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DAVID ZUCKER - Y A-T-IL UN FLIC POUR SAUVER LA REINE ? (1988)


 ZAZ ...

Les ZAZ (soit les initiales des frangins Zucker - David et Jerry - et de Jim Abrahams) sont une institution de la comédie filmée made in USA et le gros (gras) rire américain des années 80 porte leur empreinte indélébile. Ils ont commencé avec leur meilleur film, « Airplane ! » (« Y a-t-il un pilote dans l’avion ? » par ici), enchaîné séries télé et films avec un succès public jamais démenti mais qui a eu tendance à s’étioler la fin de la décennie venue.

Leslie Nielsen & David Zucker

Leurs films n’en sont pas vraiment (au sens Ingmar Bergman du terme s’entend, même si je ne pense pas que leurs spectateurs aient la moindre idée de qui peut être Ingmar Bergman), c’est une succession quasi ininterrompue de gags. Quelques uns géniaux, d’autres réussis, mais aussi une longue litanie de vannes plus ou moins lourdingues.

« Y a-t-il un flic pour sauver la Reine ? » (The Naked Gun » en V.O.) n’échappe pas à la règle. Ça démarre sur les chapeaux de roues avec une scène introductive (sans aucun lien avec le reste du film), pastiche délirant des opening acts de James Bond dans laquelle l’inspecteur Debrin (Leslie Nielsen) fait avorter une réunion de chefs d’états terroristes à Beyrouth (en fait, juste une vue aérienne de la ville, tout a été tourné à Los Angeles). On y voit Debrin boxer Gorbatchev (et lui essuyer la tache en forme de Vietnam sur le front), l’ayatollah Khomeini (qui sous son turban est coiffé d’une iroquois orange), Kadhafi (avec un énorme pin’s faisant la pub d’un régime minceur), Idi Amin Dada, Yasser Arafat. Ce genre de scène est visuellement drôle, mais c’est pas le problème. J’aimerais savoir qui dans le public américain était capable de mettre un nom sur tous les visages (quand on sait l’ignorance et le mépris des ricains pour tout ce qui est « politique étrangère ») et surtout l’amalgame un peu trop facile des ZAZ pour réduire tout le monde non yankee à des « terroristes » (Gorbatchev et dans une moindre mesure Arafat « terroristes », z’êtes sûrs les gars ?) …


Enfin, tout ça n’est qu’un hors d’œuvre pour Debrin qui de retour à LA va se retrouver confronté à une tentative d’assassinat de la Reine d’Angleterre en visite officielle. Evidemment, la Queen Mom (ou plutôt son sosie cinématographique officiel, l’Anglaise Jeannette Charles) s’en sortira saine et sauve et le méchant comploteur en chef finira laminé sous un rouleau compresseur (je spoile pas, tout le monde a vu le film, même les fans de Bergman). Et entretemps Debrin aura trouvé l’amour de sa vie, une femme à tout-faire du comploteur, sous les traits de la veuve du King herself, Priscilla Presley …

Simpson, Nielsen & Kennedy

Bon, faut pas demander aux ZAZ de mettre en scène un gag par minute et d’avoir la minutie du cadrage d’Ingmar Bergman (‘tain, tu vas nous lâcher avec Bergman). D’ailleurs ils l’avouent eux-mêmes dans les bonus du Dvd (ton très potache, là aussi une joke plus ou moins réussie par minute, ça finit par lasser), les raccords approximatifs et les gags pourris, c’est pas ça qui les empêche de dormir … Je veux bien, mais ça se voit très bien lors du dernier tiers du film dans le match de baseball. Y’a qu’une poignée de figurants dans le stade, les vues d’ensemble des gradins bondés proviennent d’autres stades. Par contre, il paraît que ce sont deux vraies équipes pros de baseball et que le « tueur » est une star de ce jeu. Ce qui montre les limites du machin hors des States. Qui hormis le redneck de base entrave quelque chose à ce foutu jeu de balle … pas tous en même temps pour un résumé succinct des règles, hein …

Priscilla Presley

Le film est donc réalisé avec les pieds par David Zucker et il a écrit le scénar avec son frangin, Abrahams et un certain Pat Proft. Il paraît que c’est un démarquage d’une série (« Police Academy ») qu’ils ont créé au début de la décennie et dans laquelle Nielsen tient un des rôles principaux. Lequel Nielsen en couillon imprévisible, est aussi crédible en flic que Christian Clavier, les grimaces defunésiennes en moins. Le supérieur dans le film de Nielsen est par contre un acteur reconnu (George Kennedy), oscarisé pour un second rôle dans « Luke la Main Froide ». Il y en a aussi un qui a un second rôle (O.J. Simpson) et qui deviendra une star (mais des vrais tribunaux avec ses procès à rallonge hyper médiatisés). Quant à la Priscilla, elle a ma foi la quarantaine gironde et un look copié-collé de celui de Kim Basinger dans « Boire et déboires » sorti l’année d’avant …

Ah, et oui, le coup de la belle fourrure quand Nielsen mate sous sa jupe alors qu’elle est montée sur une échelle, est moins pire que ce à quoi on pourrait logiquement s’attendre …


MADNESS - UTTER MADNESS (1986)

 

From ska to pop ...

Madness, ils avaient réussi le hold-up parfait à la toute fin des seventies. En obtenant le hit majeur d’un très improbable ska revival, le gentiment crétin « One step beyond », que tout le monde, de sept à soixante dix-sept ans a, de gré ou de force, évidemment entendu. Le ska anglais a fait à peu près aussi long feu que le mouvement punk (un peu plus d’un an) et exit tous ces groupes de la vague appelée aussi two-tone (imagerie en noir et blanc, groupes multiraciaux), qu’ils soient bons (Specials), ou pas (Selecter, English Beat, et des plus couillons …). Tous rayés de la carte, sauf Madness …


Et pourquoi ? Bravo, bonne question, eh bien je vais vous le dire. D’abord Madness, ils étaient arrivés en haut des charts, et la thune récoltée à l’occasion, ça permettait d’affronter les premiers jours moins fastes. Ensuite, ils étaient nombreux (six ou sept, j’ai jamais vraiment su et eux non plus peut-être), dont la plupart étaient capables d’écrire des morceaux (par comparaison, le répertoire des Specials dépendait du seul Jerry Damners, et quand il s’est barré, plus de groupe …). Et puis, Madness étaient Anglais, mais vraiment Anglais, quoi, jusqu’à la caricature (comme les Kinks, Slade ou Ian Dury avant eux, et Oasis plus tard). Et là t’es sûr de vendre du disque, au moins à tes compatriotes …

Des disques, merci pour eux, ils en ont vendu. Et parce qu’il ne faut rien laisser au hasard et battre la ferraille tant qu’elle est chaude, tous les trois disques studio, ils sortaient une compilation. Celle-ci, « Utter Madness » (comprendre « Other Madness » avec l’accent cockney typique du prolo londonien), arrive donc après « The rise and fall » (le meilleur des trois), « Keep moving » et « Mad not mad ». Elle tombe à point, parce que le groupe est en train de se mettre en sommeil (les Madness se sépareront et se reformeront à peu près aussi souvent que Deep Purple). Les tensions, querelles, fâcheries, départs et autres bisbilles, dont les Madness seront coutumiers lors d’une carrière qui dès lors ne s’écrira plus qu’en dents de scie, même si elle se poursuit avec la plupart des membres originaux depuis plus de quatre décennies.


