Payin' The Dues
Miles Kane est dans l’air du temps et semble avoir le vent en poupe. Il est présenté comme une sorte de sauveur. Sauveur de quoi, on ne sait plus trop, tant l’industrie musicale (les gros labels) et ses sous-traitants (la presse musicale) prennent l’eau de toutes parts. Alors pensez, un gars qui sort un disque nettement moins mauvais que, au hasard, le dernier Radiohead, et il se trouve du monde pour crier au génie, au sauveur du rock.
On avait déjà remarqué Miles Kane sur deux disques intéressants, mais pas forcément cruciaux, celui des Last Shadow Puppets, avec son pote Alex Turner de la grosse affaire Arctic Monkeys, et celui des Rascals, son propre groupe qui a semble t-il déjà passé l’arme à gauche …
Beaucoup est dit sur le visuel du Cd, comme à l’époque, il y a longtemps dans le siècle dernier, où il suffisait de regarder une pochette de disque pour savoir ce qu’il y avait à l’intérieur. Le look, les fringues, la coupe de cheveux, Miles Kane est anglais et aurait pu figurer tel quel sur une photo de 1965 des Who ou des Small Faces, ou sur un polaroid de 1978 des Jam.
Miles Kane est fan d’une culture, d’une époque, cela s’entend dans chaque mesure de ce disque. Et alors que ce genre d’exercice nostalgique souffre à chaque fois de la comparaison avec les glorieux anciens, ce coup-ci ça fonctionne, c’est aussi bien « qu’avant ». Miles Kane a vingt cinq ans et a fait le disque de vieux parfait, et qui espérons-le pour lui, plaira aussi aux plus jeunes qui n’ont jamais écouté « Aftermath » ou « Electric warrior ». Miles Kane est un copiste doué, mais qui recycle intelligemment et finement, c’est là toute la différence avec la concurrence (qui a dit Arcade Fire ?). Les chœurs genre stade de foot sont de nouveau à la mode ? Et bien, comme les Kills qui en ont mis un peu partout dans leur dernier « Blood Pressures », il va s’en servir comme gimmick sur un titre, l’inaugural « Come closer ». Vous préférez de la pop vraiment estampillée 60’s ? Pas de problème, prenez « Quicksand » et son ambiance légère et yé-yé, ou la millimétrée « Rearrange ». Du 60’s aussi, mais version garage ? « Inhaler » et sa grosse guitare fuzz sont pour vous … Toujours les années 60, version acide et Swingin’ London avec « Better left invisible », et c’est le Floyd de Syd Barrett qui apparaît. Et « Kingcrawler » pourrait devenir le « White rabbit » des années 2010 (oui, je sais, les Jefferson Airplane n’étaient pas anglais, mais juste totalement obnubilés à leurs débuts par les Beatles).
Dans la machine à remonter le temps de Kane, on a aussi « Telepathy », titre auquel il ne manque que les jappements de Shirley Basset pour croire qu’il s’agit du thème d’un James Bond période Sean Connery. On a aussi une fixette de Kane pour le glam-rock du début des 70’s (« My fantasy », c’est du pur T-Rex, et « Take the night from me » pique pas mal de choses au « Soul love » de Bowie-Ziggy Stardust). Bowie ? Oui, Bowie est encore là avec « Counting down the days » et ses faux airs de « Ashes to ashes ». On croise même avec le titre « Colour of the trap » le garçon jaloux qui imagine Lennon au détour de la mélodie.
Ce Cd est assez étonnant, sans rien à jeter, faisant preuve d’une maturité et d’un sens de la composition que l’on croyait à jamais perdus dans cette époque de prêt à mâcher et de copistes falots. Ce Miles Kane peut poursuivre sur la lancée, j’espère en tout cas qu’il le fera, que ce ne sera pas là un brillant exercice de style sans lendemain. La réponse et l’avenir se trouvent déjà dans un titre comme « Happenstance », qui réussit à sonner moderne et rétro à la fois. Disque anglais de l’année ? Pour le moment, disque de l’année tout court…