DASHIELL HEDAYAT - OBSOLETE (1971)


Culte ...
«  Obsolète » est un objet sonore à peu près unique par chez nous. Peut-être bien le seul disque culte de France et de Navarre. Bonne question et merci de me l’avoir posée, c’est quoi un disque culte ? En gros un machin enregistré il y a très longtemps par des inconnus et qui fait le bonheur d’une poignée de maniaques qui le vénèrent, persuadés de tenir là l’œuvre géniale ignorée de tous. Sauf que nous on fait rien comme tout le monde avec le rock …
Dashiell Hedayat
« Obsolète », même s’il en traîne pas un exemplaire dans chaque grenier, s’est assez bien vendu à sa sortie, a été réédité à maintes reprises, et il continue bon an mal an, à s’en écouler des copies. Des inconnus derrière ce disque ? Pas vraiment. Dashiell Hedayat, c’est un pseudo (composé à partir des noms et prénoms de Dashiell Hammett, auteur américain de polars, et de Sadegh Hedayat, écrivain iranien) derrière lequel se cache une seule personne, mais hydre à plusieurs têtes essentiellement connu pour ses bouquins (Jack-Alain Léger, Melmoth, Paul Smail, Eve Saint-Roch sont ses autres pseudos). Et derrière Hedayat, également planqués sous des pseudos étranges, Gong au grand complet. Largement de quoi détaler ventre à terre pour tout être muni de raison et d’oreilles en état de marche… Pensez, la troupe de babas progressifs anglais accompagnant les délires littéraires d’un schizophrène. On peut difficilement imaginer pire …
Et pourtant il y a de bonnes, voire de très bonnes choses dans ce « Obsolète ». Et des trucs beaucoup plus pénibles aussi. En fait une œuvre typique de tous ces disques faits par des foncedés. Des fulgurances géniales qui se mélangent à un gloubiboulga psychédélique avachi, des délires écrits qui côtoient des impros datées. La balance penche du bon côté, essentiellement grâce au titre d’ouverture, le génial « Chrysler », hit underground de son temps, où sur un rock psyché, Hedayat décrit me semble t-il une sorte de déliquescence et d’effondrement du mythe américain, à travers la vision d’une épave de Chrysler dans le fond de son jardin.
Evidemment, il y a des efforts requis pour saisir les paroles. D’abord parce qu’elles sont un peu plus élaborées que chez Barbelivien, et ensuite parce que le disque est produit « à l’anglo-saxonne », et ne met pas, comme dans les productions françaises, la voix très en avant. Et puis, faut reconnaître aussi que Hedayat c’est pas Otis Redding, d’ailleurs il parle (ou aboie !) plus qu’il ne chante. Beaucoup de similitudes dans l’esprit avec le disque de Houellebecq accompagné par AS Dragon …
Gong 1971
« Fille de l’ombre » est un titre heureusement court qui n’intéressera que ceux qui ont trouvé géniaux les bruits domestiques d’« Alan’s psychedelic breakfast » du Floyd. « Long song for Zelda » commence très mélodique, évoque Polnareff, avant de tourner psyché sous l’influence d’un solo « cosmique » d’Allen et de se conclure par un talk-over et des aboiements d’Hedayat. Si j’ai bien saisi, il fantasme sur une fille (Zelda) qui a un chien, mais les interprétations de ce titre assez barré peuvent être différentes …
Dernier morceau (il n’y en a que quatre) qui occupait toute une face de vinyle, une tournerie entre prog et impro en roue libre (c’est l’impression que ça me fait, mais la conception du disque a pris une paire d’années, c’est pas si improvisé que ça …), commencée avec des accords de basse qui tournent en boucle, avant de finir en ballade planante.
En résumé, un disque qui mérite mieux que sa relative confidentialité (ça vaut bien les Triangle ou Zoo de l’époque, les Variations étant hors concours), un super titre (« Chrysler »), les autres assez loin voire très loin derrière … Certainement beaucoup plus efficace dans le contexte de l’époque, disque sous substances (y’a Burroughs qui vient marmonner sur un titre, c’est tout dire) à l’attention de gens sous substances … Un space cake, quelqu’un ?