Of Montreal est le pseudo de Kevin Barnes, solitaire
américain très prolifique, bricolant des titres dans son home studio. Il en
fait des disques sous le pseudo de Of Montreal mais peu se retrouvent largement
distribués. Un vrai « indépendant » en somme, un geek musical entouré
de ses bécanes, s’essayant aux dires des très rares qui l’ont écouté à une
sorte de pop synthétique lo-fi. Une bonne dizaine de disques sortis depuis le
milieu des années 90.
Kevin Barnes |
Et puis, sans rien changer à sa façon de bosser, arrive
ce « Hissing fauna … ». Et là, merci le Net, un buzz se répand,
relayant l’info que ce type inconnu vient de faire un disque fabuleux. Rumeur
évidemment exagérée, mais Cd intéressant, pour le moins. Apparemment,
« Hissing Fauna … » est une œuvre inspirée par une rupture amoureuse,
avec des morceaux aux titres à rallonge mystérieux. Mais effectivement il y a
un truc. C’est réfléchi, pesé, construit, pas un assemblage de bric et de broc
de titres jetés à la va-vite et au hasard sur une rondelle argentée.
Ce Cd est articulé autour d’un long morceau central
« The past is a grotesque animal », avec ses synthés qui pulsent très
rock (si, si c’est possible), instaurant une ambiance genre new wave gothique,
ça bastonne inexorablement et hypnotiquement sans débander pendant douze
minutes. Rien ne laissait pourtant présager pareille avalanche sonique. Le
début du disque, même si le propos semble morose, est constitué de ritournelles
sautillantes, souvent assez barges. Remontent du fond du cerveau des noms
d’hurluberlus des 70’s, remarqués pour leur côté bariolé. Les Sparks en premier
lieu, sur l’inaugural « Suffer for fashion » baroque, mélodique et
déjanté. Aussi le protéiforme bidouilleur pop Todd Rundgren sur le titre
suivant, le court « Sink the Seine » « Heimdalsgate … »,
comptine façon electro-pop 80’s fera même une apparition dans les charts indie
US. « Gronlandic edit » mélange bas(s)es funky dansantes et
électronique martiale, comme si Chic jammait avec Kraftwerk, et ça sonne à peu
près avec un lustre d’avance comme le dernier Daft Punk. Y’a aussi des ratés
dans cette belle mécanique d’ouverture (« Cato as a punk », « A
sentence of sorts… », rien d’original, on oublie …). Le tout porté par une
voix qui semble le plus souvent gonflée à l’hélium, et ceux qui pensent à Mika
(le côté boule à facettes et racoleur de minettes en moins) n’ont pas tout à
fait tort.
Changement de ton après « The past … ». C’est
plus sérieux, et donc forcément moins drôle. Ça devient plus musical, plus
réfléchi, et donc plus ennuyeux. On est pas très loin des encombrants disques
de jazz-funk de Prince (ceux qu’il s’entête à sortir depuis 20 ans),
particulièrement flagrant sur « Faberge … », sur lequel Barnes pousse
la similitude jusqu’à retrouver les intonations du Nain Pourpre. Et on sent
l’essoufflement sur la fin, « She’s a rejecter » », son gimmick
de guitare hard FM sur un beat disco, le genre de plan entendu mille fois
depuis le « I was made for lovin’ you » des clowns de Kiss trente ans
plus tôt. Le final (« We were born … ») par son côté faussement
léger, dansant et hypnotique semble une raclure des fonds de tiroir du New
Order des 80’s.
Of Montreal ne va pas tarder à prendre l'eau ... |
Grosso modo, on sent quand même un potentiel, plein de
qualités, de trouvailles et d’idées souvent bonnes, et un disque ma foi
réfléchi, intelligent, cohérent, le type qui malgré son audience a priori
famélique va au bout de son truc. Le succès sera d’estime (même les stars
soutenues par les majors ne vendent plus rien dans les années 2000, alors
pensez l’inconnu auto-produit), mais affectera profondément la suite de Of
Montréal. Qui deviendra un vrai groupe d’une demi-douzaine de personnes sous la
direction de Barnes, lequel se prendra à la fois pour Brian Wilson et Arcade
Fire. Le disque suivant, « Skeletal lamping », pensum de pop rococo
surchargée, sera affreux. Ceux qui sont parus après, j’ai oublié de les écouter
…
Du même sur ce blog :