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ICE CUBE - THE PREDATOR (1992)


Carré ...

Ice Cube fait partie de cette poignée de rappeurs qui inspirent vraiment le respect. Faut dire qu’avant de se lancer en solo, il faisait partie des NWA, et çà, au début des années 90, c’était pas rien comme pedigree. Et évidemment, avoir fait partie de ce collectif de furieux qui ont tracé et défini tout le rap de la décennie, entraîne quelques solides inimitiés et préjugés. Avec le restant des NWA, logique, mais aussi avec l’opinion publique tant la réputation sulfureuse du posse de Compton servait de passeport.
Ice Cube, grande gueule toujours ouverte même quand il fallait pas, s’est vu taxer très vite de misogynie, machisme, racisme et antisémitisme. Et là où d’autres en ont rajouté dans la surenchère, lui a toujours cherché à se justifier, à ouvrir le débat, entamer la discussion, avec ses armes à lui, ses disques. Il n’en reste pas moins qu’Ice Cube reste un personnage assez ambigu, de par les rapports qu’il a entretenu avec un islamisme sinon radical du moins militant (la controversée Nation of Islam), ou encore avec le show-business (un monde qu’il dénonce, mais il a tourné dans un paquet de nanars hollywoodiens, après ses excellents débuts dans « Boys ‘n the hood » de John Singleton). Par contre, au niveau strictement artistique, y’a pas photo. C’est un des tout grands du rap …
Et « The predator » est avec « AmeriKKKa’s most wanted » considéré aujourd’hui comme ce que le rondouillet rappeur a sorti de meilleur. On y sent un Ice Cube très impliqué (il participe à la production, avec notamment DJ Muggs de Cypress Hill). « The Predator » est un disque sombre, avec beaucoup de rythmiques austères et martiales. C’est un disque typique de cette époque de l’âge d’or du rap « old school », axé sur des samples venant pour une immense majorité de la soul et du funk des années 60 et 70. Trois 45T « Wicked », « Check yo self », « It was a good day » aideront le disque à obtenir un succès conséquent. Sur quelques morceaux des guitares rageuses pointent le bout de leurs riffs, tendant des passerelles vers un rapprochement rap-heavy metal (l’autre Ice (T) fait déjà ça avec Body Count, et Ice Cube enregistrera plus tard avec les neo-metalleux de Korn).
« The Predator » est un des derniers éclats d’Ice Cube (le rap est le genre musical qui consomme le plus vite ses stars, tenir une poignée d’années au sommet est déjà un exploit) qui va, sentant le vent de l’oubli qui commence à souffler sur lui, se tourner de plus en plus vers le cinéma.
Le 7ème art n’y gagnera pas grand-chose, le rap va perdre une de ses figures de proue les plus intéressantes. Ice Cube continue de loin en loin de sortir des disques qui n’émeuvent plus guère les foules.

Du même sur ce blog :
AmeriKKKa's Most Wanted


LL COOL J - MAMA SAID KNOCK YOU OUT (1990)


