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CHIA-LIANG LIU - LA 36ème CHAMBRE DE SHAOLIN (1978)

 

Kung Fu Fighting ...

Allez, sortez-vous du passage et faites-moi pas chier, où je vous fracasse, là je suis à donf dans ma période kung fu, et if you want blood, je vous aurai prévenu … Vous me connaissez pas, j’suis comme Brad Pitt face à Bruce Lee dans « Once upon a time in Hollywood », capable de foutre une branlée à n’importe qui …

Bon, on rembobine … parce que j’ai seulement trois ou quatre classiques ou prétendus tels du genre, donc à peine plus que le premier Pialat ou Rohmer venu … et que j’aimerais bien filer plein de torgnoles à tout un tas de relous, mais comme j’ai peur d’en prendre encore plus, je la joue cool, tout en diplomatie, qui comme chacun sait, est l’arme ultime des lâches …

Liu & Liu

Parce que là, avec « La 36éme chambre … » on cause d’un grand classique de films de kung fu, et que même Tarantino l’a dit. A preuve il a embauché l’acteur principal du film, Gordon Liu, pour tenir un second rôle dans « Kill Bill ». Bon, quand Tarantino se dit fan d’un film, faut raison garder, il est fan de millions de films, dont certains ont fait trois entrées lors de leur parution. Mais c’est pas le seul, le séminal gang de rappers, les vrais durs de durs Wu-Tang Clan ont intitulé leur premier disque « Enter the Wu-Tang (36 chambers) », pas vraiment par hasard.

Il faut bien reconnaître qu’après la mort de Bruce Lee et avant l’arrivée de Jackie Chan, les fans de baston asiatique manquaient de héros charismatiques. Gordon Liu fut celui-là. Niveau charisme, plutôt par défaut. Silhouette longiligne, jeu d’acteur comment dire, plutôt limité, mais le gars avait des années de pratique d’arts martiaux et était capable de faire le job, le gentil qui nique sa race à tous les méchants. Parce niveau manchettes dans ta face, il assure le Gordon. Faut dire que derrière la caméra, y’a un autre vrai combattant, venu un peu par hasard à la réalisation, Chia-Lang Liu. Qui a peut-être un lien de parenté avec Gordon Liu, les universitaires de la Wikipedia Encyclopedy Inc. n’arrivant pas vraiment à s’accorder sur le sujet. La où le doute n’est pas possible, c’est qu’avec un film de kung fu made in Hong Kong, on est sûr d’avoir derrière tout ce beau monde Run Run Shaw et sa Shaw Brothers. Et vous savez quoi ? on a raison d’être sûr …

Un bon au milieu des méchants

« La 36éme chambre … » se base sur un fonds historique, lors de la guerre plus ou moins civile qui opposa au long du XVIIème siècle la dynastie Ming aux « conquérants » et « envahisseurs » mandchous, dans une sorte de prequel d’un « Game of Thrones » asiatique. Gordon Liu joue le rôle d’un moine combattant qui s’est opposé aux mandchous ; le personnage aurait semble-t-il vraiment existé, mais pas vraiment de la façon quasi fantasmatique dont on nous le montre dans le film.

Dans « La 36ème chambre … », l’action commence dans Canton occupée par un sanguinaire général mandchou et ses deux cruels lieutenants. Gordon Liu (au nom imprononçable en V.O.) est un jeune étudiant gringalet qui sous l’influence d’un de ses professeurs, entre en résistance, en faisant passer par l’intermédiaire des poissons salés (!!) de son père des messages aux troupes de libération. Las, les sournois occupants s’en aperçoivent et exterminent le réseau de résistants. Bien que blessé, Liu réussit à s’enfuir et se promet de venger ce carnage. Du classique, du facile à suivre. Il se rend  alors au temple bouddhiste de Shaolin, où il est autorisé à rester bien que laïc. Particularité du temple, c’est la plus grande et la meilleure école d’arts martiaux du pays, 35 chambres y sont présentent, chacune enseignant une technique de combat ou un développement d’une partie du corps. Et évidemment, notre Robert Pires aux yeux bridés va muscler son jeu pendant des années, finissant par surpasser les maîtres enseignant dans les chambres.

A l'entraînement

Eh toi, là, pourquoi tu causes de 35 chambres alors qu’il y en a 36 dans le titre ? et bien la 36éme est celle où l’on apprend toute la sagesse bouddhiste, mais le maintenant costaud Gordon Liu, devenu le moine shaolin San Te (à la tienne aussi) préfère et obtient l’autorisation du Grand Maître du Temple aller créer sa 36ème chambre à lui à l’extérieur, pour y former de futurs rebelles à l’occupant mandchou. Pas besoin d’avoir un esprit supérieurement acéré pour comprendre que les méchants vont salement dérouiller …

On l’a bien compris, c’est pas la subtilité du scénario qui a fait de « La 36ème chambre … » un film culte au succès populaire immense en Asie, et une référence dans grand nombre de ghettos et de banlieues européens ou américains. Par contre, les scènes d’action, d’entraînement et de combat, restent des références du genre. C’est magistralement chorégraphié par le Liu derrière la caméra, et le Liu qui est devant, comme l’ensemble du casting, se livre à démonstrations visuelles époustouflantes, qui tiennent autant de la danse (un peu trop parfois) que du numéro de cirque (un peu trop parfois aussi) …

Alors, certes ça a tout pour ravir le « cœur de cible » du public, mais pour moi, en même temps qu’on atteint une forme de sommet, on touche aussi aux limites du genre. Les acteurs sont mauvais, tellement caricaturaux et outranciers dans leur jeu que ça finit par devenir contre-productif, les scènes censées faire rire ou sourire arrivent comme des cheveux sur la soupe …

Il va leur mettre des bâtons dans les roues ...

