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DEEP PURPLE - IN ROCK (1970)

Le rock'n'roll aux trousses ...
Deep Purple à ses débuts (MK I comme disent les gens instruits) est un groupe de balourds crasseux aussi anecdotique que dispensable, assemblage brinquebalant de sessionmen plus ou moins célèbres (Blackmore, Lord) et d’inconnus qui ne méritaient a priori pas mieux (les autres). Pire, sous la conduite du pompeux et immodeste Jon Lord qui se voit l’égal de J.S. Bach, ils vont commettre l’irréparable, le brouet terminal « Concerto for group and orchestra » dont le titre à lui seul évite tout développement superflu. En gros, ils sont encore plus mal barrés que les Stones après « Their Satanic Majesties Request ». Et surtout beaucoup moins connus.
Lord, Paice, Gillan, Blackmore, Glover ; Deep Purple MK II
Les trajectoires des deux groupes vont (hasard ? copie ?) devenir étrangement similaires. Keith Richards prend le pouvoir chez les Stones, le groupe dégage plus ou moins Brian Jones, opère un virage musical à 180°, sort en 45T « Jumpin’ Jack Flash » et dans la foulée l’album « Beggars Banquet ». Chez les Deep Purple, Blackmore devient leader, deux types sont virés (remplacés par Glover et Gillan, la MK II), le très remuant single « Black Night » paraît, en éclaireur du 33T « In Rock », entérinant là aussi un très net revirement. Avec pour les Stones comme pour Deep Purple, deux pochettes qui marqueront les esprits. Les gogues délabrées de « Beggars » et le pastiche du Mont Rushmore pour « In Rock ». Les similitudes s’arrêtent là pour moi.
Déjà, le coup de la pochette de « In Rock » est ambitieux. Clairement destiné à toucher l’imaginaire subliminal des Ricains, chez qui Deep Purple est à peu près inconnu. Deep Purple n’a jamais donné dans la modestie. Comme chacun ( ? ) sait, il y a dans le Mont Rushmore quatre visages taillés dans la pierre. Sur la pochette de « In Rock », l’intrus est Ian Paice. Ce qui est ballot, le batteur à binocles étant l’un des plus terrifiants pousse-au-cul que le monde du binaire ait connu. Je vais vous dire, sans lui, la plupart des titres du groupe seraient aussi consistants que de la guimauve tiède en studio, et ne parlons du live où il a fort à faire pour ramener les autres à la raison et accessoirement au rock.
Les mêmes en couleur ...
En fait, si les trois les plus cités comme leaders et frontmen de cette formation sont Blackmore, Lord et Gillan, Paice et Glover (l’architecte sonore, le dépositaire et garant du son Purple en studio, celui qui s’occupe de toutes les rééditions) en sont le ciment, ceux dont l’assise rythmique empêche le délitement vers les sombres rivages de l’expérimentation forcénée et inaudible, ou pire, vers la tentation du gouffre du prog balbutiant.
« In rock » est donc le disque de la remise en question. Mais aussi du recentrage. Pas un hasard s’il débute par just a few roots, replanted, comme ils disent, le monumental « Speed King ». Hommage transparent et assumé à Little Richard et retour à un rock’n’roll exubérant et violent. Parce que Gillan va chercher très haut dans les aigus gueulés, que Blackmore aligne les parties de guitare sauvages, que la rythmique met une pression infernale, et que Lord n’essaie pas de faire son solo liturgique. Certains ont vu dans ce titre et plus généralement dans ce disque la naissance du hard-rock « moderne ». Soit. Ça se tient, c’est une sorte d’aboutissement entamé par le « You really got me » des Kinks, beaucoup de choses entendues chez Hendrix, Clapton et Beck dans leurs groupes respectifs, chez les Américains « lourds » de Vanilla Fudge, Blue Cheer, Iron Butterfly … Sachant qu’en même temps en Angleterre, un quatuor nommé Led Zeppelin commençait à très fortement marquer les esprits. 
Mais si le Zep vient clairement du blues, Deep Purple vient d’ailleurs. On ne trouve chez eux aucune allusion au genre rustique, et les tentations classiques ou baroques sont (provisoirement) remisées à l’arrière-plan. Deep Purple joue un rock speedé et violent, et « In Rock » est le disque le plus énervé de sa pléthorique discographie. Deep Purple ne fera jamais mieux, et c’est pas faute d’avoir essayé …Témoin de cet état de grâce qu’ils ne retrouveront que très épisodiquement, « Child in Time ». Où comment faire un grand titre de plus de dix minutes avec un texte de huit lignes sans tomber dans la redite, le jam gonflante où le prog. Tout y est bon, du numéro de hurleur de Gillan, des cavalcades sur les fûts de Paice, en passant par les solo tueurs de Blackmore. Même Lord (il n’échappera à personne que pour moi c’est le boulet du groupe, toutes époques et disques confondus, son obstination à mettre son B3 liturgique en avant étant soit hors propos soit d’un mauvais goût terrifiant) utilise intelligemment sont armoire à musique. « Child in Time » montre qu’on peut s’inspirer de Procol Harum (« Whiter shade of pale ») et King Crimson (« 21st Century Schizoid Man ») sans ressembler éhontément à l’un ou l’autre. « Child in Time », passant du bucolique apaisé à l’ultraviolence en retombant toujours sur ses pattes est le sommet du disque.
Les mêmes en public ...
Les autres titres font beaucoup moins dans la dentelle (le très sec et méchant « Flight of the rat » en étant l’exemple type, même si bizarrement ce titre ne fait pas partie des « classiques » de Purple), fournissant à des myriades de groupes de chevelus des plans pour faire headbanger les générations futures. Ainsi, le début de « Hard lovin’ man » est la matrice de toutes les cavalcades débridées de Iron Maiden. Pas par hasard, quand on sait que l’ingé-son de « In Rock » (en fait le vrai producteur du disque) Martin Birch auquel ce titre est dédié, deviendra une dizaine d’années plus tard le metteur en sons de Maiden. De même « Into the fire », outre des emprunts évidents à King Crimson (le riff principal) retrouvera plus tard sa mélodie plus ou moins décalquée dans le « Metropolis » de Motörhead.
Avec « In Rock » Deep Purple signe contre toute attente un manifeste, met en place une de ces loupiotes à la lumière desquelles beaucoup viendront recharger une inspiration défaillante. Bon, s’il fallait trouver un maillon faible à ce disque, ce serait « Living wreck », qui est le titre le plus linéaire, le moins fou …

Tout le reste, croyez-moi, ça déménage. Et laisse à mon sens le reste de leur pléthorique discographique loin derrière …

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FUZZ - II (2015)

Black & Blue ...
Black comme Sabbath, Blue comme Cheer. En gros le credo de Fuzz. Déjà, rien que l’intitulé du groupe montre que l’on n’a pas affaire à des fans d’Adele, ce qui par les temps qui courent (à leur perte ?) est déjà une bonne chose. Parce que la pleurnicharde à gros mollets, elle me gave aussi sûrement qu’un best of de Patrick Sébastien. Ou qu’un quintuple live de Santana …
Fuzz donc. Le projet du surbooké Ty Segall. A qui les « spécialistes » (entendez par là les mecs payés pour donner leur avis sur le wockenwoll, avis que personne lit sinon Adele vendrait pas autant de skeuds, on y revient toujours …) font endosser les costumes des Strokes, Libertines et White Stripes de la décennie précédente. En gros les sauveurs du wokenwoll (on y revient aussi). Sauf que maintenant le dénommé Segall se retrouve bien seul, y’a pas une concurrence exacerbée dans le rôle. Et peut-être que le costard va finir par être trop large pour ses épaules… Il a beau se multiplier, entre disques sous son nom, participations tous azimuts aux rondelles de ses potes de San Francisco, et projets « annexes » comme Fuzz, il doit se contenter pour le moment de ce qu’on appellera pour être gentil un succès d’estime (même si son « Manipulator » de l’an dernier, tout en madeleines zeppeliniennes, était excellent).

