EVERYTHING BUT THE GIRL - IDLEWILD (1988)


La beauté cachée ...
... des laids, des laids, se voit sans délai, délai … Faut dire que Everything But The Girl, c’était le couple le plus moche des eighties (aïe, ça commence mal, cette chronique). Encore plus moches que George Michael et sa copine dans Wham ! (putain, je m’enfonce, là …). Bon, pour faire simple et éviter la noyade, on dira qu’ils étaient moins glamour que Eurythmics. Mais comme la Lennox et le Stewart, Tracey Thorn et Ben Watt étaient capables de livrer de grandes chansons, et plus souvent qu’à leur tour.
Parce que là, sérieux, il n’y avait pas grand monde qui puisse rivaliser avec la voix voilée et puissante à la fois de Thorn (Liz Frazier des Cocteau Twins étant le seul nom qui me vienne à l’esprit), et ce sens de la composition, de la mélodie et de l’arrangement de Watt. Et tout ça sans tapage, sans bling-bling. EBTG étaient des artisans discrets qui faisaient plus que bien leur boulot. Et leurs titres étaient dans la tradition des grands « chansonniers » de l’Angleterre, entamée deux décennies et demi plus tôt avec Lennon et Macca, et dont le dernier représentant était au milieu des 80’s Elvis Costello, avant qu’il se mette en tête de se prendre pour un Américain, de faire des disques avec des chanteuses d’opéra et d’épouser des chanteuses centristes de jazz …
Tiens, puisqu’on parle du fuckin’ jazz, il y en a un paquet en filigrane dans ce « Idlewild ». Qui sert de trame à pas mal de titres, qui a inspiré des arrangements classieux (notamment ceux de sax, parfois très présents sans jamais être envahissants). Mais ce jazz-là est supportable (comment ça, je recommence ?), et il ne plaira évidemment pas aux accros de la chose. Et puis, Thorn et Watt ont les oreilles grandes ouvertes sur toutes ces machines qui arrivent dans les studios et surtout sur les trouvailles rythmiques qu’elles peuvent générer. Et ils s’en inspirent pour leurs chansons, même s’ils préfèrent les recréer avec des sessionmen.
On ne trouve pas dans ce « Idlewild » la moindre faute de goût au niveau sonore, tout est parfaitement pesé, soigné, avec un sens de la mesure et du discernement jamais démentis. On ne trouve pas non plus cette froideur qui rendait Sade vite insupportable avec son soft jazz murmuré. Watt et Thorn oeuvrent dans un spectre sonore beaucoup plus riche, beaucoup plus large, que la glaciale Nigériane.
Il y a sur ce « Idlewild » des merveilles pop comme « Oxford Street » que ne renierait pas un Paddy McAloon, autre orfèvre mésestimé de l’écriture avec ses Prefab Sprout, « Blue moon Rose » et son enlevé mid-tempo, l’ultime « Apron strings », lente ballade dépouillée. Il y a aussi du folk boisé (« Shadow on a harvest moon ») qui réussit à être moderne et passéiste à la fois. Et puis une grosse ribambelle de morceaux de smooth-jazz qui donnent la coloration d’ensemble de ce disque, un peu comme la bossa nova qui était la base de leur premier chef-d’œuvre « Eden » quatre ans plus tôt. Une bizarrerie aussi , « The night I heard Caruso sing » chantée (il aurait pas dû) par Ben Watt, qui s’est gardé la plus belle mélodie du disque, un peu pompée tout de même on dirait sur le « Fernando » de ABBA.
Et par-dessus tout, ce « Idlewild » est habité par la superbe voix de Tracey Thorn. Qu’elle soit sans aucun artifice (la plupart du temps), teintée d’écho (« I always was your girl »), voire carrément doublée (« Goodbye Sunday »). Quelques malins joueurs de disquettes de Bristol (Massive Attack) remarqueront cette voix unique, et s’en serviront sur leur second album, « Protection » …

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Eden