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T.REX - ELECTRIC WARRIOR (1971)

Faire mouiller les petites filles ...
… et ramasser la monnaie. Une formule déjà bien rodée. Le dénommé Mark Feld, alias Marc Bolan, va la pousser à son paroxysme dans l’Angleterre du début des années 70.

Bolan, c’est le type qui veut absolument réussir. Depuis le milieu des années 60, il entend devenir une rock star. Une obsession qu’il partage avec une de ses connaissances, un certain David Jones, devenu à la scène David Bowie. Les deux hommes sont plus amis que rivaux (ils utilisent souvent le même producteur, Tony Visconti), épient leurs carrières respectives. Début 71, match nul. Bolan est à la tête d’un groupe (en fait un duo) de folk campagnard hippy (Tyrannosaurus Rex), sort des disques qui au mieux font un succès d’estime. Bowie y a goûté au succès, celui du single « Space Oddity » en 1969. Depuis, accueils critiques polis et c’est tout. C’est Bolan qui va trouver la formule magique. Exit les babacooleries folky (Devendra Banhart reprendra la formule des décennies plus tard), exit Tyrannosaurus Rex, et place à T.Rex. Si le nom se raccourcit, le personnel augmente. En plus de Bolan au chant et à la guitare, on y trouve Micky Finn (l’autre moitié de Tyrannosaurus Rex), aux backing vocaux et percussions, Steve Currie à la basse et Will Legend à la batterie. Deux titres classés, « Ride a white swan » et « Hot love », dans un nouveau registre. Plus rythmé, plus pop, plus rock … et on voit à la télé anglaise un Bolan aguicheur, en satin et  platform shoes … La mutation T.Rex est en marche, et Bowie dans les cordes compte les points …
Bolan cogite un projet global de domination des charts. Son physique elfique ne laisse pas les filles, surtout les plus jeunes, indifférentes. Il va soigner son apparence, ne pas mégoter sur les couleurs vives et les paillettes. Musicalement, il va s’inspirer de deux stars qui ont fasciné le public. La première du rock, Elvis Presley, et la plus magnétique qui vient de mourir, Jimi Hendrix. Il empruntera un peu aux deux, la lascivité des rock mid tempo au King, la flamboyance et dans la mesure de ses possibilités, recyclera quelques plans de six-cordes d’Hendrix.

A cet égard, rien que la pochette du disque « Electric warrior » qui doit concrétiser son triomphe est révélatrice. Bolan pose en guitar hero (Gibson Les Paul), devant un énorme ampli (de la confidentielle marque Vamp). Et au départ, « Electric warrior » était conçu comme un disque très rock. Il suffit d’écouter sur une de ses multiples rééditions les versions « work in progress » des titres pour s’en rendre compte. On  y entend le groupe répéter, grosse batterie, gros riffs de guitare, et chant souvent hurlé de Bolan. Lors de la parution du disque, il ne restera qu’un titre dans cet esprit, « Rip off », phrasé plus vomi que chanté (très punk, aussi ceux-ci citeront souvent Bolan comme une de leurs influences), guitare hurlante et final avec sax free gueulard sur un mur de feedback.
Pour le reste, nul doute que Tony Visconti a beaucoup aidé Bolan à enjoliver son propos. Les titres de « Electric warrior » font alterner ballades (« Cosmic dancer », « Monolith », la très suave « Life’s a gas ») avec titres plus énergiques (« Jeepster », « Get it on », « The motivator »). L’innovation est aussi de la partie, détournement de mambo (« Mambo sun »), blues à paillettes (« Lean woman blues »), percussions très en avant (« Planet Queen », quasiment un duo avec Micky Finn, cependant à mon sens le titre le plus faible du disque). « Girl » fait immédiatement penser à du Lennon solo, « Imagine » du binoclard sort à peu près en même temps et son titre éponyme et « Get it on » seront à la lutte pour être les deux succès de l’hiver 71-72.

Visconti concocte pour « Electric warrior » un son très soyeux, fait swinguer la section rythmique, multiplie les arrangements agréables à l’oreille. Mais surtout il recadre Bolan au chant et à la guitare. Et c’est ce qui fera toute la différence. Bolan, même s’il ne fait pas partie des ténors de l’instrument se concentre sur les riffs, joue peu souvent rythmique. Sa guitare n’est pas toujours présente, et donc se remarque d’autant plus lorsqu’elle intervient. Rajoutez des efforts sur la trituration et la distorsion du son (l’influence hendrixienne), et ça donne tout son cachet à des titres qui au niveau composition, n’ont cependant pas inventé la foudre … C’est pourtant au niveau du chant que se fera la différence. Bolan murmure, susurre (l’Elvis des débuts), ronronne avant de rugir, multipliant râles, soupirs, hoquètements. Une voix et un chant très sexués, qui agira très directement sur son public. Le cœur de cible de Bolan-T.Rex, c’est la midinette collégienne, et on verra se reproduire à chacune de ses apparitions des scènes d’hystérie collective pas vues en Angleterre depuis la beatlemania. Les deux singles issus de « Electric warrior », « Jeepster » et « Get it on » connaîtront un succès considérable, lançant la mode glam qui verra des légions de groupes plus ou moins suiveurs envahir le pays. Bolan surfera tout en haut de cette énorme vague (deux concerts à Wembley au printemps 72, avec la fameuse mise en scène du culte de sa propre personnalité alors inédite, Bolan y apparaissant en tee-shirt … Bolan), trustant les sommets des hit-parades avec les singles « Metal guru » et « Telegram Sam », ainsi que l’album suivant, « The slider » …

Et Bowie dans tout çà ? Il va retenir les leçons qui ont fait l’énorme succès de Bolan. Et pousser le bouchon encore plus loin. Bolan plaît au filles ? Il va plaire aux filles ET aux garçons, mettant en scène son équivoque ambiguïté sexuelle, à grands renforts d’interviews malines, de trousses de maquillage et de tenues encore plus extravagantes … Le vaisseau de Ziggy Stardust est en route pour la Terre …


MC5 - BACK IN THE USA (1970)

Rock'n'roll never die ...
Le second disque du Five ... dès son titre, tout un programme … Jusque là, le programme du MC5, vu de loin, ça se confondait avec celui de son manager, le bien allumé John Sinclair. Le manager-gourou du groupe était aussi le fondateur du White Panther Party, version …euh … différente des Black Panthers. En gros, un gloubi-boulga anarcho-marxiste-barré articulé autour de dix points dont quelques-uns assez fumeux. Tellement fumeux que la brigade des stups de Detroit va serrer Sinclair en 1969 pour deux pauvres joints et l’envoyer au pénitencier.
Le MC5 se retrouve livré à lui-même, ce qui n’est pas une bonne chose. Et sans maison de disques. Le premier brûlot du MC5, « Kick out the jams » (à l’usage des sourds et des jeunes générations, je rappelle qu’il s’agit du meilleur disque live de tous les temps) ne s’est guère vendu. Pire, à cause de quelques « motherfuckers » bien audibles, une grande chaîne de magasins de disques l’a d’emblée retiré des rayons. Bravache et activiste, le groupe entre en résistance, à coups d’affiches, slogans et appels au boycott de l’épicier vinylique. Bataille du pot de terre contre le pot de fer. La label du Five, Elektra (entre autres celui des Doors) est menacé de voir retirer de la vente tous ses « produits ». Aussi sec, devant la pression de l’épicier, Elektra se débarrasse du MC5.