Fuzz donc (encore). Trois zozos chevelus, Segall à la batterie et parfois au chant, et ses poteaux Moothart (gratte et voix) et Ubovitch (basse et chœurs), les trois à temps perdu tapotant à l’occasion sur de vieux synthés (ça s’entend pas trop, voire pas du tout, au milieu du boucan). Y’a même une nana créditée aux cordes (soit je suis sourd, soit distrait, soit les deux, mais je m’en étais pas aperçu).
J’ai mentionné pour attirer ( ? ) le chaland les patronymes bruyants du Sabbath et de Blue Cheer parce que Fuzz fait pas vraiment dans la dentelle. C’est un concept un peu bête comme chou qu’ils poussent loin (très loin même, ces trois olibrius raisonnent en terme de vinyle, et ce « II » en est un de double, quasi soixante dix minutes de boucan). Alors certes, on pourrait dire (et je vais pas m’en priver) qu’ils sont pas allés chercher la difficulté, taquiner les légendes. On est loin de la technique ébouriffante de Cream, des envolées cosmiques de l’Experience, ou du raffut terminal de Motörhead. Plutôt du côté des bourrins que des subtils. Mais bon, c’est quasiment en filigrane dans le nom du groupe, y’a pas non plus tromperie sur la marchandise. Par contre, là où me semble t-il ils en rajoutent un peu trop, c’est que les trois se montrent souvent grimés et maquillés comme des glameux imbéciles (celui qui a dit Slade a tout bon). Lendemain de cuite mal négocié, simple tocade, ou alors concept totalement crétin ? J’en sais rien et je m’en fous …
« II », c’est gavant sur la durée, hormis pour les fans de rodomontades boogie interminables (Canned Heat à la préhistoire, Status Quo au Moyen-âge, les bien nommés Endless Boogie ces temps-ci). C’est pas pour autant bâclé. Maintenant tout le monde avec trois bouts de ficelle et quatre dollars peut sonner aussi fort que Metallica. Et Fuzz a doté sa rondelle d’un son kolossal emmenée par une basse monstrueuse en avant.

Il y a dans ce disque des trucs lourds pour pas dire lourdingues, une pièce de bravoure (« II » le titre) longue comme un jour de canicule sans bière, des redites et des autocitations complaisantes. Mais aussi une abnégation qui force le respect, des types qui ont peut être pas eu la meilleure idée du monde, mais qui en exploitent toutes les possibilités. Et qui se distinguent assez facilement du lot de tout le marigot du heavy psyché revival. Je suis preneur de choses comme l’introductif et tarabiscoté « Time collapse … », de l’hendrixien (un peu bourrin, mais hendrixien quand même) « Rat race », du punky « Red flag », et des deux titres à mon sens les plus « écrits » du disque (tant le reste sonne un peu roue libre déjantée tous potards sur onze), à savoir « Say Hello » et « New flesh ».

De quoi patienter en attendant le prochain … en attendant le prochain quoi au fait ?


HOLLYWOOD VAMPIRES - HOLLYWOOD VAMPIRES (2015)

Le coin des grabataires ?
Si l’on en croit la légende ( ? ), ils se sont retrouvés au bar d’un endroit branchouille chicos de L.A. où ni vous ni moi n’avons aucune chance d’être un jour acceptés à l’entrée. Tous les trois avec une saleté macrobio, colorée, édulcorée, et sans alcool dans le verre. Et ils se sont remémorés les good old times, quand ils étaient moins vieux et qu’ils picolaient plus sévère qu’un Biélorusse déprimé. Et comme ils s’emmerdaient ferme malgré les montagnes de billets verts amassés depuis des décennies, ils se sont dit tiens, pourquoi est-ce qu’on ferait pas un disque ensemble, juste pour le fun. Et comme aucun n’avait été foutu d’écrire un titre audible depuis au moins le siècle dernier, pourquoi est-ce que ce serait-il pas génial de reprendre des titres qui nous éclataient quand on était jeunes, il y a de cela très longtemps. Et puis, comme on est pas vraiment dans le besoin, on filera la thune du disque à une asso qui s’occupe de soigner des musiciens alcoolos dans la dèche (solidarité de piliers de bars repentis oblige), et comme ça on reparlera vachement de nous et ce sera l’occasion de gagner par la suite encore plus de pognon (bon, ça ils l’ont peut-être pas dit, mais ça se voit gros comme un tatouage sur le cul d’une stripteaseuse que c’est aussi le but de la manœuvre, relancer une carrière qui part un peu en sucette, et c’est pas les hexagonaux Enfoirés qui diront le contraire …).
Perry, Depp, et Cooper. Fatigués, les vieux ?
Bon et alors, t’accouches Ducon, c’est qui ces trois types ? Vincent Furnier, plus connu sous le nom d’Alice Cooper, Joe Perry d’Aerosmith, et Johnny Depp, du Pirate des Caraïbes Lonely Hearts Club Band. Un type pour produire ? Facile, ce sera Bob Ezrin, vieux compagnon de route du Coop. Et manière de pousser la vanne jusqu’au bout, on fera venir quelques potes. Ah ça, des potes, vu qu’ils ont sur leur portable une liste de contacts autrement plus glamour que les nôtres, il en est venu de partout. Résultat des courses, le sticker qui les liste couvre la moitié de la pochette du disque. Des convenus qui cachetonnent en studio derrière l’Alice, jusqu’à Sir Paul Macca et Sir Christopher Lee (et que ceux qui ont pas compris pourquoi Cristopher Lee sur « Hollywood Vampires » se fassent connaître, y’a une morsure dans le cou à gagner …). D’ailleurs le Lee, c’est un des derniers trucs qu’il a fait, cette intro de disque avec sa grosse voix sépulcrale, avant d’aller s’allonger cette fois pour de bon dans son cercueil.
Les mêmes, plus Laboriel et McCartney
Des reprises de vieux machins, plutôt connus, pour pas dire célébrissimes. Traités façon hard, c'est-à-dire quand même un peu beaucoup bourrin la plupart du temps. C’est bien là le problème, d’ailleurs. Ces titres, on les a pour la plupart tellement entendus dans leur version d’origine, que là ça fait souvent tout bizarre, de les retrouver dans des versions avec un son kolossal qui fissure l’émail des molaires, avec des chœurs façon hooligan, et des solos de guitare qui à force te font regretter de pas être fan de Mouloudji. En gros, y’a des fois ou trop c’est trop. Par exemple « Instant Karma » de Lennon ou « My generation » des Who, ça m’enchante pas, leur version. Ça marche bien mieux à mon sens sur le « Itchycoo Park » des Small Faces, voire « Come and get it » de Badfinger (sur lequel on retrouve un McCartney qui se multiplie au piano, à la basse, aux vocaux, bon faut dire que c’est lui qui l’a écrit le titre il y a plus de quarante ans).
Autre truc qui me chagrine les oreilles, la voix de Cooper, omniprésent au micro. Oh, certes, il est reconnaissable entre mille, avec ses intonations de maniaque vicieux et pervers, et il s’en sert bien pour ses morceaux, mais ceux des autres, hum … Il est à mon sens totalement à côté de la plaque sur « Whole lotta love », où il manque toute la sexualité développée sur l’originale par Plant (il ont d’ailleurs zappé les râles de la partie centrale) et c’est pas les chœurs du pauvre Brian Johnson qui vont relever le niveau … De même, on s’attaque à un medley Doors, et on passe à côté de l’ambiance chaman en rut de Morrison, malgré le renfort d’un orgue manzarekien plus vrai que nature et de Robbie Krieger à la gratte.
Bob Ezrin au centre (de l'affaire)
Puis, y’a carrément des choses qu’il faudrait pas oser. Reprendre du Hendrix quand on est guitareux et qu’on veut coller à l’original (une version problématique de « Manic depression ») ou à T.Rex quand on swingue comme un régiment d’enclumes (le mauvais choix du lascif « Jeepster » sans le chaloupement érotique de Bolan, ça le fait vraiment pas).
Et comme quand on aime on ne compte pas, on a droit à une paire de titres quelconques écrits pour l’occasion par le Coop et le Depp dont l’hommage final aux hordes de rockers tombés au champ d’honneur verre de vodka orange à la main (« My dead drunk friends »). Ah, et j’allais oublier, ce qui est par beaucoup perçu comme le coup de génie du disque, le medley « School’s out / Another brick on the wall » montre juste qu’un bon morceau d’Alice Cooper n’en vaut pas un bon du Floyd. Si encore ils avaient eu l’idée d’y rajouter « L’école est finie » de Sheila, ça aurait été mieux, et surtout plus drôle. Parce qu’au final, c’est un peu ça qui manque, le fun. Tout le disque empeste la bonne copie appliquée, tout le monde bien concentré sur son sujet avec une mine de carême …
« Hollywood Vampires » n’est pas mauvais, il est juste un peu trop scolaire à mon goût.

