TOM WAITS - ASYLUM YEARS (1986)


Tom Waits première époque

Tiens, que voilà une compilation maline, comme on aimerait en trouver plus souvent.
Maline par le timing. Parue en 1986, quand Tom Waits était à son sommet artistique, elle est publiée par son premier label, Asylum (ce qui donne l’occasion d’une bonne joke pour le titre), qui l’a hébergé pendant presque dix ans sans vraiment que s’envolent les courbes de vente, et qui là, espère bien récolter quelques chalands fraîchement séduits par le nouveau pote de Keith Richards.
Maline par le contenu. Cette compilation correspond également à une période artistique bien définie et terminée de Tom Waits, celle qui lui a apporté ses premiers fans, et qui a, à grands renforts de rumeurs, anecdotes et histoires croustillantes, contribué à mettre en place la « légende » de Tom Waits, sorte de Bukowski musical, déblatérant de sa voix rauque d’ivrogne ses histoires tordues, bizarres, abracadabrantes …
Tom Waits, Bette Middler, et un Anglais de passage ...
Et ce, même s’il faut reconnaître que tout dans cette période initiale n’a pas été prodigieux. Sans même parler du très ennuyeux live « Nightwhaks at the Diner », le grand Tom n’a pas toujours su faire preuve de cette originalité baroque et déglinguée qui a fait son succès et ses meilleurs disques.
Il y a sur cet « Asylum years » des choses pénibles de piano-bar jazzy (« Diamonds on my windshield », « The ghosts of Saturday night »), des ballades piano-voix connues d’avance (« Kentucky Avenue »), des dérives assez risibles vers la musique classique avec les violons, les cordes et tout le tremblement (« Ruby’s arms »), une reprise navrante du « Somewhere » de Leonard Bernstein qui fait regretter les brushings de George Chakiris, l’ interminable mini-opéra baroque « Potter’s fields ». Les premiers disques de Tom Waits, même si je les connais pas tous, sont tout de même assez conventionnels, avec des influences jazz et musique baroque assez (trop ?) marquées. Et lorsque la musique reste dans ces chemins bien balisés, tout sonne comme si on l’avait déjà entendue mille fois …
Heureusement, le reste du disque est beaucoup plus comestible, un gros paquet de titres pas forcément transcendants mais bien vus, commençant à mettre en avant l’influence qui deviendra obsessionnelle du Captain Beefheart, mêlant habilement justesse sonore et sobriété instrumentale, et montrant par là même, une fois qu’ils auront subi concision drastique et arrangements baroques, ce que seront les chef-d’œuvre à venir des années 80. Et dans ce cadre-là, ressortent particulièrement « Looking for the heart of the Saturday night », ballade urbaine dévastée et lyrique, la toute piano « Burma Shave » qui donnera son nom à un groupe de chevelus ( !?) metal-funk, l’incantation beefheartienne « Small change », la sympathiquement bluesy et jazzy « Blue Valentines »,  l’improbable mais concerné duo « I never talk to strangers » (avec Bette Midler et qui vaudra à Waits son premier hit), et l’épique « Tom Traubert’s blues », pour moi la meilleure du disque …
Finalement, comme aucun des disques des débuts de Tom Waits ne semble se détacher du lot (moi je citerais bien « Blue Valentine », mais il ne fait pas l’unanimité des fans), cette compilation peut s’avérer le bon choix pour avoir un aperçu d’une période certes pas cruciale de son auteur, mais qui contient en germe toutes les bonnes choses à venir …

Du même sur ce blog:
Closing Time
Nighthawks At The Diner