Les cinq types du Five ne sont pas vraiment des politiciens révolutionnaires. Le seul genre de révolution qui trouve grâce à leurs yeux se résume en quatre mots : meufs, dope, bagnole, rock’n’roll, les trois premiers gros consommateurs de dollars, le quatrième étant  censé les leur apporter. Atlantic consent à signer pour un disque cette bande assez ingérable, et un petit journaleux de Rolling Stone, qui n’a pas encore vu le futur du rock’n’roll décide de s’occuper d’eux, les emmène en studio et s’auto proclame leur producteur. Le groupe s’en fout un peu de ce Jon Landau, mais bon, faut bien faire rentrer du cash pour faire le plein aux Ferrari et un disque est mis en chantier.
Concept : puisque l’utopie militante ne nourrit pas son homme, on va faire simple, basique même. Foin des influences de Sun Ra (« inspirateur » du « Starship » de « Kick out de jams »), back in the USA, back to the roots. Concis, ramassés, urgents, tels seront les titres de ce disque. Onze pour vingt huit minutes, comme un majeur dressé bien haut devant tous les techniciens bluesy ou pas qui étirent un titre sur toute une face de vinyle. Et retour aux bases de la musique qui les fait vibrer, le rock’n’roll des origines remis aux goût du jour à la sauce Motor City, puisque c’est de la capitale automobile qu’ils viennent et où leur insuccès les condamne à rester.
Ils sont pas nombreux dans ce créneau à cette époque-là. Les revivalistes loufoques de Sha Na Na (leur copie conforme française s’appellera Au Bonheur Des Dames) et puis, quand même un mammouth en terme de ventes et de popularité (de qualité aussi, mais c’est pas le propos ici), le Creedence Clearwater Revival de John Fogerty. Fogerty qui bien que de la ville (celle des hippies, San Francisco), donne dans le rock’n’roll rustique et campagnard. Le Five va faire la même chose, mais dans son versant urbain, et la différence ne s’arrêtera pas au port ou non de chemises de bûcherons à carreaux.
Dans l’ancienne place forte de la Tamla Motown, le MC5 va livrer une version urbaine, violente, de la musique originelle. « Back in the USA » commence et finit par une défenestration de deux classiques : « Tutti frutti » de Little Richard et l’éponyme « Back in the USA » de Chuck Berry. Versions du Five sauvages mais assez proches et respectueuses des originales. Tout le reste est plus sournois, plus agressif aussi. Finie la rythmique char d’assaut, c’est rapide, ça pulse et ça swingue. Finis les numéros de shredders de Kramer et Smith aux guitares, ça joue carré, sérieux, et ça se paye même des solos dans les « règles de l’art ». Finis les cris et hurlements de Tyner, ça chante et plutôt très bien même. Beaucoup affirment que « Back in the USA » est un disque annonciateur du punk. Ma foi … Moi je dirais que trois ans avant le « Pin Ups » de Bowie, le disque du MC5 est avec le « Supernazz » des Flamin’ Groovies sorti quelques semaines plus tôt, une des premières œuvres strictement revivalistes du rock.

Là où se situe le talent du groupe, en plus de la Detroit touch devenue cliché et tarte à la crème d’une  certaine forme de musique dure, « pour hommes », estampillée « street credibility », c’est dans la clarté du propos et la mise en place. Respectueux des fondamentaux (il n’y a rien d’original, ça dure en moyenne moins de trois minutes par titre, personne cherche à se mettre en avant), tout en entrouvrant des lucarnes pour les générations futures. Les punks, on l’a dit et (trop) répété à mauvais escient, mais beaucoup plus la power pop (« Teenage Lust », « High school », « Shakin’ Street »), et la matrice de toutes les formations revivalistes « lettrées » (en gros tous ceux qui ont fait l’effort d’écouter des disques sortis avant le premier Ramones, et dont l’exemple typique français doit être les Dogs). Le Five casse avec « Back in the USA » sa réputation de groupe sauvage mais approximatif, Kramer y va de quelques solos qui ne feront certes pas oublier Hendrix, mais qui sont « propres ». Le rôle de Landau,  souvent tenu pour quantité négligeable, y est pour quelque chose : pour son baptême du feu aux consoles, il fait faute de pouvoir mieux dans l’ultra basique, et coup de bol, c’est ce qui convient parfaitement au disque. A peine deux concessions : une à la mode de l’époque, la ballade pour emballer la meuf  (ici « Let me try »), évite le pathos et les couches de violons dans lesquels des cohortes de groupes se livrant à cet exercice se perdront ; l’autre au son psyché du rock garage de la fin des sixties avec « The human being lawnmover ».
Personne n’attendait ce disque. Peut-être quelques amateurs des stridences rageuses de « Kick out the jams » qui ont été déçus. Et en 1970, le MC5 n’était pas encore « culte », juste à peu près inconnu (le pays où il était le plus « populaire », c’était la France …). Les deux singles extraits, « Looking at you » et « Shakin’ Street » (sans parler de « High school » tuerie totale, un des grands morceaux ignorés des seventies, même pas sorti en 45T) n’entreront pas dans les charts. Le second l’aurait mérité, bien qu’il soit atypique (chanté par Fred Smith, le futur mari de la Patti du même nom). Il ne sera pas perdu pour tout le monde, et servira de nom de baptême à une rude escouade menée par une chanteuse française (Fabienne Shine), groupe qui malgré des prédictions de succès à l’échelon international, disparaîtra rapidement dans l’anonymat.

Par bien des aspects, « Back in the USA » n’est pas ce que les musicologues qualifient de disque parfait. Heureusement, c’était pas le but recherché. C’est juste pour moi le plus grand disque de strict rock’n’roll américain …

Des mêmes sur ce blog :
High Time


MEAT LOAF - BAT OUT OF HELL (1977)