J’ai la flemme de pointer, mais hormis le dernier titre « Seven year scratch » (mix de plus de huit minutes compilant quantité de leurs titres, sorte de collector sans intérêt), il me semble qu’il n’y a dans cette compile rien d’inédit. Musicalement, on est loin, bien loin de « One step beyond » (mais pas visuellement, ils ont gardé cette manie de chenille sodomite, la photo de pochette est dérivée de celle de « One step beyond »)

Madness, au fil des albums, est devenu un groupe pop, comme populaire … ou parfois populacier (voir la navrante « Driving in my car », minable scie pour fans de sept à soixante dix sept ans). Ce qui permet de voir que plusieurs « lignes » s’affrontent dans le groupe (Madness et Clash, même combat ?). Ceux qui aimeraient bien être le groupe fun dont on écoute les morceaux bien bourré avec des potes dans un pub, et ceux qui voudraient être plus « sérieux » et faire passer un message. C’est cette dernière tendance qui l’emportera par la suite, mais c’est une autre histoire …

N'empêche, quand les gars se retrouvent sur une mélodie sur laquelle chacun amène sa contribution, c’est magique (« Our house », leur meilleur single ever ?). On trouve sur cette compile d’autres grandes chansons pop (« Tomorrow’s just another day » avec sa très légère touche de sax ska, « (Waiting for) the ghost train », dernier single avec la séparation, « The sun and the rain », bluette au piano martelé, comme du McCartney des mauvais jours, mais un peu du McCartney quand même, …).


Parfois les Madness font leur Bowie, vampirisant les autres. On ne peut s’empêcher de trouver un air de famille entre « Victoria Garden » et Elvis Costello, entre « Wings of a dove » et une version moins groovy de Kid Creole and the Coconuts, entre « Yesterday’s men » et les ambiances jazzy du Dire Straits de « Brothers in arms », entre « Sweetest girl » et le reggae suave ou mou du genou (choisissez votre camp) de UB40. Parfois aussi pour faire tomber les tensions, on laisse de la place à tout le monde sur un titre, ça sonne bordélique parce qu’ils sont nombreux, et ça s’appelle « I’ll compete ». Seul relent du ska des débuts, même si plus « apaisé » et mélodique, le titre « Uncle Sam » (dans l’esprit leur « I’m so bored with the USA » du Clash). Y’a aussi une ballade triste qui traîne ses guêtres et sa mélancolie vers la fin (« One better day »).

Et puis il y a le titre que seul un groupe vraiment anglais et fier de l’être pouvait écrire. Il s’appelle « Michael Caine » (avec la voix du vrai Michael Caine qui se présente), et c’est bien évidemment un hommage à l’acteur anglais le plus cool de tous les temps, et en plus c’est un des meilleurs morceaux de cette compile … qui ne contient pas que de l’indispensable, vous l’avez compris.

That’s all, folks …



Des mêmes sur ce blog :




GUNS N'ROSES - APPETITE FOR DESTRUCTION (1987)

 

Welcome to Sunset Strip ...

1987 … Ça commençait à sentir le sapin … Les joueurs de synthé à un doigt de la new wave retournaient dans l’obscurité d’où ils n’auraient jamais dû sortir, U2 sortait un grand disque pour le marché américain (« The Joshua tree »), laissant plus ou moins au vestiaire guitares et tempos rapides, Simple Minds viraient pompier new age, Cure devenaient joyeux (un comble), … Du côté des Ricains, pas mieux chez Dylan, Springsteen, Neil Young, auteurs de rondelles que pour être gentils on qualifiera d’embarrassantes. Seul Prince sortait avec une régularité de métronome un chef-d’œuvre par an (en 87, c’était « Sign the times », à mon sens le meilleur de sa discographie) …

Ouais, mais voilà, j’aimais bien entendre le son d’une guitare saturée branchée sur un ampli Marshall, et de ce côté-là c’était la soupe à la grimace. Jesus & Mary Chain chez les Rosbifs, Hüsker Dü de l’autre côté de l’Océan, quelques rares autres de moindre niveau un peu partout, le tour du proprio était vite fait … restait les hardos pour envoyer du boucan … sauf que j’avais plus quinze ans, et que les rondelles calamiteuses de Scorpions, Van Halen, Aerosmith ou AC/DC n’étaient pas faites pour ranimer ma flamme. La « fameuse » NWOBHM m’avait toujours gonflé, leur tête d’affiche Iron Maiden en tête, les lecteurs de Bruitos Magazine commençaient à se refiler sous le manteau le nom de Metallica (bâillements) …


Quelques Ricains, maquillés comme des voitures volées (ou comme Bowie à la fin d’un concert en 73) lançaient la mode du glam metal, dans le meilleur des cas un revival Alice Cooper (qui, comme par hasard, n’était pas vraiment au mieux dans les 80’s). Phénomène musical essentiellement californien (Mötley Crüe, Ratt, Poison, Cinderella, Quiet Riot, …), qui se concentra vite sur Los Angeles, et établit son siège social sur une partie de Sunset Boulevard, là où se trouvaient salles de jeux, dealers, boîtes de striptease et jeunesse blanche, Sunset Strip. Et on y voyait parader tous ces groupes, dans une compétition de looks décadents, tous ces types bourrés et/ou défoncés avec à leurs bras des bimbos fortement siliconées, délurées et court vêtues, ce qui faisait fantasmer tous ceux qui ne s’étaient pas encore faits un nom.