Le Retour

Plus que dans tous les autres genres musicaux pour les djeunes, le rap a toujours été celui où les carrières se font et se défont le plus vite. LL Cool J est un cas d’école. Un des premiers à rapper en solo et non pas dans un « collectif », et de fait un des premiers rappeurs tout court (premier disque, « Radio », en 1985). Cinq ans plus tard, LL Cool J n’a que vingt-deux ans et se traîne une réputation de terrible has-been, de ringard total.
Ce jeune con ( ? ) a totalement zappé l’aspect qui commence à devenir essentiel dans le rap, la surenchère verbale s’appuyant sur la fameuse et fumeuse street credibility. Un « bon » rappeur se doit d’être une grande gueule, et avoir un lourd passé indiscutable de caïd de cage d’escalier, voire de dealer ou de pimp. Ceux qui cumulent tout ça (ou le prétendent) deviennent les héros d’une jeunesse américaine quelque peu lobotomisée, ayant oublié d’où venait le rap (de la rue certes), et à quoi il servait (à faire passer des messages comme le disait Grandmaster Flash, à s’exprimer, à revendiquer).
En quelques années, les petits loulous machos et bling-bling ont zappé tout ça, seuls ne comptent plus que la réputation et le paraître. Et pendant ce temps, le LL Cool J sortait des slows rap romantiques, et prenait position contre la drogue, et notamment le crack qui commençait à remplir les cimetières des ghettos urbains. Tout le « milieu » du rap s’esclaffait et rimaillait sur le pauvre James Todd Smith (son vrai blaze). Aujourd’hui, LL Cool J est toujours là (certes pas au sommet de son art), et ses détracteurs oubliés par à peu près tous (MC Hammer quelqu’un l’écoute encore ?).
LL Cool J a fait la seule chose qui vaille vraiment quand on fait de la musique, il a sorti un bon disque qui s’est vendu par pleins camions. Raide dans ses baskets, réglant juste de ci de là quelques comptes avec la concurrence, Cool J a démontré tout un tas de choses. Qu’il a un flow énervant de facilité, assorti d’une diction parfaite (en gros, il rappe pas façon Uzi en bouffant la moitié des syllabes), qu’avec son producteur Marley Marl (un des cadors aux manettes de la fin des années 80, précurseur innovant qui a déblayé le terrain pour tous les Dr Dre à venir) il a l’air et l'art de faire passer du rap pour des chansons, ou vice-versa. Il y a sur ce « Mama … » des mélodies qu’on pourra qualifier de « faciles », derrière chaque couplet, chaque refrain, chaque break … un son qui cherche pas l’agression systématique (même si accessoirement on peut penser au terrorisme sonore de Terminator X chez Public Enemy comme sur « Murdergram »), cherchant plutôt à synthétiser sur un seul disque tout ce qui a été entendu dans le rap depuis qu’il existe.
Ici plus de breakbeats colossaux comme à ses débuts, mais des rythmiques soyeuses, tout en souplesse (le morceau-titre), drivées par des basses souples, rondes, élastiques, tirant parfois vers le jazzy (« To da break of dawn »). LL Cool J n’hésite pas à balancer des cuivres rhythm’n’blues ou disco (« Jingling baby »), des ambiances envapées et guillerettes qui montrent que le premier disque de De La Soul a été assimilé. LL Cool J était accusé de faire des trucs mollassons, voire des slows ? qu’à cela ne tienne, il récidive ave « 6 minutes of pleasure » et ce titre évoque autant le Curtis Myfield des 70’s que les Fun Lovin’ Criminals à venir … Et puis, manière d’aggraver encore plus son cas, il chique au dur sur la pochette tout en biscotos saillants, chaîne en or de quinze kilos, bagouzes en poing américain pour balancer dès le second titre une chanson (y’a pas d’autre mot) très pop, avec un sample du hit bubblegum oublié des Mary Jane Girls.
En fait, avec ce disque, LL Cool J peut tout se permettre, c’est le genre de choses que l’on doit sentir dès le studio promues au succès. Les moqueurs se sont moqués, LL Cool J a raflé la mise et est devenu une institution de rap.
« Mama … » est un disque de rap qui pourrait plaire à tout le monde, et surtout à ceux qui n’aiment pas le rap.
Et si LL Cool J avait inventé le rap centriste ?


EARTHLING - RADAR (1995)


Echos très favorables ...

