ANGE - EMILE JACOTEY (1975)

Un Ange passe ... 

J’ai dû vérifier, mais curieusement, il doit bien rester des gens qui écoutent encore Ange, puisque le groupe existe toujours, tourne, sort des disques, des Dvd, comme les premiers BB Brunes venus …
Ange ils sont dans les grimoires traitant de vieux rock français (quoique si Ange c’est du rock, Nabila c’est Marie Curie), rayon seventies, chapitre prog … Autant dire pas exactement ma tasse de thé … Ange, c’était the big thing du milieu des années septante. En France uniquement. Et surtout en province, la revanche des ploucs sur les Parisiens, cet antagonisme séculaire. Et Ange était vraiment un groupe campagnard (Belfort, la Franche-Comté, ces endroits où même les pauvres ne vont pas passer leurs vacances) cultivant même à l’excès ce côté rustique et paysan. Ange est une affaire de famille, celle de la famille Décamps. Deux frangins, Christian et Francis, et quand le second quittera le groupe, c’est le fils du premier qui le remplacera.
Ils sont velus, ils sont tous là : voilà les Ange
Ange, comme tous les progueux, cultive le paradoxe du progrès(sif) et la fixette pour les temps passés, thème récurent de ses « grands disques », qui s’enchaînent  vers le milieu des seventies (« Le cimetière des Arlequins », « Au-delà du délire », « Emile Jacotey », « Par les fils de Mandrin »). Bien révélateur de toutes les obsessions de l’époque pour un retour vers la campagne, la « vraie vie », et toutes ces balivernes hippies.
« Emile Jacotey », c’est un peu la quintessence de tout çà. Le disque est construit à partir de rencontres, conversations et discussions de Décamps (Christian, le chanteur et leader) avec un ancien maréchal-ferrant de village (Emile Jacotey, comment ça, vous aviez deviné ?). On entend même à une paire de reprises la voix de l’auguste vieillard sur le disque. Même si ce n’est qu’un prétexte, le disque ne raconte pas sa vie, c’est une extrapolation des légendes, contes et histoires racontées par le vieux.  Et encore, juste la première face du vinyle original la seconde étant encombrée par une fuckin’ suite, « Ego et Deus » en quatre « mouvements » (no comment).
Les textes se veulent chiadés, rehaussés par un chant maniéré, changeant, théâtral, inspiré par Brel (que le groupe avait repris sur un disque précédent). La zique, c’est du prog, parfois inspiré par Jethro Machin et les funestes Yes, sur l’intro de « Bêle, bêle, petite chèvre » (amis des titres crétins, bonjour) ou sur « Les noces ». Y’a de la ballade médiévalisante (« Jour après jour »), de la ballade épico-pompiéro-lyrico-campagnarde (« Sur la trace des fées »), du co(s)mique bon marché (« Le marchand de planètes », tournerie entre mauvais krautrock et falsification floydienne). Un titre « Ode à Emile », ritournelle assez réussie avec parties de guitare (du « mythique » Brézovar) plus ou moins intéressantes, deviendra un des classiques du groupe et le point d’orgue de leurs concerts (bâillements) …
Peut-être parce que le « rock français » de l’époque était quasiment inexistant (les Variations finis, Magma assez « branché », les deux ne vendaient de toute façon guère), Ange écoulait des centaines de milliers de ses disques … c’était le bon temps (ricanements lugubres …).