Ouais mais voilà, moi j’ai pas grandi dans les banlieues et les barres HLM prolos, j’ai pas connu le rituel des samedi soirs autour des salles de cinéma un peu péraves de quartier qui projetaient « autre chose » que ce qu’on voyait dans les salles capitonnées des centre villes. Dans ces endroits que les bien-pensants qualifiaient de « mal famés », toute une partie de la jeunesse n’avait que l’exutoire de ces films de baston asiatiques pour rêver et s’enlever de la tête les blocs de béton de leur quotidien. Il fallait des héros à ces gens-là, la Shaw Brothers les leur a fournis pendant des décennies … même si in fine le message et les codes étaient assez douteux. Qu’est-ce qui est mis en avant dans « La 36éme chambre … » ? Le travail (les longues années d’entraînement pour devenir un grand combattant), la famille (tous les autres se font buter, il faut les venger), la patrie (il faut se libérer de l’envahisseur). Bon, me faites pas dire que Gordon Liu est le Pétain du kung fu, mais finalement, ce qui était souvent perçu comme « transgressif » dans cette forme de culture n’était que redite avec d’autres codes des choses les plus conformistes et bien-pensantes de la société dominante …

Oh, ‘tain, je vais m’en prendre une, là … tout ça pour dire que si esthétiquement et visuellement ça peut parfois le faire, on n’est pas avec « La 36éme chambre de Shaolin » face à une référence de quelque culture ou contre-culture que ce soit. Le film de baston après Bruce Lee, c’est comme le reggae après Bob Marley, on connaît la recette, y’a tous les ingrédients, mais il manquera toujours le savoir-faire du chef …


GEORGE A ROMERO - ZOMBIE (1978)

 

Lost in the supermarket ...

« Zombie » (« Dawn of the dead » en V.O.) est le plus gros succès commercial de George Romero, quasiment un blockbuster. Pas un mince exploit pour un film interdit aux moins de dix-huit ans dans certains pays dont la France (on y reviendra).

Romero, c’est évidemment un film culte en noir et blanc, « La nuit des morts-vivants », tourné à vingt huit ans avec un peu plus de cent mille dollars de budget. D’après Romero lui-même, un film par défaut, il aurait bien voulu faire un film « normal », mais il en avait pas les moyens. Sauf que le choc des images et le succès du film, vont engendrer un effet domino encore (et de plus en plus) présent aujourd’hui. Le zombie va devenir une des références des films d’horreur, une figure majeure de la pop culture. Même si Romero n’a pas créé le « personnage » mort-vivant (on a déjà vu depuis les années 30-40 sur grand écran Frankenstein, Dracula, et le « I walked with a zombie » de Jacques Tourneur, …)

George Romero

Mais Romero dans les seventies, s’en fout un peu des zombies. Il a été agacé par le sens caché que certains ont trouvé dans son film, la référence à la guerre du Vietnam, le machisme (la beigne foutue par un Noir à une femme blanche), le racisme (le seul survivant dans la baraque se fait dégommer quand il sort parce que c’est un Black). Autant d’allégations que Romero a toujours démenties mais les ragots ont la vie dure. De ce fait, il s’est toujours refusé à tourner une suite à « La nuit des morts-vivants », surtout quand ces propositions venaient des majors, il savait qu’il serait totalement bridé par les dollars, la bienséance, les impératifs commerciaux, … En plus Romero voulait faire « autre chose », s’attaquer à d’autres genres. Il a bien essayé, a tourné quelques films descendus unanimement par la critique et que personne n’est allé voir … Pour faire simple, vers 77, Romero est un has-been total.

Jusqu’au jour où il rencontre à New York Dario Argento. Romero adore les films d’Argento et l’Italien vénère « La nuit … ». Argento à son tour suggère à Romero de tourner une suite. Romero, qui commence à penser que cette fameuse suite sera sa seule porte de sortie s’il veut continuer à faire son métier n’est plus radicalement opposé au principe, mais il a pas une thune. Qu’à cela ne tienne, Argento, son frère et quelques amis ont une maison de production en Italie. Le temps de passer quelques coups de fil, et le deal est sur la table : Argento va amener cinq cent mille dollars, Romero se débrouillera pour en amener autant et la suite de « La nuit  … » pourra se faire. Romero gérera la distribution du film en Amérique et en Océanie, les Italiens auront la mainmise sur l’Europe et l’Asie (et l’Afrique, questionne l’expert en géographie ? Tout le monde s’en fout, y’a pas de ronds à se faire là-bas …). Ce partage du monde pour la gestion du film ne sera pas sans conséquences, on en reparlera aussi … A noter pour la petite histoire que si les Ritals ont bien amené le pognon prévu (et même un peu plus), Romero n’a pas trouvé grand-chose à mettre dans l’escarcelle. Par contre, il a un pote à Pittsburgh où il vit, qui vient de construire et gère un immense centre commercial. Chose inenvisageable de nos jours (pour des raisons de sécurité, d’assurances, …), il autorise Romero à y tourner toutes les nuits et le dimanche.

Ça tombe bien. Cette fois-ci, derrière l’histoire de zombies, Romero veut faire un film politique, engagé, et lâcher des vivants et des zombies dans un supermarché gigantesque, symbole même du consumérisme, ça coche plein de cases à la fois.

Les grandes lignes du scénario sont tracées. Une introduction dans les coulisses d’une émission de télé, foire d’empoigne face à la situation : une pandémie ressuscite les morts qui se mettent à traquer les vivants pour les bouffer. Deux personnages principaux (un type et sa femme qui bosse à la télé) sont présentés. Un assaut par des flics d’élite contre un immeuble occupé par des Porto-Ricains, dont certains sont des truands et d’autres des zombies (pas de détail, tout ce qui est dans la baraque va prendre du plomb) nous présente deux flics (ou militaires, on sait pas trop et on s’en fout) qui seront les deux autres personnages principaux. On va pas s’embarrasser de leurs noms, personne les a retenus …

La bande des quatre

Les quatre fuient la menace du centre de Pittsburgh en hélicoptère, survolent la cambrousse où s’affrontent (sur)vivants et zombies avant de se poser sur le toit d’un centre commercial qu’il va falloir conquérir aux zombies qui y traînent, y créer un « périmètre de sécurité » et attendre que les choses s’arrangent. Sauf que les choses ne s’arrangent pas vraiment, et l’arrivée d’une bande de bikers pillards va faire salement dégénérer la situation … Et pour faire simple (mais aussi à cause d’une histoire elle compliquée sur la propriété de l’expression « living dead »), le film s’appellera « Zombie » partout dans le monde (aux States on rajoutera « Dawn of the dead »)

On le voit vite, mis à part la présence des zombies, aucun point commun avec le film de 68. Les zombies sont cette fois-ci en couleur (gris de peau en fait), sont pas très vifs, mais toujours aussi affamés de chair humaine vivante, et pour s’en débarrasser faut les re-tuer (une balle dans la tête, ailleurs ça marche pas toujours …). « Zombie » est une fausse suite de « La nuit des morts-vivants ». Les zombies ne sont qu’un prétexte à une surenchère de gore et Romero va pousser le bouchon beaucoup plus loin que tous ceux qui ont voulu faire peur sur grand écran. Ne pas croire que le George est en roue libre totale. Principe de base : une scène choc toutes les six minutes, et le film durant au moins deux heures, (là aussi on reviendra sur la durée), ça va en faire des litres de faux sang utilisés.