Si ça peut permettre aux « jeunes générations » (c’est pas gagné, les djeunes ils doivent s’en taper de ces vioques qui jouent des trucs de vioques pour les vioques), de se cultiver au son de titres mémorables des 60’s -70’s, pourquoi pas …

LED ZEPPELIN - LED ZEPPELIN (1969)

Led Zep, Chapter one ...
Peut-on dire du mal du Zep ? Evidemment. Mais je laisse ça à d’autres …
Parce que, faut pas déconner, Led Zep, c’est quand même quelque chose (au moins jusqu’en 75, après ça se discute, … mais pas aujourd’hui, voir ci-dessus …). On peut ergoter jusqu’à plus soif sur le pourquoi du comment de la chose qui fit que ce groupe devint le plus grand des seventies et un des plus mythiques, voire le plus mythique de l’épopée du binaire. Matez les tréfonds du Net musical, ce qui noircit le plus les posts depuis des lustres, c’est pas le come back du Floyd, la prochaine tournée mondiale des Stones ou le retour des Smashing Pumpkins (cherchez l’erreur), c’est l’hypothétique renaissance du Zep. Qui selon toute vraisemblance n’aura jamais lieu et qui explique les scènes d’hystérie à la moindre déclaration de Plant et plus encore de Page. Qui lui voudrait bien, mais c’est le vieux blond qu’est pas chaud du tout pour réactiver tout le foutu barnum … et de toutes façons, que voulez-vous qu’ils fassent ? Un truc en studio encore plus mauvais que le « No quarter unledded » d’il y a vingt ans ? Une tournée mondiale sold out où tu casquerais trois mille euros pour voir des types de 70 balais massacrer les titres qui ont fait leur légende et un peu aussi celle du rock ? Déjà qu’à leur apogée ils étaient plutôt chiants sur scène, alors maintenant …

Parce que dès qu’il a été question du Zep, les superlatifs ont toujours été de sortie. Surenchère à tous les étages, ceux de la musique, et ceux annexes. Le Zep a toujours su faire parler de lui. Peut-être grâce à Peter Grant, manager dès le premier jour et qui a su mieux que n’importe qui grouillotant dans la périphérie d’un band pousser tous les curseurs de l’extramusical dans le rouge … Peut-être aussi surtout à cause du sieur Jimmy Page qui a construit de toutes pièces son monstre de métal fondu …
Avant le Zep, Jimmy Page n’était rien. Juste un nom pour spécialistes, un forcené des sessions d’enregistrement. T’avais besoin d’une partie de guitare acoustique, électrique, d’un simple gimmick mélodique, tu l’appelais, il se pointait en studio un quart d’heure, faisait le truc, repartait avec son chèque. Le requin de studio le plus connu du Swingin’ London, faisait n’importe quoi pour n’importe qui, des légendes en devenir (Kinks, Who, …) aux plus obscurs neuneus de la variète … Ah si, il jouait aussi dans les Yardbirds. Mais là, son nom clignotait nettement moins que celui de ses prédécesseurs, Clapton et Beck. D’ailleurs quand le caractériel au fort tarin s’est barré, les Yardbirds ont pris l’eau de toutes parts … Page aurait bien voulu être le leader, mais personne voulait le suivre. Et comme y’avait des contrats de tournée signés, fallait bien assurer … L’histoire est connue. D’abord la vieille connaissance croisée de multiples fois en studio John Paul Jones, ensuite un minot gueulant derrière son micro, qui emmène avec lui un pote batteur totalement allumé, l’intermède New Yardbirds, le nabab d’Atlantic Ahmet Ertegun qui lâche une fortune pour ce groupe qui n’a même pas de nom, une vanne de Keith Moon qui le baptise Lead Zeppelin, Page et Grant qui font sauter une voyelle, deux jours en studio pour accoucher du premier 33 T …
« Led Zeppelin », premier du nom, est par force un disque foutraque et bâclé. Coincé chronologiquement entre les deux premiers (et les seuls) du Jeff Beck Group, il souffre de la comparaison. Mais là où le moyennement ami et vrai rival Beck livre (et ceux qui l’accompagnent aussi, dont sur « Truth » un certain John Paul Jones, … world is very small), une performance de folie furieuse technique tous potards sur onze, Page va recentrer son propos. Parce que d’entrée, c’est lui et lui seul qui va tenir la barre du dirigeable. Choisir la, ou plutôt les directions musicales, et surtout la façon de retranscrire ça sur le plastoc noir. Pour moi, plus qu’un guitar hero, Page est un sorcier des studios (et les milliards de rééditions remastérisées des skeuds n’y changent rien, d’entrée Page a trouvé le son, et celui des disques du Zep est totalement hors du temps et des modes).

D’entrée, en 2’43, les bases de ce qu’on appellera par la suite le hard-rock sont posées avec « Good times, bad times », titre traversé par un solo de la mort qui tue de Page. Y’a des façons de commencer une carrière que l’on a connues plus laborieuses. Frère quasi jumeau en version ultra sauvage sur l’autre face de la rondelle, « Communication breakdown », poignarde aussi sûrement les sixties qu’un cran d’arrêt des Hells à Altamont. Led Zeppelin se pose d’emblée comme le maître incontestable de la furia électrique des années septante.
Et le reste, me direz-vous ? Des extrapolations à partir de thèmes bluesy. Cependant il convient de zapper le putain de truc hindouisant (« Black mountain side ») à la Ravi Shankar, et le très neuneu « Your time is gonna come » qui ne peut ravir que ceux qui prennent Queen au premier degré ou apprécient les grandes orgues pompières de Deep Purple ou Procol Harum. Les machins bluesy, donc. Plus de la moitié du disque. Piqués, pompés, plagiés (rayer la mention inutile, on peut toutes les garder) pour l’essentiel sur Willie Dixon ou Muddy Waters, ce qui revient un peu au même. Le classic blues de Chicago, quoi. Mais beaucoup plus que Clapton et les Bluesbreakers ou Fleetwood Mac qui commence à faire parler de lui, Led Zeppelin va bousculer le vieil idiome. Page se sert tantôt de l’approche hendrixienne de la chose (flagrant sur la wahwah de « You shook me », titre matrice de tous les Gary Moore et Stevie Ray Vaughan à venir), bouscule les douze mesures par des changements de tempos insensés (« Dazed & confused », bien mieux en studio que les interminables versions live qu’il suscitera avec sa guitare jouée à l’archet et toutes les trouvailles égotiques de Page), jamme sur des thèmes archi-rebattus (« How many more times »), s’auto-cite parce que le temps manque (« I can’t quit you » reprend des pans entiers de « You shook me »), cherche à marquer son territoire de guitariste (sur « Baby, I’m gonna leave you » il se multiplie, tantôt électrique, tantôt acoustique).