Parmi ces anonymes, deux types avaient monté chacun leur groupe, L.A. Guns et Hollywood Rose. Le premier fondé par le guitariste Tracii Guns, le second, Hollywood Rose par un certain William Bruce Rose Jr, venu de sa cambrousse de l’Indiana pour profiter de la fête non-stop de Sunset Strip. Cas social à peu près désespéré, il se rebaptisera Axl Rose (anagramme transparent, y’ a que sept lettres …). Les deux groupes fusionnent en Guns N’Roses, les musiciens défilent, certains arrivent, d’autres font leurs valises, dont assez vite, Tracii Guns. Au bout d’un moment, la formation se stabilise. Aux côtés d’Axl Rose, on va trouver trois américains, le guitariste rythmique Izzy Stradlin, le bassiste Duff McKagan, le batteur Steven Adler, et un guitariste anglais, Saul Hudson, auto-rebaptisé Slash. Slash est pour ainsi dire un enfant de la balle, sa mère était conceptrice de tenues de scène, notamment pour David Bowie, qui paraît-il l’a un temps fréquentée pas seulement pour des raisons artistiques …


Ce quintette va se faire une place et un nom sur Sunset Strip. Ils emménagent dans un squat, vite rempli de bouteilles vides, de poussières blanches et de filles consentantes. Et surtout, emmenés par Axl Rose, émérite bagarreur, faire changer toute la concurrence de trottoir quand ils les croisent sur Sunset Strip. Le premier, David Geffen au nez particulièrement creux dès qu’il s’agit de trouver des gens à fort potentiel commercial, les repère et les signe. Et là, miracle …

Les cinq zozos, à longueur de temps dans un état proche du comateux, vont s’atteler à l’enregistrement d’un disque qui va faire date. Parce qu’il va s’en vendre des dizaines de millions all around the world, et parce qu’en plus il est excellent. En gros, « Appetite for destruction » est le dernier grand disque de (hard) rock des seventies sorti alors que la décennie suivante va sur sa fin.

« Appetite ... » est un concentré et un résumé de tout ce que le rock pour les hommes, les vrais, a fait de mieux depuis trois décennies. Du rock’n’roll fifties (Cochran, Petit Richard, …), du British 60’s (Stones, Yardbirds, …), du hard 70’s (Purple, Led Zep, AC/DC, Aerosmith, …), du punk surtout américain, plus « brutal » que les British (Black Flag, Bad Brains, Dead Kennedys, …). Tout ça mélangé à la sauce Guns N’Roses, sans que jamais ça sonne comme un copier-coller. Il y a une trademark Guns avec ce premier disque. Tous les titres ont une longue intro, travaillée (celle, mirifique de « Paradise City » dure 1’20’’ et en est le meilleur exemple), des couplets, des refrains, des ponts, et un vrai final (jamais de shunt brutal ou de fading). Autrement dit, même sous l’effet bulldozer de certains morceaux bien bourrins (« You’re crazy », exemple type), il y a un vrai travail d’écriture.


Avant d’être la chose d’Axl Rose qui imposera ses avis aux autres à coups de baffes, le Guns N’Roses d’ « Appetite … » est le disque d’un vrai groupe, où chacun participe sans chercher à attirer sur soi la lumière. Les trois de la rythmique maintiennent une pression constante, Slash balance de courts solos antithèse de la plupart des guitar-heroes, l’Axl utilise plusieurs tonalités, ne se contentant pas de brailler dans les aigus … Pour faire un grand disque, il faut au moins un titre qui marque les esprits, qui serve de locomotive pour le reste de la rondelle. « Appetite … » ne fait pas les choses à moitié, ou plutôt la moitié des titres sont fabuleux.

Par ordre d’apparition, « Welcome to the jungle » est une entrée en matière idéale, intro marquante, mid-tempo appuyé par une batterie tachycardique, pont qui lorgne vers celui de « Whole lotta love » … « Nightrain » est un des nombreux singles, pas exceptionnel, juste excellent. « Paradise City » est au moins dans le Top 10 des plus grands morceaux de hard, intro fabuleuse, accélération permanente de dragster, faux final avant les deux dernières minutes où tout le monde est à nouveau à fond. Claque monumentale … « My Michelle » n’a rien à voir avec celle de McCartney, mais serait très fortement inspiré d’une copine junkie d’Axl Rose, tempo de punk’n’roll lui aussi en accélération permanente. « Sweet child o’ mine » est l’autre titre d’anthologie, ballade up tempo, le titre qui met le plus Slash en valeur. « Rocket Queen » conclut les cinquante trois minutes du disque en apothéose avec ses deux parties distinctes reliées par des roulements de batterie et les gros riffs de Slash.


Alors forcément le reste souffre un peu de la comparaison, que ce soit le hard tendance FM de « Mr Brownstone », les ponts façon psyché de « It’s so easy », le bourrin « Out ta get me » avec ses chœurs de hooligans et ses faux airs par moments de « Flight of the rat » du Purple. Une paire de titres sont un peu les parents pauvres de la rondelle, plutôt anecdotiques (« Think about you », « Anything goes »), bien qu’ils puissent faire figure de chefs-d’œuvre chez la plupart de la concurrence …

Pour faire retomber les dithyrambes, juste un mot sur la pochette, plutôt très moche, sachant que celle qui était prévue (un dessin représentant un robot qui vient de violer une femme affalée contre un mur culotte sur les genoux), a été jugée trop vulgaire (juste verdict) par Geffen et supprimée assez vite.

Le mystère restera de savoir comment cinq toxicos je-m’en-foutistes ont pu pondre pareille merveille. Parce que la suite sera une assez remarquable chute libre. Axl Rose prendra un melon phénoménal, entre réparties aberrantes, torgnoles à tout-va à tout ce qui passe à portée, nouveau look à base de bandanas et de shorts de cyclistes, admiration sans burnes pour Elton John, etc … Tout ça culminant avec les deux heures et demie de la doublette « Use our illusion », où une poignée de bons morceaux (dont une reprise d’anthologie de « Knockin’ on heaven’s door ») seront noyés sous un déluge de titres à rallonges boursouflés et prétentieux, le tout avant l’inévitable débandade, le nullissime disque en solo d’Axl sous le nom de Guns N’Roses après quinze ans ( ! ) de studio, et les tout autant prévisibles réconciliations, reformations, etc …

« Appetite for destruction » avait suffi pour entrer dans la légende …


ETIENNE DAHO - POP SATORI (1986)

 

Antoine Doinel 80's ?

