Le problème de la Hardy, comme de tous les autres,
c’est qu’à force de durer, on finit par devenir vieux. Et con, les deux vont
généralement ensemble. J’ai déjà dit ailleurs tout le bien que je pensais de la
mémère cartomancienne, je vais pas continuer de tirer sur l’ambulance (joke …).
Pourtant, dans les sixties, Françoise Hardy, c’était
quelque chose. La jeune fille moderne, qui faisait encore plus craquer parce
qu’elle avait l’air timide et triste. L’icône féminine made in France, encore
plus que Bardot (laquelle avant d’être relookée par Gainsbourg n’était qu’un
copier-coller des bimbos blondes décervelées de l’Hollywood des années 40-50,
genre Lana Turner, Jayne Mansfield, Monroe …). Brian Jones et Paul McCartney en
pinçaient pour elle, Dylan venait la voir à son hôtel, on la voyait en boîte à
Londres avec Jagger et Richards, elle accueillera et recueillera Nick Drake au
début des seventies … Françoise Hardy était là où ça se passait, fréquentait
tous les top musiciens de l’époque. On ne peut pas dire qu’elle s’en soit
vraiment inspirée lorsqu’il s’agissait de sortir des disques …
En France, Hardy est juste un produit de sa maison
de disques Vogue. Qui bon an mal an lui fait enregistrer quelque rengaine
radiophonique avec comme point de mire le succès de son premier titre
« Tous les garçons et les filles » (1962). Un 33T sortira à peu près
chaque année. « Comment te dire adieu » est paru fin 1968. Année
particulière en France. Mais c’est pas le genre de la dame de faire dans le
commentaire social, inutile d’y chercher la moindre allusion aux
« événements ».
Françoise Hardy, c’est de la variété française, même
pas du yéyé, l’avatar local du rock. Les limites vocales de Hardy la cantonnent
et l’ont toujours réduite à un registre vaguement folk, vaguement chanté. Un
style certes pas original (n’est-ce pas Carla B-S ?).
Françoise Hardy, c’est quand même un nom porteur,
bankable. Et Vogue ne lésine pas. Un orchestre très violoneux est présent
(souvent un peu trop) sur tous les titres, et sont repris-adaptés des titres de
Leonard Cohen (« Suzanne »), Joan Baez (« There but for
fortune » / « Où va la chance ? »), Jobim / Buarque
(« Sabia » / « La mésange »). Versions parfois sympathiques
(« Suzanne »), mais qui ne font guère de l’ombre aux originaux. Deux
morceaux très passe-partout sont signés Hardy : « La mer, les étoiles
et le vent », bof, et « A quoi ça sert ? » qui porte bien
son nom. « Il vaut mieux une petite maison dans la main qu’un grand
château dans les nuages », rien que le titre se passe de commentaire,
c’est totalement crétin. Un peu à part musicalement, avec un texte de
l’écrivain Patrick Modiano sur un tempo très jazz années 20-30 un
« Etonnez-moi Benoît » qui sera un petit succès en single.
Quelques morceaux ressortent sans peine du lot. Le
poème d’Aragon « Il n’y a pas d’amour heureux », déjà mis en musique
par Brassens, ambiance triste et désabusée convient parfaitement à Hardy.
« Où va la chance ? » évite l’écueil de la comparaison avec Joan
Baez, c’est une jolie ballade menée par une harpe avec l’orchestre qui pour une
fois reste discret. Mais surtout, la bonne pioche de ce disque, c’est d’avoir
mis à contribution un mercenaire de la chanson qui commence vraiment à se faire
un nom, Serge Gainsbourg. Qui livre une compo originale,
« L’anamour » appelée à devenir au fil des reprises un classique du
répertoire gainsbourgien, et aussi une adaptation d’un titre anglais peu connu
(« It hurts to say goodbye ») qui sera la locomotive de cet album, et
un des meilleurs et plus connus de Françoise Hardy (« Comment te dire
adieu ? »). Indubitablement un des grands textes de Gainsbourg, à tel
point que la reprise la plus connue, celle des Communards, reprendra les
paroles françaises et pas celles de la version originale …
La pochette de « Comment te dire adieu »
est signée d’un quasi-débutant, Jean-Paul Goude, la réédition Cd de 1995 est
assez cheap (aucun bonus, son pas terrible, juste trois photos de Jean-Marie
Périer). Plutôt un disque pour les fans, une compile fera l’affaire pour le
commun des mortels …