Le temps des Gitans ?
Beirut, c’est un sacré truc zarbi. Un concept, ou au
choix un faux groupe, derrière lequel se cache un ado américain, Zach Condon.
Condon est un minot qui tout seul dans son coin, en utilisant une kyrielle
d’instruments dont certains plutôt exotiques (accordéon, trompette, ukulelé,
plus toute une panoplie de claviers et synthés), a fait le meilleur disque
manouche depuis (qui a dit Thomas Dutronc ? attention, je vais me fâcher,
là) … depuis, j’en sais foutre rien (ça y est, j’ai réussi à placer foutre et
Condon dans le même paragraphe, j’suis content de moi, là …), parce que c’est
pas le genre de trucs que j’écoute (qui a dit Kusturica ? n’aies pas peur,
tu dois avoir raison …).
Bon, je reprends, et faudra que pense à arrêter de
picoler avant d’écrire des coms, ça va finir par se voir que je suis pas à jeun
… Donc, le gamin Condon, qui avait pourtant largement de quoi satisfaire ses
goûts pour le folk antique dans son Amérique natale, est parti pendant
plusieurs années tracer la route en Europe, et plus particulièrement dans cette
région que l’on appelait autrefois Mitteleuropa (l’Autriche-Hongrie, la
Prusse), poussant des pointes vers les Balkans et une visite en Irlande. Et
c’est la vieille musique de ces endroits-là qu’il nous ressert. Qui n’a rien à
voir avec les chansons populaires ( ? ) des teutons à quelque fête de la
bière, mais une musique remplie des sonorités les plus plébéiennes, rurales, de
ces contrées. En gros, les tziganes, roms, et autres gitans.
Evidemment, personne n’attendait ce disque. A l’origine
de onze titres, très rapidement les versions Cd ont rajouté les cinq titres
d’un EP (« Lon Gisland ») paru dans la foulée, et qui n’apporte pas
grand-chose, si ce n’est un instru celtisant qui semble un peu perdu et
hors-sujet dans le contexte.
Dès les premiers titres, on se dit que « Gulag
Orkestar » est génial, avec ses ambiances tziganes, ses chœurs lancinants
(« The Gulag Orkestar » le titre), ses ambiances bavaroises tristes
(« Prenzlauerberg »), et ses mélodies parfois enjouées
(« Brandeburg », et surtout « Postcards from Italy », pour
moi d’assez loin meilleur morceau de l’album).
Au bout de quelques titres qui ont tendance à
furieusement se ressembler (mêmes tempos, mêmes orchestrations, mêmes
arrangements, même façon pour Condon de placer sa voix, …) on se dit que c’est
quand même un peu toujours pareil, et que ça commence à devenir lassant.
On est finalement soulagé quand ça s’arrête, parce que ce
bousin finit par gonfler grave, toutes ces variations infimes sur le même thème
…
Un disque finalement révélateur d’une époque, où il
semble que tout a déjà été dit et entendu mille fois, et où la moindre idée, la
moindre trouvaille, le plus petit gimmick, sont montés en épingle pour qu’ils
apparaissent au pékin d’auditeur qui ne sait plus où donner du conduit auditif,
comme la trouvaille du siècle émanant d’un génie en devenir de la chose
musicale. Et même si le rendu n’a pas grand-chose à voir, je trouve le résultat
assez proche dans l’esprit de ce que font quelques autres hâtivement qualifiés
de surdoués, comme les surfaits Sufjan Stevens ou Kevin Barnes, le type de Of
Montreal … des gars qui semblent avoir tout dit après un enchaînement de
quelques bons titres, et qui se répètent jusqu’à l’écœurement…