Daho, il sort de nulle part. De Rennes, précisément, ce qui musicalement revient à peu près au même au début des années 80. Bon, avant que les Bretons bretonnants me lancent une fatwah, je précise mon propos. Ouais, je sais, Marquis de Sade et les Transmusicales, la Rue de la Soif, et toute la mythologie provinciale du rock’n’roll… Mais c’est quoi les ventes de Marquis de Sade ? Et les Trans, c’était pas un peu surévalué par les journaleux parisiens venus là en goguette ? Non, en ce temps là comme tout le temps, ce qui comptait vraiment, ça se passait à Paris, et il a déménagé où, Daho, une fois les biftons des premiers succès en poche, hein ? pas à Morlaix que je sache … Voilà, voilà, j’ai encore rien dit que je me suis fait plein d’amis … surtout bretons …


Bon reprenons avec le jeune Etienne de Rennes. C’est un ado timide et romantique, et fan d’un monde déjà disparu. Celui des années 50 et 60, des films existentialistes de la Nouvelle Vague en noir et blanc, du premier disque du Velvet Underground avec Nico, du Pink Floyd de Syd Barrett, de Françoise Hardy ... Premier fait d’armes de Daho, il met toutes ses économies sur la table pour organiser à Rennes un concert d’Elli et Jacno, parce qu’il aime bien leur musique, mais plus encore la belle uruguayenne Elli Medeiros, qui chante (assez faux) dans le duo. Daho surmontera sa timidité et sa faiblesse vocale pour commencer à enregistrer. Deux disques, le premier « Mythomane », passe inaperçu, mais le single qui suit « Le grand sommeil » (évidemment à cause du film du même titre avec Bogart et Bacall) récolte quelques critiques favorables. Second trente trois tours « La notte, la notte » (référence au film d’Antonioni) fait frissonner les hit parades grâce au single « Week end à Rome ». Mais en tout cas rien qui ne préfigurait le succès de « Pop Satori ».

« Pop Satori » est donc le troisième disque de Daho, et qui suit un maxi 45T avec un titre bien diffusé en radio, « Tombé pour la France ». Ce maxi est vraiment le dernier de la période rennaise de Daho. Même si le titre à succès est produit comme tout ce qu’a sorti Daho depuis « Le grand sommeil » par Franck Darcel (guitariste et fondateur de Marquis de Sade puis d’Octobre, devenu maintenant écrivain et activiste breton), il est enregistré entre Paris et Bruxelles. « Tombé pour la France » figure (en fin de première face vinyle, donc au milieu du Cd) sur « Pop Satori » avec un son assez différent du reste du disque, en tout cas le meilleur titre d’électro-pop français sorti à l’époque, aussi bien foutu qu’une rengaine à succès d’Orchestral Manœuvres, Eurythmics, ou Depeche Mode.

Avec Elli Medeiros

Parce que Daho, alors que toutes ses influences sont dans le passé, va s’attacher à faire un disque de son époque, le milieu des 80’s. Alors, certes il gardera Arnold Turboust, son alter ego pour l’écriture des morceaux, mais ira chercher des Anglais peu connus mais qui selon lui, peuvent lui amener ce son contemporain et classe dont il rêve. Apparaissent donc en bonne place dans les crédits le producteur Rico Conning, et le groupe Torch Song, dont la tête pensante est un dénommé William Orbit (qui sera quelques années plus tard le pape de la techno anglaise, producteur, mixeur, remixeur et Dj mondialement reconnu – l’anti Guetta pour situer).

« Pop Satori » n’est pas aussi conceptuel que le laisse entendre son titre. Satori, en japonais, signifie en gros illumination, prise de conscience, dans la religion bouddhiste. Ce disque est plutôt un hommage au passé ou à un monde rêvé. Daho est un indécrottable romantique passéiste et il inaugure avec « Pop Satori » son culte du passé servi par des sonorités contemporaines, le « c’était mieux avant » avec des synthés. Grosso modo, il fera ça à chacun de ses disques, un son d’actualité au service de la nostalgie. Voir ici « Paris, le Flore », évidemment hommage au bistrot parisien (la photo de pochette y a été prise) haut lieu de la culture Rive Gauche. Le titre est coécrit par un Anglais, Stuart Moxham, compositeur principal de l’éphémère groupe culte Young Marble Giants (une seule rondelle à leur actif, qui sera un des disques de chevet de Kurt Cobain).

Rayon hommage et nostalgie, difficile de passer à coté de « Duel au soleil » (encore un titre de film devenu chanson) et de « Late night ». Le premier a été composé par Robert Farel (quasi clone de Daho, et dont on n’entendra parler que brièvement l’année suivante avec son titre « Les petits boudins ») et le journaliste Jérôme Soligny (depuis des années à Rock & Folk, auteur d’articles-fleuve sur Bowie, Macca et – nobody’s perfect – Coldplay), mélodie intemporelle, arrangements tantôt arabisants, tantôt hispaniques, pour moi d’assez loin le meilleur titre de la rondelle. A égalité avec « Late night » de Syd Barrett, paru sur son premier disque solo « The madcap laughs ». Dernier titre du disque, en totale rupture avec le son de ce qui précède. Ici, juste guitares et voix, dans une version assez similaire à l’original (manque juste les guitares « spatiales » caractéristiques de Gilmour).

Avec Nico

Le gros succès radiophonique de « Pop Satori » sera « Epaule Tattoo », beaucoup moins évident aujourd’hui, certainement le titre le plus daté, irrémédiablement bloqué sur ses synthés très début 80’s. A lui seul, ce morceau résume pour moi le problème Daho. Il propose des compos certes sympas écrites pour sa voix que pour être gentil on qualifiera de limitée, et les met en musique en s’inspirant de l’air (en général électronique) du temps. Parfaitement en phase avec leur époque, ses disques prennent assez vite de gros coups de vieux. Tiens à ce propos, dans les crédits de « Pop Satori », section remerciements Daho écrit en conclusion : « c’était trop bath ! ». Même dans les années 80, qui disait que c’était bath ? Léo Ferré peut-être …

Bien trente ans que je l’avais pas écouté ce « Pop Satori ». Dans mes souvenirs, il était bien, voire très bien … Ben, il a assez mal vieilli, la moitié des titres ne valent pas d’être cités … irrémédiablement d’une autre époque. Par contre quelques-uns ont plutôt pas mal traversé les décennies, et comme par hasard, ce sont les mieux écrits. Comme quoi un bon son, un gros son, un son moderne, ça peut parfois suffire, mais s’il y a une bonne chanson pour aller avec, c’est encore mieux …


STEVEN SPIELBERG - LES AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE (1981)

 

Le meilleur ?

De la série des Indiana Jones ? De Spielberg ? Des films d’action et d’aventure ? Si on veut, et même si on veut pas d’ailleurs, tant on a affaire à un film hors-norme …

Spielberg, Lucas & Ford : tiercé gagnant

Qui a mis à l’écran un personnage créé de toutes pièces pour les besoins d’un film, l’archéologue-aventurier Indiana Jones (entendez par là que c’est pas un héros de bande dessinée type Marvel, ou de romans d’espionnage à la James Bond). Non, Indiana Jones est né si l’on en croit la légende d’une discussion sous les palmiers à Hawaï entre George Lucas et Steven Spielberg, même pas soixante dix ans à eux deux au moment des faits, et déjà un passé bien rempli niveau succès au box office …

Le résultat, pour moi, c’est mater une page blanche sur le traitement de texte … Qu’est-ce que vous voulez bien que je raconte sur ce film qui n’ait pas été dit ou écrit des centaines de fois et en mieux à la télé, sur des journaux, dans les recoins du Net ? Même E.T. ou l’Alien doivent avoir donné leur avis …

Eux, il les aime pas ...