Reste qu’un groupe réduit à son seul guitariste, c’est plutôt (très) chiant (qui peut supporter une heure du Vaughan déjà cité quelque part plus haut ?). Si Page est le leader maximo du Zep, on ne peut pas réduire les trois autres au rang de faire valoir. Un peu effacés sur ce premier disque pensé conçu et produit par le seul Page, ils s’affirmeront davantage sur les suivants sans toutefois jamais contester le leadership du ténébreux gratteux. Plant pose les jalons de tous les braillards du hard (syndrome des roubignolles coincées dans la fermeture-éclair sur « Baby, I’m gonna leave you »), Jones montre par sa dextérité sur les touches d’ivoire ( le Wurlitzer ( ? ) de « You shook me ») que le groupe pourra aller visiter des territoires sonores multiples et variés innaccessibles au commun de groupes bruyants et bas du front qui pullulent depuis des décennies, Bonham démontre qu’il peut enclumer sévère mais aussi se révéler comme un des batteurs les plus subtils et singuliers qui soient.
Ce « Led Zeppelin », pour moi, c’est une déclaration d’intention, une carte de visite. Des crans en dessous de quelques-uns qui suivront, mais suffisamment intéressant pour enterrer quelques concurrents potentiels des deux côtés de l’Atlantique.

Récemment réédité avec campagnes de pub insensées dignes d’une saloperie de chez Apple, et packagings aux prix délirants (cent vingt euros pour deux vinyles et deux Cds, comme si tous les fans du Zep étaient des qataris, faut pas déconner, venez pas chialer après parce que les gens téléchargent gratos, bande de nazes …). En bonus de cette réédition, un concert entier donné en 69 à l’Olympia. Performance bête comme chou et nulle à pleurer, même pas sauvée par des extraits du « Led Zeppelin II » en gestation, titres d’au moins dix minutes, auto-complaisance à tous les étages, et un Page qui s’écoute jouer sur des solos imbéciles dont même Bonamassa ne voudrait pas …

Des mêmes sur ce blog :


SYSTEM OF A DOWN - MEZMERIZE (2005)

Arménie more times ...
Quand j’étais petit, bien avant la fin du siècle dernier, j’aimais bien tout ce qui venait de la galaxie des hardeux. Puis je suis passé à autre chose, un peu beaucoup dubitatif devant la NWOBHM, ne consentant à dresser l’oreille que devant les trucs qui sonnaient très seventies (le premier Guns, le Metallica des 90’s), au milieu de la bouillasse des crétins en pantacourt, tous ces gros beaufs satanistes pour de rire, qui cachaient derrière leurs Gibson Explorer et leurs Marshall à onze, des rebelles de pacotille rêvant de confort bourgeois (Megadeth, Slayer, Entombed, Burzum and so on, quelqu’un ?)
Dans toute cette horde de neuneus, certains m’amusaient vaguement, faisaient des efforts pour avoir l’air moins cons que la norme. Sans que je me laisse aller à écouter leurs skeuds … Et là, maintenant, comme ces vieux animaux sauvages gagnés par la curiosité qui s’approchent de trop près des chasseurs et finissent par se ramasser une bastos, j’ai écouté ce machin des System Of A Down (SOAD pour les spécialistes).
Des rebelles qui gagent des MTV Awards ...
Mauvaise pioche, il paraît que c'est pas leur meilleur, mais bon, je vais pas me les fader tous pour vérifier. Bien que moi, je le trouve pas mal (enfin, pas si mal que çà), ce « Mezmerize ». Souvent même assez loin du défonce-tympans auquel je m’attendais.
SOAD, c’est le communautarisme qui se met à faire du bruit. Amerlos descendants d’Arméniens, ils sont. Des sortes d’Aznavour version heavy metal, si vous voyez (et si vous voyez, alors là, hats off …). Des hardeux politisés (on ne rit pas) qui ont dit maintes fois qu’ils aimaient pas Bush (comme à peu près tout le monde dans le music business, hormis les vieillards Nugent, ZZ Top et Lynyrd Skynyrd, ce qui n’a pas empêché le va-t-en-guerre texan d’être réélu). Ce qui nous donne quelques textes rageagainstthemachinesques, avec peut-être moins de slogans mais plus d’honnêteté.
Et le bru … pardon la musique, me direz-vous ? Assez atypique, pas du rentre-dedans systématique, mais avec plein de trucs atmosphériques, mélodiques, étranges et surprenants quelquefois. Je comprends que les chevelus aient tiqué à l’écoute …

Y’a d’abord une courte intro toute en arpèges très cool, avant le fameux ( ? ) « B.Y.O.B. » (Bring your own bombs, ou Buy / Obey comme le suggère la vidéo ?), glapissements sur riffs speedés, titre bizarrement perclus d’éclaircies sonores faisant la part belle aux mélodies et aux harmonies vocales. Même si on est assez loin de l’axe Beatles-Beach Boys, on l’est aussi des chœurs virils façon hooligans davantage de mise dans le secteur du gros bruit qui tâche … Quoique les titre suivant (« Revenga » et « Cigaro ») fassent  pas dans la dentelle et accumulent tous les clichés et poncifs du genre. C’est ensuite que ça commence à partir dans tous les sens. « Radio / Video » c’est entre tango, folklore arménien et ska, avec de temps en temps des accélérations de dragster, un type qui chante comme Sting dans Police, et ça pourrait plaire aux fans de Rancid (c’est qui Rancid ? pfff, laissez tomber …).
La seconde partie du disque (heureusement assez court, mais si j’ai bien compris y’a une suite siamoise qui s’appelle « Hypnotyze »), incite encore plus à se gratter l’occiput, on passe d’une une ramonade speed (« This cocaine … »), à un énigmatique « Violent pornography » (tant musicalement que par les lyrics), à un truc épique ironmaidenesque (« Question ! » pas trop mal hormis quelques volutes prog du plus mauvais goût, mais bon, quand tu t’inspire de Maiden, ça te pend au nez), un autre où le chanteur se prend pour John Lydon dans PIL (« Sad statue »), avant de passer sa voix au vocoder (« Old school Hollywood ») avant un final que les métalleux doivent détester, une plaisant ballade folky ma foi bien troussée (« Lost in Hollywood »), avec plus de feeling que de pathos dégoulinant. Forcément pour moi le meilleur titre du skeud …

Je me demande ce qu’en pense Aznavour …



LIVING COLOUR - VIVID (1988)

