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MADONNA - MADONNA (1983)

Self made woman ...

Il s’est vendu du premier album de Madonna plus de dix millions de copies … mais pas quand il est sorti … en fait il en a commencé à se vendre après le carton de « Like a Virgin » tout le monde était demandeur de quelque chose estampillé Madonna …
Question : Ce « Madonna » fut-il un chef-d’œuvre ignoré lors de sa parution ? Réponse lapidaire : Non.
Résumé de l’affaire. Madonna, née Madonna Louise Ciccone dans le Michigan, fait partie d’une famille nombreuse de la petite bourgeoisie italo-américaine chrétienne. Attirée un peu par la musique et beaucoup par la danse, elle rêve d’une vie artiste, ce qui n’est pas du goût de son veuf de son père avec lequel elle rompt pour tenter sa chance là où tout se passe, à New York. Le rêve américain classique que des millions de mecs et de nanas ont essayé de concrétiser … Madonna a réussi.
Parce qu’elle avait du talent ? Ouais, certes, il en faut un minimum. De la chance ? Aussi. Mais surtout elle était au bon endroit au bon moment et a su prendre son destin en main…
Louise la Brocante ...
L’histoire (la légende ?) la prétend arrivée à New York avec juste quelques dollars en poche, et un début de parcours pour le moins difficile (cambriolages de son appart, viol, galères en tout genre …). Elle recherche des petits boulots alimentaires (danseuse, figurante de porno soft), tout en apprenant vite … elle comprend qu’il faut être vue dans les endroits branchés et fréquente assidûment la discothèque Danceteria. Et pour être sûre de ne pas passer inaperçue, elle se crée un look sexy et déluré, à base de nombril à l’air, de sous-vêtements apparents et de ribambelles de bracelets, colliers et autres colifichets de pacotille.
Elle se rend compte que plutôt que la danse, c’est la musique qui peut la faire réussir. Elle chante juste, d’une voix très aigue manquant de coffre, et donc pourquoi ne pas sortir un disque … Elle commence à la batterie ( ?! ) dans un simili groupe de rock, Breakfast Club, mais très vite enregistre seule des maquettes de titres qu’elle a composés (« Everybody » et « Burnin’ up » qui figureront réaménagés sur « Madonna » et « Stay » que l’on retrouvera sur « Like a Virgin »).
Comme elle connaît bien à force de fréquenter l’endroit le personnel de la Danceteria (les DJ et le remixeur John « Jellybean » Benitez) ses titres finiront par passer dans la sono de la boîte, elle sera présentée à quelques types de maisons de disques, avant que Seymour Stein la signe sur son label Sire et l’envoie en studio enregistrer un premier album.
Madonna aime les sucettes ... à l'anis ?
En 1983, Madonna n’est plus exactement une perdrix de l’année (elle a vingt-cinq ans), mais elle a tout à prouver. Elle choisit d’enregistrer essentiellement ses propres compositions et la joue profil bas. Elle n’est pas un objectif commercial de Stein, et va donc se limiter à un disque de dance music, le seul genre qu’elle maîtrise à peu près.
« Madonna » a tous les terribles défauts de ces rondelles mainstream sorties à cette triste époque, les schémas rythmiques hypertrophiés du disco mourant, et des myriades de synthés analogiques censés faire moderne. Difficile de faire plus crétin que l’intro de « Lucky Star », plus remplissage que tous ces « I know it », « Physical attraction », « Think of me ». Difficile de ne pas voir dans la guitare hardos à la Van Halen (qui n’était pas sur la maquette ni non plus sur les remix du titre) de « Burnin’ up » une tentative de faire son petit « Beat it » de Michou Jackson qui affolait alors les hit-parades… Difficile aussi d’appréhender la correcte chanteuse qu’elle deviendra, alors qu’elle est là confinée dans les aigus hurlés et secondée par des choristes …
« Madonna » ne sera même pas un succès d’estime, quelques titres seront testés dans les boîtes de nuit new-yorkaises, Sire essaiera sans conviction de sortir quelques 45T et EP de remixes, et le disque s’acheminera lentement mais surement vers les bacs à soldes …
« Like a Virgin » l’année suivante va changer la donne et désormais trois titres de ce « Madonna » figurent dans toutes les compiles de la superstar. « Lucky star », assez vilain malgré tout, « Holiday » qui rétrospectivement a tout du single évident, ode à l’hédonisme, à la party permanente et au sea, sex and fun. Et la vraie (et seule) très bonne chanson du disque (« Borderline »), ballade pop majuscule, même si un peu beaucoup gâtée par des arrangements datés et vulgaires …
La suite s’écrira dans les Guinness Book …


De la même sur ce blog : 
Like A Virgin



SHANNON SHAW - SHANNON IN NASHVILLE (2018)

Ghostbusters ...

« Shannon in Nashville » agite tellement de mouchoirs rouges qu’on n’a pas envie d’être dupe de tous ces appels du pied un peu trop voyants. Frontwoman, une sorte de Beth Ditto blonde au tour de taille imposant. Coiffée d’une improbable choucroute qui ne semble attendre que le moindre zéphyr pour se déliter, version platine de l’excroissance capillaire qui surmontait le front de l’Amy Winehouse. Au générique, ordonnateur suprême de la chose (écriture, guitares et autres instruments bruyants, production), Dan Auerbach des famous Black Keys. Et un titre de disque qui renvoie à deux classiques absolus de la préhistoire qui rocke et rolle, « Dusty in Memphis » et « Elvis in Memphis », Tennessee connexion oblige.