Rock and (cholesté)roll ...
Alors là, attention, best seller. Les Ricains en ont acheté des dizaines de millions de « Bat out of hell ». Il doit être dans le Top 10 (et vu l’état du « marché » du disque y restera jusqu’à la fin des temps) des ventes US toutes époques et tous genres confondus. Le coup d’éclat de deux inconnus, qu’évidemment ils ne renouvelleront pas, même s’ils s’y sont péniblement essayés.
Meat Loaf, c’est le pseudo d’un gars dont j’ai oublié le nom, ventripotent gueulard de quinzième zone, coupable d’un disque au début des seventies que personne a jamais acheté, et second rôle dans le film culte déjanté « The Rocky horror picture show ». C’est lui le chanteur et l’attraction de tout ce cirque. Mais de là à ce qu’un inconnu s’attaque aux records de vente de « Saturday Night Fever » … Le « cerveau » de l’affaire « Bat out of hell », c’est le dénommé Jim Steinman, un type qui se prenait modestement pour Berlioz et Wagner, mais dont la réputation n’avait jamais dépassé sa cage d’escalier. C’est Steinman qui est responsable, même carrément coupable, du « concept », des musiques et des textes. Meat Loaf se contentera de chanter et de « jouer » un personnage grotesque inspiré par Falstaff, Batman, La Bête, Rahan et Obélix … La musique, on y reviendra vite fait, est un croisement-plagiat des pires choses entendues chez les progueux, les hard-rockeux, Queen (on y reviendra aussi) et … Springsteen.
Les coupables : Meat Loaf & Jim Steinman
Dont les deux mercenaires habituels du E Street Band (Bittan et Weinberg) se retrouvent au casting de ce « Bat out … ». Ce qui suscite une interrogation, comment ces types réputés ont-ils pu aller traîner leurs guêtres sur le projet de deux inconnus azimutés ? La réponse elle est chez les banquiers, ceux qui ont payé ce disque, Epic, filiale de Columbia, label de … oui, Springsteen, je vois que vous commencez à comprendre.
« Bat out of hell » c’est un peu un coup de poker insensé financé par la multinationale, sinon, comment voulez-vous vous payer Bittan, Weinberg, … et les autres. Parce que le casting du disque, ça file le tournis, Rundgren (pas un tendre quand il s’agit de causer pognon) produit et joue de la guitare, Edgar Winter (oui, l’albinos à saxo, frère de l’albinos à guitare), des types d’Utopia (le groupe à Rundgren), pas moins de deux orchestres symphoniques… Tout ce monde trimbalé dans quantité de studios plus high-tech les uns que les autres … Du pognon dépensé sans compter mais qui a rapporté très très gros. Tellement gros, que le Gros et le Steinman se sont brouillés à mort pour of course des histoires de pourcentages, de droits, lorsqu’il a fallu passer à un second disque, qui aurait du sortir dans la foulée (suivant le puissant précepte du on presse le citron tant qu’il sort du jus) mais qui ne sortira que des lustres plus tard, fatalement dans une indifférence à peu près générale.
« Bat out of hell », ça fait passer Yes pour du folk acoustique. Exemple type du morceau crétin « Paradise … », où l’on passe en dépit de tout bon sens du rock’n’roll, au rythm’n’blues, à la pop, au disco, au hard, … Comme Queen, me direz vous … en quelque sorte, sauf que Queen est un groupe totalement second degré, qui dans sa carrière n’a pas écrit des morceaux, mais juste des pastiches forçant sur la caricature, le ridicule. Tandis que Steinman, lui, est totalement prétentieux et dénué d’humour, tout est au navrant premier degré … Heureusement qu’il avait Bittan et Weinberg, sinon leur patron aurait porté plainte, le premier titre, l’éponyme « Bat out of hell » est entièrement pompé sur des passages de « Born to run », et plus particulièrement de « Jungleland ». Mais jamais Springsteen, pas toujours le type le plus sobre musicalement de la planète, n’avait sorti de loukoums de ce style.
Lester, fais gaffe si tu dis encore du mal de mes disques ...
On n’évite pas non plus l’interminable ballade (quasi neuf minutes, comme les deux titres cités plus haut) gluante avec les deux (comme si un seul ne suffisait pas) orchestres symphoniques qui empilent les couches de violons. Les quatre titres restant sont heureusement plus courts. Pas forcément meilleurs. L’un d’eux (« You took the words … ») s’engage même par une discussion genre la Belle et la Bête (la Bête, vous aviez deviné, c’est Meat Loaf, la Belle c’est Ellen Foley, choriste et faire-valoir féminine qui délaissera vite le balourd pour fréquenter de près le Clash, et plus particulièrement Mick Jones), avant un classic rock pompier comme ça devrait pas être permis … La moins insupportable du lot, c’est pour moi « Heaven can wait » …
Ce genre d’objet sonore prétentieux, chez moi, ça finit poubelle direct … mais là, ce « Bat out of hell », il est tellement con au premier degré que ça me fait pitié … j’en écoute parfois des morceaux avec le sourire …


THE VELVET UNDERGROUND - THE VELVET UNDERGROUND & NICO (1967)

Walk on the wild side ...
Le premier Velvet, c’est un des disques les plus mythiques de la maintenant interminable saga du wock’n’woll … un disque qui ne laisse pas indifférent. Soit on le porte au pinacle, soit on ne comprend pas très bien ou pas du tout pourquoi tant de barouf autour de cette rondelle. « Velvet Underground & Nico », c’est le disque qui passe de l’autre côté, qui explore toutes les dark sides de la vie, de la musique … toutes ces choses et ces sons pas très jojos qu’on évacuait jusque là un peu hypocritement.
Nico, Warhol, Tucker, Reed, Morrison, Cale
Du pop-rock qui attaque l’oreille, alors que la mode, la référence ultime, c’était les Beatles, les Beach Boys, les girl-groups, la sunshine pop, tout ce qui était joli, bien fait, bien propre, bien mignon … Alors tu parles quand tu prends le son du Velvet … quasiment l’antithèse. La rythmique du Velvet ? Une batterie (jouée par une meuf, et circonstance aggravante dans un monde de paraître, toute moche) réduite à un kit dans sa portion la plus congrue et jouée debout (hérésie ? non, beaucoup des batteurs des pionniers du rock’n’roll jouaient de la sorte, celui des Forbans aussi d’ailleurs...). La basse ? jouée par celui (Cale ou Morrison) qui avait pas autre chose à foutre. Alors que le règne des sections rythmiques musclées et techniques (les fondations, la base, bla-bla-bla, …) arrivaient, le Velvet faisait quasiment l’impasse sur cet aspect. La guitare ? un type qui moulinait mécaniquement le structure rythmique (Sterling Morrison), un autre qui cherchait pendant ce temps la note qui produise le même effet que les ongles griffant un tableau noir (Lou Reed)… tout çà à l’époque des tags « Clapton is God » sur les murs de Londres, annonçant le culte (stupide) du guitar-hero technique et flamboyant … Un violon ? quoi, un putain de crin-crin dans un groupe de rock ? Le symbole absolu de toute la musique qu’il était de bon ton de mépriser : la classique pour les bobos, la country pour les ploucs … en plus un violon alto (le plus grinçant), entre les pattes d’un type (Cale) qui s’efforçait de le rendre le plus désagréable possible à l’oreille. Et au chant ? alors là, c’est la cerise sur le gâteau … ils étaient deux, le Lou Reed qui parlait, marmonnait, et une femelle blonde (Nico) avec une voix caverneuse, les deux à peu près incapables de chanter juste sur des mélodies pourtant pas très élaborées …
Et ils causaient de quoi, au fait ? Oh, Jésus Marie Joseph, jamais on n’avait entendu çà … pas des pluie dures de bombes (Dylan), et pas de vouloir hold la hand de la pretty little girl (tous les autres). Non, le type, là, qui écrivait quasi tous les textes (en plus de la musique), ce Lou Reed, c’était juste un sale pédé accro à l’héro, qui balançait sur des boogies préhistoriques ou des mélodies macabres ses histoires de putes, de dealers qu’on attend au coin de la rue, de sado-masochisme et de fix à l’héro … la naissance du glauque’n’roll, cherchez pas ailleurs, c’est le 1er Velvet … Petite parenthèse, la vraie vie de Lou Reed n’était pas aussi caricaturale que ce que le prétend l’histoire « officielle », il a été plus longtemps hétéro qu’homo, et ses rapports avec les drogues très dures terminés depuis le début des années 60 (les shoots avec des seringues usagées, l’hépatite C contractée alors, même si Lou Reed a été bien destroy quelques temps, en gros jusqu’à la fin des 70’s, il a également pris quelques sages précautions pour rester en vie, et la légende du junkie agonisant et se fixant sur scène n’est justement que légende et mise en scène …). 
 
Le Velvet, au départ et à la base, c’est pas un groupe de rock comme on l’entendait à l’époque et l’entend aujourd’hui. C’est juste la partie sonore du concept artistique qui se voulait total et global monté par Andy Warhol à New York, The Factory. C’est là, dans cet immense loft que celui qui était en train de devenir le pape du pop art, avait réuni une faune hétéroclite, voire interlope, censée travailler à l’élaboration de nouvelles formes d’expression artistique. De fait, c’était à peu près une party ininterrompue, avec comme figures de proue Paul Morrissey (photographe, futur cinéaste), Joe Dallessandro et Edie Sedgwick (acteurs), Ultra Violet (peintre et plasticienne), Gerard Malanga et Mary Woronow (danseurs), plus quelques figures locales « pittoresques » comme Candy Darling … Le Velvet Underground était avant tout un assemblage hétéroclite ( Reed, Cale, Morrison, Tucker) et cosmopolite (trois Américains et un Gallois, John Cale). Il deviendra encore plus hétéroclite et cosmopolite quand Warhol lui adjoindra (ou plutôt lui imposera) une mannequin et actrice allemande, répondant au surnom de Nico, et remarquée par son Pygmalion pour son apparition (le plus souvent en armure !) dans « La dolce vita » de Fellini. Warhol entend faire de cette sculpturale blonde troublante son égérie et la chanteuse de cette bande de va-nu-pieds qu’est le Velvet Underground. Un spectacle est monté, l’Exploding Plactic Inevitable, le Velvet accompagne Nico, Lou Reed chante quelques titres, Woronow et Malanga dansent (lui met en scène une choquante chorégraphie à base de tenues de cuir et de fouet), Morrissey balance sur un écran des photos et animations psyché-barrées … Les « concerts » sont donnés dans des galeries d’art ou de petites salles à travers les Etats-Unis, divisent la presse très spécialisée, mais n’ont aucun impact réellement populaire.