Moi, ce qui me scotche, c’est passé le pré-générique en incrustation sur trois types qui avancent en sueur dans la jungle, les dix « vraies » premières minutes du film (jusqu’au coup du serpent dans l’hydravion). Il se passe un truc exceptionnel au sens littéral du terme toutes les dix secondes. Ces dix minutes-là, des types connus et reconnus derrière la caméra n’en ont même pas rêvé comme le final d’un film, et Spielberg l’a fait, jeté là en guise d’amuse-gueule ... Moi c’est bien simple je vois que deux trucs qui approchent (sans l’égaler) ces premières scènes. Le début de « GoldenEye » (James Bond chez les Soviets) qui se termine par cette cascade surréaliste de Bond balançant une moto dans le vide pour l’abandonner, continuer en chute libre et s’assoir aux commandes d’un avion sans pilote en piqué dans le même ravin. Et le début de « Game of Thrones », à l’opposé, tout en lenteur glaciale et glaçante, sans quasiment un mot, au milieu de paysages enneigés avant que les Marcheurs Blancs (les zombies de George RR Martin) commencent à décapiter du patrouilleur de la Garde de Nuit … En fait, le cinéma c’est comme le rock, si t’as une bonne intro, t’es quasiment sûr que le morceau va être réussi (l’occasion de signaler que John Williams a pondu un thème aussi évident qu’un titre de Chuck Berry) … Et « GoldenEye » est un des meilleurs James Bond, et « GoT » est peut-être bien le phénomène culturel de ce début de siècle, une odyssée qui oblige à repenser le terme de « série » … et « Les aventuriers de l’Arche perdue » enterre toute concurrence passée, présente et future dans son genre, et Moïse et ses Tables de la Loi doivent le savoir, c’est pas faute d’impétrants qui s’y sont essayés dans le genre …

Eux non plus ...

« Les aventuriers … » c’est le film qui rend le surnaturel naturel … et je suis pas vraiment fan des nuages de fumée maléfiques (le « Dracula » de Coppola, « Ghostbusters », « The Thing » de Carpenter, etc … enfin « The Thing » mauvais exemple, le film est bon). « Les aventuriers … » ce sont les scènes improvisées qui deviennent culte (l’Arabe en noir avec un grand sabre qui se prend une balle, au départ ce devait une baston avec Indy et son fouet, Harrison Ford avait la gastro, pouvait pas jouer une scène de combat et a donc suggéré que la confrontation soit expéditive)… Tiens, Harrison Ford, en voilà un qui a intérêt à dire du bien de Lucas et Spielberg, jouer Hans Solo chez l’un et Indiana Jones chez l’autre, ça t’évite quand même d’aller sur le simulateur de retraite du gouvernement, pour voir quel cercueil tu vas pouvoir te payer quand t’auras fini de bosser, si t’es pas déjà mort avant …

« Les aventuriers … » est un film parfait, un rythme qui ne faiblit jamais, c’est drôle quand il n’y a pas d’action, et même quand il y en a (Indiana Jones n’est pas Jason Bourne ou Rambo), ses exploits sont souvent accidentels, parce qu’il se retrouve pris dans l’imprévu et qu’il improvise. Sous cet aspect-là, il est un peu le père de John McLane-Bruce Willis dans la série « Die Hard », et le fils de Belmondo dans « L’homme de Rio » (l’influence revendiquée de Spielberg, alors que tout le monde a cru que le modèle d’Indiana Jones c’était Tintin, raté, Spielberg connaissait pas les BD d’Hergé …)

Elle, il l'aime bien ... quand il a le temps ...

Le scénario (Lucas et Spielberg pour la genèse, Lawrence Kasdan et Philip Kaufman pour l’écriture, c’est quand même une putain de Dream Team tout ça) prend le temps (mais où l’ont-ils trouvé le temps) de poser le personnage d’Indiana Jones, parce que dès le départ, si le premier marchait (il a un peu marché, rapporté vingt fois la mise, un des films les plus rentables des années 80), une ou plusieurs suites étaient prévues. Quand il est pas casse-cou à la recherche de bibelots antiques, Mr Jones est un type assez compliqué dans ses rapports familiaux et amoureux (son ancienne promise Marion, bien interprétée par Karen Allen, traverse le film à cent à l’heure, encore plus speed que son (ex)mec), il aime pas les serpents et les nazis, deux espèces particulièrement dangereuses qu’il croisera souvent dans les autres épisodes de la série, qui seront bons, mais pas autant que l’inaugural (malgré des séquences encore plus folles, Spielberg et son héros ne retrouveront pas le rythme effréné du premier).

Donc, pour répondre à mes trois questions à la con du début, « Les aventuriers de l’Arche perdue » est le meilleur de la série, le meilleur film d’action et d’aventure des cent trente dernières années … et le meilleur de Spielberg ? Pas loin pour moi. Pour faire mon malin, je vais vous dire que je préfère le plus atypique des ses films, « Lincoln », tout en lenteur et tons sombres, avec (comme toujours) une prestation extraordinaire de Daniel Day-Lewis …


Du même sur ce blog :

Le Secret De La Licorne

Lincoln



MINISTRY - THE LAND OF RAPE AND HONEY (1988)

 

Métal urbain …

J’ai une tendresse toute particulière pour Ministry … parce que je suis bien cinglé ? ouais, certainement …

Situons le machin. Ministry est un faux vrai groupe. Le leader, c’est Al Jourgensen. Un type dont le CV et le way of life sont plutôt croquignolets. En gros, du punk et du métal dans leurs versions les plus radicales, et une addiction à l’héroïne à faire passer tous les déglingos du music business pour des amish … Keith Richards et Lemmy Motörhead, et tous leurs disciples, c’est petit bras à côté … Evidemment, ça peut donner lieu à quelques, comment dire, errements, tant musicaux que mentaux …