Du symbole au cliché ?
Living Colour, ils avaient toutes les chances de leurs côtés pour être un des groupes phares des années 90. Susceptibles de rassembler sur leur le nom le public de tous les courants, de toutes les chapelles. Avec clignotant bien fort au-dessus de leur nom, le mot qui allait devenir incontournable : fusion. Living Colour mélangeaient tout, le rock, le rap, le funk, tentaient la synthèse de ces genres bien cloisonnés … Et en plus, ils étaient Noirs.
On mit tous les atouts de leur côté, la major (Epic), le plan com (des Noirs qui rockent dur, rendez-vous compte …), des noms ronflants en guest (les leader de Public Enemy, posse majeur du rap, mais aussi un certain Mick Jagger). Et l’affaire a pourtant capoté …
Living Colour
Sans remonter jusqu’à Hendrix ou Phil Lynott, des Blacks mélangeant les genres, il y en avait déjà eu. Les Bad Brains avaient tenté l’aventure au début de la décennie avec leur punk-reggae-hardcore. Sans faire s’affoler les chiffres de vente. Les Living Colour ne réussiront guère mieux commercialement, « Vivid » marchera un peu aux States, les autres nulle part. Avec peu ou prou les mêmes recettes, Red Hot Chili Peppers ou Rage Against The Machine feront fortune. Parce qu’ils étaient meilleurs ? Bof, pas vraiment … Parce qu’ils avaient la peau plus claire ? Hum, peut-être bien …
Living Colour, ça en devenait presque embarrassant leurs symboles alignés et leur carnet d’adresses. L’affaire reposait sur Vernon Reid, guitar-hero déjà reconnu alors qu’il jouait dans les pénibles Defunkt (dispensable groupe de jazz-fusion-machin), et leader de fait de Living Colour (guitare ultra-technique en avant, pléthore de solos, seul compositeur de la moitié des titres). A la production, Ed Stasium, le spécialiste du rock pour arenas, pas mal pour un premier skeud. Ça sonne du feu de Dieu, des énormes batteries compressées au cœur de l’espace sonore, des arrangements bling-bling, le truc qui t’en fout plein les oreilles. Manque juste deux choses, un peu essentielles quand même : des titres bien construits (ça se veut compliqué, élaboré, plein de breaks et de changements de rythme, en fait c’est assez pauvre mélodiquement et déjà entendu des milliards de fois), et un bon chanteur (le préposé au micro, Corey Glover, est d’une quelconquitude assez affligeante). Last but not least, Living Colour pouvait compter sur un attaché de presse enthousiaste, le dénommé Mick Jagger. Qui, Stones moribonds oblige (Jagger et Richards étaient sérieusement fâchés, ils en venaient aux mains en studio, et les disques des Stones des années 80 sont misérables), tentait par tous les moyens de se maintenir sous les sunlights, à grands coups de disques solo risibles et de name dropping effréné, clamant à qui voulait l’entendre, que cette fois c’était sûr, il avait découvert the next big thing. Avec Living Colour, il produit même deux titres, fait les chœurs sur un (« Glamour boys »), et joue de l’harmonica sur l’autre (« Which way to America »). A peu de chose près les deux plus mauvais de « Vivid ».
Vernon Reid
Living Colour est un concept. Qui ne vole pas bien haut, mais qui à l’époque pouvait paraître quelque peu original. Du rock pour Blancs joué par des Noirs,  « militant » comme leurs voisins rappers new-yorkais (ils sont potes avec Public Enemy, d’où le petit featuring de Chuck D et Flavor Flav), une approche musicale somme toute conventionnelle et commerciale. Le titre introductif « Cult of personality » fera son petit bonhomme de chemin dans les charts et sur MTV, « Glamour boy » et « Open letter (to a Landlord) » auront moins de succès. La base du disque, c’est de passer à la sauce hardos du funk, du rap, des ballades, de la pop … Quelquefois ça fonctionne assez bien (« I want to know », « Broken hearts »), le plus souvent, ça ne ravira que les fans de solos de gratte, où là, faut le reconnaître, le Reid assure (m’étonnerait pas qu’il figure en bonne place dans ces classements stupides des best guitar heroes). A noter une reprise qui se veut déstructurée (mais pas tant que çà, on reconnaît quand même) du « Memories can’t wait » des Talking Heads.
« Vivid » n’est pas un disque abominable. Juste dans le ventre mou de ces œuvres « de fusion » qui vont se multiplier pour quelquefois le meilleur et le plus souvent le pire au tournant des années 80.

Par contre, faudrait songer à empaler le responsable de la réédition de 2002, qui ajoute une minable reprise du « Should I stay … » du Clash, une paire de remix aussi tristes qu’un réveillon sans bûche, et une paire de titres live qui n’ont pas dû donner à grand-monde l’idée d’aller voir Living Colour en concert lors des tournées de reformation … Ah ouais, je vous ai pas dit, ils ont sorti trois disques avant de se séparer, le plus connu de la bande, Vernon Reid, s’est lancé par la suite dans le jazz-metal ou une saleté de ce genre …


MEAT LOAF - BAT OUT OF HELL (1977)

Rock and (cholesté)roll ...
Alors là, attention, best seller. Les Ricains en ont acheté des dizaines de millions de « Bat out of hell ». Il doit être dans le Top 10 (et vu l’état du « marché » du disque y restera jusqu’à la fin des temps) des ventes US toutes époques et tous genres confondus. Le coup d’éclat de deux inconnus, qu’évidemment ils ne renouvelleront pas, même s’ils s’y sont péniblement essayés.
Meat Loaf, c’est le pseudo d’un gars dont j’ai oublié le nom, ventripotent gueulard de quinzième zone, coupable d’un disque au début des seventies que personne a jamais acheté, et second rôle dans le film culte déjanté « The Rocky horror picture show ». C’est lui le chanteur et l’attraction de tout ce cirque. Mais de là à ce qu’un inconnu s’attaque aux records de vente de « Saturday Night Fever » … Le « cerveau » de l’affaire « Bat out of hell », c’est le dénommé Jim Steinman, un type qui se prenait modestement pour Berlioz et Wagner, mais dont la réputation n’avait jamais dépassé sa cage d’escalier. C’est Steinman qui est responsable, même carrément coupable, du « concept », des musiques et des textes. Meat Loaf se contentera de chanter et de « jouer » un personnage grotesque inspiré par Falstaff, Batman, La Bête, Rahan et Obélix … La musique, on y reviendra vite fait, est un croisement-plagiat des pires choses entendues chez les progueux, les hard-rockeux, Queen (on y reviendra aussi) et … Springsteen.
Les coupables : Meat Loaf & Jim Steinman
Dont les deux mercenaires habituels du E Street Band (Bittan et Weinberg) se retrouvent au casting de ce « Bat out … ». Ce qui suscite une interrogation, comment ces types réputés ont-ils pu aller traîner leurs guêtres sur le projet de deux inconnus azimutés ? La réponse elle est chez les banquiers, ceux qui ont payé ce disque, Epic, filiale de Columbia, label de … oui, Springsteen, je vois que vous commencez à comprendre.
« Bat out of hell » c’est un peu un coup de poker insensé financé par la multinationale, sinon, comment voulez-vous vous payer Bittan, Weinberg, … et les autres. Parce que le casting du disque, ça file le tournis, Rundgren (pas un tendre quand il s’agit de causer pognon) produit et joue de la guitare, Edgar Winter (oui, l’albinos à saxo, frère de l’albinos à guitare), des types d’Utopia (le groupe à Rundgren), pas moins de deux orchestres symphoniques… Tout ce monde trimbalé dans quantité de studios plus high-tech les uns que les autres … Du pognon dépensé sans compter mais qui a rapporté très très gros. Tellement gros, que le Gros et le Steinman se sont brouillés à mort pour of course des histoires de pourcentages, de droits, lorsqu’il a fallu passer à un second disque, qui aurait du sortir dans la foulée (suivant le puissant précepte du on presse le citron tant qu’il sort du jus) mais qui ne sortira que des lustres plus tard, fatalement dans une indifférence à peu près générale.
« Bat out of hell », ça fait passer Yes pour du folk acoustique. Exemple type du morceau crétin « Paradise … », où l’on passe en dépit de tout bon sens du rock’n’roll, au rythm’n’blues, à la pop, au disco, au hard, … Comme Queen, me direz vous … en quelque sorte, sauf que Queen est un groupe totalement second degré, qui dans sa carrière n’a pas écrit des morceaux, mais juste des pastiches forçant sur la caricature, le ridicule. Tandis que Steinman, lui, est totalement prétentieux et dénué d’humour, tout est au navrant premier degré … Heureusement qu’il avait Bittan et Weinberg, sinon leur patron aurait porté plainte, le premier titre, l’éponyme « Bat out of hell » est entièrement pompé sur des passages de « Born to run », et plus particulièrement de « Jungleland ». Mais jamais Springsteen, pas toujours le type le plus sobre musicalement de la planète, n’avait sorti de loukoums de ce style.
Lester, fais gaffe si tu dis encore du mal de mes disques ...
On n’évite pas non plus l’interminable ballade (quasi neuf minutes, comme les deux titres cités plus haut) gluante avec les deux (comme si un seul ne suffisait pas) orchestres symphoniques qui empilent les couches de violons. Les quatre titres restant sont heureusement plus courts. Pas forcément meilleurs. L’un d’eux (« You took the words … ») s’engage même par une discussion genre la Belle et la Bête (la Bête, vous aviez deviné, c’est Meat Loaf, la Belle c’est Ellen Foley, choriste et faire-valoir féminine qui délaissera vite le balourd pour fréquenter de près le Clash, et plus particulièrement Mick Jones), avant un classic rock pompier comme ça devrait pas être permis … La moins insupportable du lot, c’est pour moi « Heaven can wait » …
Ce genre d’objet sonore prétentieux, chez moi, ça finit poubelle direct … mais là, ce « Bat out of hell », il est tellement con au premier degré que ça me fait pitié … j’en écoute parfois des morceaux avec le sourire …