Le Velvet et Nico se doivent de laisser une trace. Avant de disparaître, car l’atmosphère est détestable entre Nico, prétendue star parachutée peu diplomatiquement par Warhol dans le groupe et Lou Reed, a priori à cette époque-là le seul capable d’écrire quelque chose qui ressemble plus ou moins à des chansons. Lou Reed, qui commence là sa carrière de joyeux luron et philanthrope rebaptisera d’ailleurs Nico « l’emmerdeuse ». Ce disque sobrement baptisé « The Velvet Underground & Nico », sort dans les bacs début 67, juste avant le fameux Eté de l’Amour. Autant dire que question timing, il est pas vraiment dans l’air du temps. Warhol a conçu une pochette toute blanche, avec une banane au milieu, même pas le nom du groupe mais le sien. Cette banane peut se peler (« Peel slowly and see »), dévoilant une partie comestible … rose. Une symbolique phallique que même les fans de la Comtesse de Ségur pouvaient percevoir. Sur les premiers exemplaires, légende ou anecdote, une fois cette chair rose dévoilée, il fallait passer à l’acte, la gomme adhésive étant parfumée au LSD …
En comptant large, ce disque se vendra à mille exemplaires. Et peu après sa parution, Nico quittera le Velvet. Scénario classique, la galère habituelle du groupe de rock anonyme … L’histoire aurait pu, aurait dû s’arrêter là. En dépit de mésententes de plus en plus grandes chez les « rescapés » (à chaque disque suivant, le Velvet perdra encore un membre essentiel, Cale, puis Lou Reed), trois autres disques officiels estampillés Velvet Underground paraîtront entre 67 et 70, avant la débandade définitive. Deux Anglais, d’abord Brian Eno de Roxy Music et David Bowie de la Ziggy Stardust Incorporated ne vont pas tarir de louanges sur le Velvet. Le premier aura une phrase restée célèbre (« Velvet & Nico s’est vendu à 1000 exemplaires, mais tous ceux qui en ont acheté un ont monté immédiatement leur propre groupe »), l’autre reprendra très fréquemment sur scène le « White light / White heat » de leur second album, avant de décider de faire de Lou Reed une superstar glam …
Edie Sedgwick, Gerard Malanga & The Velvet Underground live
La légende du Velvet, sa réhabilitation et sa sacralisation sont dès lors en route. Même si … le Velvet c’est trop dérangeant, pas assez « confortable ». Il suffisait d’entendre dans les JT officiels et sérieux il y a quelques jours lorsque le vieux Lou  (maintenant archi-reconnu, célébré et décoré) a cassé sa pipe le fonds sonore : toujours « Walk on the wild side », certes pourtant pas bluette inoffesive au niveau du texte, et jamais « Heroin » ou « Venus in furs ».
Car au final, qu’est-ce qu’on y trouve, sur ce « Velvet & Nico » ? La Révolution, tout simplement, la première vraie mutation monstrueuse du rock, qui qu’on le veuille ou pas était jusque là affaire de bisounours, tant ceux qui en faisaient que ceux qui l’écoutaient. Les choses étaient simples : le rock, ça venait de chez les ploucs le bluegrass, la country, le hillbilly (rien que les noms déjà …), le blues (en plus d’être des paysans, ils étaient noirs …), le folk, le rock’n’roll, rien que des campagnards tout çà … La ville, c’était le domaine de la pop, moins sauvage, plus conviviale ? Les Beatles à Liverpool, la Tamla à Detroit, le Brill Building à New York, Spector et Beach Boys à L.A, c’était parfaitement « cadré »… Les hippies qui commençaient à se multiplier, c’était pire, ils partaient de San Francisco pour aller se perdre à Woodstock, Monterey, ou dans le Larzac … en fait ils retournaient chez les ploucs …
Avec le Velvet, le rock, tendance ‘n’roll devient un élément culturel du décor urbain. La rupture est encore plus consommée dès lors qu’il s’agit des textes. Absolument tous (Dylan et quelques autres folkeux de moindre acabit étant l’exception qui confirme la règle) ne parlaient que de meufs (avec plus ou moins d’élégance), de saine amitié virile, de bagnoles et de motos … Lou Reed causait de putes, de travestis, d’homos, de drogués (tous les autres se défonçaient, mais étaient au mieux vaguement allusifs), de dealers, de sado-masochisme, de petits matins blêmes … ça jouait pas dans la même cour de récréation que « Yellow submarine », c’est clair…
Quatre titres sont chantés (ouais, si on veut) par Nico. La ballade mortifère des lendemains qui déchantent (« Sunday morning »), pop perverse, voix grave hautaine qui comme si ça ne suffisait pas est gavée d’écho. La voix de Nico dégage une impression de dominance, un aspect hiératique, solennel, totalement flippant. Même dans le registre girl-group dévoyé (« Femme fatale »), ou la comptine dépravée (« I’ll be your mirror », tout le 3ème disque du Velvet est en gestation dans ce titre). La solennité inaccessible et funèbre de la dame trouvant son apogée dans « All tomorrow’s parties ».
Warhol & Nico
Lou Reed trouve son meilleur rendement dans les lents boogie monolithiques de la première face vinyle (« I’m waiting for my man », le « man » étant le dealer), ou « Run run run », ce dernier se colorant de relents psyché, une des rares concessions à l’air du temps. « Venus in furs » est le titre le plus dérangeant de cette face, par son thème-hommage à Sacher-Masoch, mais aussi parce qu’il fait se confronter dans les discordances et les dissonances l’alto de Cale et la guitare de Reed, sur fond des percussions tribales de Mo Tucker. On entend, on ressent la douleur, la souffrance et la mort que véhiculent ce titre.
Car « Velvet & Nico » c’est aussi un disque organique, qui parle aux sens, tout le contraire d’un boucan arty obtus. On s’en rend compte à l’entame de la seconde face vinyle quand on doit affronter « Heroin », le titre qui a le plus fait pour la réputation malsaine  de Lou Reed. « Heroin » est une description par la parole et la musique d’un fix, cette relation-dépendance entre amour et haine que le junkie porte à sa came. Description portée par un tempo qui s’accélère (le sang qui cogne dans les tempes) et striée par le violon de Cale (la raison qui zigzague). A ma connaissance, personne n’avait encore abordé la drogue et sa dépendance de façon aussi frontale, aussi crue, dans une chanson. Le contraste est saisissant avec la suivante, la plus « légère » du disque, l’enjouée (par le tempo) « There she goes again ». Après le court intermède chanté par Nico (« I’ll be your mirror »), on pourrait penser à un final moins éprouvant. C’est justement là que le Velvet choisit de pousser le bouchon le plus loin. Peut-être lassé de l’hégémonie d’écriture de Reed, Cale fomente un coup d’état et s’arroge la co-écriture pour « The black angel’s death song ». C’est le violon  strident du Gallois qui mène cette danse forcément macabre, et ces trois minutes d’agression préfigurent les 17 de « Sister Ray » sur le disque suivant, « White light / White heat ». Le final du disque « European son » est une longue litanie stridente, résultant de jams bruyantes du temps de la tournée Exploding Plactic Inevitable, signée collectivement. Elle présente dans l’esprit beaucoup de similitudes avec « The end » des Doors sortie quelques semaines plus tôt. Les paroles sont un hommage à Delmore Schwarz, père spirituel de Lou Reed, écrivain « maudit » américain récemment mort dans l’oubli.
« The Velvet Underground & Nico » mettra à peu près cinq ans avant de commencer à être reconnu et cité comme un disque majeur. Son aura n’a depuis fait que croître, des pans entiers du rock (le krautrock, le punk new-yorkais, Sonic Youth et tous ses descendants, tous les frangins Bruitos de la planète, série en cours, …) le citent comme influence majeure. Les autres disques du Velvet en découlent d’évidence. Même si dès le suivant Nico ne sera plus là … On l’a oublié, mais le Velvet n’était à l’origine censé être que son backing-band …
Parmi la multitude de rééditions en version plus ou moins DeLuxe ou Expended parues, celle de 2010 fait la part belle à l’Allemande. Outre les versions mono et stéréo du disque, on y trouve en version single (inutile de dire qu’ils n’ont pas visité le haut des charts) les quatre morceaux qu’elle chante et une bonne part de son premier disque solo « Chelsea girl », écrit par Lou Reed et produit par John Cale, ce qui permet de signaler que malgré le peu de succès rencontré par ses disques en solo, c’est vraiment elle la première « héritière » du Velvet, celle qui est restée toute sa carrière dans « l’esprit » du groupe, responsable d’une discographie assez abrupte, où l’on retrouve toujours cette atmosphère hiératique et glaciale des « All tomorrow’s parties » et autres « Femme fatale ».