Plus des trois-quarts du film se passe dans le centre commercial. Les zombies y traînent par habitude, par réflexe conditionné (des extraits d’une émission télé nous l’affirment), les quatre vivants après une opération survival (on récupère le vital et l’essentiel) s’y enferment, se servent dans tous les rayons de façon de plus en plus futile (coiffure, maquillage, restaus, champagne, vêtements, tennis, jeux vidéo, armes, voitures et j’en passe). Critique féroce pour l’appétence des deux mondes (zombies et vivants) obnubilés par le besoin de consommer, et de faire siennes des choses qui ne leur appartiennent pas. C’est cette notion de propriété (on défend notre chez-nous, alors que rien n’est à eux, ils se sont tout accaparé) qui poussera les quatre « héros » (enfin, les trois qui restent à ce moment-là) à affronter les pillards, avec les zombies comme arbitres …

Bon appétit ...

Ce qui a marqué voire traumatisé les spectateurs à la sortie de « Zombie », c’est son hyperviolence. Rien n’est suggéré, tout est montré plein champ. Les impacts de balle pleine tête, les giclées de sang, les décapitations, démembrements, éviscérations diverses, les scènes de cannibalisme. Malgré des trucages forcément d’époque (la couleur rouge vif du sang, les mannequins pas très humains, …) frissons garantis (les boyaux sont de vrais boyaux récupérés dans une boucherie, mais non, les figurants vont pas jusqu’à les bouffer réellement …). Les interdictions, avertissements et classements divers vont fleurir partout dans le monde lors de la sortie du film en salles. Mention particulière pour la France giscardienne où le film sera carrément interdit par la Commission de censure. Argento, distributeur de « Zombie » pour l’Europe, attendra l’élection de Mitterrand trois ans plus tard, pour le représenter et là, il pourra être diffusé sans problème, juste une interdiction au moins de seize ans (et ça fait du grain à moudre pour ceux qui pensent que la Droite et la Gauche c’est pareil) …

Il devrait pas avoir mal, il est déjà mort ...

En trois mois, de fin 77 à février 78, « Zombie » est tourné. Mais de quel « Zombie » parle-t-on ? Il y a quatre versions du film. Une dont le final n’a jamais été tournée, mais qui était écrit dans le scénario de Romero (elle prévoyait la mort des quatre réfugiés dans le supermarché). Une version genre « director’s cut » de deux heures et quart, jamais diffusée en salles. Et puis ensuite deux montages différents. Un de Romero destiné aux salles américaines (et autres, voir sa « zone » plus haut) de deux heures et demie. La version la plus radicale, la plus sauvage, la plus violente, jamais diffusée en Europe. L’autre montage est celui d’Argento pour l’Europe. Il a mis du pognon dans le film et espère bien que plein de gens iront le voir, et envisage aussi les passages télé et les ventes sur support physique. Il supprime une bonne part des scènes les plus gore, ce qui donne une idée de ce qui a été filmé, parce qu’on est pas vraiment dans la bluette sentimentale avec la version européenne.

Il y aura de la friture sur la ligne entre Romero et Argento. Rien de grave ou de définitif. Les divergences majeures ne porteront pas sur le montage, mais sur la musique du film. Romero, dans sa B.O. a quasi exclusivement utilisé des synthés anxiogènes. Argento ne va quasiment rien garder de cette B.O. et confier la bande-son au groupe italien de hard progressif Goblin, partenaire habituel de ces films à lui. A l’écoute de la version d’Argento, Romero va récupérer la partie très hard rock qui rythme les passages avec les scènes où figurent les bikers pillards et l’inclure dans sa version. Les deux ont soutenu mordicus que leur bande-son était la meilleure …

Quoi qu’il en soit, « Zombie » est un must. Le meilleur film de zombies jusqu’à la sortie de « Bienvenue à Zombieland » et un classique du cinéma d’horreur-épouvante-gore. Romero s’est même laissé aller à en tourner des « suites » (trois ou quatre), qui seront loin de renouveler le coup d’éclat du millésime 78 …

Pour terminer, une anecdote inattendue. Il y a un point commun entre « Barry Lyndon » et « Zombie ». Allez, je vous laisse deviner. La bonne réponse gagne le dernier Cd d’Aya Nakamura, ou une place pour aller voir Astérix version Canet. Voire même les deux, je sais me montrer généreux …


MEL BROOKS - FRANKENSTEIN JUNIOR (1974)


 Bienvenue à Frankensteinland ...

1974 sera une année faste pour Mel Brooks. En début d’année paraît son western parodique « Le shérif est en prison » (« Blazing saddles » en V.O.). Qui s’en tire pas trop mal chez les critiques et le public mais ne fait guère tomber de records niveau box-office. Une comédie correcte, un peu trop en roue libre par moments, et plutôt bâclée.

Et là, contre toute attente (et surtout la sienne), Mel Brooks va signer son film-référence, celui que retiendront les manuels. Contre toute attente, parce que « Frankenstein Jr » a été mis en chantier sans que Brooks soit concerné. A l’origine du projet, Gene Wilder (on est quand même dans la famille, Wilder est l’acteur fétiche du Mel) qui se met en tête d’écrire une parodie de Frankenstein, d’après le roman de Mary Shelley, mais surtout d’après les deux films référence de James Whale (« Frankenstein » en 1931 et « La fiancée de Frankenstein » quatre ans plus tard). Voyant qu’il arrive à aligner des idées et des gags, Wilder en parle à son agent. Qui ne croit que moyennement à la possibilité de transformer ça en pièce de théâtre ou en film. A tout hasard, les deux hommes conviennent que si quelque chose aboutit, ça se fera avec Wilder of course, mais également Peter Boyle et Marty Feldman. Pourquoi ces deux gars, le premier américain, l’autre anglais, peu connus dans le milieu et au mieux pour quelques seconds rôles. La réponse est simple, ils ont le même agent que Wilder, lequel agent d’emblée pousse ses poulains sur l’échiquier du casting.