Ministry

Al Jourgensen a créé Ministry au début des 80’s. Avec les moyens du bord, c’est-à-dire pas grand-chose. Lui et quelques synthés d’occase. Dans ses débuts (pas écoutés), Ministry se situait dans la mouvance sonore de la pop synthétique anglaise. Petit à petit, des types viendront rejoindre Jourgensen (quelques fois des passages éclair), Ministry ressemblera au moins sur scène à un groupe de rock « classique », et parallèlement le son évoluera. La radicalité à tous les niveaux va s’imposer, et de ritournelles au synthé, on va passer à des choses beaucoup plus excessives, dans une surenchère sonore et comportementale apparemment sans limite. En une demi-décennie, Ministry va devenir la figure de proue (et plus ou moins l’inventeur) de ce que l’on appelle communément le métal industriel. Tout en végétant sur de micro-labels indépendants, et en voyant Jourgensen s’impliquer dans d’autres projets (Revolting Cocks) à peu près similaires et tout autant radicaux. Musique et prestations scéniques apocalyptiques généreront le buzz, les gros labels et les majors pointeront leur nez. Généralement, quand les gros cigares se pointent, la folie s’estompe. Chez Ministry, c’est le contraire. Plus il y a de fric, plus il y a de la coke et de l’héro, et plus il y a de boucan. Radicalisation totale …

« The land of rape and honey » (en voilà un titre qui claque, mais ne me demandez pas le pourquoi du comment, j’en sais rien) est le disque qui a fait passer Jourgensen et Ministry à l’étage supérieur, question notoriété. Il y a le nez creux de Seymour Stein le patron de Sire (filiale de la Warner, ça aide à diffuser de la rondelle argentée) qui vient de les signer, Sire est un label capable de dénicher les grosses ventes de demain (Pretenders, Cure, Madonna, Alanis Morissette, …) tout en gardant une certaine crédibilité artistique.

Al Jourgensen

Bon, classiquement comme tous les toxicos forcenés, Jourgensen a claqué la thune avancée pour le studio en substances chimiques diverses, et il a fallu faire du remplissage. Une paire de titres sont vite expédiés (« I prefer », « Flashback », tempo punk bourrin pour le premier, bouillasse sursaturée pour le second). Les trois premiers (et les trois meilleurs, on y reviendra) proviennent de singles et d’Eps déjà parus. Un fonds de tiroir est rajouté, c’est le dernier titre « Abortive », résultat de sessions antérieures londoniennes, produit sous pseudo par le célèbre remixeur Adrian Sherwood, et très différent du reste de la rondelle (basses slappées funky, sonorités très synthpop, et dialogues samplés de films qui remplacent le chant).

Tiens, j’ai cité le mot chant. J’aurais pas dû. Parce que ce qui tient lieu de ramage à Jourgensen ferait passer le chanteur de Rammstein pour Roberto Alagna. Et qui plus est, le raclement de gosier qui lui tient lieu de voix, est passé soit par un mégaphone, soit par tellement de consoles d’effets qu’on distingue pas un traître mot de ce qu’il gueule … ce qui est peut-être dommage (Jourgensen a passé huit ans à baver en interview sur W. Bush, c’est donc a priori un type intéressant) … ou pas (l’héro, l’alcool à doses monumentales, ça donne pas toujours des propos sensés…).

Pour ce disque, Ministry c’est Jourgensen et Paul Barker (on a longtemps pensé que Ministry était un duo, jusqu’à ce que Barker finisse par mettre les voiles après des années de bons et loyaux services), qui composent et produisent, sous les pseudos de Hypo Luxa (Jourgensen) et Hermes Pan (!) (Barker). Deux musiciens additionnels complètent l’attelage de base.

Ministry live

L’essentiel des titres, ou du moins les plus intéressants, balance un punk rock porté par des programmations tachycardiques, des riffs de guitare dévastateurs, et le râle scandé de Jourgensen. Il y a des trucs terrifiants d’efficacité, le single (afin, façon de parler, le titre a pas fini en haut des charts) « Stigmata » qui ouvre le disque, et les extraits de l’EP « Deity » (le morceau du même nom et « The missing »). « Deity » c’est aussi efficace que du Motörhead de la bonne époque, et « The missing », on dirait bien que la mélodie (si, si, y’en a une) est repiquée sur le jeu d’arcade « Space Invaders » (les grabataires sauront de quoi je parle, ceux qui connaissent le 1er Pretenders aussi).

En gros, la première partie du disque repose sur les titres les plus frénétiques, ensuite ça se calme un peu, il y a même quelques mid-tempo, certes énergiques. « Destruction » on dirait de la synthpop jouée par des zombies, « Golden Dawn », lourd, menaçant et atmosphérique (?), parle certainement de la secte du même nom. « Hizbollah » (je préfère pas savoir de quoi ça cause en détail, ce que Jourgensen a à raconter sur les islamistes libanais), c’est le « Kashmir » de Ministry avec son ambiance forcément arabisante. Le morceau-titre est lui un truc très martial, et me semble une référence musicale évidente aux assez équivoques belges de Front 242, influence revendiquée de Ministry (Jourgensen bossera pour un projet parallèle avec l’un des membres du groupe).

Musicalement, outre Front 242, on pense à Métal Urbain ou aux Bérurier Noir (la boîte à rythmes frénétique), ou au hard-rock le plus extrémiste (les riffs monstrueux, la voix glapie). Avec « The land of rape and honey », Ministry se met en route pour la reconnaissance « grand public », un des fers de lance américain de la scène indé américaine (participation au festival Lollapalooza). Leur chef-d’œuvre reste à venir (« Psalm 69 » en 92), et leur « enfants » les plus évidents seront Nine Inch Nails, Marilyn Manson, tout le métal indus …

Pas mal pour un défoncé sans aucun plan de carrière …


DEF LEPPARD - HYSTERIA (1987)

 

Les premiers de la classe ...

Dans le monde très concurrentiel du rock, comme dans une finale olympique de 100 m, c’est jamais bon de prendre un mauvais départ. C’est pourtant ce qu’avaient fait les Def Leppard, groupe de minots de Sheffied (ville industrielle sinistrée du milieu de l’Angleterre, patrie de Joe Cocker, puis plus tard de Pulp et des Arctic Monkeys entre autres) lorsqu’ils avaient débuté au début des années 80, dans ce que l’on a imaginativement appelé la New Wave of British Heavy Metal. Les grands gagnants furent très vite Iron Maiden, Saxon et Judas Priest récoltèrent les accessits, et seuls les complétistes forcenés s’intéressèrent au cas Def Leppard.


Un groupe de potes, boys next door, moulinant gentiment un hard-rock de série B. Ils auraient pu devenir les Budgie ou les Wicked Lady de leur génération, jusqu’à ce qu’une bonne fée Clochette (en l’occurrence celle de « Hells Bell ») se penche sur leur berceau. Robert John « Mutt » Lange fut le catalyseur et l’accélérateur de la carrière de Def Leppard. Un producteur très radio friendly (il venait de « domestiquer » le son d’AC/DC en produisant « Highway to hell » et « Back in Black », et en faisant passer les Australopithèques au niveau supérieur question ventes), mais aussi un producteur « intrusif » (capable de participer à l’écriture et de « réorienter » le son du groupe).