« Velvet Underground & Nico » est pour moi un des deux ou trois meilleurs disques du siècle passé, de l’actuel, et de ceux à venir. Depuis sa parution, pillé, imité, plagié … mais jamais égalé …


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P.S. Sur la vidéo de "Wating for my man", l'enfant assis à côté de Nico est Ari, le fils qu'elle a eu avec Alain Delon

JANIS JOPLIN - PEARL (1971)

La dernière séance ...
3 Octobre 1970. Janis  vient de terminer l’enregistrement les parties vocales de « Me and Bobby McGee », puis elle écoute la partie instrumentale d’un autre titre « Buried alive in the blues » que son groupe vient aussi de terminer. Elle trouve ce morceau génial, promet de se surpasser le lendemain pour le chanter, quitte le studio, monte dans sa Porsche fushia peinturlurée. On la retrouvera le lendemain morte (overdose) dans son appartement. Deux semaines pile après Jimi Hendrix, y’a des débuts d’automne meurtriers … Paraît-il qu’alors qu’elle commençait à se ranger des vélos, elle s’était entichée depuis quelques temps, en éternelle croqueuse de mecs au cœur d’artichaut, d’un play-boy dealer qui lui aurait refilé la dose mortelle d’héro …
Ce disque sur lequel Janis Joplin travaillait sortira quelques mois plus tard. Il s’appellera « Pearl », le surnom de Janis. Et sera son plus grand succès. Bon, les morts vendent bien, on le sait, c’est un marché très porteur, le disque posthume. Et qui souvent n’arrive pas à la cheville des autres, ceux réalisés du vivant de l’artiste (voir le cas d’école Hendrix). Sauf que pour Joplin, « Pearl » est son meilleur disque. D’assez loin. Pour au moins deux raisons.

Janis n’a jamais aussi bien chanté, ses concerts de l’été 70 sont des triomphes. Elle se défonce (un peu) moins, son entourage artistique essaye de veiller sur elle, et du coup elle a retrouvé cette voix de feu et de sang qui a fait d’elle la reine de Frisco puis du peuple hippy.
Et puis, pour la première fois de sa carrière, Janis Joplin a un backing band qui assure, qui surclasse totalement les bourrins limités (pléonasme) de Big Brother, ou le dilettantisme défoncé du Kozmic Blues Band.
Le groupe qui accompagne maintenant Janis répond au nom de code Full Tilt Boogie Band. Une bande d’anonymes, mais qui sous la conduite de Paul Rotchild (le producteur des Doors), joue précis, lourd et swinguant à la fois. Une formation resserrée (guitare, basse, batterie, claviers). Finies les stupides guitares fuzzy monolithiques de Big Brother, finis les maudits cuivres du Kozmic Blues Band, encore plus insupportables en live qu’en studio. Pour « Pearl », le jeu et l’enregistrement sont basiques, roots, près de l’os. Dès l’inaugural « Move over » la différence saute à la figure, ce rythmn’n’blues au tempo de plomb paraît tout aérien, et puis quand arrive le chant, affaire classée, chef-d’œuvre d’entrée …
Parce que Janis, quelle voix … Joplin, c’est pas la voix la plus technique du monde, genre diva blette à la Dion ou Streisand, ou Castafiore qui promène ses octaves à l’opéra. Janis, elle chante pas, elle parle avec ses tripes, il se dégage de sa voix un charisme et en même temps une animalité que personne avant ou après n’a jamais approché (qui a dit Beth Hart, si encore t’avais dit Nicole Croisille, t’aurais eu l’air moins con …). Janis, plutôt moche (pour être gentil), fringuée avec un mauvais goût bien texan, mettait tout le monde, et surtout les mecs à ses pieds dès qu’elle l’ouvrait, elle avait pas besoin d’être court-vêtue et de simuler des fellations de micro (Tina, si tu me lis …). Suffisait juste qu’elle se mette à chanter, même si ce verbe est bien trop limitatif en ce qui la concerne …
Janis Joplin & Full Tilt Boogie Band
« Pearl » est un déluge vocal, mais pas une démonstration (bon, si, hormis la courte récréation a capella de « Mercedes Benz », titre amusant mais très anecdotique qui allez savoir pourquoi, deviendra emblématique de Joplin). Janis met son incroyable puissance de feu au service de tempos lents ou médium, des bases de soul ou de rythm’n’blues (la musique noire, la seule qui vaille quand on a une voix d’exception), qu’elle incendie de crescendos d’anthologie. Faut être clair, y’a rien à jeter de cette demi-heure. Mais en plus, il y a des sommets. « My baby » est juste énorme, faut avoir entendu ça une fois dans sa vie pour pas crever idiot. « A woman left lonely » on sent que cette chanson est tellement la sienne, tous ces types qui l’ont draguée juste pour la tirer un soir et pouvoir fanfaronner devant leurs potes le lendemain, que le terme de soul n’a jamais mieux portée son nom.
Presque tout dans « Pearl » est prévisible, mais personne n’attendait sur disque Janis à ce niveau et surtout accompagnée de la sorte. Cette bande d’inconnus joue avec une cohésion, une efficacité qui laisse pantois, ils semblent en osmose avec leur chanteuse (et pourtant ils n’enregistrent pas ensemble). Ecouter « Buried alive … », appréciez la machine de guerre, et imaginez ce que Janis en aurait fait. En fait le seul écart à la musique noire, c’est une chanson écrite par un de ses ex, l’auteur country Kris Kristofferson, « Me and Bobby McGee ». Jamais on n’aurait imaginé que la plouc music puisse atteindre une telle intensité émotionnelle.