Brooks, Boyle, Feldman, Wilder & Garr

A tout hasard, Wilder montre son projet de scénario à son pote Mel Brooks. Qui est dubitatif, et met ce scénario en perspective avec un travail de réalisateur. Et puis, petit à petit, il commence à remanier le scénario, retranche ou ajoute des scènes, des situations, et arrivent vite l’idée et l’envie de faire un film.

D’emblée, Brooks en arrive aux leitmotivs artistiques (le film sera en strict noir et blanc) et budgétaires (il lui faut un budget de deux millions et demi de dollars). La Columbia, avec qui il travaille habituellement, lui en donne moins de deux pour un film en couleurs. Petite visite chez les concurrents de la Fox : deux millions et en couleurs. Comme Mel Brooks est un juif (il devient pas drôle du tout lorsqu’il faut causer pognon) et un sacré bonimenteur, l’affaire est conclue non sans difficulté pour deux millions trois et du noir et blanc. Les choses sérieuses peuvent commencer, Brooks entend absolument avoir au générique Madeline Kahn dans le rôle de l’assistante du docteur Frankenstein. Elle viendra, mais préfèrera prendre le rôle, moins présent à l’écran, d’Elizabeth, la fiancée du toubib (le rôle de l’assistante sera confié à la moins connue Teri Garr). Et puis il y aura une surprise au générique. On y voit apparaître le nom de Gene Hackman, et beaucoup de spectateurs ne l’ont pas vu. Normal, grimé comme jamais il ne le sera de toute sa carrière, c’est lui qui joue le vieil ermite aveugle (petit rôle, mais peut-être l’enchaînement de gags le plus réussi du film).

Deux autres seconds rôles crèvent l’écran : la gouvernante rigide, Frau Büchler et l’inspecteur Kemp, respectivement interprétés par Cloris Leachman et Kenneth Mars. La première, très allemande autoritaire pour pas dire pire (rappelons que Brooks est juif) et le running gag qui l’accompagne chaque fois que son nom est prononcé (les chevaux se cabrent et se mettent à hennir), et le second avec ses gestes rigides et sa prothèse de bras souvent récalcitrante ne sont pas pour rien dans le délire qui monte d’un cran chaque fois qu’ils apparaissent.

Boyle & Hackman

Le point de départ n’est qu’un prétexte pour le remake loufoque de la créature de Mary Shelley. Le petit-fils du Dr Frankenstein (Gene Wilder), est prof de médecine aux Etats-Unis. Même s’il partage la même fascination que son aïeul pour la mort, il tient à s’en démarquer et insiste pour qu’on l’appelle Fronkonstine. Malheureusement pour lui, il hérite du château de son grand-père, laisse sa fiancée en pleins préparatifs de leur prochain mariage, et s’en va en Transylvanie. A noter que deux séquences (pour plus de dix minutes), ont été supprimées du montage final, on y voyait la lecture de l’héritage en présence de tous les descendants de Frankenstein et on comprenait pourquoi son petit-fils se rendait en Europe.

L’héritier, accompagné de sa gironde assistante qui l’attendait à la gare, se rend au château où il est accueilli par l’intendant, Igor. C’est Marty Feldman, anglais avec de gros yeux globuleux qui se regardent et naturellement allumé, qui tient le rôle d’Igor. Et dans le film, en plus, il est bossu (même si sa bosse a tendance à changer de côté). Pour moi, c’est lui qui crève l’écran, et qui fait basculer toutes les scènes  où il apparaît de la comédie vers le délire le plus total.

Cloris Leachman

Bon, évidemment, une fois dans l’environnement ancestral, Frankenstein Junior va reprendre les expériences de Papy (avec des décors similaires aux films de Whale recréés par l’équipe de Mel Brooks), greffer un cerveau de débile sur un frais macchabée (Peter Boyle, a la carrure aussi imposante que Boris Karloff), et les situations les plus folles vont avoir lieu (des remakes parfois aménagés de scènes culte des films de Whale), et se compliquer encore plus avec l’arrivée de la fiancée, lassée d’attendre son promis à New York. Comme elle finira avec le même look que l’oubliée Elsa Lanchester, « fiancée » du Monstre dans le film de 1935, je vous laisse imaginer ce qui va bien pouvoir lui arriver …

« Frankenstein Jr » est certainement la meilleure façon d’aborder la filmographie de Mel Brooks (qui s’est souvent perdu en route dans de nombreux films). Mis à part son premier (« Les producteurs ») qui garde ma préférence, « Frankenstein Jr » est son film le plus cohérent, comédie déjantée réussissant à travers son thème imposé à présenter toutes les thématiques chères à Brooks (des personnages lunaires, des situations « impossibles », des gags qui visent sous la ceinture, la détestation des nazis, …). Le succès du film, sorti à la toute fin 74 fut immédiat (Mel Brooks n’y était pas vraiment habitué), et relancera la carrière en salles de son précédent, « Le shérif est en prison ».

L’accroche de la jaquette du Dvd est « la meilleure comédie de tous les temps ». J’irai certes pas jusque là, mais je conseille « Frankenstein Jr » et son rythme endiablé sans aucun temps mort …


Du même sur ce blog :



SUPERTRAMP - BREAKFAST IN AMERICA (1979)

 

Petit-déjeuner chez les pompiers …

Je vous donnerai mon avis ferme, définitif, etc., sur cette rondelle, promis …

Mais avant qu’Alzheimer ou une quelconque autre saloperie dégénérative m’ait bouffé la mémoire, deux machins perso sur ce disque … ben oui, je suis vieux, j’ai vécu en direct live sa sortie et tout le bazar qui s’en est suivi …

