J’ai dû vérifier, mais curieusement, il doit bien
rester des gens qui écoutent encore Ange, puisque le groupe existe toujours,
tourne, sort des disques, des Dvd, comme les premiers BB Brunes venus …
Ange ils sont dans les grimoires traitant de vieux
rock français (quoique si Ange c’est du rock, Nabila c’est Marie Curie), rayon
seventies, chapitre prog … Autant dire pas exactement ma tasse de thé … Ange,
c’était the big thing du milieu des années septante. En France uniquement. Et
surtout en province, la revanche des ploucs sur les Parisiens, cet antagonisme
séculaire. Et Ange était vraiment un groupe campagnard (Belfort, la
Franche-Comté, ces endroits où même les pauvres ne vont pas passer leurs
vacances) cultivant même à l’excès ce côté rustique et paysan. Ange est une
affaire de famille, celle de la famille Décamps. Deux frangins, Christian et
Francis, et quand le second quittera le groupe, c’est le fils du premier qui le
remplacera.
Ils sont velus, ils sont tous là : voilà les Ange |
Ange, comme tous les progueux, cultive le paradoxe
du progrès(sif) et la fixette pour les temps passés, thème récurent de ses
« grands disques », qui s’enchaînent
vers le milieu des seventies (« Le cimetière des Arlequins »,
« Au-delà du délire », « Emile Jacotey », « Par les
fils de Mandrin »). Bien révélateur de toutes les obsessions de l’époque
pour un retour vers la campagne, la « vraie vie », et toutes ces
balivernes hippies.
« Emile Jacotey », c’est un peu la
quintessence de tout çà. Le disque est construit à partir de rencontres,
conversations et discussions de Décamps (Christian, le chanteur et leader) avec
un ancien maréchal-ferrant de village (Emile Jacotey, comment ça, vous aviez
deviné ?). On entend même à une paire de reprises la voix de l’auguste vieillard
sur le disque. Même si ce n’est qu’un prétexte, le disque ne raconte pas sa
vie, c’est une extrapolation des légendes, contes et histoires racontées par le
vieux. Et encore, juste la première
face du vinyle original la seconde étant encombrée par une fuckin’ suite,
« Ego et Deus » en quatre « mouvements » (no comment).
Les textes se veulent chiadés, rehaussés par un
chant maniéré, changeant, théâtral, inspiré par Brel (que le groupe avait
repris sur un disque précédent). La zique, c’est du prog, parfois inspiré par Jethro Machin et les funestes Yes, sur l’intro de « Bêle, bêle, petite chèvre » (amis
des titres crétins, bonjour) ou sur « Les noces ». Y’a de la
ballade médiévalisante (« Jour après jour »), de la ballade
épico-pompiéro-lyrico-campagnarde (« Sur la trace des fées »), du
co(s)mique bon marché (« Le marchand de planètes », tournerie entre
mauvais krautrock et falsification floydienne). Un titre « Ode à
Emile », ritournelle assez réussie avec parties de guitare (du
« mythique » Brézovar) plus ou moins intéressantes, deviendra un des
classiques du groupe et le point d’orgue de leurs concerts (bâillements) …
Peut-être parce que le « rock français »
de l’époque était quasiment inexistant (les Variations finis, Magma assez
« branché », les deux ne vendaient de toute façon guère), Ange
écoulait des centaines de milliers de ses disques … c’était le bon temps
(ricanements lugubres …).