Et vous savez quoi ? Eh bien, toutes ces plus ou moins subtiles allusions, pour une fois, elles sont justifiées… Evacuons le look bibendum, la Shannon n’a hormis un confortable embonpoint, rien à voir avec la leadeuse des feu Gossip. Par contre, que ceux qui portent encore le deuil de la Winehouse et qui ont oublié de se faire couillonner par les ersatz à voix rauque soul blues genre Adele reprennent goût à la vie, en voici une gueuleuse de bastringue qui a du coffre. Shannon Shaw est de la race des grandes, de celles qui te fileraient envie de chialer rien qu’en lisant le bottin. Même si les similitudes les plus évidentes sont à rechercher du côté d’une autre enrobée, la hurleuse soul en chef Aretha Franklin (R.I.P). Un style vocal qui a ses légions de fans, mais dont le côté braillard trop mis en avant peut susciter à la longue un certain embarras. Shannon Shaw a parfois tendance à se mettre en surrégime, on dira que c’est parce qu’elle a tout à prouver et à démontrer.
Shannon Shaw version Breakfast in America ?
Même si c’est pas une inconnue totale … quoi que … Son groupe précédent qui l’avait révélée ( ? ) et dont elle était la bassiste-chanteuse, Shannon & the Clams, trio voire quatuor de tâcherons se revendiquant pêle-mêle du punk, de la soul, du doo-wop et autres vieilleries vintage, ne remplissait pas les arenas, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais ce groupe avait su attirer l’oreille de Dan Auerbach, qui a produit son dernier disque et proposé l’affaire en solo à la Shannon (disque et contrat de distribution via son label Easy Eye Sound). Avec évidemment en point de mire le « Dusty in Memphis », rondelle qui avait vu l’Anglaise se réinventer passant de grande chanteuse de variété pop un peu neuneue et engoncée à shouteuse soul, blues et rhythm’n’blues sous la houlette du nabab d’Atlantic Ahmet Ertegun… Auerbach n’est pas Ertegun, même les supporters du PSG le savent. Mais bon, il essaie … et plutôt bien. Bizarrement, et même si Winehouse et Springfield sont des comparaisons justifiées, c’est du côté de l’Elvis himself que je trouve le plus de similitudes. L’Elvis qui avait rué dans les brancards du colonel Parker et s’en était allé enregistrer les choses dont il rêvait à Memphis sous la houlette de Chips Moman, accompagné par les sessionmen hantant l’American Sound Studio. Deux de ces maintenant vénérables ancêtres se retrouvent sur tous les titres de ce « Shannon in Nashville », l’organiste Bobby Wood et le batteur Gene Chrisman.
Bon, Auerbach et la Shannon qui cosignent tous les titres ne sont pas au niveau de Jerry Butler, Hank Snow ou Burt Bacharach qui avaient fourni les titres au King. Il n’y a rien dans « Shannon in Nashville » qui égale ou s’approche de merveilles comme « Only the strong survive », « Any day now » ou « In the ghetto ». Et là où le bât blesse le plus, c’est au niveau de la production. Auerbach en fait des tonnes, empilant les pistes de claviers, de cuivres, de vocaux, mixant tout exagérément en avant, façon démonstration de force technique, alors qu’un peu plus de feeling et de retenue auraient été mieux appropriés. Bon, ce type fait partie des Black Keys, pas le groupe le plus finaud de la Terre, faut pas lui demander l’impossible.
Shannon Shaw, Bobby Wood, Dan Auerbach & Gene Chrisman
Ceci étant, il n’en reste pas moins que « Shannon in Nashville » est un putain de bon disque et qu’il m’étonnerait qu’il en sorte beaucoup de ce niveau dans les prochains jours. Les compositions sont bonnes, y’a de super mélodies, on n’a pas un titre photocopié treize fois pour arriver aux quarante syndicales minutes, et la Shannon est impressionnante derrière le micro. Il y a de l’émotion, de la retenue, des démonstrations de puissance vocale qui lorsqu’elle ne donnent pas dans le systématisme forcé laissent entrevoir l’immense chanteuse qui se révèle devant nos oreilles pas habituées à pareil festin sonore par les mornes temps qui courent. La bougresse s’exhibe sans retenue, mettant dans ses paroles ses joies et ses peines et tout ça ça devient son blues. Elle a pas peur de montrer son cœur en mille morceaux (« Cryin’ my eyes out »), mais compte pas passer sa vie à chialer sur le tocard qui l’a larguée (« Freddies ‘n’ Teddies »), à des lieues des pleurnicheries de circonstance qu’on entend partout. On a les lents crescendos soul (« Golden frames »), des ballades millésimées (« Goodbye summer », « I might consider », « Coal on the fire »), des mélodies pop (« Leather, metal, steel », « Lord of Alaska »). Le fantôme de la Winehouse hante « Bring her the mirror », celui d’Elvis « Love can’t explain » ou « Cold pillows ». En fait, tous les titres mériteraient la citation … rien de faible, rien qui sonne comme du remplissage …
Disque de l’été qui devrait même passer l’hiver … Peut-être disque de l’année donc …



SANTANA - SANTANA (1969)