Supertramp

Flashback Number One ... Vers la fin 1980. Devait y avoir que trois chaînes à la télé … et va savoir pourquoi, je me retrouve un dimanche soir à mater d’un œil morne Stade 2. La grande émission sportive du service public. Présentée par Robert Chapatte, dont on comprenait pas un traître mot, tellement il carburait au Ricard, qui comme chacun sait, à tendance à alourdir la langue … Donc le Bob Chapatte file la parole à un des larbins assis autour de la table, et le gars (Lionel Chamoulaud ?) présente le reportage qui va suivre. Un reportage immersif dans la vie de Thierry Tulasne. Chapatte, Chamoulaud, Tulasne, putain de qui tu causes, qui sont ces gens-là et le rapport avec Superclochard ? J’y viens, patience … Le Tulasne, post-ado boutonneux, était le meilleur junior mondial de tennis et entrait sur le circuit des grands. Modèle : Guillermo Vilas, Argentin au look Ted Nugent, bourrin terminal, joueur de fond de court et de terre battue. Arme suprême : le grand coup droit lifté. Mortellement chiant à regarder, le Vilas se faisait dégommer à chaque fois qu’il jouait contre Borg, et ridiculiser sur surface rapide par McEnroe. Donc Tulasne était un clone de Vilas qui n’obtiendra aucun résultat significatif chez les pros. Mais là, fin 80, c’était le grand espoir bleu-blanc-rouge. Et le reportage de Stade 2 nous le montrait à l’entraînement, en compétition, à l’hôtel, et dans ses centres d’intérêt. Le jeunot nous apprenait ainsi qu’il était fan de rock et la caméra le suivait dans un magasin de disques. Il fouinait dans les bacs pour nous exhiber « ce qu’il se fait de mieux maintenant », à savoir « Beakfast in America » et le « Live in Paris » de Supertramp. Vraiment pas un choix avant-gardiste : il s’en vendait des camions de ces rondelles. Conclusion : le Tulasne était aussi triste dans ses choix musicaux qu’à voir sur un court de tennis …

Rick Davies

Flashback Number Two ... 4 ou 5 ans plus tard. J’étais à donf dans ma période éthylique, liqueurs fortes au litre dans les boîtes de nuit le week-end. Je sortais avec une fille qui connaissait pas grand-chose, voire moins au rock, et qui forcément m’accompagnait (de loin, voire de très loin) à mon abreuvoir habituel. Bizarrerie sonore : alors qu’elle détestait religions et religieux autant que moi, elle avait des dizaines de K7 pirates de Mahalia Jackson, dont je connaissais tout juste le nom et qu’elle se hasardait jamais à enfourner dans l’autoradio, parce que le gospel et les chants religieux, désolé chérie, mais je supporte pas (réciproquement, j’avais bien du mal à la convaincre que Beatles, Rolling Stones, Clash et AC/DC c’était vachement bien) … Et en boîte, sur les coups de quatre-cinq heures du matin, quand le personnel et le patron nous faisaient comprendre que bon, c’était une belle soirée, mais qu’il allait falloir songer à quitter les lieux, elle allait toper le DJ et lui demandait de mettre « Child of vision » de Supertramp. Pourquoi ce putain de titre de sept ou huit minutes, j’y ai jamais demandé ou compris ses explications, ce qui revient au même … Le DJ, comme c’était la copine d’un bon client et que de toutes façons la piste de danse était vide, que les employés commençaient à faire le ménage, envoyait dans la sono le foutu morceau de Supertramp. Et donc pas mal de mes départs titubants (parce que l’inconvénient des tabourets de bar, quand tu y as passé plusieurs heures, c’est d’en descendre) de boîte de nuit se sont faits au son de Supertramp, ce qui il faut bien en convenir, ne présente aucun caractère glorieux … au bout de quelques mois, avec cette fille, on a fini par se quitter, et même pas à cause de Supertramp …

Tout ça pour dire que Supertramp, y’a eu une période, charnière entre seventies et eighties, où putain qu’est-ce qu’on en a bouffé. Honte à moi, je l’avais même acheté ce « Breakfast … ». Et pourtant à cette époque, y’avait pas le streaming et le peer to peer, je m’appelais pas Tulasne ou Rothschild, je les soupesais et les ruminais longtemps mes achats de disque. Comme plein d’autres, je m’étais fait couillonner, intoxiqué par « Logical song » et les autres singles, qu’on entendait tellement souvent matraqués à la radio, qu’on avait fini par croire que c’était bien …

Roger Hodgson

Ben non, on s’était fait rouler. « Breakfast … » c’est pas bien, et Supertramp c’est pas bien et ça ne l’a jamais été … Supertramp, c’est les finauds à donf dans le prog (anglais donc), mais barrés question notoriété mondiale par les funestes Yes et Genesis. Qui fin seventies, grâce à leurs daubes précédentes à coups de doubles voire de triples vinyles, remplissaient les grandes salles. Supertramp, c’était la Pro D2. Et là, alors que la concurrence se vautrait dans les titres (inter)minables, ils allaient donner dans le format « chanson » et surtout radiophonique. Un positionnement stratégique comme on dit. Eux (ou leur management) vont se tourner vers la cash machine, le marché américain. Et pas de façon subliminale. « Breakfast in America » (rien que le titre) et sa pochette (plutôt réussie, cette serveuse de dinner reconvertie en Statue de la Liberté devant un Manhattan stylisé avec des couverts) montrent clairement le cœur de cible. De ce côté-là, mission accomplie, Supertramp deviendra la grosse machine musicale de ce tournant de décennie. Remarque amusante, les « concurrents » Genesis (avec « Abacab ») et Yes (« 90125 ») se réorienteront eux aussi vers la chansonnette (comme quoi tous ces types-là ne sont pas là pour faire de la musique, juste du fric, mais c’est un autre débat).

Supertramp, c’est un groupe composé d’un duo (Rick Davies et Roger Hodgson) et de comparses. Un duo inégal. Même si tous les deux composent, sont multi-instrumentistes et chantent, celui qui prendra la lumière, c’est Hodgson. Grâce, non à cause, de son insupportable voix dans les aigus. C’est lui qu’on entend le plus dans le hit intergalactique que fut « The logical song ». Qui a mal vieilli (ce son, cet insupportable solo de sax …) même si assez bizarrement, la voix de Hodgson convient pour une fois bien au rythme et à la mélodie. Et tant qu’à parler de mélodies, il faut reconnaître que certaines sont assez imparables. Davies et Hodgson sont fans des Beatles, et ça s’entend à plusieurs reprises. Notamment sur « Goodbye stranger », autre rengaine à succès dont le final me semble découler de celui de « A day in the life » (alors que « Oh darling » un peu plus loin dans le disque n’a rien à voir avec Lennon et le Plastic Ono Band).


Quatre singles seront extraits du disque, chronologiquement « The logical song », « Breakfast in America », « Goodbye stranger » et « Take the long way home ». Le plus successful sera « Logical song », le plus supportable est pour moi « Breakfast … » (assez bonne pop tendance lyrique, et surtout le plus court …). Par contre, dans la petite boutique des horreurs, y’a du lourd … de façon endémique (le chevrotement aigu de Hogdson et les interventions du sax), mais aussi ponctuelle, l’introductif « Gone Hollywood » résumant à lui seul tout ce qui est mauvais dans le groupe et le disque (la voix, le sax, les gros riffs putassiers, le côté pompier).

