Le dernier ...
Le dernier avec Mick Taylor. Certes… mais comme je ne
fais pas partie de ceux qui vouent un culte démesuré aux blueseux habiles du
solo de guitare, je n’y vois, contrairement à certains un peu trop obnubilés à
compter le nombre de notes à la seconde, qu’un hasard. Que je sache, Taylor ne
composait pas, ne produisait pas, n’avait guère voix au chapitre en ce qui
concernait la direction artistique du groupe. Dont il se foutait quelque peu,
ses déclarations depuis des lustres l’ont confirmé. Et même si son apport
musical pendant cinq ans est indéniable, il n’était que le guitariste soliste
d’un groupe de rock. Qui s’appelait les Rolling Stones, ce qui change la
perception de tout pour certains, et notamment des évidences. Les Stones,
surtout dans les seventies, c’était les Glimmer Twins, Jagger et Richards
(surtout Richards d’ailleurs) et point barre …
Rolling Stones 1974 |
« It’s only … » est surtout le dernier disque
des Stones écoutable d’un bout à l’autre. Même si tout n’est pas parfait (on y
reviendra, c’est un peu le but du jeu, isn’t it ?), c’est au moins aussi
bien que celui d’avant (« Goat’s head soup », et mieux que ceux
d’après (et personne moufte hein, me sortez pas « Some girls », ou
alors je dégaine « Black & blue », que bizarrement, j’ai toujours
trouvé assez réussi …). Faut relativiser aussi, parce que les Stones avaient
livré une série entre 68 et 72 dont on cherche encore l’équivalent dans les
musiques de djeunes … Parce qu’en 1974, les Stones sont des dinosaures, le plus
vieux groupe de rock du monde encore en activité (en fait ce doit pas être eux,
plutôt les Shadows, mais ceux-là plus personne les écoutait). Et les
naturalistes du rock s’interrogeaient déjà sur la longévité exceptionnelle de
Jagger & Co, qui atteignent tous l’âge canonique de trente-cinq ans ...
S’ils avaient su qu’ils fêteraient leurs cinquante ans de carrière…
« It’s
only rock’n’roll » donc. Les Stones sont le plus grand groupe du
monde. Et n’ont plus rien à prouver. Juste à se maintenir au niveau. Vu le
succès rencontré par le disque, ils y sont arrivés. En s’entourant des usual
suspects habituels aux pianos (Preston, Hopkins, Stewart). Et avec un nom qui
apparaît pour la première fois dans les notes de pochette, celui de Ron Wood,
crédité de l’« inspiration » ( ? ) sur le morceau-titre. Lequel
sortira en single éclaireur et rencontrera un gros succès des deux côtés de
l’Atlantique. La routine, quoi … un peu comme ce titre, savant fouillis
d’instruments et de chœurs très travaillés, mais avec la Stones touch
immédiatement reconnaissable. Un de
leurs classiques, peu souvent présent live …
Glimmer Twins |
La ligne directrice de l’album, c’est un peu « move
your ass ». Marqués par leurs fréquentations, les gens qu’ils écoutent et
notamment ceux qui ont fait ou feront leurs premières parties durant les
seventies (Ike & Tina Turner, Stevie Wonder, Dr. John, les Meters, …), les
Stones se plongent vers un aspect de la musique qu’ils avaient jusque là peu
abordé, un son groovy et funky à la place du sempiternel rhythm’n’blues. Pas un
hasard si le second single sera la reprise de « Ain’t to proud to
beg » des Temptations. Encore plus flagrant sur l’ultime
« Fingerprint file » fausse jam funky, sur laquelle le groupe sonne
très « noir », et pour moi la grande réussite du disque. Sinon, pour
l’essentiel, les Stones font du Stones. Et mention particulière pour l’immense
« Dance little sister ». Ce qui, mine de rien, fait quatre grands
titres sur ce disque. Pareille fête ne se reproduira plus …
Parce que les autres morceaux de cette longue galette (48
minutes, durée assez rare en ces temps vinyliques) assurent tout juste le
minimum syndical. Rien d’indigne, rien de transcendant non plus. « If you
can rock me » démarre le disque en demi-teinte, et aurait gagné à voir son
interminable final un peu élagué, « Till the next goodbye » ballade
introduite à la guitare acoustique tente sans conviction de battre le rappel
des fans d’« Angie ». Mick Taylor par un solo aérien sauve ce qui peut
l’être sur « Time waits for no one », mais personne ne peut rien pour
alléger le boogie à gros cul de « Luxury » qui ne décolle jamais. Et
avant « Fingerprint file », deux titres qui n’en demandaient certes
pas tant sont là pour boucher les trous, la ballade énervée et énervante « If you really want to be my
friend » et « Short and curlies » qui semble un rebut de
« Exile .. ».
Vu de la sorte, ça peut paraître léger, mais ne pas
oublier l’axiome de base qui stipule qu’un morceau anecdotique des Stones en
vaut d’excellents par beaucoup d’autres…
A noter l’amusante pochette de Guy Pellaert, qui nous
montre les Stones, Imperators du rock, évoluer dans un décor d’orgie romaine.
Même pas sûr qu’elle soit à prendre au second degré …