Allez, un petit tour chez les joueurs de disquettes et assimilés … et tant qu’à faire, parce que de ces choses-là point trop n’en faut, chez les plus audibles du lot, la scène de Bristol du milieu des années 90. Vous situez, le trip-hop, ces joyeux drilles, tous ces dépressifs qui faisaient du dub ou de la soul au ralenti … Massive Attack d’abord, ensuite Portishead et Tricky … le trio majeur passé à la postérité …
Earthling live 20111
Ben y’avait pas qu’eux. Faut rajouter Earthling à la liste. Certes les moins connus (trois disques en presque vingt ans, dont le dernier l’an passé alors que tout le monde les croyait disparus à jamais, on peut pas dire qu’ils aient publié à des cadences infernales), mais auteurs d’un skeud, le « Radar » dont au sujet duquel je vais vous dire trois bricoles, qui doit figurer dans la poignée de Cds de trip-hop qu’on peut se laisser aller à écouter … de temps en temps, voire plus souvent, si affinités …
Déjà, au lieu de se distinguer avec du reggae-dub (Massive Attack), de la soul froide blanchie (Portishead),ou des trucs bizarres (Tricky), Earthling mélangeait aux ingrédients de base (tempos enfumés et ralentis, infra-basses, boucles et scratches) … du rap. J’entends déjà les cris de joie genre « du rap en plus du trip-machin, putain quelle misère, il en est réduit à causer de çà le Lester, ben, je vous dis, il est tombé bien bas, il file un mauvais coton là … ». Bon, partez pas, je vous dis que c’est bien …
Et même très bien. Surtout d’entrée de disque avec « 1st Transmission » (leur premier single) qui prend son temps pour installer la marque sonore du groupe (enfin groupe, ils sont deux et demi), alignant des séquences d’infra basses droit au plexus, avant que le rappeur Mau se pointe avec son flow traînard, à faire passer Doc Gyneco pour Little Richard. L’enfumé « Nefisa », un peu plus alerte, l’ambiance orientalisante de « Soup or no soup » (peut-être bien le meilleur titre du disque), la superbe voix de la guest Sarah Matthews sur « I still love albert Einstein », l’anti-machiste et anti-viol « Planet of the apes », et l’ultime et lentissime, teinté de blues et de jazz « I could just die » se détachent par leur originalité, et osons le mot, par leur beauté d’un ensemble homogène.
Le reste, loin d’être indigne, donne quand même l’impression de redite ou d’auto citation, marque moins les esprits, quelques titres lorgnant même effrontément vers Massive Attack ou Portishead (c’est pas qu’ils soient mauvais, ces titres, mais c’est du déjà entendu, et puis y’a le gars Geoff Barrow de Portishead qui traîne sur quelques plages de « Radar », ceci expliquant cela).
Verdict, évidemment sans appel : « Radar » est un chef-d’œuvre, à ranger à côté de « Blue lines » et « Dummy ».
A tout de même déconseiller aux dépressifs à tendance suicidaire …

BIG BOI - SIR LUCIOUS LEFT FOOT THE SON OF CHICO DUSTY (2010)


Dancing with the Big Boi ?

En matière de musique de djeunes et de rap en particulier, j’ai comme qui dirait des lacunes … en gros, j’en suis resté au siècle dernier, totalement décroché à l’arrivée de tous ces pantins bling-bling les P Diddy, Jay-Z, Kanye West, … leur pseudo rhythm’n’blues-soul-jazz machin, toute cette daube pour puceaux et pucelles américains …
Même OutKast, paraît-il à sauver du lot, j’ai acheté une paire de disques qui sont encore sous cellophane … je garde ça pour quand je serai vieux ou mort, y’a tellement de old blue rock que j’ai vraiment envie d’écouter. Et un de ces djeunes alors que je lui expliquais tout ça, m’a parlé de Big Boi, un truc de la mort qui tue, et que j’avais tort de ricaner, parce que ça devrait me plaire … il m’a forcé à écouter sur son iPhone (vous savez, ces saloperies de feu Steve Jobs ayant une qualité sonore telle qu’on arrive à y confondre Zazie et Billie Holiday) une paire de titres. J’ai écouté, rien entendu, mais la sorte de bouillasse musicale sortant de ce machin avait l’air pas mal, j’ai acheté le Cd, tout en me disant que si c’était nul son disque, j’y collerais mon pied au cul à ce petit con …
Big Boi & Janelle Monae
Bon, pour ce coup-ci, il a échappé à la fracture du coccyx parce que ce Cd, ben il est bien … enfin, vraiment bien je veux dire, et pas seulement par rapport à des trucs récents. Big Boi, est la moitié d’OutKast (faut suivre, j’en ai causé plus haut) … donc son « Monsieur Succulent Gauche Pied, fils de Petit Poussiéreux » (‘tain, peuvent pas appeler leurs disques « Beggars banquet » comme tout le monde), il commence bien, finit bien. C’est au milieu que c’est moins bon, mais la balance est largement favorable. Déjà, on accroche à l’intro, G-Funk ralenti, voix vocoderisée, guitare wah-wah, le premier vrai titre (« Daddy Fat Sax ») fait penser à du Public Enemy, old school austère et martiale, pas mal du tout … « Turns me on » qui suit, c’est bien foutu, soul lente 70’s, flow très années 80 … et très mélodique. Rien cependant niveau mélodie comparé à « Follow us », avec son gimmick à la « Fugee-La » des Fugees, sorti en single et qui s’est vautré au fin fond des charts, et donc par les temps qui courent une preuve que c’est un bon titre.
Autre grand titre et merveille du disque, « Be still » mi nu-soul, mi rap, avec la voix d’or de la nouvelle diva Janelle Monae, un morceau qui inaugure une fin de disque plutôt intéressante, avec notamment « Night night », sorte de disco-rap, et « The train », qui rappelle le rythme sautillant, mélodique et rustique des oubliés péquenots Arrested Development.
Tout n’est pas transcendant, du mégalo « General Patton » (son vrai blaze à Big Boi, occasion d’une mauvaise joke avec le militaire du même nom), à un duo très quelconque avec l’oscarisé Jamie Foxx. A noter comme d’hab une interminable liste de guests, la plupart m’étant totalement inconnus (Sleepy Brown, Cutty, Yelawolf, Khujo Goodie, … putain, mais qui sont ces gens ?), et quelques vieilles gloires comme George Clinton ne se montrant pas vraiment sous leur meilleur jour.
En résumé, s’il y a dix ans que vous avez pas écouté un disque de rap, vous pouvez y aller avec celui-là … ou attendre dix ans de plus …