Chicano Revue ...
Aujourd’hui, Santana (le Carlos) est aussi chiant que les disques qu’il fait. Vous me direz , c’est pas le seul de sa génération et qu’on peut pas être et avoir été, ce genre de choses … N’empêche, voir ce pépé après des années de mutisme méprisant revenir tout sourire devant des journalistes pour faire vendre sa dernière daube jazz-rock-zen-cool-bouddhiste et les concerts qui vont avec où se rendent tous les hipsters En Marche (les mêmes qui vont voir les « performances » de Souchon et de la Dion et vont nous niquer profond pendant cinq ans avec leur autre façon de faire de la politique participative et diverses couillonnades du même genre), montre que vieillesse et dignité ne sont pas deux mots qu’on peut accoler facilement dès qu’il s’agit de rock ou de quelque chose qui est censé y ressembler.
Vérification faite, le dernier disque en date de Santana sur mes étagères, c’est le très mauvais « Amigos », plus de quarante piges au compteur. Et pourtant, ça avait plus que bien commencé … Flashback …
Santana, le groupe
Quartiers « populaires » de San Francisco, fin des années 60. Deux jeunes passionnés de musique traînent toujours ensemble. L’Américain pur jus Greg Rolie et le Mexicain de naissance Carlos Santana. Ils passent leur temps à écouter les Beatles, les Doors, Hendrix, et toute la scène psyché qui explose en Californie. Rolie a une formation de pianiste et se régale de maltraiter son orgue Hammond. Santana est guitariste. Des groupes sans lendemain sont montés sous l’égide des deux potes. A moment donné, parmi ces orchestres à géométrie variable, une tendance se dessine. Il y a beaucoup de batteurs ou de percussionnistes, beaucoup de métèques pour en jouer, le plus souvent comme Santana ayant leurs racines de l’autre côté du Rio Grande, et les rythmes latinos se mêlent aux rythmes rock.
Sentant qu’ils tiennent un truc, Rolie, Santana et leurs potes réussissent à faire venir à une répète une « star » chicano comme eux, un certain Gianquinto, dont le titre de gloire est d’accompagner parfois l’harmoniciste James Cotton. Le verdict du pro est sans appel : les titres sont trop longs, chacun y allant de son solo égomaniaque. Première baffe (ils ne lui en voudront pas, il sera recruté comme arrangeur lorsqu’ils iront pour de bon en studio). Les basanés ne se découragent pas, tournent inlassablement là où on veut bien d’eux à Frisco. Apothéose, leur réputation scénique finit par parvenir aux oreilles de Bill Graham (le patron du Fillmore et le Parrain de toute la scène musicale psyché, celui qui peut faire ou défaire les stars) qui lui aussi vient écouter les bestiaux. « C’est quoi votre bordel, vous faites que des instrumentaux, mettez des paroles si vous voulez que quelqu’un vous écoute un jour ». Deuxième baffe dans les rêves de gloire.
Santana, le Carlos
Mais les gars s’obstinent, suivent ces deux conseils, raccourcissent leurs compos et chantent (enfin, si on veut, voir plus loin) par-dessus (Rolie avec Santana aux backing vocaux). Fin 68, le groupe baptisé définitivement Santana rentre en studio pour un single qui sort début 69. « Evil ways » va scotcher tous les hippies. Et définir le Santana sound. Un rythme très chaloupé, des percus de partout, le B3 de Rolie et la Gibson SG du Carlos étant obligés de faire des prodiges pour se faire une place dans tout ce bordel tambouriné. Petit succès dans les charts, et le groupe entre-temps signé par la Columbia part en studio enregistrer son premier 33T. Bon, à cette époque-là, il sortait des singles fabuleux tous les jours et des albums de légende toutes les semaines ou quasiment. « Evil ways » et ses auteurs sont plus ou moins oubliés quand début Août paraît « Santana » le disque.
Coup de bol, Santana a été retenu pour ouvrir une journée à Woodstock. Le 16 Août en début d’après-midi, sous un soleil de plomb, les Santana prennent la scène d’assaut. Avec son guitariste qui a envie d’en découdre devant cette foule de festivaliers en train de se réveiller. Faut dire qu’on l’a vu avant le gig discuter avec Jerry Garcia, pape-gourou des hippies, et descendre une quille de Mezcal. Le groupe à l’unisson suit son leader, et le Santana band va livrer un des cinq morceaux de légende du festival, une version cataclysmique de leur pièce de bravoure « Soul sacrifice ». (Pour info, les quatre autres titres historiques de Woodstock sont le « No rain, no rain » du public, « I’m goin’ home » d’Alvin Lee et de ses Ten Years After, « I want to take you higher » de Sly et sa Famille Stone et le « Star spangled banner » concassé par Hendrix à l’aube blême du quatrième jour devant des rescapés hébétés). En tout cas, sur la foi de cette seule prestation enragée, l’histoire de Santana (le groupe et son leader) va prodigieusement s’accélérer.
« Santana » le disque est excellent, voire plus. Aurait-il permis à ses auteurs la gloire qui fut la leur sans leur prestation explosive à Woodstock, the answer my friend is blowin’ in the wind … Assez intelligemment, la réédition de 1998 a la bonne idée de rajouter au 33T studio trois titres joués à Woodstock dont évidemment « Soul sacrifice ». A noter que live, les titres durent le double que leur version studio, chassez le naturel et il revient au galop …
Aujourd’hui ce « Santana » premier du nom reste une des pierres angulaires du groupe (et de son leader), et avec son successeur « Abraxas » un des trucs à avoir absolument sur ses étagères. On y trouve, quarante siècles avant Fishbone, les Red Hot Machin et tous les autres balourds en pantacourt ce que doit être une fusion de genres musicaux réussie. A tel point que le débat fait encore rage (voir les notes de livret de la réédition) : Santana a-t-il inclus des rythmes latinos au rock ou le contraire ? Vous avez deux heures avant que je ramasse les copies, c’est coefficient 6 je vous rappelle…
Santana, Woodstock,16/08/1969
Parce que jusqu’à présent, les sonorités chicanos dans le rock, ça se limitait à « La bamba » de Ritchie Valens et au Farfisa hispanique de Sam « Wooly Bully » the Sham (qui était Texan) ou de Question Mark « 96 Tears » & the Mysterians (qui eux étaient du Michigan). « Santana » n’est pas un disque communautariste (comme en feront plus tard Los Lobos), il participe juste à faire avancer le schmilblick, à ouvrir d’autres portes, d’autres espaces au rock, pour reprendre la terminologie doorsienne de l’époque.
« Santana » est d’une redoutable cohérence. Neuf titres qui explorent ce mix entre culture latino-américaine et rock, les deux qui s’en écartent un peu (« Shades of time » plutôt soul et « Persuasion » heavy rock psyché à la Cream) semblant bien fades et convenus à côté du reste, alors qu’ils ne sont loin d’être indignes. Le reste, c’est emmené par des percussions qui sortent de partout (trois types, Carabello, « Chepito » Areas et Shrieve aux diverses batteries, percus, congas, timbales). Fidèles à leur idée de départ, les Santana couchent sur vinyle quatre instrumentaux (et les textes du restant seront très concis et d’une valeur littéraire proche du zéro absolu, mais on s’en cogne) « Waiting » en intro, le court « Savor », « Treat » comme un avant-goût du Carlos roi du sustain, et évidemment « Soul sacrifice ». On pourrait même y rajouter le single « Jingo » qui se contente de quelques onomatopées, un titre repris au percussionniste nigérian Olatunji (déjà plagié par Gainsbourg avec « Marabout »), voire la jam bordélique soul de « You just don’t care », tant les deux titres se composent du minimum syndical niveau paroles.
La mythique pochette avec sa tête de lion stylisée est signée Lee Conklin, un des illustrateurs (affiches, pochettes de disque) les plus connus du mouvement psychédéliques.
Conclusion : comme pas mal de choses, Santana, c’était vraiment mieux avant …


Des mêmes sur ce blog :
Amigos



LUIS BUÑUEL - BELLE DE JOUR (1967)