Janis Joplin était totalement unique dans son rapport avec le chant et la musique. D’innombrables shouteuses, blanches ou noires, plus ou moins douées, essaieront de marcher sur ses traces. Seule à mon sens Amy Winehouse  réussira, allant même, entre autres similitudes, jusqu’à mourir à 27 ans …

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PINK FLOYD - THE PIPER AT THE GATES OF DAWN (1967)

Psychédélisme Version 1.0
Il y a quatre groupes différents qui s’appellent Pink Floyd. Le premier, celui de Syd Barrett, dont au sujet duquel il va être question quelque part plus bas. Le second, celui avec Gilmour à la pace de Barrett, adoré par tous les progueux. Le troisième, celui sous la coupe de Waters, adoré par les progueux et les hi-fi maniacs, « Dark side of the Moon » assurant la transition. Quatrième et on l’espère dernière formule du groupe, la configuration dite «  de tribunal » sans Waters. Cette dernière sans le moindre intérêt, à boire et à manger dans les deux précédentes. Et la meilleure pour commencer.
Syd Barrett
Pas la plus populaire, la courte période Barrett, en terme de ventes. Mais la plus folle, la plus innovante, la plus mythique aussi. Tout ça à cause de Barrett, évidemment. Le lutin psychédélique trop vite cramé par le LSD, la tête pensante, chercheuse (et trouveuse) de sa bande potes d’étudiants en beaux-arts. D’entrée, le groupe est différent de ceux de l’époque, en majorité composés de prolos londoniens. Le Floyd vient de la province chic (Cambridge), ses membres de la petite bourgeoisie.
Pink Floyd délaissera vite l’influence majeure de l’époque, le British blues boom, qui lui a valu son nom de baptême, hommage à deux bluesmen déjà (et encore plus aujourd’hui) oubliés, Pink Anderson et Floyd Council. Le Floyd est le groupe de Barrett, qui très vite va s’intéresser de près à une musique et un way of life venus de San Francisco, et que l’histoire rangera sous l’étiquette de psychédélisme. En gros, une libération de toutes les barrières mentales et sociales, et une drogue de synthèse (alors en vente libre), le LSD, comme vecteur. Le monde hippy est en route …
Et la plupart des disques qui ont compté dans ces deux années 66 et 67, fortement influencés par cette culture, sont tout peinturlurés de ce fameux psychédélisme. Et « The piper … » du Floyd est pour moi le meilleur de tous. C’était pas gagné d’avance, les Californiens semblaient avoir une longueur d’avance, et chez les Rosbifs, tout le monde s’y mettait (même Clapton, le jésuite du blues roots), y compris les très grosses têtes d’affiche Stones et Beatles. Le tri dans toute cette production psychédélique est assez facile. Les pionniers du Grateful Dead ne valaient que live, leurs disques de l’époque sont des pensums avachis, les Doors étaient trop blues, l’Airplane trop pop et trop tiraillé entre trop de leaders, Joplin braillait avec des baltringues comme backing band, semblant se contenter de son titre de Reine des Hippies, … Stones et surtout Beatles n’ont fait qu’essayer le LSD et sont restés discographiquement bien raisonnables, les 13th Floor Elevators sont arrivés trop tôt, Sly Stone, trop occupé à se poudrer le nez, trop tard. Il n’en restait plus que quatre susceptibles de sortir le disque-référence. Quatre groupes emmenés par des leaders à l’évidence totalement ailleurs, qui avaient un peu trop forcé (dans une époque pourtant peu avare en camés notoires) sur les buvards et les space cakes. Brian Wilson et ses Beach Boys, Arthur Lee et son Love, Hendrix et son Experience et l’outsider Barrett avec son Floyd. Outsider parce que vomi du néant, placé sur le devant de la scène londonienne où le groupe s’était expatrié, donnant des concerts-performances sur fond de projections mouvantes lumineuses, sortant 45T  et 33T en rafales. En trois mois, les deux singles, l’objet sonore non identifié « Arnold Layne » et la comptine spatiale « Emily play », et leur premier Lp, ce « Piper … ». A côté duquel « Pet sounds », « Forever changes » ou  « Are you experienced ? » étaient des oeuvres de gens « établis », déjà célèbres (les Boys) ou influents (Lee, Hendrix) depuis longtemps (longtemps étant synonyme de quelques mois, il y a des époques où tout va beaucoup plus vite).
Mason, Barrett, Waters, Wright, Pink Floyd 1967
« The piper … » est pour moi le disque le plus novateur de son temps. Parce qu’il n’extrapole pas à partir de choses déjà connues, plus ou moins entendues, il crée de toutes pièces ses propres territoires sonores. Avant l’été 67, on n’a jamais rien entendu de semblable à « Astronomy domine » ou « Interstellar overdrive ». Des wagons de disques publiés par des multitudes de groupes dérivent de ces deux titres. Tout le space rock, le krautrock, et le funeste prog sont en germe dans ces deux titres. Et en ces années où le mixage stéréo prend le pas sur l’antique mais efficace mono, tous ces effets spatiaux, ces sons qui passent de droite à gauche, s’assourdissent ou deviennent hurlants, ces claviers tournoyants, serviront de référence à des myriades de producteurs et de maniaques sonores (si le premier Floyd n’est pas la matrice de choses qui en paraissent  a priori très éloignées comme le shoegazing en général et My Bloody Valentine en particulier, je veux bien passer le reste de mes jours à écouter en boucle les Boards of Canada). Le son des premiers Floyd est attribué à l’oublié Norman Smith. Soit. Mais les anecdotes d’un Syd Barrett, totalement sous substances, montant et descendant à vitesse supersonique tous les boutons de la console apparemment au hasard, sont légion, et il ne fait guère de doute que c’est lui, intuitivement, qui est responsable de ce bouillonnement sonore alors inédit, Smith n’ayant fait que nettoyer ou rationaliser le résultat de ce joyeux foutoir bruyant.
Pink Floyd live 1967
Barrett et les autres (ne pas oublier les autres, le drumming de Mason est totalement atypique, en perpétuelle déconstruction, la basse de Waters est très en avant, ronde et menaçante à la fois, et Wright au toucher venu du classique évite dans l’immense majorité des cas les archi-entendus Hammond et Farfisa) ne s’arrêtent pas au rock planant. Il est curieux de constater que tous les garage bands les plus radicaux mettront souvent dans leur répertoire le démoniaque « Lucifer Sam » et son riff de guitare d’anthologie. Barrett assure le chant et la guitare, a composé seul la quasi-totalité de l’album, Waters ne signant que « Take up thy stethoscope … », paradoxalement le titre le plus à l’Ouest, le plus barré du disque, et le groupe au complet n’est crédité que sur « Interstellar … » issu de jams sur scène. Barrett réussit à lier on ne sait trop comment des choses aussi éloignées et disparates que du rock down tempo comme « Matilda mother » avec des comptines (« The gnome »), faire cohabiter des sons qui fleurent bon l’encens et le séjour à l’ashram (« Matilda … » encore) avec des fanfares très Sergent Poivre (« Bike »). Ce dernier aspect sonore trouvant peut-être son explication dans le fait que Floyd et Beatles enregistraient en même temps aux studios Abbey Road. Et des gimmicks, notamment les bruits enregistrés et réinjectés sur les bandes qui seront une des marques de fabrique des disques du Floyd suivants, sont déjà présents (les horloges sur « Flaming », les mécaniques rouillées et les sonnettes de vélo sur « Bike »).
Le succès de « The piper … » sera tout relatif auprès du public, Pink Floyd a eu d’emblée l’étiquette de groupe branché, arty, élitiste. Et même en 67, année faste pour cerveaux en capilotade, Barrett et son oeuvre restaient assez insaisissables. La lente macération de ce disque dans les esprits et une large reconnaissance ne viendront que plus tard.
Le coup de génie de Barrett restera sans suite. Tout le problème des drogues, tu peux pas savoir l’effet qu’elles te feront avant d’en prendre. Barrett n’était pas Lemmy ou Keith Richards, il finira totalement électrocuté au LSD, et c’est un copain à lui, le guitariste Gilmour qui le remplacera au sein du Floyd … On connaît la suite.