GRANDMASTER FLASH, MELLE MEL & THE FURIOUS FIVE - THE GREATEST HITS (1993)


Les premiers Maîtres ...

Des érudits font remonter l’origine du rap aux Last Poets dans les années 70, voire aux talking blues du début du siècle dernier. Bon, on va pas pinailler, c’est pas Wikipedia ici. Pour moi, c’est à New York au tout début des années 80 que tout a commencé et que s’est révélée au monde entier cette nouvelle forme d’expression musicale.
Culture de la rue, associant graphistes, danseurs, producteurs, musiciens et chanteurs, le rap, tel qu’on le connaît aujourd’hui vient de là. Et ses premières stars furent Flash, Melle Mel et les Furious Five. Avec trois de bouts de ficelle (un radiocassette, le sens de la rime et du rythme), toute une génération de laissés-pour-compte par toutes les chapelles et courants musicaux va prendre la parole. Le son de la misère, des ghettos noirs, ceux décrits par Marvin Gaye dans son « Inner City blues » va exploser à la face du monde et se répandre comme une traînée de poudre. Le rap, c’est le blues de la fin du XXème siècle, le genre le plus proche d’une classe sociale et de ses aspirations et préoccupations…
Tout ce qu’a développé depuis le rap est tout entier en germe dans ce « Greatest Hits » : les samples, les boucles rythmiques avec basses en avant, le phrasé si étonnant à l’époque (on ne disait pas encore le flow), les revendications militantes, politiques et sociales …
Ce « Greatest Hits » est une plongée dans le passé où l’on retrouve avec plaisir les premiers hits (« The Message », 1er morceau de rap dans les charts US) d’un genre musical appelé à devenir le plus populaire et le plus important de la fin du XXème siècle, au prix cependant de contorsions, renoncements, asservissements et avilissements lui ayant fait perdre à peu près toute sa substance originelle.
Là, avec Grandmaster Flash et ses potes, on est dans un truc austère, sec, tranchant, terriblement urbain, encore influencé par les autres genres de musique noire (le funk, la soul, le blues, le disco). Le « rap old school », tel qu’il est défini dans les manuels commence avec ces pionniers, pour se terminer à la fin de la décennie avec l’apogée de Public Enemy.
Compilation pour grabataires mais compilation essentielle …

OZOMATLI - STREET SIGNS (2004)