Belle, belle, belle, comme le jour ...
Il y a au moins trois bonnes raisons de regarder « Belle de Jour ».
Parce que le film est l’adaptation d’un roman de Kessel qui n’est quand même pas un écrivaillon de troisième zone, y’a de la matière dans ses écrits.
Parce que derrière la caméra il y Luis Buñuel qui n’a pas exactement l’habitude de tourner des navets ou des nanars de série Z.
Parce que devant la caméra il y a Catherine Deneuve pour certainement son plus grand rôle, tout au moins celui qui a défini à jamais son image.
Buñuel & Deneuve
Bon, voyons tout cela d’un peu plus près (de quoi, bande de pervers ? pas que Deneuve, le reste aussi …). Donc Kessel. Un écrivain-baroudeur (comme Malraux, Cendrars ou Hemingway) et qui, certainement pas le fait du hasard, écrit des livres "cinématographiques". On ne compte plus (enfin, si, il y en a qui ont compté, ils en ont trouvé 17) les adaptations de ses bouquins au cinéma. Certaines ont rencontré un gros succès populaire, mais aussi critique (« L’Equipage », « Les bataillons du ciel », « L’armée des ombres », « La passante du Sans-Souci »). Mais de tout ce lot, « Belle de Jour » reste un must.
Buñuel. Un type qui dans ses films a autant à dire qu’à montrer. Grande gueule transgressive et insaisissable quand il s’agit de son art (le choc visuel et esthétique de « Un chien andalou », n’a pas pris une ride et pourtant le scandaleux court-métrage date de 1929), marxiste ambigu (il était bien entendu du côté des républicains en 36, mais est revenu dans son Espagne natale quelque peu cautionner un franquisme à bout de souffle dans les années 70), Buñuel n’est jamais autant à son aise que quand il s’agit de montrer les travers de la bourgeoisie qu’il déteste. Avec « Belle de Jour », ça tombe bien, tous les protagonistes majeurs sont des parvenus fin de race, même s’il a répété a satiété ne pas aimer le bouquin de Kessel …
Deneuve … Putain Deneuve. Même s’il y avait déjà quelques années que les réalisateurs et le public avaient remarqué sa gueule d’ange et son érotisme glacial (l’exact opposé de la bombe sexuelle Bardot), elle traînait sa mine diaphane dans des films, qui pour aussi bons qu’ils soient (« Les parapluies de Cherbourg » au hasard) ne la positionnaient guère plus haut que l’image de belle-fille idéale. A une époque (la seconde moitié des années 60) où tout (et pas seulement les mœurs) se libérait à grand vitesse, elle restait engoncée dans son asexualité aux yeux du public. « Belle de Jour » et les scandales qui entourèrent le film à la sortie lui firent atteindre une toute autre dimension.
Deneuve version scato ...
Même si ses relations avec Buñuel furent compliquées. A l’ancienne affirment les témoins du tournage. A savoir qu’entre deux prises il y avait des discussions et palabres entre le réalisateur et les agents de la star pour savoir comment elle serait filmée, ce qu’elle dirait, ce qu’elle porterait (ou pas). Aucun dialogue direct entre Buñuel et Deneuve, aucune implication réciproque pour tirer le meilleur de l’autre. Chacun faisait son taf, un œil rivé sur ses contrats. Enfin, le résultat fut suffisamment probant pour que dans la France rance de De Gaulle « Belle de Jour » se retrouve interdit aux mineurs et en butte avec la censure (toute la scène de nécrophilie dans le château du Comte a du sauter pour que le film sorte en salles). Et dire que le putain de gaullisme revient à la mode, ils (enfin les mecs de droite-droite) s’y réfèrent tous, ces tocards … Voilà, voilà, c’était ma contribution à la primaire …
« Belle de Jour » est un rêve. De cinéaste, de spectateur, certes. Mais aussi un vrai rêve, entrecoupé de moments « éveillés ». Et tout l’art de Buñuel (bien aidé en cela par l’adaptation de Jean-Claude Carrière) est de ne jamais laisser deviner par un quelconque procédé technique, une quelconque indication à l’écran, ce qui dans son film tient du rêve ou de la réalité. Mieux, il me semble que certaines scènes « réelles » se terminent dans l’onirisme. La première scène du film est à ce titre exemplaire. Ballade romantique en calèche de Séverine (Deneuve) et de son mari Pierre (l’assez transparent Jean Sorel), avant arrêt dans un bois, tabassage et viol de Deneuve par les cochers sous l’œil froid du mari.
Le 1er client : Francis Blanche
« Belle de Jour » est un fantasme. Une explosion de tous les tabous (essentiellement sexuels) mais vus, chose assez rare, du côté de la femme. Ce sont les femmes qui dominent les hommes (Deneuve, mais aussi la tenancière du bordel, jouée avec une distance mêlée d’affection par l’excellente Geneviève Page). Buñuel ne s’y est pas trompé puisqu’il aimait à dire : « Belle de Jour fut peut-être le plus gros succès de ma vie, succès que j’attribue aux putains du film plus qu’à mon travail ». Toutes les « transgressions », tous les « interdits » de la prude époque du début des 60’s sont de la revue : la prostitution comme moyen de s’affirmer et de s’assumer, les jeux de rôle sado-maso, la scatologie, la nécrophilie. Sans oublier, un peu « hors boulot », la liaison « véritable » avec le petit truand de passage (Pierre Clémenti, flippant à souhait). Et y compris aussi toutes les figures qui gravitent autour du sexe tarifé (des « collègues de boulot » au libertin complet joué par le grand Piccoli).
Deneuve & Clementi : fais-moi mal Johnny
Il n’y aurait que cette histoire à laquelle on a du mal à se raccrocher, tant on bascule ente rêve et réalité, « Belle de Jour » serait resté un film pour cinémathèques. Son succès populaire fut considérable, l’odeur de soufre dont les ciseaux de la censure l’avaient entouré n’y étant pas pour rien. Parce qu’il y a des scènes d’anthologie, de celles qui marquent à vie les spectateurs. Quelques visions de Deneuve se défaisant de ses soutifs, se baladant cul nu sous un voile transparent avant la messe noire nécrophile, ce détachement hautain avec lequel elle toise les hommes.
Mais aussi … Pour qui a eu à subir en passant devant une télé allumée sur une chaîne de sports les ahanements de galérien de Serena Williams, voir dans une paire de scènes Deneuve en tenue de tennis peut aider à réconcilier avec les petites balles jaunes (au même titre que Scarlet Johannson dans « Match Point », à se demander si ce pervers de Woody Allen ne s’est pas inspiré des plans de Buñuel). Et cette scène où Clémenti se fait buter par un keuf entre deux files de voitures au milieu d’une rue déserte, c’est pas un peu des fois un bis repetita du final de « A bout de souffle » ?
« Belle de Jour » est un film totalement irracontable. C’est un des films préférés de Scorsese, et ça, c’est une référence qui vaut plus que toutes les fiches Wikipedia de la création …




MADONNA - LIKE A VIRGIN (1984)

Touched for the very first time ...
C’était un temps que les moins de trente ans (putain trente ans déjà …) risquent pas de connaître. C’était il y a donc une éternité, en pleine misère de partout. On parlait de guerre nucléaire possible en Europe entre les Russkofs et les Ricains (Reagan et Thatcher d’un côté, Andropov et Tchernenko de l’autre, qu’à côté de ces demeurés les fadas barbus lobotomisés de Daech aujourd’hui, c’est des bisounours, bon passons …). Ici, on avait déjà de la gauche au pouvoir qui faisait pour pas vraiment changer une politique de droite, d’ailleurs y’avait déjà la chiffe molle Fabius Premier Ministre ou un truc du genre, c’est dire si on était mal barrés.

Musicalement, c’était le putain de désert, et on trouvait même une daube de Yes (putain Yes, quand même, faut pas déconner …) numéro un mondial, rien que ça. « Owner of a lonely heart » était le titre de cette purge. Faut dire que ça déconnait plutôt grave. Le crash du Clash avait suffi à éradiquer la guitare électrique de la surface de la Terre, on voyait plus que des garçons coiffeurs (généralement par paire, Wham, Tears for Fears, OMD, … liste complète contre un sac à vomi neuf), mèche dans les yeux, s’escrimer laborieusement sur des synthés Roland de leur unique doigt valide. Non, je déconne, y’avait pas que ces types, y’avait aussi Sting et Phil Collins … euh, c’est pas de bons exemples. Bon, je reprends. Y’avait des trucs bien, et on s’aperçoit maintenant qu’il y avait toute une scène indé dans tous les pays dits libres qui faisait du bon rock syndical réglo, mais personne, même pas les médias spécialisés en disait un mot.
On commençait à compter les morts du Sida, et MTV commençait à déglutir ses clips à la chaîne.
Et Madonna, donc, t’en causes, connard ? Justement, Madonna, elle est arrivée au bon endroit (New York, ses clubs branchés et décadents post disco) au bon moment (l’apex de la décennie fric, pendant laquelle les disques se vendaient par dizaines de millions, qu’ils soient de Michael Jackson, Prince ou Springsteen). Née Louise Madonna Ciccone et débarquée depuis cinq-six ans de son Michigan natal, avec la farouche volonté de réussir dans la grande tradition du rêve américain. N’hésitant pas à faire tout et n’importe quoi pour subsister (d’un film porno soft à l’audition pour devenir danseuse de Patrick « Born to be alive » Hernandez entre autres). Elle se fait un look de hipster bohème et délurée à base de trucs moulants, nombril à l’air, dessous apparents, sorte de Marylin Monroe des caniveaux et bas-fonds newyorkais. Elle fricote dans les endroits branchés avec les Dj’s et remixeurs résidents (« Like a virgin » est entre autres dédié à son mec de l’époque, le pousseur de disques Jellybean Benitez). Jusqu’au jour ou bingo, elle tape dans l’œil et/ou l’oreille de Seymour Stein, patron du label Sire Records, filiale de la multinationale Warner Bros. Un premier disque « Madonna », très orienté disco-dance fait peu de vagues hors certains clubs de New York.

