STEVIE WONDER - TALKING BOOK (1972)

Best seller ...
« Talking book » est le second disque du Stevie Wonder artiste à son compte au sein de la Tamla Motown, le label qui l’avait révélé tout gamin et qui avait chaperonné jusqu’à sa majorité sa carrière. « Talking book » est pour moi le premier grand chef-d’œuvre de Wonder, et n’est seulement éclipsé que par l’immense « Songs in the key of life ».
Comme sur le précédent (« Music of my mind »), Stevie Wonder écrit, compose, produit et joue de tous les instruments. Ou presque. Juste des guests aux guitares et aux cuivres. Ce qui change tout, c’est qu’arrivent avec « Talking book » les hits. Et pas les petits …
« You are the sunshine of my life », misérablement adapté ici par le bellâtre crooner Sacha Distel, qui en a fait une scie soporifique. Dans la version (instrumentalement identique) de Wonder la voix est soul. C’est ce qui fait toute la différence entre une rengaine à mi(di)nettes et une grande chanson. Et puis il y a « Superstition ». Son intro à la batterie tant de fois imitée-copiée-plagiée. Son riff joué au clavinet, pour cette merveille de rhythm’n’blues électronique (même si les cuivres sont de vrais cuivres). On peut pas dire que Stevie Wonder ait un grand sens du business. Ce titre avait été écrit au départ pour Jeff Beck, pour remercier le ronchon guitariste de sa présence sur un autre titre de l’album, « Lookin’ for another pure love ». C’est devant l’insistance du patron de la Motown Berry Gordy que Wonder en fera sa propre version. . Jeff Beck lui l’enregistrera avec son power trio Beck-Bogert-Appice (deux versions, une studio et l’autre sur le live au Japon). « Superstition » est peut-être le titre le plus connu de Wonder, et peut-être bien aussi le meilleur qu’il ait jamais écrit …
Deux titres qui cartonnent, ça peut suffire pour faire un bon disque. Mais avec « Talking book », Stevie Wonder a mis les petits plats dans les grands. La seconde face du vinyle original laisse béat. Après « Superstition », Wonder ressort l’harmonica du Little Stevie qu’il fut pour le très folky « Big Brother », même si comme pour l’autre génial aveugle Ray Charles, rien n’est simple, défini. Wonder triture, mélange, malaxe, des sons venus d’horizons différents. « Blame it on the sun » reprend donc à sa sauce la ballade qui tue estampillée fin 60’s, ce genre qui a fait la fortune de Procol Harum ou des Moody Blues. Ici, c’est un peu moins mathématique, beaucoup plus au feeling. « Lookin’ for another pure love », c’est Wonder côté soul soyeuse, avec donc un solo (très jazzy) de l’ami (? ) Jeff Beck. « I believe … » clôt le disque, couplets soul, refrain en forme de mantra country-rock.

Forcément, avec pareil final, c’est le début du disque qui pâtit un peu de la comparaison. Le titre le plus évident , qui ne risque pas dépayser les Wonder-addicts, c’est « You’ve got it bad girl », qui concentre en cinq minutes tous les plans qui seront recyclés pendant des décennies. Cette première face, c’est aussi en filigrane le Wonder qui transforme la musique en miel. On est avec « You and I » (la roucoulade amoureuse), ou « Tuesday heartbreak » (gentiment funky) dans un style qu’il exploitera plus tard jusqu’à la caricature, quitte à devenir le soulman soupard et inconsistant des 80’s. Ici, il y a encore de la qualité d’écriture et de l’émotion à la pelle. Le seul titre que l’on peut à mon sens zapper c’est « Maybe you baby », avec cette manie de ressasser une phrase du refrain façon mantra jusqu’à saturation. Là aussi une marque de fabrique qui sera moultes fois utilisée, sauf que ce coup-ci, la mélodie répétitive est pas terrible. Pour l’anecdote, c’est Ray Parker Jr (oui, oui, celui du carton intergalactique « Ghostbusters » de la B.O. du film du même nom) qui officie à la guitare sur ce titre …

Indispensable « Talking book » ? Oh que oui …

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