On peut jeter une oreille distraite sur « Take the long way home », prog en cinémascope avec son harmonica western, ricaner devant « Just another nervous wreck », le titre (de faux) rock de la galette, zapper « Child of vision » (prog en forme de pièce montée où on aurait remplacé la chantilly par de la mayonnaise) … Y’a un titre que je sauve, « Casual conversation », avec son ambiance jazzy pour cocktail cosy, très différent de la tonalité d’ensemble du reste, même si bon, je mettrais pas ça sur la platine tous les jours, ni même tous les ans …

Le genre de disques qu’il faut écouter, pour se convaincre, que non, c’était pas toujours mieux avant …



Des mêmes sur ce blog : 


ALICE COOPER - FROM THE INSIDE (1978)


 Shock Corridor ?

Résumé des épisodes précédents : Alice Cooper était un groupe censé représenter le double maléfique de son chanteur Vincent Furnier. Après quelques années de disques plutôt bons, voire plus pour certains (« Killer », « School’s out, « Million dollar babies », liste non exhaustive), de grosses ventes, des concerts très courus et de plus en plus spectaculaires, exit le Alice Cooper Group, et place à Vincent Furnier solo sous le nom d’Alice Cooper. Qu’est-ce que ça change, me direz-vous ? Sur le papier pas grand-chose, même si la perte du bassiste Dennis Dunaway, architecte sonore des débuts, va se traduire par un changement de tonalité musicale. Le premier disque solo, « Welcome to my nightmare » est le plus gros succès de « groupe ». Faut dire que Furnier a conservé son atout maître : le producteur canadien Bob Ezrin. Qui va le suivre pour encore deux albums, puis jeter l’éponge. En cause, le comportement totalement erratique de Furnier. Qui a fini par réellement devenir schizophrène, totalement alcoolo (il avouera quelques années plus tard consommer par jour une centaine de bières et deux litres de bourbon, euh … vraiment, t’exagérais pas un peu quand même quand tu prétendais ça, Vincent ?). Résultat des courses : un internement plus ou moins volontaire fin 77 en hôpital psychiatrique pour une « remise à niveau ».

Vincent Furnier 1978

Et musicalement, au niveau de son entourage, nouveau départ. Aux paroles, Bernie Taupin, certainement rencontré sûrement au comptoir d’un bar, quand on connaît le goût pour la picole du partner in crime d’Elton John. A la direction de l’orchestre, Dick Wagner (du duo siamois Hunter-Wagner, remember le « Rock’n’roll animal » de Lou Reed) compagnon de route du Coop depuis plusieurs années. Est rassemblé un équipage pléthorique, au sein duquel on trouve des requins de studio très cotés (Jim Keltner aux fûts), et d’autres en devenir (Rick Nielsen, futur Cheap Trick, Lukather et Kimball, futurs Toto), et une armada de choristes. A la production, un autre Canadien, David Foster, aux déjà nombreux (mé)faits d’armes …

« From the inside » est en quelque sorte un concept-album autobiographique, inspiré par l’internement du Vincent. Vraiment vécu ou résultat d’un brainstorming avec Taupin ? J’en sais rien et je m’en cogne un peu beaucoup si vous voulez savoir. Parce que de toute façon et de n’importe côté qu’on l’envisage, « From the inside » ne fait pas partie de ce que l’homme au boa a fait de mieux. Même si attention, vu le casting et le pognon de dingue comme dirait l’autre guignol, il y a de quoi dans cette rondelle pour attirer le chaland, et le banquier d’Alice a été bien content … Pour situer, « From the inside » pour Alice Cooper, c’est un peu comme « Dynasty » pour Kiss. Le disque carrément à l’assaut des passages radio. Sauf qu’ici pas de tube inoxydable et putassier à la « I was made for lovin’ you ». Même si avec « How you gonna see me now », le Coop s’est essayé au hit consensuel, qui ne sonne finalement que comme un fond de tiroir de l’Elton John de l’époque, et qui n’a vraiment été qu’un succès … en Belgique.

Alice Cooper 1978

J’ai cité Elton John. Et j’assume. Je sais pas si c’est la présence de Taupin ou le fait que beaucoup de titres reposent sur le piano, ou les deux, mais il me semble qu’il y a beaucoup du collectionneur de lunettes dans « From the inside ». « Wish I were born in Beverly Hills » aurait pu avoir sa place sur « Goodbye Yellow brick road », de même que le « How you gonna see me now » déjà cité.  Sinon, ça lorgne parfois vers le baroque, plus ou moins pompier. « Nurse Rozetta » (bonjour le cliché du fantasme sur l’infirmière), fait furieusement penser à la musique du « Rocky Horror Picture Show », et l’ultime, long et tarabiscoté titre final (« Inmates … »), on retrouvera tout ça en bien mieux sur « The Wall » de Waters – Pink Floyd, un disque produit par … Bob Ezrin. Comme quoi tout est dans tout et inversement …

Moi, ce qui me plaît chez le Coop, ce sont ses bons gros riffs méchants. Portion congrue ici, il faut se contenter de l’assez quelconque « Serious » pour avoir quelque chose qui ressemble à du (vrai) rock. Au débit également, la voix malsaine et vicieuse ne drive plus les morceaux, elle fait juste de la figuration sur quelques bribes de titres.


Y’a même un duo assez consternant (avec Marcy Levy ou Marcella Detroit, en fait c’est la même, une ancienne choriste à Clapton), ça s’appelle « Millie and Billie », roucoulade entre deux internés toxicomanes … on est assez loin de « Vol au-dessus d’un nid de coucou », dont « From the inside » s’était de façon assez évidente inspiré …

Allez, une paire de trucs à sauver, « From the inside » le morceau, rock middle of the road sympathique et « The quiet room », entame de ballade mièvre et vaporeuse avant une accélération et un final où l’Alice retrouve sa voix « historique » …

Ce disque très centriste et plutôt mollasson sera une bonne vente, ça permettra au Coop de rajouter quelques numéros tordus et d’autres effets spéciaux gore dans ses concerts, qui seront de plus en plus courus, et la cash machine de l’Alice Cooper Inc. pourra tourner à plein régime …

Il n’empêche, c’est avec ce genre de disques assez inconsistants que le futur partenaire de golf de Donald Trump (‘tain, sans déc’, mon petit Vincent, comment t’as fait pour tomber aussi bas ?) entamera une carrière grand public … Sans moi (ouais, je sais il a pas fait que des daubes depuis plus de quarante ans, y’a quelques trucs passables de temps en temps) …


Du même sur ce blog :




DAVID BOWIE - THE RISE AND FALL OF ZIGGY STARDUST AND THE SPIDERS FROM MARS (1972)

 

Passer au niveau supérieur ...