Et puis Stein avec Madonna tente le coup de poker rarement perdant en ces temps-là. Livrer sa chanteuse au duo Nile Rodgers – Bernard Edwards. Leaders de Chic, certes, mais surtout producteurs de disques au succès énormes (ceux de Sister Sledge ou le « Let’s dance » de Bowie), ou pas (Sheila, oui oui, notre chanteuse à couettes nationales). Rodgers (celui qui s’occupe de la partie studio) et Edwards (le côté financier et business) sont des musiciens certes, mais aussi des hommes d’affaires sans scrupules. Ils encaissent le chèque mais ne croient guère au succès de cette fille plutôt inconnue, qui chante juste malgré une voix aigue limitée. Mais contrat oblige, les types de la Chic Organization font le taf, emmènent dans leurs bagages leurs complices habituels (leur batteur Tony Thompson, les frangins choristes Frank et George Simms, …). La moitié des titres du disque sont signés Madonna, le reste est amené par de plus ou moins augustes inconnus.
La patte Chic est bel et bien là. L’éléphantesque rythmique tchac-poum disco (Edwards-Thompson), le groove dance, la voix qui monte dans les aigus, toute la quincaillerie synthétique la plus moderne sont de la revue. Des ballades emphatiques tire-larmes un peu surchargées en pathos dramatique sont aussi de sortie (« Love don’t live … »). Rien d’extraordinaire en soi qui puisse laisser prévoir le raz-de-marée Madonna qui va submerger le monde. Le timing certes dont j’ai causé il me semble quelque part plus haut, et puis la rage de réussir et le sens des affaires de Madonna elle-même.

Qui n’hésitera pas à en faire des brouettes sur son côté sexy-libérée (« Like a virgin » tu parles …), se mettant en scène en Monroe hyper-glamour dans « Material girl » (à quel degré prendre ce titre, hein, je vous le demande …), se posant en symbole féminin absolu des années 80 (son rôle dans le film « Into the groove » dont la chanson-titre finira très vite dès l’année suivante rajoutée aux neuf titres initiaux lors des rééditions de « Like a virgin »). Madonna est beaucoup plus une actrice mettant en scène son propre destin qu’une chanteuse ou compositrice. Elle deviendra vite l’idole voire l’icône de toutes les gamines de la planète, sortira de bons disques de variété dans les années 80 (le meilleur sera celui d’après, « True blue »), génèrera pendant des décennies des bataillons de rivales-clones (de Cyndi Lauper à Miley Cyrus, série en cours), saura toujours faire parler d’elle, même (et surtout) quand il n’y aurait rien à dire. Résultat des courses, après trente ans de carrière (c’est vraiment le mot), c’est l’artiste (ben oui, quand même un peu) féminine qui a le plus vendu de disques au monde.
Même si j’ai toujours plus aimé le personnage que sa musique, et qu’on le veuille ou pas, il y a des choses, des souvenirs (les premières écoutes de « Like a virgin » le morceau, le premier visionnage du clip de « Material girl » et non, pas sur YouTube), qui ont marqué, même si ça fait mal au derrière de le reconnaître, toute une génération.

T’étais fan ou tu détestais, mais tu te positionnais par rapport à elle ou Michael Jackson (même combat et même bataille d’Hernani concernant les deux). Fallait avoir un avis et tout le monde avait un avis sur Madonna. Ce qui montrait que c’était elle qui avait gagné …

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EURYTHMICS - TOUCH (1983)

Europop ...
Y’a des fois faut remettre les pendules à leur place et les choses à l’heure. Flashback donc …
1983. Les débuts de MTV et des « émissions » de clips. Y’en a un qui tourne en boucle en Angleterre et par extension en Europe. « Sweet dreams (are made of this) » qu’il s’appelle. On y voit au milieu d’allusions à deux balles à Kubrick, le Floyd et les Beatles, un type à lunettes noires coiffé comme un caniche pianoter un ordi d’époque et une rouquine androgyne fixer façon dominatrice glaciale la caméra. La chanson, portée par une mélodie tellement évidente que beaucoup ont regretté de ne pas l’avoir trouvée, fera un hit colossal, de ceux qui traversent les décennies. Le binoclard, c’est Dave Stewart. La meuf à poil ras, Annie Lennox. Anglais, ancien couple à la ville, ayant formé leur premier groupe à l’époque du punk, The Tourists, ça s’appelait. Coupables d’une reprise ratée de la scie « I only want to be with you », popularisée en son temps par Dusty Springfield. Parenthèse : allez voir cette dernière vidéo et comparez l’évolution de la Lennox, tant du point de vue vocal que de l’attitude (Stewart n’est pas encore dans le groupe). A cause de la troublante et équivoque Annie, Eurythmics intrigue, se détache d’un lot de poseurs et de figurines de mode qui encombraient le paysage musical. « Sweet dreams » le titre était quelque peu perdu au milieu d’un album du même nom sans grand intérêt. Ce qui faisait penser que ces deux zozos avaient tout dit avec un titre, et qu’on n’en entendrait plus parler.

1983 toujours. Dix mois après « Sweet dreams » paraît déjà son successeur. « Touch ». RCA qui distribue le duo veut enfoncer le clou, capitaliser sur le phénomène. Soyons clair, les Eurythmics se font fait bouffer par la machine. « Touch », même s’il est meilleur que « Sweet dreams », c’est quand même un torchon sonore pas très net. D’abord, c’est Lennox qui est mise en avant. Photo de pochette genre dominatrice de partouze, « on » lui confectionne sur mesure un look hautain, glacial et distant pour en faire une sorte de Greta Garbo new wave. Soit. En faisant disparaître Dave Stewart, qui, l’histoire le montrera, est bien plus que la moitié d’Eurythmics. Le son de « Touch », qui se voulait à la pointe lors de sa parution, est atroce aujourd’hui. Farci de ces premiers synthés cheap, de ces batteries électroniques monolithiques, de ces infâmes basses slappées mises en avant (c’est un type dont par charité on taira le nom qui en joue, seul élément extérieur greffé au duo), noyant sous leur raffut cordes (plus ou moins vraies) et cuivres (faux). Avec tous les clichés et maniérismes inhérents à l’époque. Un disque bien de sa triste époque quoi.

