Comme un air de famille ...
La filiation est clairement évidente et d’ailleurs
revendiquée, Zoo a pour modèles Blood Sweat & Tears et Chicago, et surtout
les premiers. Petite précision à l’usage des non encore grabataires, Zoo est un
groupe français.
Famille évidemment nombreuse vu les influences (les
Zoo sont neuf), lorsque la fanfare se forme, ses membres sont déjà des
musiciens accomplis, ayant sévi dans des groupes ou hanté les studios de
l’époque. Leaders et figures de proue, le chanteur Joel Daydé, le bassiste
Michel Hervé et le guitariste Pierre Fanen, autant de noms que le fan de Lady
Gaga ne connaît pas, mais que quelques vénérables ancêtres chenus doivent
encore avoir à l’esprit.
Ce disque éponyme est tout à fait représentatif d’un
genre aujourd’hui totalement désuet, cet amalgame entre toutes les musiques
« de jeunes » de l’époque. Se mélangent, et s’entrechoquent parfois,
mélodies pop, tristesses blues, langueurs soul, énergie rock, transpiration
rythm’n’blues, une pincée de fuckin’ jazz… Bref, tout ce qui était matière à se
disputer avec ses parents en cette fin des années 60. Mais aussi et surtout une
fascination pour la technique instrumentale, avec le funeste prog-rock en
gestation. Encore plus frappant en ce qui concerne les groupes français de
l’époque, persuadés qu’une reconnaissance et qu’une crédibilité musicale dans
le rock au sens large ne pouvait passer que par une démonstration technique
alambiquée et grandiloquente. Les Zoo maîtrisent leur sujet et ne perdent pas
une occasion de le montrer.
Ce qui donne lieu à quelques choix pour le moins
curieux. Comment, lorsque l’on a dans ses rangs un aussi bon chanteur que
Daydé, à la voix grave très soul, aligner sur un disque la moitié d’instrumentaux,
mettant en avant un violon imbécile ou des cuivres redondants ? L’époque y
est sans doute pour beaucoup, mais ce genre de choix artistique délibéré est
pour le moins curieux, et les conséquences ne se feront guère attendre, Daydé
et le guitariste Fanen quitteront le groupe après ce disque.
Les meilleurs titres de ce « Zoo » sont
d’assez loin ceux qui sont chantés, le rythm’n’blues jazzy de « If you
lose your woman », l’alerte « Memphis train » repris à Rufus
Thomas, le très Ray Charles « You sure drive … ». Les
instrumentaux, forcément très datés, s’empêtrent dans la copie de BS & T
(« Ramsès »), les pénibles jams violoneuses (« Rythm and
Boss »), ou bluesy (« Bluezoo », comme son nom l’indique). Deux
morceaux sont un peu à part, « Un samedi soir à Carnouet », ambiance
bal à papa psychédélique ayant plus à voir avec Chicago (le groupe) qu’avec les
Cotes d’Armor ; également le dernier, « Mammouth », avec sa
rythmique très lancinante qui fait penser à ce que produira plus tard Magma …
Les départs de Daydé et Fanen porteront un trop rude
coup à Zoo pour qu’il s’en remette. Un autre disque verra le jour, avec
beaucoup moins de retentissement que ce premier qui avait quand même réussi à
marquer les esprits. Quelques musiciens accompagneront Léo Ferraille
momentanément en quête d’un virage « électrique », et quelques
survivants remonteront le groupe sous le nom de Zoo Tribute en 2010 avec le
succès que l’on imagine …