Dès « High & dry » en 1981, Lange s’était occupé de la production de Def Leppard. Changement de braquet et d’implication avec le suivant, « Pyromania » (1983). Le succès du groupe devient exponentiel (plus de dix millions de copies/monde dépotées), tournées incessantes all around the world, Def Leppard devient une grosse machine qui compte dans le music business. Et puis l’accident industriel. Rick Allen, grand amateur de vitesse au volant de voitures de sports, se plante grave et y laisse un bras. Assez gênant quand on est batteur. Qu’à cela ne tienne, les autres musicos, dans un réflexe plus Spinal Tap que nature, le conservent, il aménage son kit, et après les moins connus garagistes sixties américains Moulty & The Barbarians, Def Leppard devient un groupe avec un batteur manchot …


« Hysteria » sera dès lors mis en chantier avec le difficile challenge de succéder au multi platiné « Hysteria ». Pour cela, Lange et Def Leppard vont pousser un peu plus loin le bouchon du son mainstream. Globalement, on s’écarte du hard rock stricto sensu. Aucun risque de confusion avec les grands anciens (le Zep, Purple, Le Sab, Aerosmith, …), pas plus qu’avec les contemporains dans une surenchère de bruit et de fureur (Maiden, les nouveaux arrivants Metallica, avec tout le speed-trash-machin dans leur sillage). S’il fallait trouver quelque chose d’approchant, ce serait les Scorpions de « Love at first sting », et tout le hard FM américain (Foreigner, la Bénatar, …, ce genre de choses). Intéressant (?) de constater que sur douze titres (pour plus d’une heure), pas la moindre trace d’un solo de guitare (quand on veut en foutre plein les oreilles et qu’on a pas de virtuoses des six-cordes dans le groupe, on a pas vraiment le choix). Rien que ce détail suffit à montrer que l’on quitte subrepticement le monde du hard … et qu’on lorgne effrontément vers celui des passages radio.

« Hysteria » en fout plein les oreilles. Trop à mon avis, mais bon comme personne en a rien à secouer de mon avis … L’intro accrocheuse, une marque de fabrique de Lange, est minutieusement travaillée. On n’oublie pas de mettre dans le tracklisting une paire de balades viriles (l’énorme succès « Still loving you » est passé par là). Et même si on communique pas là-dessus (quoi que …) en ce milieu des 80’s où les synthés sont rois, on n’en met pas un seul dans le disque. Tous ces arrangements tarabiscotés, ces enjolivures sonores sont faites en poussant dans ses derniers retranchements technologiques le traitement des guitares.

Le succès de « Hysteria » sera équivalent, voire meilleur que celui de « Pyromania » et Def Leppard entrera dans le club très très fermé des gens ayant vendu plus de dix millions de copies de deux albums consécutifs (on parle là de gens comme Michael Jackson, les Eagles, les Spice Girls, Madonna, autrement dit du très beaucoup mainstream). On est avec ce genre de disques dans l’irrationnel le plus complet, ainsi sept (oui, quatre et trois) singles en seront extraits (comme sur « Thriller » de Michou J.), chose inimaginable pour une rondelle sortie sous l’étiquette « hard ». Les boys next door, même s’ils ont pas grand-chose de sexy, vont faire la une des journaux et magazines (spécialisés ou pas), et on verra beaucoup leurs trombines, coiffures chiadées, fringues de bad boys milliardaires, brillants comme une Dacia neuve (ils ont rien de Ferrari du rock, les pauvres gosses).

Bling-bling attitude sur scène ...

Bon, trente cinq ans plus tard, il faut en retenir quoi, de cette histoire ? Un son peaufiné à l’extrême, un truc bien propre, bien joli, et, comment dire, bien ringard aujourd’hui. Tout ce déluge d’effets sonores, ces montées chromatiques hyper-prévisibles étaient bien là pour ratisser large, et tant pis pour l’art (l’hard ?).

De la litanie de singles, on peu retenir, par ordre d’apparition, « Rocket » (hymne, comme la plupart d’ailleurs, de stade), « Animal » (le plus effrontément FM ?), « Pour some sugar on me » (très bêtement et méchamment efficace, mix entre « We will rock you » de Queen et « I love rock’n’roll » de Joan Jett), et la ballade mid-tempo « Hysteria ». De toutes façons, tout se ressemble, la recherche de l’hymne à stades semblant être le plus grand dénominateur commun de tout le tracklisting, mais sur la longueur, tout ce formatage finit par être quelque peu épuisant …

« Hysteria », c’est le sommet et aussi un peu le chant du cygne des Def Leppard. Condamnés, comme Sisyphe, à pousser pour l’éternité leur gros caillou sonore ripoliné. De toute façon, ils étaient cuits. Les Metallica allaient enclencher la vitesse supérieure, et l’espèce de glam metal des Leppard, allait se voir copier (Motley Crue et une ribambelle d’autres), avant de se faire déborder par cinq toxicos teigneux traînant dans tous les endroits chelous de Sunset Boulevard … On ne remerciera jamais assez les Guns’N’Roses et leur premier disque d’avoir fait le ménage dans le genre …



THE CURE - SEVENTEEN SECONDS (1980)


 Cold Wave ...

Un beau jour, dans les années 2000, parce qu’il ne sortait plus que des mauvais disques, ou que plus personne n’en achetait, ou les deux, y’a un manager fûté qui a dit à ses poulains qu’ils avaient qu’à rejouer en concert l’intégralité et dans l’ordre des titres leurs vieux disques, ceux que les gens aimaient et avaient achetés. Je sais pas qui a eu l’idée, ni qui a commencé, mais tous les quadra-quinquas voire plus du rock s’y sont collés. On prenait la masterpiece de la disco, on étirait un peu les morceaux, une heure passait, rideau, deux ou trois hits en rappel et l’affaire était dans le sac, merci chers fans pour votre contribution au quotidien de nos vieux jours …

Gallup, Tolhurst, Smith & Hartley : The Cure 1980

Cure n’a pas échappé à la règle. Sauf que jouer un disque en entier, une poignée de titres en rappel et plier les gaules au bout d’une heure et quart de scène, c’était pas vraiment le genre de Robert Smith, qui dans ce cas-là aurait passé plus de temps à se crêper la tignasse, se maquiller le groin avec du noir, du blanc et du rouge à lèvres pétard, qu’à être sur scène. Parce qu’à l’instar d’un autre vioque du New Jersey et de ses poteaux de la rue E, Smith tient facilement trois heures sur les planches … et donc la solution pour coller à l’air du temps et en donner au public pour son argent fut pour les Cure de ne pas jouer l’intégralité d’un vieux disque, mais l’intégralité de trois vieux disques en concert. Ainsi, lors d’une tournée dont j’ai la flemme de rechercher la date, furent successivement balancés au public « Seventeen seconds », « Pornography » et « Desintigration » dans leur intégralité, plus quelques rappels, et il n’était pas rare que le groupe reste beaucoup plus de trois heures sur scène …