BEASTIE BOYS - LICENSED TO ILL (1986)

Nu-rap
Le disque qui m’a fait gratter l’occiput. Jusque là, les choses étaient simples. Les rockeux, folkeux et souleux d’un côté (le bon), tout le reste (la pop à synthés, le prog, le disco, le rap) de la daube. Tu choisissais ton camp, mettais des œillères triple épaisseur, te gavais de tes certitudes, et t’avais ta ligne de conduite musicale pour la vie …
Bon, on avait déjà entendu partout « Walk this way », le mega-hit fruit de l’improbable association Aerosmith – Run DMC. Mais ça s’expliquait, les deux faisaient partie du monde des majors de la musique, c’était un coup commercial réussi, mais un coup commercial quand même, destiné à booster la carrière des uns et relancer celle des autres.
Mais là, avec « Licensed to Ill », les Beastie Boys allaient plus loin. En gros, ils mélangeaient des guitares et des rythmiques (hard) rock avec du rap sur un disque entier. Trois gosses de Brooklyn, fils de bonnes voire de très bonnes familles blanches, punks dans l’âme, se lançaient tête baissée dans un genre jusque-là ghettoïsé et réservé aux Noirs du Queens ou du Bronx. So what ? des visages pâles dans un joyeux foutoir vocal, fait d’invectives, de chœurs débiles, de refrains hooliganesques … les niggaz criaient à l’imposture. De l’autre côté les hardeux poussaient des cris d’orfraie en voyant tous leurs gimmicks utilisés pour faire du fuckin’ rap …
Vous avez dit potaches ?
Ce sont finalement les nerds américains white trash, qui en achetant ce disque par millions, allaient mettre tout le monde d’accord et faire un triomphe à « Licensed to Ill ». Cette rondelle promise au pilori devenait la bande son de l’année. Les sceptiques ont eu beau jeu de railler les apparitions live de Beastie Boys rétamés à la Bud tiède, scandant dans un immense bordel potache leurs hymnes crétins, rien n’y ferait. Le rap naissant venait déjà de rentrer dans une autre dimension, vivant sa première mutation, brouillant toutes les cartes et idées reçues …
Les Beastie Boys, au départ, c’est l’arme secrète du label Def Jam, tout juste porté sur les fonds baptismaux par Russell Simmons (frère d’un des trois Run DMC) et le jeune producteur Rick Rubin, fan à la fois de rap et de heavy metal. Les deux étaient dans le coup « Walk this way ». « Licensed to Ill » va enfoncer le même clou. On sait aujourd’hui ce que sont devenus les protagonistes de cette affaire. D’un côté un groupe de rap qui allait devenir totalement novateur (« Paul’s Boutique », le suivant se verra attribuer l’étiquette de « Sgt Pepper’s » du rap, ce qui n’est pas rien) avec trois types impliqués dans tout un tas de causes et de combats plus ou moins humanitaires, sociaux, etc ... Quant à Rick Rubin, c’est tout simplement le Spector, Martin, Dr. Dre ou Perry de sa génération, une sommité des consoles à l’éclectisme stupéfiant …
« Licensed to Ill », pour moi il ne vaut que pour son concept. Ça suffit pour en faire un grand disque qui compte, mais faut reconnaître que malgré son aspect plombé, il fait souvent un peu léger. Ce n’est que l’esquisse assez rudimentaire de ce que feront plus tard les Beasties ou Rubin. Et ça tourne vite en rond. Trois-quatre titres déchirent leur race, la majorité des autres fait figure de copier-coller bâclés, et deux-trois pochades assez problématiques ne semblent là que pour garnir à peu de frais et d’idées les deux faces du vinyle.
Beastie Boys & Rick Rubin
Recette de base, du gros riff qui tache. Pas moins de quatre titres de Led Zeppelin sont samplés, ils y côtoient ceux de Black Sabbath, AC/DC, Creedence ou le Clash. Sur tout un titre (« No sleep till Brooklyn »), Rubin fait intervenir un dénommé Kerry King, guitariste des jusque-là obscurs trasheux de Slayer, dont il est en train de produire un certain « Reign in blood » … là aussi, on connaît la suite. L’attaque de « Licensed to Ill » (« Rhymin’ and stealin’ ») prend d’entrée à l’estomac. C’est brutal, syncopé, trash, avec ses slogans crétins braillés à trois voix. « The new style » qui suit port bien son nom et enfonce la même porte,  le braillard « She’s crafty » confirme.
Et puis, le disque semble partir en vrille, le gag ( ? ) du truc salsa-rap (« Slow ride »), la pitrerie de « Girls » et son Farfisa à un doigt. On n’en est pas à la moitié du disque, on commence déjà à regarder sa montre et à trouver la farce douteuse.
Et puis, blam, sans prévenir, deux tueries totales enchaînés, « Fight for your right » l’hymne majuscule des Beastie Boys, appel à l’hédonisme forcené (« Fight for your right … to party », vous vous attendiez à quoi, à un pensum johnlennonesque ?), et le « No sleep … » déjà évoqué. Logiquement, après ces deux déflagrations, le final du disque fait quelque peu anodin, tout juste faut-il signaler un arrangement de cuivres sur le bien ( ? ) nommé « Brass monkey » ; tout le reste reproduit des gimmicks déjà entendus auparavant, on s’en cogne un peu.
Malgré son aspect (volontairement) imbécile et enfantin, ce disque se pose là et pas qu’un peu en terme d’influence sonore pour les années suivantes.

Toute la cohorte des nu-metalleux du mitan des années 90 (tous ces Korn, Blink Truc, Sum Machin) a tout piqué à « Licensed to Ill », les marxistes d’opérette RATM aussi, du moins pour la partie musicale. En faisant ça de façon ultra-sérieuse, concernée … Alors que pour les Beastie Boys (du moins à cette époque-là), leur musique n’était qu’une vaste rigolade, une façon de boire des coups à l’œil, et de mater les nibards des gonzesses …

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MOTÖRHEAD - AFTERSHOCK (2013)

Est-ce bien raisonnable ?
Où il va être question de Motörhead. D’un disque de Motörhead millésimé 2013. Pas vraiment un skeud que j’attendais. Je m’attendais plutôt à un avis de décès de Lemmy, tant les infos qui venaient de lui étaient alarmantes. Des hospitalisations à répétition, des concerts et des tournées annulées. Pas le genre du bonhomme. Bon, à presque 70 ans, dont l’essentiel passé avec une hygiène de vie assez problématique, il est clair que l’âme de Motörhead va pas tenir 70 ans de plus.