Fiesta
Ozomatli, c’est le son du Los Angeles des années 2000. Cette bande de métèques d’origines diverses et variées (blacks, blancs, jaunes, beurs, chicanos) trouve sous le soleil de Californie et dans les rythmes générés par la mégalopole la principale inspiration pour sa musique. A base des sons de leur temps, electro-rock et rap. Une fois passés dans leur moulinette, tout ça donne quelque chose de résolument festif et dansant. Un mélange totalement original, à tel point qu’ils sont signés aux States sur un label de jazz, et reçoivent la caution recherchée de la pianiste Eddie Palmieri sur deux titres.
Ce Cd commence par le monumental « Believe », ni plus ni moins que le « Kashmir » du rap. Une rythmique très rock, avec de vrais instruments, les violons arabisants, un mélange de rap, rock et raï. Une bombe pour les dancefloors… Ce qui suit est pas mal non plus, dominé par des rythmes latinos, avec de nombreux titres en espagnol. Parfois on est proche des choses dance et trépidantes de Gloria Estefan période Miami Sound Machine ou des déhanchements de Shakira (« Love & hope »), mais le plus souvent, ce sont des sonorités plus « classiques » de salsa, calypso, merengue … mais chaque fois mixés à d’autres sons exotiques comme le raï, folklore tzigane, world music orientale, … Dans ce genre, les meilleures réussites sont le morceau-titre, « Saturday night », l’ode d’Ozomatli aux boîtes de nuit disco, la salsa de « Nadie te ira » avec Eddie Palmieri …
Comme les Ozomatli connaissent leurs classiques, ils savent que l’on ne peut pas faire de la musique hispanique crédible à L.A. sans avoir la caution de David Hidalgo. L’ancien chef de meute des Lobos est bien présent sur un titre, « Santiago », le plus « classique » du lot et son influence est décelable en maintes occasions. Quelques fois, le résultat est voisin de ce que faisaient par chez nous, des gens comme les Négresses Vertes ou Mano Negra (« Deja me en paz »), ou le Manu Chao solo (« Come me duele »).
Le tout en restant « positif », mais Ozomatli ne sont pas naïfs pour autant et n’oublient pas de poser les bonnes questions (« Who discovered America »), même si contrairement au rap, le « message » n’est pas au premier plan dans leurs textes …
Bon, même si ce disque est globalement excellent, à force de vouloir en faire beaucoup, le groupe en fait quelques fois un peu trop, tombant dans la ballade FM un peu niaiseuse (« Cuando canto »), le remix qui parasite le morceau (« Ya viene el sol »), et a la mauvaise idée de mettre une version live de « Believe » en bonus qui n’arrive pas à la cheville de celle en studio …

Dr. DRE - THE CHRONIC (1992)


Pour le meilleur et pour le pire

Dr Dre a tout inventé ou presque du rap des années 90. Issu des NWA dont le « Straight outta Compton » avait crucifié le rap old-school des 80’s, il va consacrer après la dissolution du collectif légendaire l’essentiel de son temps à la production. Ne sortant que très rarement des disques sous son nom, dont ce « Chronic », son premier effort solo en 1992.
Andre Young aka Dr. Dre : the Man Machine ?
Andre Young (son vrai nom) a une culture musicale phénoménale, encyclopédique en ce qui concerne la Black Music américaine, et un sens de la trouvaille sonore qui en font sans problème un des plus grands pousseurs de manettes en studio, l’égal d’un George Martin, Phil Spector ou Lee Perry …
Tout ce qui fera les grands disques de rap des deux décennies suivantes est dans « The Chronic ». Le son est drivé par des basses rondes et funky, les boîtes à rythme sont discrètes, les chœurs soul féminins très présents, les arrangements jazzy … tout l’habillage sonore qui assurera la fortune des Snoop Doggy Dogg, Nate Dogg, Kurupt (tous encore inconnus mais très présents sur ce disque) et de leurs clones. Cette musique que l’on appellera G-Funk est ici codifiée de façon définitive. Dre peut aussi utiliser la musique « blanche » témoin cette rythmique très Led Zeppelin sur « Lyrical Gangbang » …
Les textes mettent en place tous les thèmes devenus récurrents du rap : la fumette (« chronic », c’est l’herbe en argot) et la baise, mais aussi tout un tas de concept douteux comme le gangsta-rap, (avec dans l’ombre le truand Suge Knight, réputé pour ses méthodes maffieuses et ses aller-retours en prison, patron du label Death Row sur lequel paraît le disque). Surenchère verbale aidant (« The Chronic » est aussi un règlement de comptes avec Easy-E, ancien pote de Dre au sein des NWA), les flingues seront bientôt de sortie et les cadavres s’accumuleront… Le machisme rance arrive aussi avec ses gros sabots (les femmes ne sont que des « byatches ») …
« The Chronic » est un disque d’une qualité sonore exceptionnelle, mais les rappeurs caricaturaux et les pantins bling-bling ne vont pas tarder à récupérer tout ce qui est défini ici, pour aboutir à toutes ces daubes mainstream des années 2000 et suivantes que certains persistent encore aujourd’hui à appeler rap.



