OF MONTREAL - HISSING FAUNA, ARE YOU THE DESTROYER ? (2007)

Mérite le détour ...
Of Montreal est le pseudo de Kevin Barnes, solitaire américain très prolifique, bricolant des titres dans son home studio. Il en fait des disques sous le pseudo de Of Montreal mais peu se retrouvent largement distribués. Un vrai « indépendant » en somme, un geek musical entouré de ses bécanes, s’essayant aux dires des très rares qui l’ont écouté à une sorte de pop synthétique lo-fi. Une bonne dizaine de disques sortis depuis le milieu des années 90.
Kevin Barnes 
Et puis, sans rien changer à sa façon de bosser, arrive ce « Hissing fauna … ». Et là, merci le Net, un buzz se répand, relayant l’info que ce type inconnu vient de faire un disque fabuleux. Rumeur évidemment exagérée, mais Cd intéressant, pour le moins. Apparemment, « Hissing Fauna … » est une œuvre inspirée par une rupture amoureuse, avec des morceaux aux titres à rallonge mystérieux. Mais effectivement il y a un truc. C’est réfléchi, pesé, construit, pas un assemblage de bric et de broc de titres jetés à la va-vite et au hasard sur une rondelle argentée.
Ce Cd est articulé autour d’un long morceau central « The past is a grotesque animal », avec ses synthés qui pulsent très rock (si, si c’est possible), instaurant une ambiance genre new wave gothique, ça bastonne inexorablement et hypnotiquement sans débander pendant douze minutes. Rien ne laissait pourtant présager pareille avalanche sonique. Le début du disque, même si le propos semble morose, est constitué de ritournelles sautillantes, souvent assez barges. Remontent du fond du cerveau des noms d’hurluberlus des 70’s, remarqués pour leur côté bariolé. Les Sparks en premier lieu, sur l’inaugural « Suffer for fashion » baroque, mélodique et déjanté. Aussi le protéiforme bidouilleur pop Todd Rundgren sur le titre suivant, le court « Sink the Seine » « Heimdalsgate … », comptine façon electro-pop 80’s fera même une apparition dans les charts indie US. « Gronlandic edit » mélange bas(s)es funky dansantes et électronique martiale, comme si Chic jammait avec Kraftwerk, et ça sonne à peu près avec un lustre d’avance comme le dernier Daft Punk. Y’a aussi des ratés dans cette belle mécanique d’ouverture (« Cato as a punk », « A sentence of sorts… », rien d’original, on oublie …). Le tout porté par une voix qui semble le plus souvent gonflée à l’hélium, et ceux qui pensent à Mika (le côté boule à facettes et racoleur de minettes en moins) n’ont pas tout à fait tort.
Changement de ton après « The past … ». C’est plus sérieux, et donc forcément moins drôle. Ça devient plus musical, plus réfléchi, et donc plus ennuyeux. On est pas très loin des encombrants disques de jazz-funk de Prince (ceux qu’il s’entête à sortir depuis 20 ans), particulièrement flagrant sur « Faberge … », sur lequel Barnes pousse la similitude jusqu’à retrouver les intonations du Nain Pourpre. Et on sent l’essoufflement sur la fin, « She’s a rejecter » », son gimmick de guitare hard FM sur un beat disco, le genre de plan entendu mille fois depuis le « I was made for lovin’ you » des clowns de Kiss trente ans plus tôt. Le final (« We were born … ») par son côté faussement léger, dansant et hypnotique semble une raclure des fonds de tiroir du New Order des 80’s.
Of Montreal ne va pas tarder à prendre l'eau ...

Grosso modo, on sent quand même un potentiel, plein de qualités, de trouvailles et d’idées souvent bonnes, et un disque ma foi réfléchi, intelligent, cohérent, le type qui malgré son audience a priori famélique va au bout de son truc. Le succès sera d’estime (même les stars soutenues par les majors ne vendent plus rien dans les années 2000, alors pensez l’inconnu auto-produit), mais affectera profondément la suite de Of Montréal. Qui deviendra un vrai groupe d’une demi-douzaine de personnes sous la direction de Barnes, lequel se prendra à la fois pour Brian Wilson et Arcade Fire. Le disque suivant, « Skeletal lamping », pensum de pop rococo surchargée, sera affreux. Ceux qui sont parus après, j’ai oublié de les écouter …

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