Lemmy a morflé, c’est clair. Est obligé de s’économiser sur scène. Est quasiment aphone. Mettrait du Schweppes dans son gin. En fait survivrait. Mais bon, qu’est-ce que vous voulez qu’il fasse Motherfucker Lemmy ? Partir dans une résidence pour vieux, attendre dans ses charentaises l’heure de « Questions pour un champion », prendre un potage, une tisane et dodo ? Ben non, il crèvera sa basse Rickenbacker à la pogne, c’est tout. Incapable de faire autre chose.
Motörhead et ses disques, y’a longtemps que j’en ai plus rien à foutre. J’ai « Overkill », « Ace … », le live à l’Hammersmith, ça suffit. Ecouté d’une oreille distraite des bribes des suivants. Toujours le même machin, mais en moins bien, moins fou, moins sauvage, moins furieux. Du hard speedé et bourrin à la tonne … Pas vraiment mon truc… Mais je vais vous faire une confidence, si dans un mag, y’a un papier sur Lemmy (ou Keith Richards), c’est toujours celui que j’irai lire en premier. Pas par fascination pour ces irrécupérables junkies, mais parce que ces types ont vécu dans un seul de leurs trips de trois nuits sans dormir plus d’émotions fortes que n’importe lequel de leurs fans en éprouvera dans une vie entière. Et en plus, ces deux-là ont une vision, une connaissance de tout le fuckin’ rock’n’roll circus, un humour et oui oui, une lucidité qui m’épate et me régale… Pensez, Lemmy, il a vu plus de dix fois les Beatles live, a porté les amplis de Hendrix lors d’une tournée anglaise de l’Experience, a fait partie de cette méchante bande de freaks d’Hawkwind, et a fondé Motörhead, groupe adoré et respecté à la fois par les punks et les hardeux … Hats off, motherfucker …
« Aftershock », il paraît que c’est son meilleur depuis longtemps. Enfin leur meilleur, parce qu’il est pas tout seul, Lemmy. Motörhead, règle de base, c’est un trio. Dont je connaissais même pas le nom des deux gonzos qui l’accompagnent. Ils sont là depuis longtemps, paraît-il. Rien à foutre … pour moi, Motörhead, c’est Lemmy, Fast Eddie et Philty Animal Taylor. La formule magique, royale … les autres formations, c’est pour payer les factures et les dealers, sans intérêt …
« Aftershock », n’écoutez pas ceux qui vont vous dire qu’il est génial, c’est pas vrai, c'est un bon disque, c'est tout. D’abord le motherfucker Kilminster, il est cuit. Tout juste si on entend ce qui lui reste de voix, un grognement linéaire plat, sans tripes, rage, et adrénaline. Ensuite, enfer et damnation, on sent tout ça écrit, pensé, susceptible d’être joué sur scène par un type qui a plus les moyens d’assurer une heure et quart de speed-punk-metal. Alors y’a des mid-tempos, une fuckin’ ballade (« Dust and glass », qui risque pas de faire oublier la tornade « Metropolis ») … Et même un blues (« Lost woman blues ») . Ouais, un blues … sale, velu et vulgaire … qui pue la sueur, la pisse et l’alcool frelaté … bon, même si c’est pas le genre de truc qu’on risque de trouver sur une galette de Clapton ou de Jojo Bonamachin, ça n’apporte pas grand-chose au genre, ni à l’image et la disco de Motörhead …

Donc beaucoup de titres (déjà, y’en a quatorze, ça dure trois-quarts d’heure, ils en auraient pu en oublier quelques-uns), avec des arrangements entendu trois milliards de fois chez les hardos, ces breaks « techniques », ces solos sans intérêt du guitareux, on se croirait chez Judas Priest, c’est pas mieux que chez ces banquiers de Metallica ou ces crétins de Slayer …
Mais il y a quand même de bonnes choses, quand Motörhead fait du « vrai » Motörhead. Ces trucs agressifs, méchants, à toute blinde, qui envoient la purée, qui foncent sans se préoccuper de quoi que ce soit (« End of time »). Ces titres qui ne peuvent sortir que du cerveau déglingué de Lemmy (« Silence when you speak to me », ça c’est envoyé, mais bon, musicalement ça casse pas des briques), ces poussées de fièvre bienvenues (« Going down to Mexico », là il se passe un putain de truc). Le meilleur, il faut aller le chercher tout à la fin du skeud, sur les deux derniers morceaux. « Keep you powder », pas franchement du Motörhead-style, mais ça ressemble tellement à l’AC/DC période australienne Bon Scott que moi je suis preneur. Et surtout le terrifiant final, les 2’51 de « Paralyzed », tuerie speed totale, le petit frère de l’écrabouillant « No class » (sur « Overkill », an de grâce 1979, ce qui ne rajeunit personne).


IRON MAIDEN - THE NUMBER OF THE BEAST (1982)

Working class hardos ...
Voir Iron Maiden aujourd’hui cité comme un des groupes de rock les plus populaires du monde, et le numéro un des groupes hard-metal-heavy-machin …, me semble tenir du prodige, et relève pour moi de l’incompréhension la plus totale. Jamais rien trouvé d’extraordinaire aux skeuds de ces satanistes de bande dessinée. Enfin, les disques studio, parce que les live, chez Maiden, c’est mieux, ça déménage vraiment. C’est peut-être pas en finesses et en nuances, mais ça déménage.

Il y a chez ce groupe une volonté, un acharnement, à bien faire son « métier », à essayer de faire mieux que ce que l’on attend d’eux. Des bosseurs forcenés, partis de rien ou pas grand-chose, et qui presque quarante ans après leurs débuts, enquillent les tournées mondiales (les vraies tournées mondiales, pas seulement Amérique du Nord, Europe de l’Ouest, Japon et Australie, les Maiden jouent dans des stades pleins en Amérique du Sud, en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique, en Europe de l’Est, et si un promoteur leur propose un concert sur la banquise ou la Lune, c’est sûr qu’il iront y jouer …) aux bénéfices colossaux. Faut le faire, les semaines d’interviews de promo aux quatre coins de la planète, les émissions de télé, les show cases, les séances de dédicace dans les endroits les plus improbables, et puis après ça, un an et demi all around the world pour plus d’une centaine de concerts gigantesques. Et au final, guère étonnant que ce soit des hardeux en général qui y arrivent, et Maiden en particulier. Depuis toujours, ces types rabâchent à longueur d’interviews les mots « travail » et « respect des fans ». Et c’est pas juste un vocabulaire cynique de com. Les Maiden, je suis persuadé qu’ils aiment leur job, et ils ne rechignent jamais à en faire toujours plus pour que le fan de base en ait pour son pognon …
« The number of the beast », c’est leur troisième disque, celui qui les a fait passer d’espoir quincailler à un des noms qui compte de la métallurgie lourde. Leur meilleur disent même certains fans. Celui des hits (oui, oui, on entendait « Run to the hills » à la radio), et des classiques célébrés depuis des décennies en concert (« Number of the beast », « Children of the damned », « 22 Acacia Avenue »). Maiden c’est avant toute chose Steve Harris, le bassiste compositeur quasi exclusif, incontesté leader discret. D’ailleurs discrets, ils l’ont toujours été, peut-être par la force des choses, parce qu’ils ont  pas vraiment les moyens de flamber. Simples (ou malins, allez savoir), ils ne se présentent pas en héros supra galactiques, ils sont avec leurs baskets, leurs jeans et leurs cuirs fringués comme le hardeux de base. Point de héros du micro (Dickinson, qui fait son entrée dans Maiden à l’occasion de ce disque, est un braillard correct, mais sans charisme ni talent). Les deux guitaristes (Murray et Smith), il viendrait à l’idée de personne de les citer dans un Top 100 des guitar-heroes, le batteur, ils vont après ce « Number … » faire un échange-standard avec celui de Trust. Des stars quasi anonymes, quoi …