JAY-Z - THE BLUEPRINT (2001)


Série Z
Pierre Corneille (slammeur français, XVIIème siécle) in « Le Cid » : « Le combat cessa, faute de combattants. »
Michel Denisot (Michel Drucker du futur), à Nulle Part Ailleurs : « Nous accueillons Jay-Z, le roi du rap. »



RAGE AGAINST THE MACHINE - RAGE AGAINST THE MACHINE (1992)



Accusés, levez-vous ...

Comparaissent devant nous aujourd’hui les ci-devant Rage Against The Machine qui avec l’album du même nom en 1993 sont présumés coupables d’avoir :

- prétendu dénoncer les méfaits du capitalisme et du libéralisme en étant signés et distribués par la multinationale Sony via sa filiale Epic.

A l'Ouest, et rien de nouveau ...
- mélangé sans l’autorisation de quiconque du rap et du heavy metal

- essayé de faire depuis toujours le même disque, mais sans jamais faire aussi bien que ce premier

- généré une légion de suiveurs en bermudas (Limp Bizkit, Linkin Park, Blink 41, Sum 182, …) qui sous de nombreux tatouages et leur allure méchante sont à peu près aussi rebelles que, au hasard, Saez et Cali.

Sentence requise : que soit apposé sur le disque le sticker « Rebelles d’opérette »

De son côté, la défense déclare que :

- signer sur une major en gardant sa totale liberté artistique n’est ni une trahison ni un renoncement, mais plutôt le moyen de faire entendre par le plus grand nombre des propos subversifs.

- que si l’influence de Led Zeppelin et Public Enemy est évidente, il vaut mieux s’inspirer de ces deux-là que de Julien Doré et Céline Dion

- que tous leurs disques se ressemblent, et le premier étant bon, les suivants le sont donc aussi

- que si les groupes qui les ont copiés sont mauvais, ce n’est pas de la faute de RATM

Verdict réclamé : décoration de l’ordre de Che Guevara.

Le jury, après en avoir délibéré, décide, au vu des reformations only for the money de RATM ces dernières années, que ces guignols ne présentent plus aucun intérêt …

Affaire suivante …






CEE-LO GREEN - ... IS THE SOUL MACHINE (2004)


Ben voyons ...

Et le titre n’est certainement pas à prendre au second degré… Le gars doit être persuadé d’avoir sorti un grand disque soul, de ceux qui marquent leur époque et l’esprit des gens qui l’écoutent…

Stevie Wonder sans perruque ? Non, Cee Lo Green ...
Sauf que … pour faire de la soul, il faut d’abord avoir une voix. Le Cee-Lo, rappeur nasillard à fort accent sudiste, n’en a pas, ou plutôt une toute moche. Il faut aussi des chansons. Ce n’est pas en faisant appel à Pharell (Williams) ou aux Neptunes, ces fossoyeurs de quatre décennies de musique noire américaine, qu’on risque d’en avoir. Ces mauvais-là sont tout juste bons à concocter une bouillasse sonore qui ravit les sourds accros à MTV et NRJ, injectant sur des grooves prétendus roboratifs des samples des second couteaux de la soul mielleuse des seventies … Cee-Lo Green est en gros à Marvin Gaye ce que Danny Boon est à Martin Scorsese …

Ce disque, avec un titre en référence à un gigantesque morceau (et album) de James Brown (mais combien de ceux qui écoutent Cee-Lo Green s’en sont aperçus ?), a propulsé son auteur au firmament des rappeurs US « qui comptent », chronologiquement entre Jay-Z et Kanye West, piteuses superstars des années 2000.

Cee-Lo Green est le genre de gars dont on n’aurait même pas voulu dans les studios Stax ou Atlantic pour servir du café quand Aretha Franklin ou Otis Redding enregistraient. Là, maintenant, il n’est pas plus vilain que d’autres têtes d’affiche de ce que de jeunes malentendants appellent rythm’n’blues. Il n’est guère meilleur non plus.

Quelques années après la purge « … is the Soul Machine », il est devenu la moitié du duo Gnarls Barkley (l’autre moitié étant l’intéressant producteur Danger Mouse), dont promis, juré, je dirais aussi du mal un jour …


SPANK ROCK - YoYoYoYoYo (2006)


 Innovant mais "difficile" ...

