pas toujours and roll,
c’est surtout ce qui me gêne) et régurgitées sur ses disques. Mais attention,
Burgalat n’est pas un laborieux copiste, ses influences ressortent plutôt
madeleine de Proust que vous sautant en la gueule. Circonstance aggravante,
Burgalat n’est absolument pas un chanteur. Au mieux un interprète de ses morceaux.
Entendez par là qu’il a pas de voix, et qu’il peut dire merci à Auto Tune pour
chanter juste. A côté de lui, Daho passerait pour Pavarotti.
Si la musique de Burgalat souvent me laisse
indifférent (j’ai décidé d’être gentil et poli) et fera fuir tout fan d’AC/DC
normalement constitué, ses textes me laissent perplexe. Pourtant sur ce disque,
il est allé chercher des auteurs, des vrais, de ceux qui donnent dans la
littérature, pas Barbelivien quoi. J’en connais presque aucun, mais ça vaut
pas, je suis un inculte de ce côté-là. Ça sonne bien, juste, c’est travaillé,
mais j’y entrave que dalle la plupart du temps (mais putain de quoi ils
parlent ?).
L’ensemble sonne très cinétique, normal pour un type
qui a l’habitude de composer des musiques de film. D’ailleurs il y a pas mal
d’instrumentaux dans ce pavé. Ouais, je vous ai pas dit, « Les choses
… » c’est un double vinyle (une heure dix, dix-neuf morceaux), faut
vraiment être accro à l’univers de Burgalat pour pas trouver le temps long.
Analogie facile et réductrice, on pense souvent à la french touch (les atmosphères
languides, les synthés très présents, même s’ils bouffent pas tout l’espace
sonore), parfois à Gainsbourg (les rimes riches, le « chant » parlé),
même s’il y a une « patte » Burgalat évidente, qu’on retrouve dans
tous ses disques.
Elton John not dead ? |
Il y a quelques titres qui me plaisent bien, que je
ressors du lot. Le morceau titre (paroles Laurent Chalumeau, un des rares auteurs
que je connais) est rythmé, mélodique, avec des cuivres, des violons, et cette
allure kitsch qui est la Burgalat trademark. Versant pop, il y a le superbe
« Cœur Défense », qui avec sa boîte à rythmes très début des
eighties, n’est pas sans présenter certaines analogies avec ce que faisaient à
cette époque-là Elli & Jacno. « Tombeau pour David Bowie » est
comme l’indique son intitulé un hommage. Plutôt qu’une reprise qui pourrait
sonner pathétique (voir le convenu « Rebel rebel » par Springsteen et
Madonna, le ridicule n’étant pas du côté de la Detroit girl), Burgalat signe un
instrumental qui convoque les plages synthétiques de « Heroes » et un
piano qui semble vouloir aller voir s’il y a de la vie sur Mars. Beau morceau.
La perle du disque est pour moi « Son et lumière »
(paroles et musiques Burgalat, comme quoi tout seul il y arrive plus que bien),
une des réflexions les plus fines et intelligentes sur ce que sont devenus le rock
et le music business que l’on a jamais entendues.
Ah, j’en vois qui comptent sur leurs doigts et qui disent
que ça fait quinze titres dont je dis pas du bien. Notez que j’en dis pas du mal
non plus. C’est pas mon truc, mais force est de reconnaître que c’est pas putassier,
c’est digne et cohérent.
Euh sinon, M’sieur Burgalat, des nouvelles d’April March
bientôt ?