1972 … David Jones rebaptisé Bowie essaie depuis huit ans (« Liza Jane », 1964) de capter la lumière des projecteurs de la célébrité. Il s’est beaucoup dépensé, a suivi beaucoup de courants musicaux, seul ou avec des groupes. Il a même eu un hit, « Space Oddity », surfant sur la vague « 2001, Odyssée de l’Espace ». Il vient de signer un grand disque (« Hunky Dory ») accueilli favorablement par la critique, nettement moins par le public … La preuve, le titre imparable qu'il contenait (« Life on Mars ») a fait un bide en single (ce titre ressortira en 73 et il finira cette fois en haut des charts). Et pire pour l’amour-propre de Bowie, son pote Marc Bolan avec qui il rêvait de conquérir les charts, est devenu l’idole des jeunes anglais (et des très jeunes anglaises) avec ses chansons pour lesquelles on a créé le terme de glam-rock …

David Bowie début 1972

Rétrospectivement, on peut dire que Bowie va tenter un coup de poker fabuleux, de ceux qui peuvent à jamais te ridiculiser ou faire de toi une superstar. Parce que, réfléchissons cinq secondes, comment faire gober a priori un concept fumeux aussi con que celui de Ziggy Poussière d’Etoile et ses Araignées de Mars, à un public anglo-saxon qui a connu les Beatles et voit les Stones au sommet de leur art (pour ne citer que les deux grands groupes de la perfide Albion) ? Bonne question, camarade, j’ai bien peur qu’elle reste à jamais sans réponse … C’est peut-être à ce genre d’intuitions géniales qu’on reconnaît les meilleurs, les plus grands … renverser la table et repartir de zéro …

« Concept » et musique chemineront de pair. Ziggy Stardust est l’antithèse du Major Tom de « Space oddity ». Major Tom partait vers les étoiles dans sa fusée, Ziggy est un alien qui arrive sur Terre. Bon, je vous l’accorde, faut avoir cinq ans ou pris les bonnes drogues pour trouver le concept intelligent voire intéressant (et je vous fais cadeau des paroles des chansons (de l’alligator bisexuel de « Moonage daydream » au temps qui prend une cigarette dans « Rock’n’roll suicide », y’a de quoi se gratter l’occiput …). Le personnage de Ziggy Stardust est un mix improbable de Vince Taylor, (forcément) Iggy Pop, et de l’excentrique countryman Legendary Stardust Cowboy. Bowie se coupe les cheveux, les teint en jaune citron, commence à rechercher des tenues extravagantes en suivant de près les créateurs de mode japonais. C’est ce look qu’il arbore sur la pochette de « … Ziggy Stardust … » (si le pèlerinage londonien des pochettes de disques vous intéresse, après le passage clouté devant les studios au 3 d’Abbey Road, rendez-vous au 23 Heddon Street pour celle de « … Ziggy Stardust … »). Ne pas s’y tromper, le meilleur est quand même ce qu’il y a à l’intérieur de la pochette …

Le même, quelques mois plus tard

« … Ziggy Stardust … » a été enregistré dans la foulée de « Hunky Dory ». Six mois jour pour jour séparent les deux disques (Décembre 71 pour le premier et Juin 72 pour le second, ça on peut pas l’ignorer, tellement les célébrations du cinquantenaire de la parution ont été médiatisées). Et la tournée qui suit la parution de « Hunky Dory » qui débute en Février 72 sera basée sur les titres à paraître … Imagine-t’on de nos jours une quelconque « vedette » issue des télécrochets sortir un disque tous les six mois et tourner avec un tiers d’inédits au répertoire ? Répondez pas tous en même temps, mais quelque part on a les idoles qu’on mérite …

« … Ziggy Stardust … » a une place particulière dans la discographie de Bowie. Tout en haut … alors que la période Ziggy n’a duré que de Février 72 au 3 Juillet 73 (« mort » officielle de Ziggy Stardust lors du concert documenté par un live au Hammersmith Odeon). La raison est toute simple, ce disque est incontournable parce qu’il est excellent, un des marqueurs essentiels du rock seventies et du rock tout court.

Bolder, Woodmansey, Bowie & Ronson : Spiders from Mars

Des points faibles ? En cherchant bien, une paire. Le cœur du disque, « It ain’t easy » et « Lady Stardust » (sur le vinyle dernier titre première face et premier seconde face) est constitué par les deux morceaux qualitativement en retrait par rapport aux autres. Le premier, une reprise du peu connu Ron Davies (compositeur américain « tout-terrain » venu de la country) dénote avec la tonalité générale de l’album et la seconde, ballade bien dans le concept du disque, mais composition prévisible. Ces deux titres ne seront quasiment jamais joués sur scène tout du long de la carrière de Bowie. Autre point discutable, le choix délibéré de Bowie de chanter très haut dans les aigus, alors qu’il a une palette vocale beaucoup plus étendue … bon, fin de la rubrique « cherchons des poils sur les œufs » …

Alors, il y a les compositions dont un bon paquet font partie de ce que Bowie a fait de mieux. Une mise en place sonore qui est un modèle du genre. Captation d’un quatuor « basique » (basse-batterie-guitare-chant) sur lequel les ajouts (sax, piano, orchestre à cordes) semblent couler de source. Le tout en glorieuse stéréo seventies (des effets très clairs entre droite et gauche), une voix de Bowie souvent doublée sur les refrains, et des mises en avant de la guitare de Ronson quand celle-ci prend le jeu à son compte, qu’il s’agisse de riffs ou de solos. Aux manettes, Ken Scott, venu des studios Abbey Road qui a fait ses premières armes comme assistant de George Martin sur les disques des Beatles, ce qui donne quand même quelques idées sur la façon d’utiliser du matériel d’enregistrement. Et nul doute que si officiellement ce sont Bowie et Ronson qui sont crédités aux arrangements, Ken Scott y est aussi pour quelque chose. Quelques exemples, le fade-in de batterie sur l’intro de « Five years », les riffs colossaux de Ronson sur « Soul love », ceux de « Moonage daydream » qui shuntent le fading de « Soul love », le crescendo à apprendre dans les livres d’histoire de « Rock’n’roll suicide ».



