Quand on pense à ce que sont devenus les
héros-triomphateurs des mornes années 90 (quelqu’un pour prendre la défense des
derniers disques de Björk, Radiohead, Massive, Smashing Machins ou
Oasis ?), on se dit que certains avaient bien fait de disparaître de la
circulation, en laissant derrière eux des disques intéressants. Mazzy Star n’a jamais
eu la notoriété et le poids commercial des mammouths suscités, mais ils avaient
quitté la scène du grand rock’n’roll circus sur une triplette de bons disques.
Et voilà que près de vingt ans après leur dernier
skeud (« Among my swan », bon cru du millésime 1996), ils remettent
çà. Bon, le groupe n’est pas très difficile à réunir, ils ne sont vraiment que
deux. David Roback, au long passé indie-rockeux (il avait commencé dans Rain
Parade, ce qui ne rajeunit personne, et surtout pas lui) et Hope Sandoval, voix
éthérée sortie d’on ne sait quels limbes, plus connue par ici grâce à une pub
pour Air France (« Asleep from day », musique des Chemical Brothers),
ou pour avoir été un temps la compagne du bougon boutonneux William ( ? )
Reid, des fabuleux Jesus & Mary Chain.
Forcément, un disque dont on n’attend rien et même
pas la parution ne risque pas d’être décevant. Mais là, comme ça, sans avoir
pris la peine de réécouter ceux d’avant (je sais c’est pas bien, mais je m’en
fous), je dirais que c’est leur meilleur. D’abord, ceux qui caressaient
l’espoir que Hope (joke, on rit) aurait conservé sa voix unique seront ravis,
on la reconnaît dès la première mesure, et c’est toujours un enchantement.
« Seasons … » à première écoute a tout
d’un disque monolithique. On savait le groupe peu enclin à développer des
chants de fin de banquet, donnant plus volontiers dans le morose plutôt que dans
le rose. La base de Mazzy Star, c’est du folk, qui se teinte parfois de
(country)-rock tout en retenue. Résultat, on se retrouve avec un disque
totalement hors du temps, qu’on pourrait croire sorti en 1973 et qui ne sonnera
pas démodé dans quatre décennies. Passent à mesure que défilent les titres les
ombres et souvenirs de Nick Drake (« California »,
« Sparrow »), Joni Mitchell ou Joan Baez (« Seasons of your
day »), du Band quand ils moulinaient derrière les grands disques de Dylan
(« In the kingdom »). Bien sûr, un peu partout, quand un fond noisy
et bourdonnant vient parasiter la fragilité des mélodies, c’est le Velvet
Underground chéri du groupe qui remonte à la surface (« Common burn »
et « Spoon », réminiscents des ballades mortifères de la bande à Lou
Reed).
Mais finalement, le nom qui revient le plus souvent
à mesure que défilent les titres, c’est celui, pourtant assez inattendu, de Ry Cooder. « Seasons … »
est une véritable ode à la slide guitar, Roback en met partout, prenant plaisir
à étirer ces notes métalliques traînantes, et on pense alors très fort à
Nastassia Kinski et son pull-over rouge dans « Paris, Texas ». Et
puis, pour en rajouter encore une couche dans le côté rustique et intemporel,
de l’harmonica vient parfois se mêler à cette fête sonore.
Sur dix titres, seuls deux sont un peu plus rythmés,
le classique country-rock de « Lay myself down » et le très beau et
surprenant final (« Flying low »), qui évoque très fortement « The
Rover » de Led Zep, un « The Rover » joué un petit matin blême
avec une gueule de bois carabinée…
L’automne et la grisaille arrivent. « Seasons
of your day » en est la bande-son idéale. Et ce disque est tellement bon
qu’il pourrait même passer l’hiver …