« Piper … » est le disque d’un homme et d’une époque. Curieusement, il a beaucoup mieux vieilli que d’autres jalons sonores de cette époque. La dernière version mise sur le marché en 2011 à l’occasion de la énième remastérisation de la disco du Floyd propose en trois Cds la version stéréo, la version mono, les singles « Arnold … » et « Emily … », ainsi que quelques versions alternatives. Sur l’ensemble, la version stéréo (celle qui était sortie à l’origine) est à privilégier, même si logiquement les titres les plus rock comme « Lucifer Sam » sont plus directs en mono …

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MINK DEVILLE - RETURN TO MAGENTA (1978)

De la suite dans les idées ...
« Return to Magenta » est le second disque de Mink DeVille. Et un challenge. Succéder au parfait « Cabretta », qui avait reçu des louanges quasi unanimes, sans cependant se vendre par camions (ce qui sera un handicap récurent et finalement fatal pour le groupe, lâché au bout de trois disques par son label Capitol).
Aujourd’hui, « Return to Magenta » est un des disques oubliés de Mink DeVille. Un peu coincé entre « Cabretta » et « Le Chat Bleu », les disques majeurs du groupe dans les 70’s. Mais un disque qu’il faudrait peut-être songer à réévaluer.
Même si … comment dire. « Return to Magenta » est écrasé par son début. L’enchaînement des trois, voire des quatre premiers titres est fantastique. Et tout le restant en souffre, le cœur du disque est en comparaison bien en dedans, et malgré un final intéressant, il en reste une impression de montagnes russes qualitatives.
Mink DeVille le groupe fin 70's
Alors, par ordre d’apparition dans les oreilles, « Guardian angel », entre soul, doo-wop et rhythm’n’blues, porté par la superbe voix (et pour l’occasion dans le registre où elle est la meilleure) de Willy DeVille, c’est juste parfait. Le groupe, honteusement sous-estimé parce qu’on l’a trop souvent confondu et assimilé à son emblématique leader fait également un sans-faute. Bon, faut dire qu’il y a Jack Nitzsche aux manettes, et quand comme lui on a commencé à pousser des boutons sous les ordres de Phil Spector, si on est pas trop con, on arrive à mettre des instruments en place. Il y a quelque chose de spectorien dans ce disque. Rien qui ressemble au Wall of Sound, mais un choix de mettre tout le son au centre, qui allait à contre-courant de toutes les modes de l’époque, ces effets et ces arrangements passant d’un canal à l’autre. « Return to Magenta » est un disque stéréo qui sonne comme un disque mono, le seul format sonore valable selon Spector, et nul doute que Nitzche a retenu cette leçon-là aussi …
« Soul twist », ce serait plutôt du rhythm’n’blues avec ses riffs de cuivres millimétrés, là aussi c’est à tous les niveaux du travail d’orfèvre. « A Train Lady », c’est la ballade soul millésimée, le genre de titres que Willy DeVille aimera mettre en scène en live, tout en poses christiques d’amoureux transi, et ça complète sans la moindre fausse note le tiercé introductif de ce disque.
Ensuite, une reprise de Moon Martin, autre très grand mésestimé de l’époque, et dont Willy DeVille a le premier su reconnaître le talent (il avait déjà repris un des ses titres, le fantastique « Cadillac walk » sur « Cabretta »). Ici, il relit le pétaradant « Rolene » et le groupe sert un boogie’n’roll brûlant.
Willy DeVille
Et puis, … la boulette, le truc qu’il fallait pas faire, le titre reggae (« Desperate days »), on dirait du Jimmy Cliff période hyper-commerciale, et ça va à peu près aussi bien à Mink-Willy DeVille, que la présentation d’une émission littéraire à Franck Ribéry … On sait (enfin ceux que ça intéresse, pas des foules considérables quand même) Willy fortement attiré par les rythmes caraïbes, mais là, c’est juste que c’est totalement raté, daté et ringard … Et on a encore ce funeste titre dans les oreilles quand arrive la roucoulade, jolie mais tellement prévisible, jusque dans ses notes d’harmonica de « Just for friends », et l’impression que le niveau est en train de descendre de quelques crans s’installe. C’est malheureusement confirmé par la suite, le Diddley beat bluesy un peu pataud de « Steady drivin’ man », et le dernier titre, un court rock’n’roll punky (« Confidence to kill ») est à mon sens un autre hors-sujet, Willy DeVille, qui était un habitué du CGGB à ses débuts n’a plus besoin de prouver quoi que soit, il fait là un espèce de punk-rock avec lequel sa musique n’a rien à voir.
Heureusement, le remuant « Easy slider » et la ballade hispanisante « I broke that promise », toutes les deux réussies, avaient presque sauvé auparavant cette seconde partie du disque.
Evidemment, on peut être déçu de quelques morceaux à la ramasse ou un peu faibles, mais l’histoire montrera qu’il en est ainsi de tous les disques majeurs de Willy-Mink. Il ne fera (hormis pour moi « Coup de grâce », mais les « vrais » fans du bonhomme n’aiment pas ce disque « commercial ») aucun disque parfait, mais toujours, même quand il semblait au fond du trou, il trouvera le moyen sur chacune de ses rondelles d’aller tutoyer les anges.

Ici, il y arrive la moitié du temps. Un disque à réévaluer, je vous dis, et pas un follow-up inconsistant de « Cabretta », comme on le présente trop souvent …

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Le Chat Bleu


BOB DYLAN - SUBTERRANEAN HOMESICK BLUES (1965)

Deux Dylan pour le prix d'un ...
« Subterranean … », il s’appelait à sa sortie « Bringing it all back home ». Pour une raison qui m’échappe et dont je me fous, les deux titres sont indifféremment employés. Le contenu est dans les deux cas rigoureusement identique, les onze même morceaux.
« Subterranean … », c’est un des disques les plus importants, les plus cruciaux des années 60. Aussi un des plus importants et cruciaux de Dylan. « Subterranean … » marque un changement radical dans la façon d’utiliser le support du 33 T. Jusque-là, ces grosses rondelles de vinyle ne servaient qu’à refourguer des titres vite bâclés, organisés autour d’autres déjà parus sous forme de 45T ou de Ep 4 titres. Le succès du 33 T dépendant très fortement de celui acquis précédemment par les morceaux déjà parus. Le 33 T n’était pas envisagé comme une œuvre en soi, mais comme une juxtaposition de titres.

Musicalement, « Subterranean … » est conceptuel. Une face électrique et une face acoustique. Les titres électriques sont déterminants dans la carrière de Dylan. Mais également pour beaucoup d’autres. On entend dans « Subterranean … » un type qui est considéré comme un maître d’un genre (le folk « à textes » avec juste guitare en bois et harmonica), utiliser de la musique venue d’ailleurs (du rock au sens large). Personne, parmi les stars déjà établies (Beatles et Stones au hasard) ne s’était hasardé à çà. Quand on tient le succès avec une formule, on la perpétue, on n’expérimente pas. Dylan s’en foutait un peu de tout ça, malgré sa réputation en béton, il ne vendait guère, ses titres obtenant beaucoup plus de succès quand ils étaient chantés par d’autres. Dernier exemple en date, des fans californiens du Zim, réunis sous le patronyme de Byrds, venaient de claquer un numéro un national avec la reprise d’un titre de lui pas encore paru sous son nom, « Mr Tambourine Man ». Juste en insistant sur le côté mélodique et en incluant des instruments électriques. L’histoire (ou la légende) prétend que c’est l’écoute de la version des Byrds qui aurait poussé Dylan à virer électrique.
1ère de photo de Dylan avec une guitare électrique : 17 Juillet 1965 Newport ?
Des requins plus ou moins anonymes sont embauchés, on se met tous dans le studio, on joue ensemble, « 1,2,3,4 » et c’est parti. On sent que « Subterranean … » est enregistré dans l’urgence, que tout n’est pas maîtrisé. Sur « Bob Dylan’s 115th dream », un énorme fou rire saisit Dylan après un false start comme on dit dans les notes de pochette, ça a été conservé. Dylan ne maîtrise guère le fait de jouer avec un « groupe de rock », il doit lui sembler que tant de vacarme va le faire passer au second plan, alors il hurle littéralement ses textes. Sur le plan strictement musical, il n’y a rien de révolutionnaire en soi, ça mouline gentiment, d’une façon quasi austère (les deux boogies du disque, « Outlaw blues » et « On the road again » - rien à voir avec le titre homonyme de Canned Heat quoi que … - feraient justement passer l’intégrale de Canned Heat pour un manifeste de rock progressif). Cependant, le disque sera assez mal perçu, Dylan sera accusé d’avoir « trahi » la cause du folk pur et dur dont il était le héraut. Dans le meilleur des cas, cette première face de disque électrique sera considérée comme une parenthèse mal venue (les quatre titres acoustiques auraient pu se retrouver tel quels sur n’importe lequel de ses 33T précédents). La suite de l’aventure sera sans équivoque. Dylan va embaucher un jeune guitariste de rock virtuose, Mike Bloomfield, enregistrer un disque quelques semaines plus tard, uniquement électrique, « Highway 61 revisited », et se lancer dans une tournée tous potards sur onze avec une bande de graisseux venus du rock’n’roll tendance garage, les Hawks, anciens accompagnateurs de Dale Hawkins (l’auteur de « Suzie Q »), qui deviendront The Band. Dylan monte dans le train de l’histoire en marche et accélère la locomotive …
Si « Subterranean … » ne peut être considéré comme le meilleur disque de Dylan, surtout à cause d’un backing band sous-mixé et qui sonne baloche, c’est malgré tout pour moi son plus important, celui qui fait exploser toutes les lignes et les chapelles musicales de l’époque. Si l’on enlève les deux boogies déjà cités, restent neuf morceaux qui sont absolument tous des classiques de Dylan (le morceau-titre, « She belongs to me, « Maggie’s farm », « Love minus zero », « Bob Dylan’s 115th dream » pour la face électrique, plus les quatre acoustiques « Mr Tambourine Man », « Gates of Eden », « It’s alright, Ma », « It’s all over now, Baby Blue »). Autant dire qu’avec les musiciens de « Highway … » ou « Blonde … », il n’aurait rien à envier à ces deux-là …
« Subterranean homesick blues » est le premier classique tout-terrain de Bob Dylan, et malgré la bonne trentaine d’albums qui a suivi, reste pour moi dans le quintet majeur de sa carrière …