Faut faire du travail d’archéologue, gratter sous le vernis pour trouver des choses intéressantes. Un don certain (Stewart, puisque c’est lui qui signe toutes les musiques) pour la mélodie qui sauve quelques titres, que RCA n’a pas oublié de mettre en avant. « Here comes the rain again » cold wave à donf), « Right by your side » (improbable salsa-calypso électronique qui fonctionne) et « Who’s that girl » (soul rigide et martiale sauvée par le chant de Lennox) essaieront de se frayer un chemin vers le haut des charts, sans toutefois égaler le parcours de « Sweet dreams ». Comme par hasard les trois titres les plus « sobres » dans le contexte. Et puis la Lennox, derrière ses atours fashion, se livre à un gros boulot sur les voix, les doublant, rajoutant les chœurs. Derrière le morne cliquetis des synthés, transparaissent d’évidents clins d’œil au gospel, à la soul, au rhythm’n’blues. Ce que pas grand-monde avait relevé à l’époque, les Eurythmics semblant se diriger à grande vitesse direct vers les poubelles de la variété neuneu.
La suite serait totalement imprévisible. Deux ans plus tard, Stewart reprendra tout en main, le duo signera un des meilleurs disques (« Be yourself tonight ») de rhythm’n’blues de la décennie (non, je déconne pas), épaulé par un gang de super requins de studio, avec des participations plus que remarquées d’Aretha Franklin, Stevie Wonder (certes pas au mieux de leur carrière) et Elvis Costello (celui-ci à cette époque là très tatillon sur ses collaborations). Mieux encore, Dave Stewart, catalogué au départ archétype du joueur de synthés anglais, allait être courtisé comme producteur par les figures de proue du classic-rock ricain, Tom Petty en tête …

« Sweet dreams » are vraiment made of this …


MORRISSEY - VIVA HATE (1988)

L'héritier ?
Pas laisser les braises refroidir … c’est ce qui devait être le leitmotiv de Steven Patrick Morrissey, dont le nom de famille lui servait de nom de scène en tant que chanteur des Smiths. Les Smiths, par ici, c’est quelque chose de totalement incompréhensible. Un groupe hors-norme en terme de succès entre 1984 et 1988. Un succès colossal mais qui n’a jamais dépassé le cadre de la perfide Albion. Anecdote archi-connue : une bande de fans révoltés par le silence et l’indifférence entourant en France leur groupe favori, se lance dans la publication d’un fanzine étoffé pour chanter ses louanges, et ainsi naîtront Les Inrocks …
Morrissey 1988
La séparation des Smiths en pleine gloire sera pour la jeunesse anglaise  un traumatisme comme celle des Beatles l’avait été pour leurs parents. Le premier à reparaître (six mois après la fin des Smiths) sera leur emblématique chanteur, icône plus ou moins cryptique (bien qu’il ne mâche parfois pas ses mots, voir plus bas) et équivoque (gay ? hétéro ? autre ? le mystère et les supputations iront bon train pendant des années).
Evidemment, la rupture est trop fraîche pour qu’il n’en reste pas des traces un peu partout sur ce « Viva hate ». Dans les paroles, peut-être, mais Morrissey n’a jamais été très « lisible ». Dans la musique aussi, il y a des traits qui ne se gomment pas facilement  (particulièrement flagrant sur les très smithiens « Bangali in platform » et « Late night, Mudlin Street »). Et puis, il y a cette voix, entre détachement et arrogance, brumeuse et claire à la fois, si facilement identifiable …
Pour son « émancipation », Morrissey a choisi une configuration réduite. Il laisse une grande place (des instruments, la co-écriture, et la production, rien que çà …) à Stephen Street, les deux hommes se connaissent, Street a produit les trois derniers disques des Smiths (avant d’être aux manettes de la plupart des galettes de Blur). Une collaboration qui est aussi une façon de marquer la « continuité » de la trademark Smiths. Mais les Smiths, c’était aussi la guitare « ligne claire » de Johnny Marr, et là Morrissey va partir dans une direction sonore très différente, en embauchant Viny Reilly, l’assez strident gratteux des Durutti Column. Assumer l’héritage et marquer sa différence (les bisbilles, les rancœurs et les haines s’avèreront multiples et tenaces entre les anciens Smiths), tel est le challenge de Morrissey.
Stephen Street & Morrissey
En partie réussi, parce que c’est malgré tout dans la continuité. En partie raté pour la même raison. Malgré deux hits (« Suedehead », qui deviendra un des surnoms de Morrissey, son plus connu demeurant quand même Mozz, et le très kinksien « Everyday is like Sunday »), il n’y a pas dans ce « Viva hate » de titres aussi fulgurants que ceux que l’on trouvait chez les Smiths. Les Smiths, difficile de faire plus anglais, et Morrissey en solo est foncièrement dans la même veine. Alors les brouillages de cartes du début du disque laissent une impression mitigée on n’y croit pas trop aux breaks de batterie, aux guitares plaintives et aux ambiances hindouisantes de l’inaugural « Alsatian cousin », pas plus qu’à la rythmique tournoyante et très psyché de « Little mann what now ? » qui a parfois des faux airs du « White rabbit » de l’Airplane.
Par contre, c’est quand Morrissey fait ce qu’on l’on attend de lui, et finalement ce qu’il sait faire le mieux, qu’il est le plus convaincant, toutes ces ballades brumeuses et automnales qui constituent l’ossature du disque et auxquelles son timbre vocal convient parfaitement. Et puis, comme un signe de la direction qu’il va prendre (il va s’acoquiner avec Mick Ronson, oui, oui, celui des Spiders de Bowie, et sortir avec lui une paire de disques de revival glam), un morceau envoie le bois tout en guitares rageuses et up-tempo (« I don’t mind … »). Mais c’est finalement le dernier titre du disque qui fera couler le plus d’encre, le très direct « Margaret on the guillotine ». Rappelons que la funeste Thatcher était encore Premier Ministre en 1988, et que ce titre n’a rien à voir avec le poétique « The Queen is dead » des Smiths. « Margaret … » c’est frontal, brut et sans fioritures sur un fond très dépouillé. Morrissey montre qu’il se souvient de ses origines populaires et que son public, cette jeunesse qui adule le chanteur des Smiths en a aussi pris plein la gueule pendant une décennie. Morrissey paiera cher ce titre, et quelques années plus tard, quand il se perdra dans une syntaxe équivoque (« National Front Disco »), la presse conservatrice le massacrera et brisera quasiment sa carrière …
La pochette de 1988
Il n’empêche que pendant quelques années, Morrissey récupèrera seul une partie de l’ancien succès des Smiths (Marr sera beaucoup plus discret et sa médiatisée collaboration avec Sumner de New Order dans Electronic sera un fiasco artistique et commercial, quand à Rourke et Joyce, ils seront encore plus discrets et oubliés).

Sur la réédition de 1997 (la pochette en haut, l’originale de 1988 est différente) huit morceaux ont été rajoutés en un vaste foutoir (des époques différentes, à dominante de ballades pas toujours transcendantes et malgré une paire de courts titres toutes guitares en avant produits par Ronson) et plutôt que de bonus, on pourrait les qualifier de titres malus …

Du même sur ce blog :


SNOOP DOGGY DOGG - DOGGYSTYLE (1993)

Sex and the city ...

