NIGHT BEATS - WHO SOLD MY GENERATION (2016)

Talkin' 'bout their generation ...
Des Américains. Perdus dans les limbes de l’anonymat… Avec dans leurs carnets de voyage le périple d’une certaine forme de transhumance électrique. Le Texas, Seattle, Los Angeles. Le genre de migration qui sent sinon la recherche du succès, du moins celle de l’estime …
Alors est-ce que ces types-là vont remplir les stades ? Bof, m’étonnerait, mais ils auront tout fait pour. Dans le bon sens du terme je veux dire… pas en se faisant remarquer par leurs frasques, leur consommation effrénée de substances dopantes, la fréquentation de blondasses court-vêtues à forte poitrine, un ramassis de déclarations trumpesques … Non, juste en sortant un bon disque, ce « Who sold my generation ».
Qui plus est dans un style bien casse-gueule. En formation resserrée, power trio. Et là, désolé, mais faut assurer, surtout quand comme eux on donne dans le rock à guitare. Tendance psychédélique, comme à peu près tout le monde de nos jours. Heavy psychédélique, s’il faut être précis … Bon, les Night Beats ne sont pas Cream ou l’Experience, et ne le deviendront jamais. Mais qu’importe …
Night Beats 2016
Ils ont pondu là un disque qui me fait furieusement penser, entre autres choses, au « Roger the Engineer » des Yardbirds. La technique de Beck et Page en moins, les bonnes chansons en plus parce que quitte à froisser les gardiens du Temple, les Yardbirds ont pas brillé par leurs hits, si vous voyez ce que je veux dire … Je vais vous dire, des zigotos qui sonnent du feu de Dieu, des types qui ont un Mac et quelques logiciels à la maison, y’en a plein les rayonnages. T’écoutes leurs rondelles, ça te décolle les tympans et quand le boucan s’arrête, t’as rien entendu qui ressemble à une chanson, une mélodie, un truc écrit …
Par contre, chez les Night Beats, y’a comme qui dirait de la matière. Sur douze titres, y’en a une dizaine de bons, voire plus. Bon, faut juste zapper le premier (quelqu’un pourra t-il leur dire qu’à l’heure des écoutes en travers sur des supports pas vraiment hi-fi, aujourd’hui comme toujours, le premier titre est d’une importance capitale), étrangeté avec phrasé lancinant sur une rythmique quasi kraut. Faut aussi en oublier un vers la fin (« Turn the lights ») assez anodin malgré l’intrusion d’un harmonica (hommage accidentel à Keith Relf ?). Parce que tiens, hormis cet harmonica et quelques beuglements de cuivre (sur l’énorme rhythm’n’soul « Bad love »), on est ici tout près de l’os. Guitare, basse et batterie. Le batteur assure, le bassiste (celui du Black Rebel Motorcycle Club) t’attaque souvent au plexus et charpente plus que bien tous les titres, et le guitariste … Le guitariste, putain, il est bon. Parce qu’il a la technique (quelques solos pas piqués des hannetons) et – les deux sont souvent incompatibles – la concision. En plus il écrit, chante (malheureusement, c’est pas Otis Redding, ni même Prince, malgré sa voix de fausset) et coproduit.  Danny Lee Blackwell, il s’appelle… notez son nom quelque part, d’une façon ou d’une autre, ce type fera certainement parler de lui, l’avenir lui appartient …
Night Beats - Danny Lee Blackwell au 1er plan
Il y a de grands titres sur cette rondelle. Dont un énorme, qu’on aurait dû entendre partout si on vivait pas dans un  mode de déficients auditifs. « Right / Wrong » il s’appelle, c’et un truc très chaloupé, hyper-mélodique, on dirait du Joe Jackson des débuts. « Shangri-Lah » accroche bien également, avec son refrain explosif. Et puis, les Night Beats se sont fendus à la fin du disque d’une fabuleuse cavalcade orientalisante, avec un solo de la mort qui tue de Blackwell après le faux final. Leur « Kashmir » à eux, en quelque sorte.
Le reste n’est pas à la ramasse, et les Night Beats font se succéder morceaux roboratifs « concernés ». Car même s’il s’agit de psychédélisme, on cause pas ici de poésie acide, de visions tolkienesques ou de je ne sais quelles balivernes sixties... Non, ces jeunots portent un regard critique sur cette société ricaine qui part en vrille (le titre du disque est à bien des égards «signifiant »), n’hésitant à pointer du doigt et du mot la sordide réalité (« No cops », sur ces flics qui font des cartons sur des types qui y sont pour rien, Noirs de préférence).

Le disque idéal pour oublier Daech, Gattaz, Sarko, Macron, … et tout le reste …