A noter pour les amateurs de symboles et fétichistes divers que la pochette est un vaste puzzle regorgeant de détails (la femme en rouge, les mags, les pochettes de disques, …) sur lesquels les fans du Zim se sont abîmé les yeux et creusé les méninges …

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TOM PETTY AND THE HEARTBREAKERS - DAMN THE TORPEDOES (1979)

American Boy ...
Tom Petty et ses Heartbreakers, c’est une des figures principales du bon vieux classic rock ricain, tous ces types qui ont commencé à avoir de gros succès vers la fin des 70’s … surtout chez les Ricains. Ailleurs, le culturiste du New Jersey Springsteen écrase tout. Aux States aussi, mais un peu moins. Il est talonné de près par Petty, Seger, Mellencamp, même s’il reste la figure de proue du genre. Mais les trois autres, quand il avait des coups de moins bien, étaient là pour assurer la relève, Seger vers le milieu des seventies, Mellencamp dans la seconde moitié des eighties, Petty au tournant des années 90. Depuis, tous ces dinosaures « vivotent » sur leurs acquis, se « contentant » à chaque tournée de remplir les arenas de leur pays.
Tom Petty & The Heartbreakers
Petty s’était fait remarquer en 1976, grâce notamment à un titre, « American girl » de son premier album éponyme qui avait cartonné sur l’omnipotente bande FM. Un second disque (« You’re gonna get it ») raté, et très vite le tir est corrigé avec ce « Damn the Torpedoes ». La progression est énorme. Petty et ses Briseurs de Cœurs laissent tomber le « gros son » qui caractérisait le précédent. Le son des Heartbreakers de « Damn … »  est ramassé, homogène, nerveux. Personne ne tire la couverture à soi, n’est surmixé. Hormis un peu la voix de Petty, ce qui n’est pas la meilleure idée du monde, mais c’est à peu près la seule menue réserve que l’on puisse émettre. Allez, si, une autre, qu’on évacue les mauvais points d’entrée, y’a bien le morceau « You tell me » qui semble assurer la transition avec le disque précédent, et qui me paraît le plus faible du skeud, malgré la pige en guest de Donald « Duck » Dunn, le bassiste de Booker T. & the MG’s.
Dunn est d’ailleurs le seul intervenant « extérieur », même si certaines sources font état du batteur de studio Jim Keltner sur un titre. Tout le reste, c’est écrit et joué par Petty et les Heartbreakers. Pour l’écriture, Petty se taille la part du lion, signant seul sept titres et co-signant avec Mike Campbell les deux autres (« Refugee » et « Here comes my girl »). Et même si avec le temps tous ceux qui ont composé les Heartbreakers (pas si nombreux que çà en fait, le groupe qui va entamer sa cinquième décennie d’existence est plutôt du genre stable) sont devenus des musiciens très côtés et très recherchés, pour moi c’est Mike Campbell qui se détache du lot. Ce type, qu’il ne viendrait à l’idée de personne de citer parmi les « grands » guitaristes, est un vrai cador de l’instrument, capable de trouver une idée, un gimmick, un chorus ou un petit solo malins sur chaque titre. Ecoutez-le par exemple sur « Mojo », une des dernières productions du groupe, c’est maintenant lui qui tient la baraque Heartbreakers au bout de ses doigts agiles. Et sur ce « Damn the Torpedoes », il est déjà là et bien là.
Les Heartbreakers, groupe marxiste tendance Groucho ?
Parce que « Damn … » est disque à guitares, un disque de rock, quoi. Pas un hasard si sur la pochette, Petty tient une Rickenbacker. La Ricken, c’est la guitare des élégants, ceux qui préfèrent le son nerveux au gros son. Elle va bien aux Heartbreakers, et aussi à Petty, le dandy du classic rock, qui passe plus de temps devant le miroir à choisir ses fringues qu’à faire des séances de muscu. Niveau look, depuis toujours, il enterre la concurrence. L’alter ego d’un Willy DeVille …
« Damn the Torpedoes » va se hisser vers les cimes des charts, boosté par deux singles. « Refugee » qui ouvre le disque, c’est peut-être le titre le plus emblématique de Petty, qui le résume le mieux. Dans le contexte de la parution (1979), il assure la transition entre le classic rock « pour hommes » (Springsteen, et surtout Seger) des 70’s, et celui beaucoup plus radiophonique des années 80. Il y a tout dans « Refugee », la mélodie, le refrain-hymne, le riff qui colle à l’oreille, l’énergie débridée mais canalisée, … Les radios américaines (parce que les nôtres, à cette époque-là, je vous dis pas, elles étaient même pas FM) réserveront un accueil encore meilleur à « Don’t do me like that », qui ouvrait de façon maline la seconde face du vinyle original, et représentait un versant tendant vers le rhythm’n’blues des Heartbreakers, qui n’aura guère de suites dans leur carrière.
Mais l’essentiel du disque est du même niveau. « Here comes my girl » avec ses couplets parlés rageurs et son refrain explosif pur sucre, est un petit bijou. « Even the losers » est très pop, calibré idéalement pour la bande FM. La troupe sait aussi envoyer le bois, faire hurler les guitares sur le rock de « Shadow of a doubt », et réactualiser le good old rock’n’roll le temps d’un « Century city ». Les Heartbreakers taquinent aussi la power pop avec « What are you doin’ in my life ? », avant de conclure le disque par un country-rock épique (« Louisiana rain »), un peu comme si Gram Parsons jammait avec Springsteen. A noter que pour la première fois de sa carrière, Tom Petty glisse des notes de douze cordes acoustiques, la marque de fabrique de ces Byrds qui l’ont tellement influencé, notamment au début de « Refugee ».
Le succès de ce « Damn the Torpedoes » sera conséquent (aux States), et il peut être considéré comme la première étape de la popularité bientôt immense dont bénéficieront les Heartbreakers. Avec ce disque, Petty commence à devenir grand …

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