Y’en a pas beaucoup, des comme ça … je veux dire des disques de rap qui pourraient plaire à ceux qui détestent le rap. Et pourtant « Doggystyle » et Snoop, ce sont un peu le best of de tous les clichés qui accompagnent le rap. Difficile de faire plus caricatural.
Snoop, c’est le petit délinquant de banlieue californienne (Long Beach) qui file un coton de plus en plus mauvais (il est accusé de meurtre pendant qu’il enregistre « Doggystyle », il sera finalement acquitté), fumeur boulimique d’herbe, amateur de bling-bling et de putes siliconées en string. Rappeur pour « spécialistes », il fait partie du Dogg Pound (collectif tentant de se faire remarquer en cachetonnant sur quelques disques), et il est crédité en 1992 sur « The chronic » de Dr Dre (le meilleur pote de Snoop, Warren G, est le demi-frère de Dre, ceci expliquant sans doute cela). Dès lors, le conte de fées sauce rap va pouvoir se mettre en place. Un contrat signé avec le label Death Row Records du boss aux méthodes de truand Suge Knight, et un premier disque produit par Dr. Dre. Qui va faire un carton planétaire et de Snoop une légende du rap.
Snoop 
Snoop a t-il plus de talent que les autres ? Euh, non. C’est plutôt un rappeur atypique, pas un technicien de la tchatche avec sa voix nasillarde, traînarde et enfumée par tous les pétards qu’il s’envoie. D’ailleurs, il est un peu feignasse sur les bords et laisse volontiers le micro à ses potes (ses homies comme il dit). Les crédits, participations et featurings sont interminables sur « Doggystyle » comme d’ailleurs sur la plupart des disques de rap. Ce qui sort « Doggystyle » du lot, c’est le boulot de Dr. Dre. Qui codifie définitivement le gangsta-rap et sa variante de circonstance le g-funk (g pour gangsta, évidemment). Un genre musical autour duquel il tournait depuis ses débuts avec les NWA, qu’il peaufinait petit à petit, aidé par une culture musicale phénoménale et un talent confinant plus souvent que de raison au génie dès lors qu’il se mettait derrière une console de studio.
Dre démontre que la recette d’un disque de rap, ça peut aller plus loin qu’un sample de James Brown, un type qui passe des vinyles à l’envers, et un nègre à débit vocal de mitraillette en survet et casquette à l’envers. Le nom même du genre est évidemment une référence au P-Funk de George Clinton et de ses avatars Parliament et Funkadelic. Dre ne va pas se focaliser uniquement sur les rythmiques métronomiques, il va aller exhumer des samples venus du jazz, de la soul, du funk pré-disco, voire se mettre en phase avec les dernières modes (si « Murder was the case », c’est pas du trip-hop, je veux bien changer d’oreilles), sortir des lignes de basse fantastiques, et écrire des mélodies d’une tuante évidence. Le résultat, autant un disque de pop qu’un disque de rap, c’est une musique à l’opposé des stéréotypes de l’époque du rap, une musique qui swingue et qui ondule, qui fourmille de trouvailles sonores et d’arrangements malins.
Malins, on peut pas en dire autant des textes de Snoop qui eux multiplient allusions malheureusement guère équivoques : la gangsta-attitude et tous ses clichés violents et mysogynes, sa vulgarité à ras du caniveau. Le pire, c’est qu’on ne peut guère soupçonner Snoop de jouer un rôle de composition, les montagnes de dollars récoltées avec ce « Doggystyle » en feront un type d’une prétention méprisable, qui pour se faire remarquer quand ses disques deviendront moins bons, radicalisera des propos racistes et sexistes. La parfaite tête de nœud imbue de sa propre personne …
Le Dogg et Dr Dre
Il n’empêche que « Doggystyle » fut perçu à très juste titre comme un choc artistique, la conjonction de l’énorme talent d’un type (Dr. Dre) avec son époque. Des titres vont particulièrement cartonner (« Who am I », « Gin & juice », Doggy dogg world »), mais quasiment tous auraient pu sortir en single. Un morceau comme « Ain’t no fun » funke comme du Rick James, « Gz & hustles » mélange groove pachydermique et comptine, « Tha shiznit » est plein de gimmicks imparables, … ce sont ces innombrables petites touches variées au sein d’un ensemble instantanément reconnaissable qui caractérisent le mieux le boulot de titan de Dr. Dre.
Si pour Snoop Doggy Dogg ce « Doggystyle » (titre à double sens, que ceux qui n’ont pas compris regardent  le très moche crobard de la pochette, il y a un indice …) représente un Everest dont il ne s’approchera plus, Dr. Dre a fait au moins aussi fort dans le même genre avec « Regulate … G-Funk era » de Warren G, son apogée en tant que producteur étant selon moi à chercher du côté du « Slim Shady Lp » d’Eminem ou du « Get rich or die tryin’ » de 50 Cent, parce que vendre des millions disques avec ces deux-là (un blanc white trash et un des pires rappeurs de la décennie), faut vraiment le faire …

DIANA ROSS - ONE WOMAN THE ULTIMATE COLLECTION (1993)

Dirty Diana ?