Iron Maiden, ils ont pas inventé grand-chose (pour être aimable). Le rejet absolu de tout ce qui viendrait du blues ou du rock’n’roll comme préalable (quoique l’intro de « 22 Acacia Avenue est entièrement pompée sur le « Friday on my mind » des Easybeats, le groupe 60’s du frère aîné d’Angus Young), les morceaux qui finissent toujours en forme de cavalcade épique, et des emprunts guère discrets au classique symphonique ou à son avatar pour les sourds, le prog. Rien de surprenant dans l’écriture, les titres courts et rapides, les titres longs en forme d’épopée électrique, les titres qui commencent lentement pour finir à donf, et ceux qui commencent vite pour finir à donf, et Martin Birch (l’historique producteur du « In rock » de Purple) aux manettes. Les généalogistes de la chose métallique parlent de Maiden comme des précurseurs du speed ou du trash … bâillements. Quelques références guère finaudes à de la messe noire de pacotille et du satanisme de supérette leur vaudront malgré tout d’être qualifiés de diaboliques par quelques prêcheurs idiots (pléonasme). Et leurs pochettes toutes plus moches les unes que les autres avec leur mascotte, le zombie décharné Eddie, ravissent les porteurs de vestes jeans patchées avec leur tignasse au vent …

Maiden, c’est du hard un peu con et bourrin de base. Rien d’ignoble, mais pas de quoi se relever la nuit …

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BLACK SABBATH - 13 (2013)

Too old to sabbath ?
Dans la série des improbables come-backs, ces jours-ci le cas Black Sabbath se pointe, et pas vraiment en loucedé, mais plutôt assorti d’une agitation médiatique comme d’hab exagérée. Mais ça va peut-être fonctionner. Enfin, ça va sûrement fonctionner, Universal met le paquet, promo, interviews des vieillards, et tournée mondiale.
Le Sab, c’est quand même un truc qui me dépasse un peu, ou me passe par-dessus la tête, comme on veut. Jamais été en admiration devant eux. Une paire de skeuds intéressants en 70, idiots et crasseux, faits par une bande d’idiots crasseux (from Birmingham), mais c’est ça qui faisait leur charme (son de caverne humide, culte de la lourdeur et de la lenteur, vague aura satanique). Et une audience très nettement supérieure à ce que les quatre pouvaient rêver, et qui n’est pas près de se tarir (l’essentiel du métal « différent », surtout le doom et le stoner leur doit tout). Deux ou trois autres disques plus « finis », très pros, parce que le groupe a du succès, et qu’il s’essaye à jouer dans la cour des grands de l’époque, le Zep et le Purple. Et puis la saga vire au grotesque. Complètement défoncés, les gars se balancent des procès à la face, et pendant des décennies l’à peu près seul Tony Iommi, guitariste de la formation originale maintient ce qu’il reste du groupe en activité. Tandis que de son côté, son chanteur Ozzy Osbourne, total déglingo, se fait plus remarquer par ses décapitations de colombes vivantes avec les dents que par la qualité de sa production discographique. Avant de devenir la vedette de son show voyeuriste de télé-réalité familiale, entre sa femme-manager Sharon et ses deux crétins de gosses de riches. Et puis, là, en 2013, on voit se pointer des gens sous l’intitulé Black Sabbath, alors qu’ils ne se parlaient plus sinon par avocats interposés depuis presque quarante ans. A propos d’avocats, et pour signaler le caractère bassement matériel de ce barouf, manque à l’appel le batteur Bill Ward, pour des problèmes de … contrat, ben voyons … Heureusement que Iommi et Osbourne ont récupéré le bassiste d’origine Geezer Butler, parce que c’est quand même lui le vrai dépositaire du Black Sabbath sound, vu qu’il écrivait l’essentiel des paroles et participait à la  musique, ce qu’il continue de faire aujourd’hui.
Iommi, Osbourne, Geezer : Black Sabbath 2013
Tout ça pue le racket du fan, la sale magouille de la major. Faut quand même signaler que Iommi s’est fait bouffer par le crabe et n’est que provisoirement sorti d’affaire, que l’Ozzy est complètement barge, désintoxiqué un nombre incalculable de fois, supposé parkinsonien, et qu’il aurait à l’occasion des séances studio et du début de la tournée replongé dans la picole et la défonce. Détail non négligeable, les trois revenants ont tous la soixantaine bien sonnée …
Bon, maintenant que les présentations annexes à ce « 13 » (pourquoi « 13 », c’est pas le treizième sous l’intitulé Black Sabbath, bon, on s’en fout …) sont faites, venons-en à la rondelle argentée. Qui aurait (faut toujours trouver un prétexte), le sieur Rick Rubin à son origine. Le barbu new-yorkais est fan de Black Sabbath, a quand même rayon production un sacré CV, et souhaitait être aux manettes d’un éventuel album de reformation, à laquelle il aurait œuvré en sous-main. Pour l’enregistrement, les trois Sabbath originaux ont embauché Brad Wilk (excellent sur ce « 13 »), le batteur des feu Rage Against The Machine et Audioslave (c’est un autre dont le nom m’échappe qui assure la tournée mondiale).
Le résultat, j’aurais bien aimé le décortiquer méchamment, sauf que ce « 13 », il est même pas si mauvais que ça … Bon, c’est pas celui que l’on citera dans vingt siècles pour évoquer Black Sabbath, mais c’est cohérent, assez plaisant même. Les trois gonzos ont résolu facilement comment faire du Black Sabbath aujourd’hui. Ils ont fait des quasiment copier-coller de quelques trucs pris dans leurs premiers disques. Le net fourmille de détails et d’analyses exhaustives de ces auto-plagiats recensés sur ce « 13 ». Le son du Sabbath original gonflé par la production actuelle de Rick Rubin, c’est évident, bête comme chou, et ça fonctionne.
Black Sabbath & Rick Rubin
 Le son est monstrueux, il y a ces tempos ralentis et enfumés, ces solos malsains de Iommi, cette voix de gargouille d’Ozzy qui déblatère ses textes sans s’occuper de ce que jouent les autres, toutes ces choses déjà connues et mille fois entendues que l’on croyait disparues à jamais. La basse de Butler est colossale, les accélérations de Iommi meutrières, il joue très lourd, très fort, sa guitare est mixée à la limite de la saturation, c’est sans conteste le roi de ce disque …
Il y a quand même lieu d’émettre quelques réserves. Même si les titres s’étirent  (plus de cinquante minutes pour les huit titres de base, y’a des éditions DeLuxe avec trois bonus), on a vite fait le tour de « 13 », c’est un peu toujours pareil, de toute façon on a déjà entendu tout ça sur les vieux skeuds. Ensuite si on nous vend comme d’hab les types qui jamment en studio et on enregistre ce qui sort, ça donne plutôt l’impression d’un disque fait à grands coups de clics informatiques, patient assemblage numérique de séquences laborieusement répétées. Sauf si je suis en train de devenir déficient auditif, j’ai comme l’impression que la voix d’Ozzy (sur ce disque le plus problématique des mousquetaires sabbathiques) est au moins doublée voire triplée avec un infime décalage pour donner cette ampleur sombre et nonchalante qu’il avait en 70, mais a perdue manifestement aujourd’hui, tant ses parties vocales sonnent bidouillées.

La moitié des titres (« End of the beginning », « God is dead ? », « Zeitgeist » et « Damaged soul ») surnagent à mon sens du lot, le restant fait un peu remplissage. Le résultat est globalement moins mauvais que ce à quoi je m’attendais, et fait bonne figure comparé à ce que sortent les grabataires de la même génération. Conclusion logique, ouais, c’est pas mal, mais c’était évidemment mieux avant …

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Paranoid