Spank Rock 2006
Alors que le rap a fêté ses trois décennies, cette musique née de l’urgence et dans l’urgence n’a finalement évolué que lentement.
Spank Rock (Fesser le Rock ? la bonne blague …), duo américain, fait clairement avancer et évoluer le rap. Des rythmiques ultra-saccadées, infra-basses en avant, des relents de trip-hop, des morceaux courts et sobres, des recherches mélodiques … Rarement autant d’innovations ont été présentes sur un même disque.
Le problème c’est que tout cela aboutit à des titres crispants, robotiques et d’un accès ardu. Pas le genre de truc qui va squatter la bande FM.
L’idée de départ est excellente (dépoussiérer un genre musical ronronnant) et se rapproche de ce que faisaient à la même époque les Liars avec le rock ou TV On The Radio avec la pop.
Spank Rock possèdait les atouts pour être the “next Big Thing”, ou au minimum le truc branché du moment. Resté silencieux pendant cinq ans, le duo semble condamné à la confidentialité …





Ping pong | Myspace Music Videos

CYPRESS HILL - CYPRESS HILL (1991)



Le Peuple de l'Herbe

Grands amateurs de cigarettes qui font rire, les Cypress Hill ne sont pas que cela. Ils ont proposé avec ce 1er Cd de 1991 une des visions sonores les plus originales du rap. Avec notamment un final de disque qui renoue avec leurs racines cubaines et portoricaines.
DJ Muggs (que l'on retrouvera avec Tricky pour le superbe« Juxtapose ») met en scène un habillage musical innovant, rythmes sautillants et grosses basses. Et si les Cypress Hill ont l’air de types cool  (« Light another », « Something for the blunted », …), faut pas les chercher non plus (« How I could just kill a man »).
Même si aux USA le grand succès viendra avec le suivant (« Black Sunday »), c’est bel et bien ce premier Cd qui me semble leur plus convaincant.



A TRIBE CALLED QUEST - THE LOW END THEORY (1991)


Birth of the cool ?

A Tribe Called Quest avaient frappé fort avec leur premier disque, récoltant un gros hit avec « Can I kick it ? », dans lequel était samplée la célébrissime ligne de basse du « Walk on the wild side » de Lou Reed. Leur positionnement dans le rap était novateur. Avec d’autres (Jungle Brothers, De La Soul, …), ils se retrouvaient dans le collectif Native Tongues, s’écartant du bling-bling des années 80, du radicalisme politique de Public Enemy, ou du gangsta-rap naissant. Préférant, plutôt qu’une rupture sonore et culturelle, revenir aux sources de la musique noire américaine, soutenir l’afro centrisme, rejoignant ainsi nombre des préoccupations d’un de leurs modèles, Afrika Bambaataa.
Alors ce « Low end theory », intéressera certainement plus les fans de Miles Davis que ceux d’Eminem. Parce qu’ici, c’est le jazz qui sert de base à l’essentiel des titres, certaines séquences étant même carrément jouées par rien de moins que Ron Carter, légende de la contrebasse. « Low end theory » est un disque qui cherche à convaincre plus par la séduction que par la démesure. Tout est ici cool, tranquille, pas de haine ou de violence jetée à la face de l’auditeur.
« The low end theory » n’est pas un disque de jazz déguisé, c’est juste un des premiers (le premier ?) d’un genre qui fera la fortune de quelques malins suiveurs (Gangstarr et son leader Guru ensuite, pour la série des « Jazzmatazz »). Les deux MC d’ATCQ, Q-Tip et Phife Dawg, s’éloignent de la scansion syncopée propre au genre pour se rapprocher du chant traditionnel. Leur discours est lucide et sans démagogie, leur analyse du Barnum financier et médiatique qui est en train de jeter son dévolu sur le rap sans concession (les titres « Butter », « Show business » et « Rap promoter »). Encore plus décalée par rapport à l’immense majorité du milieu rap est leur dénonciation du machisme et du sexisme habituellement de mise (« The infamous date rape »).
« The low end theory » est un disque efficace, très homogène, on sent le travail pour mettre en place un « son », une ambiance, originaux et novateurs. Mention particulière à « Verses from the abstract », avec « vraie » contrebasse de Ron Carter et magnifique voix féminine de Vinia Mojica. Curiosité, le dernier titre « Scenario » dans lequel les ATCQ semblent se lâcher, un morceau tout en rythmes martiaux, plus crié et hurlé que rappé, abusant de scratches et de chœurs virils …
Un disque qui devrait séduire les réfractaires au jazz (j’en suis), et les dubitatifs devant l’essentiel des productions rap (j’en suis aussi) …