Grands Dieux
Ceux qui les ont vus live depuis bientôt trente cinq
ans vous en parleront avec des trémolos dans la voix. Ceux qui n’ont qu’écouté
leurs disques ne comprendront rien à cet engouement. Les Fleshtones, c’est le
groupe de scène par excellence, qui passe sa vie sur la route à prêcher la
bonne parole rock-rhythm’n’blues dans de petites salles devant leurs éternels
fidèles.
Les Fleshtones ont commencé dans le New York qui
rocke de la fin des 70’s, mais ne seront jamais vraiment rattachés à la scène
punk-CBGB, dont ils n’ont d’ailleurs retenu que l’énergie live. Ils commencent
sur les mythiques petits labels habituels (ROIR, Red Star), leur réputation
grandit, et Miles Copeland, frère de Stewart, batteur blond peroxydé, les signe
au tournant des 80’s, sur son label IRS Records, un des « gros »
indépendants des années 80. Au passage, il est assez réjouissant de constater
que ce sont les thunes rapportées par Police (Miles Copeland gravite dans le
management du groupe), qui serviront à financer les premiers pas de gens comme
R.E.M., Go-Go’s, Wall of Voodoo, Concrete Blonde …
Ce « Roman Gods » est souvent considéré
comme le meilleur en studio des Fleshtones, et correspond au casting majeur du
groupe, les deux leaders Peter Zaremba (chant, harmonica) et Keith Streng
(guitare), le batteur Bill Millhizer, les frangins Spaeth aux cuivres, le
producteur Richard Mazda (spécialiste du rock et du son garage) … C’est à peu
près la seule époque où les Fleshtones auront quelques moyens pour enregistrer
un disque.
Ce « Roman Gods » à la pochette cheap
(inspirée d’une du Butterfield Blues Band on dirait, et une compile de Mitch
Ryder lui ressemblera étrangement 10 ans plus tard) n’était pas à l’époque pour
les fans de Dire Straits. Amateurs de muzak d’ascenseur ou de supermarché (un
ange passe, avec l’intégrale de Coldplay dans son iPod), circulez, c’est pas
pour vous.
Comme si tout s’était arrêté depuis quinze ans, les
Fleshtones sortaient en 1982 un super disque comme on en faisait en 1967. Des
choses à base de rock garage (l’instrumental d’ouverture « The
dreg », leur vision à eux de la surf music je suppose), d’antique
rhythm’n’blues (pas un hasard si la seule reprise du disque est le « Ride
your pony » de Naomi Neville popularisé par Lee Dorsey, l’antique figure
du genre à la Nouvelle-Orléans), de compositions qui sans être transcendantes
traduisent bien l’énergie dont on toujours fait preuve les Fleshtones. Un titre
à toute blinde (« R.I.G.H.T.S. ») permet d’avoir une idée de ce que
peut être un concert du groupe.
D’autres de leurs contemporains, et dans des genres
parfois pas très éloignés, ne feront certes pas fortune, mais acquerront une
très grosse renommée (Cramps et Gun Club notamment). Les Fleshtones n’auront
aucune reconnaissance commerciale, et même pas d’estime … Et pourtant, ils le
mériteraient au moins autant que les autres …
Mais bon, plutôt que de traquer leurs disques (pas
facile, une production assez labyrinthique dispatchée sur quantité de petits
labels), s’ils passent dans une petit rade près de chez vous, c’est là qu’il
faut aller …