Ah que non, ce serait trop facile de dézinguer la vieille mémére, la sophisticated diva des années 60 et suivantes. Parce que je vais vous avouer quelque chose, Diana Ross, elle a un truc (le même que Chrissie Hynde ou à un degré moindre Alison Mosshart) : une voix qui fait bander. Ça s’explique pas, … c’est comme ça, la la la …
Et y’a pas qu’à moi qu’elle a du faire cet effet. Dans le lot, il doit y en avoir quelques autres, parce que la Ross, sous son seul nom et avec les Supremes est la recordwoman de ventes de disques dans le monde. Ce qui n’est certes pas un gage de production discographique de qualité … Parce que comme tous les autres, la Ross a assis sa légende sur quelques années de son interminable carrière. En gros, les premières et sa période dite « disco ».
Pourtant ça n’avait pas débuté du feu de Dieu pour la Diana. Un petit groupe chantant, les Primettes, remarqué par Berry Gordy (enfin, il avait surtout remarqué Diana, on y reviendra) et signé sur son label Motown. Et quelques 45T qui se ramassent. Pas glop, l’organisation quasi militaire que Gordy met en place n’aime pas ça, et nombreux sont ceux qui n’auront pas de seconde chance. Faut dire que dans un répertoire « classique », Diana, chanteuse lead du trio rebaptisé Supremes, n’est pas très à son aise, et comme la concurrence est rude, chez Motown et ailleurs, il faut être plus que correct pour grimper dans les charts.
Diana Ross & The Supremes
Berry Gordy, que le minois de Diana Ross ne laisse pas indifférent, s’entête, réquisitionne ses meilleurs auteurs (Holland/Dozier/Holland) au service des Supremes. Deux essais du trio pour régler le tir, et bingo avec le troisième titre « Where did our love go » en 1964, qui deviendra le premier N°1 des filles et un peu la quintessence du son Tamla-Motown. Le monde entier succombe et les Supremes vont alors enchaîner les hits pendant trois ans. Jusqu’à ce que le groupe, sous l’instigation de … Berry Gordy, soit rebaptisé Diana Ross & The Supremes. Sur la lancée, nouveaux hits, mais la belle mécanique commence à s’enrayer, les changements de personnel autour de l’inamovible Ross surviennent, et la formule Motown commence à lasser. De cette période Supremes, on ne trouve sur cette compilation que quatre titres, et encore, le tardif « Reflections » ne fait pas pour moi partie des titres légendaires du groupe.
Diana Ross devient alors en quelque sorte l’ambassadrice de la Motown, la Dionne Warwick de Berry Gordy. Elle participe pleinement au rêve américain, son histoire tient de la success story (quelque peu romancée), et elle qui est issue d’une famille nombreuse, s’entiche d’une troupe de gosses chantants, plus particulièrement du plus jeune, un certain Michael Jackson. C’est elle qui assure leur promotion sur leur tout premier disque « Diana Ross presents the Jackson 5 ».
Pause Closer. Deux questions essentielles reviennent au sujet de Diana Ross. Un : Berry Gordy l’a t-elle pécho ? Oui, elle a eu un enfant de lui (alors qu’elle était mariée avec un autre). Deux : Diana Ross a t-elle dépucelé Michael Jackson ? Rien n’est officiel, il y a de fortes présomptions … Fin de l’épisode presse people …
Diana Ross époque "Diana"
Revenons à cette compile. Les seize titres restants couvrent la période 1970-1993. Evacuons d’emblée les trois derniers des années 90, très mauvais. Le reste rassemble ses morceaux les plus connus, plus ou moins chronologiquement. Dès les débuts de sa carrière solo (comme toutes les autres stars de la Motown, Marvin Gaye ou Stevie Wonder, Diana Ross aura des velléités d’indépendance, mais c’est celle qui renâclera le moins pour rester sur le label, ses liens particuliers avec Gordy expliquant cela), Diana Ross devient une chanteuse centriste, au répertoire très middle of the road, invitée vedette de tous les shows de variété familiaux. Meilleur titre de l’époque, « Ain’t no mountain high enough », grosse pièce montée pop avec orchestration démesurée et quelque peu dégoulinante …
Lentement mais sûrement au cours des seventies, l’étoile de la Ross commence à pâlir. Sont convoqués à la rescousse Bernard Edwards et Nile Rodgers, les rois du disco Chic, chargés d’écrire et produire un disque. Ce sera « Diana » en 1980. Les choses ne se passent pas très bien, la Diana fait ses numéros de diva, et gonfle passablement Edwards et Rodgers. Qui font leur boulot, tout en truffant les lyrics du disque de paroles à double sens. Et si Diana Ross chante maintenant très bien, si elle sait prendre des poses avantageuses sur ses photos, elle … comment dire, ne brille pas forcément par son esprit. Elle piquera une légendaire colère quand elle comprendra des mois après l’avoir enregistré ce que signifie le titre et les paroles de la chanson « I’m coming out » qui feront forcément d’elle une icône de la culture disco gay. Ce titre ne se trouve évidemment pas sur la compilation, mais il y a de cette collaboration avec les leaders de Chic l’imparable « Upside down » qui fera de Diana Ross la rivale et l’égale en terme de succès de toutes les divas disco de l’époque.
Diana Ross 1989
La revoici donc au top, se piquant de gérer au plus près sa carrière, quittant Motown (avant d’y revenir quelques années plus tard), duotant avec Lionel Richie (titre calamiteux mais qui se vendra très bien). Elle n’en poursuivra pas moins son déclin artistique, non sans avoir tenté en 1985 un génial coup de poker avec les frangins Gibb à l’écriture (oui, oui, ceux des Bee Gees). Ce conglomérat de vieilles gloires disco sur le retour va accoucher d’un titre fabuleux, « Chain reaction », mix discoïde insensé du son des Supremes, mélangeant plus particulièrement dans ses influences « Baby love » et « You keep me hangin’ on ».
Evidemment aujourd’hui, vu l’âge de la dame, il n’y a plus rien de bon, même pas de moyen à attendre de sa part. Et on ne fait pas  sur plusieurs décennies une carrière dans la variété haut de gamme, mais la variété tout de même, sans enregistrer des choses très dispensables. Cette compilation le démontre. Les titres avec les Supremes font bien de l’ombre,  c’est le moins que l’on puisse dire, au reste de sa carrière, malgré une poignée de hits disco très recommandables …

GOSSIP - MUSIC FOR MEN (2009)


Pour nous les hommes ?

Les plaisanteries les plus courtes étant les meilleures, faudrait qu’ils arrêtent bientôt. Parce que là, hum, comment dire, c’est un peu … gros leur truc. Ou doit-on dire son truc, tant il n’y en a que pour la Beth Ditto dans cet ersatz de groupe de rock. Et la pauvre batteuse (très moche, il va de soi) en gros plan sur la pochette doit se demander ce qu’elle fout là, elle dont absolument tout le monde ignore le nom.
Ce « Music for men », c’est du vide bien orchestré. Très bien, même. Il y a un son d’enfer, des petits arrangements roboratifs de partout (peuvent dire merci à Rick Rubin, sans qui ce disque serait une horreur absolue) au service de ce qu’on appellera charitablement des morceaux misérables. Tous construits de la même façon. Couplets mid tempo, et gros riffs de guitare sur le refrain up tempo. Deux exceptions, le premier titre (« Dimestore diamond »), tout en tension larvée et qui laisse à tort augurer de bonnes choses qui n’arrivent pas, et le dernier (« The breakdown »), exécrable ballade gluante, bruit de bidet final de cette sanisette sonore.
Ce qui sauvait quelque peu le précédent (« Standing in the way … »), c’était la voix de Ditto, qui sans pouvoir être comparée aux grandes shouteuses (Joplin), ou aux grandes abîmées (Holyday), se baladait avec une facilité assez déconcertante et bluffante sur les morceaux. Là, quelqu’un dans sa maison de disques a dû lui dire qu’il fallait assurer, qu’elle avait en charge une petite entreprise qui tournait bien, ce genre de plan marketing rance visant le plus grand nombre … Finies les extravagances castafioresques, on pose bien comme il faut et bien gentiment sa voix, et on chante tous les titres de la même façon. Le résultat, on a l’impression d’entendre la fatale Pat Benatar d’il y a trente ans. La Ditto aligne ses petits rocks gentils-mous teintés de disco sans aucune once d’imagination vocale, sans aucune prise de risque. Du formatage pour le « grand public » dans tout ce qu’il a de tragique.
Alors ça fonctionne le temps d’une paire de titres qui ont fait des hits passables (« Heavy cross », « Love long distance »), et puis ça lasse, mais lasse … Et il y avait finalement quelque chose de pathétique à voir la Ditto venir faire dans les shows télé son numéro de diva transgressive (enfin, transgressive tu parles, tout est « on control », on est quand même loin de Divine, l’égérie de John Waters), maquillée comme un semi-remorque volé, pour être sûre qu’on la remarque bien … Cette fille a certainement du talent, elle le gâche pour son warholien quart d’heure de gloire. Il semble d’ailleurs que la supercherie a assez duré, le dernier pensum de la Gossip girl s’est fait descendre par à peu près tous les médias dits ou prétendus spécialisés …
Pour faire bonne mesure, comme d’hab, quelqu’un dans la maison de disques s’est cru malin en rajoutant à la fin du Cd trois remixes d’une insondable crétinerie …

Des mêmes sur ce blog :
Standing In The Way Of Control