Miossec se mouille ...
J’ai pas tous ses disques, j’en ai juste une petite
poignée. Et celui-ci me semble son plus intimiste, celui où Christophe Miossec
dévoile son âme, ce qui coûte plus que de montrer son cul (dixit Gainsbourg).
Derrière une pochette que je trouve très moche (due
à un de ses potes peintres, également responsable de l’artwork du livret), se
cache un de ces essais musicaux introspectifs que je redoute, sur lequel un
quidam vient raconter sa vie et chialer sur l’épaule d’un auditeur qui n’a rien
demandé.
Ce coup-ci, ça passe, peut-être parce que quelque
part Miossec ne « joue » pas, et qu’il se livre. Il y a des textes
qui en disent tellement qu’ils sont vrais, et ne sont pas là par hasard. Il y a
des plaies béantes, de vraies blessures de l’âme qui apparaissent, mais
derrière tout ça une humilité, une humanité. Miossec ne se plaint pas, ne
cherche pas le réconfort, il se raconte …
Musicalement, ça donne dans
« l’ambiance ». C’est pas vraiment du rock, du folk, ou un mélange
des deux, ça tient plus du nappage instrumental que de la récitation d’un genre
identifié, ça se contente de pulser, de swinguer gentiment. C’est tout entier
au service des mélodies, et il y en a quelques-unes de bien foutues
(« L’amour et l’air », la plus belle et marquante, « Mon
crime : le châtiment », « La facture d’électricité », …).
C’est au niveau des textes qu’il a fait fort,
Miossec. Fini le poivrot existentiel, le Tom Waits mâtiné de Gainsbourg des
débuts, et place à un adulte qui a morflé, et qui nous montre ses bleus à
l’âme. Dans des thèmes difficiles, dont beaucoup tournent autour de l’amour (de
sa vie, de celle qui est partie, de celle qu’on voudrait reconquérir, …), et de
toutes ces choses anodines et intimistes qui ne marquent l’existence que de
celui qui les vit. Il faut oser, et surtout trouver les mots qui sonnent juste
et vrai pour chanter des choses comme « Maman », « Quand je fais
la chose », « La grande marée », « L’imbécile »,
« L’amour et l’air ». Tous ces titres introspectifs occupent le cœur
du disque, et il n’y a finalement qu’au début et à la fin qu’on retrouve un
Miossec connu. L’observateur acerbe de la société, de ses aléas et de ses
travers avec la géniale « La facture d’électricité », une des choses
qui parlent autrement mieux du chômage que des heures de discours politiques ou
syndicaux. Et les deux derniers titres (au demeurant peut-être les plus faibles
du disque), la conventionnelle ballade « Julia » et la berceuse
« Bonhomme », dans lequel les coïncidences avec un double disque
blanc de quatre types de Liverpool sont tellement troublantes qu’il ne peut
s’agir que d’un hommage, décalé, certes, mais hommage quand même.
Les fans des débuts semblent assez partagés sur ce
disque, qui évite, vus les thèmes abordés, de tomber dans les soupes braillées
à la Ferré (l’excellent « La mélancolie »), les pleurnicheries à la
Charlélie Couture (« Le loup dans la bergerie », bonne joke, mais à
quel degré faut-il prendre ce titre ?). Qui évite aussi les chansons
d’amour avec violons terminalement nulles. Non, Miossec avec ce disque ne fait
pas non plus un revival Mike Brant.
Il est juste là, en face de nous, avec son cœur qui
saigne. Et il nous montre qu’un cœur qui saigne, ça peut être beau …
Du même sur ce blog :
Boire
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