Tout ce pensum introductif pour dire que « Seventeen seconds » est un disque important pour les Cure. Apparus trop tard pour être les Sex Pistols ou les Clash et trop tôt pour être Eurythmics ou Depeche Mode, l’avenir des Cure semblait incertain. Les premiers titres du groupe partaient dans tous les sens, que ce soit sur le premier « Three imaginary boys », ou sur la compilation (ouais, je sais, sortir une compilation après seulement un disque, c’est pas très malin, mais Cure sortait plein de 45 T et de maxis, et cette compile « Boys don’t cry » c’était un peu une façon de prendre le train en marche pour ceux qui avaient raté le premier Lp). Et à propos de train, pas grand-monde l’a pris, le Cure des débuts est un groupe confidentiel dont la ligne musicale n’est pas vraiment définie, et au futur en forme de point d'interrogation.


Parce que Cure n’est pas un groupe. Robert Smith écrase tout le monde, c’est le Lider Maximo, et ça commence à défiler dans le casting … Manière de faire se poser des questions sur l’avenir de Cure, il va faire une pige comme guitariste chez Siouxsie & the Banshees. Après quelques mois d’existence, l’avenir des Cure est déjà une totale spéculation.

Robert Smith garde son pote batteur Laurence Tolhurst, vire le bassiste Michael Dempsey, embauche Simon Gallup à la place, et complète le line-up avec aux claviers un certain Matthieu Hartley, qui ne passera même pas un an dans le groupe et dont on a perdu la trace depuis … Les Three Imaginary Boys devenus quatre comme les Mousquetaires vont aller en studio pour en sortir « Seventeen seconds ». Et avec « Seventeen seconds » va commencer à s’écrire la saga Cure …

Finies les reprises saugrenues d’Hendrix, les tourneries pop, les petits rocks épileptiques et autres incongruités antérieures, et place au Cure sound, celui qui va quasiment définir une génération, celle des années 80. Quand la formule sera rodée et définitive, on verra les rues encombrées de silhouettes unisexes très Walking Dead, longs cheveux crêpés, orbites noircies, fond de teint farineux, lèvres carmin vif, fringues noires et baskets montantes blanches sans lacets. Le look de Robert Smith dans les eighties sera le plus copié, avant la décennie suivante celui de Kurt Cobain (mais là, c’était plus facile, moins disruptif …).

Niveau look, on n’en est pas encore là avec « Seventeen seconds ». Smith a vingt et un ans, le cheveu court, et une bonne bouille ronde sympathique … le parfait boy next door en somme. Niveau musique, par contre, ça commence à se démarquer de toute concurrence. Non pas que ce soit foncièrement original. On sent que Robert Smith (qui est le compositeur quasi unique et exclusif du groupe) a pas mal écouté Joy Division, et Cure s’essaie à sa façon à reproduire le martèlement rythmique du groupe de Manchester. Le tempo est lent, métronomique, les instruments forment un magma sonore d’où s’extraient des arpèges de guitare ou de piano, la basse est très mélodique (souvent une Fender VI à six cordes), le chant est fort, aigu, plaintif, et des mots tels que « cry », « scream », « tears », « blood », « dark », « rain », commencent à se poser comme la base lexicale des textes de Smith.

« Seventeen seconds » n’est pas parfait, mais la formule qu’il propose n’aura pas besoin de beaucoup d’évolutions pour devenir un des marqueurs sonores les plus facilement identifiables du rock. Qu’on l’aime ou pas, le son des Cure, on le reconnait instantanément …

Le disque débute par un instrumental (« A reflection ») tout en lenteur enchevêtrée de piano et guitare. « Play for today » qui suit est un des sommets de la rondelle, avec ce son de batterie tellement trafiqué (Mike Hedge, producteur depuis les débuts, Chris Parry, patron de leur label Fiction Records et Bob Smith co-produisent) qu’on la croirait électronique. L’intro, comme souvent chez Cure, atteint ou dépasse la minute, la voix de Smith trouve son registre qui la fait instantanément reconnaître. Seuls des synthés un peu datés et un rythme plutôt allegro (pour Cure s’entend) montrent les tâtonnements dans la mise en place du classic Cure sound…


Et « Seventeen seconds » c’est un peu ça tout le temps. C’est un disque de mise en place, un premier chapitre (d’ailleurs avec ses deux suivants « Faith » et « Pornography », on parlera souvent – au grand dam de Smith, et il a raison, « Pornography » est brûlant comme du métal en fusion » - de la trilogie « glaciale » de Cure). Il y a des petits trucs, qui à la réécoute à l’aune de tous ses successeurs, piquent les tympans. Si Smith sait commencer ses morceaux par de longues intros, il ne sait pas toujours les finir, certaines fins de titres sont plutôt abruptes (« Secrets », « M »). Parfois tout est en place et les titres auraient pu figurer sur au hasard, « The Head on the door », comme par exemple « In your eyes ». D’autres fois, des petits détails, parce que l’ensemble est quand même un bloc homogène, rendent un titre quelconque (« Three »).

Deux titres se démarquent. Leur premier single classé (31 dans les charts anglais, c’est pas « Seventeen seconds » qui a rendu Smith millionnaire) est « A forest », pas grand-chose à dire, c’est du classic Cure, et accessoirement le titre le plus joué par le groupe sur scène. L’autre titre majeur, c’est « M » qui met en avant ce côté « on sautille dans le désespoir », qui décliné et dupliqué par la suite (« In between days », « Why can’t I be you ») remplira bien les poches de Fatbob. Petite parenthèse sur les succès de The Cure. Leur titre peut-être le plus connu, « Boys don’t cry » (en gros mise en forme musicale joyeuse du désespoir) qui réunit les qualités de « M » et « A forest », est sorti en single avant la parution de « Seventeen seconds » sans obtenir le moindre succès. Ce n’est que lorsque la gloire du groupe sera atteinte que Smith le ressortira en 86 pour là faire un carton mondial …

« Seventeen seconds » tant par sa musique que par sa pochette (des arbres morts ou au moins sans feuilles dans le brouillard) sera le premier grand marqueur de ce qu’on appellera cold wave. Car même si l’expression a déjà été utilisée pour d’autres (Siouxsie, Wire, P.I.L., …), c’est The Cure qui en deviendra la figure de proue …

Un disque bien rafraîchissant par les temps de canicule …


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Pornography