Bowie & Ronson live at Santa Monica

« … Ziggy Stardust … » est le disque qui a fait de Mick Ronson un des guitaristes marquants des années 70. Capable de s’effacer, de se faire rythmique et discret, et puis d’exploser dans les tweeters pour des riffs d’anthologie (« Soul love », « Moonage daydream », « Star », « Suffragette City »), ou de solos marquants (le final de « Moonage daydream », celui de « Hang on to yourself »).

Avec ce disque, Bowie règle définitivement son compte à Bolan. Certes, T. Rex sera en Angleterre et en Europe un plus gros vendeur. Mais Bolan se verra dépassé sur son aile gauche. A grands coups de déclarations tapageuses so shocking pour la société de l’époque (« je suis bisexuel »), de maquillages peu discrets, et d’excentricités capillaires et vestimentaires en tout genre, Bowie va pousser le bouchon beaucoup plus loin que son ami-rival. Mais là où Bowie fera la différence, c’est qu’il va aller (alors que commercialement il n’y est rien) « démarcher » le public américain, multipliant les tournées Outre-Atlantique. En une paire d’années, il y deviendra, sinon une superstar (trop clivant, imaginez l’effet du look Ziggy – Diamond Dogs dans le Midwest et le Sud profond), en tout cas quelqu’un de connu …

Comme c’est écrit au verso de la pochette, « to be played at maximum volume » … et le plus souvent possible …


Du même sur ce blog :

ELLIOTT MURPHY - JUST A STORY FROM AMERICA (1977)

 

L'homme aux semelles de vent ...

Elliott Murphy, c’est un voyageur … ou un exilé. En tout cas une trajectoire étrange …

La première fois que j’ai vu son nom, c’était sur les notes de pochette du « Live 69 » du Velvet Underground (bien après sa parution, je suis très vieux, mais pas à ce point …). Je savais aussi qu’il y avait un Elliott Murphy qui faisait des disques, mais j’avais pas la moindre idée de ce à quoi ça pouvait bien ressembler, et j’avais pas fait le rapprochement entre les deux … qui étaient évidemment la même personne. Je me suis (un peu) rattrapé depuis …


Murphy, c’est un new-yorkais littéraire, d’où les notes de pochette du Velvet. Il fait aussi de la musique et son premier disque (« Aquashow ») sort en même temps que le premier d’un de ses potes, un brave gars du New Jersey, Springsteen de son nom, Bruce de son prénom. Et comme le Bob Dylan, grosse influence pour les deux, n’est pas au mieux dans ce premier tiers des années septante, on les présente bien sûr comme les nouveaux Bob Dylan …

On connaît la suite pour Springsteen … on sait aussi que c’est un mec bien qui n’oublie pas ses vieux copains et il a fait monter sur scène plusieurs fois Elliott Murphy quand ses tournées passent par la France. Parce que Murphy est maintenant depuis une quarantaine d’années le plus français des new-yorkais ou inversement …

Alors, oui, Murphy il aurait pu être Springsteen à la place du Boss, … si tant est qu’il en ait eu envie. Parce qu’au départ, il avait tout pour lui, la culture, la belle gueule d’ange blond (s’ils ont fait des virées ensemble, avec le Bruce, pas difficile de savoir qui rentrait accompagné et qui retournait seul se palucher dans sa piaule de Hoboken), et il écrivait des chansons impeccables … sans vendre des disques. D’où une carrière de voyageur, un disque, un label …

« Just a story from America » est son quatrième. Cette fois-ci chez la vénérable maison Columbia, celle de Dylan … mais aussi de Springsteen et de Billy Joel … autrement dit, ça faisait beaucoup de types qui faisaient à peu près la même chose au même endroit au même moment … comme dans le film « Highlander », il a fallu procéder par élimination … là aussi, on connaît le vainqueur …

E Murphy et .... Slash ? Bruce Springsteen ? Faites vos jeux ...

Dans « Just a story … », il y a évidemment du Springsteen en filigrane, mais d’autres choses aussi. Mais c’est surtout de l’Elliott Murphy. Le gars sait composer, aborde plein de genres de ce qu’on appellera classic rock. Le résultat est superbe à deux exceptions près. A la batterie, il y a Phil Collins, qui à l’époque ne dédaignait pas de cachetonner entre deux bouses de Genesis. Je vais pas dire que le type n’y comprend rien, mais le rock, c’est pas manifestement son truc. Présence envahissante, plein de technique, et aucun feeling. Il n’y a qu’un titre où il ne joue pas, et ça s’entend, et la comparaison n’est pas à son avantage, même si le dénommé Barry DeSouza, qui officie sur ce « Caught short in the long run », n’est pas le plus connu (doux euphémisme) des batteurs des seventies …

Et s’il faut aller chercher des poils sur des œufs, on peut parler de la voix de Murphy. Impeccable sur les ballades et les mid-tempo, ça se complique sur les rythmes rapides et quand il faut lâcher les watts. Là, Murphy souffre du syndrome vanne EGR encrassée, ça manque de puissance (putain, si après pareille comparaison, je suis pas contacté par AutoPlus pour la place de rédac’chef, c’est que la presse écrite automobile va vraiment mal …). Ce manque de coffre (!) est particulièrement audible sur des titres comme « Think too hard » ou « Darlin’ (and she called me) ».


Il y a sur ce « Just a story … » de bien belles choses. « Drive all night » pour commencer. Un petit rock sautillant sympa, des riffs de cuivres (pour la seule fois sur le disque), dans une ambiance à la « Speedy Gonzalez ».  Oui, je sais, y’a un titre de Springsteen qui s’appelle « Drive all night ». Les deux n’ont rien en commun (si ce n’est ce goût de la conduite nocturne), et celui du Boss sortira trois ans plus tard …

Les deux moments forts de la rondelle s’appellent « Rock ballad » et « Anastasia ». Le premier bénéficie (et le mot trouve ici tout son sens), d’une intervention lumineuse de Mick Taylor et jette une passerelle entre Stones et Boss. Le second (sur la fin des Romanov) passera quelques fois sur les radios françaises (tard la nuit), et il y a un chœur gospel, on pense forcément à « You can’t always get what you want » (le classique des Louise Attaque) et la mélodie évoque celle de « Rock’n’roll suicide » de Maître Gims (c’est ça les réflexes automatiques, on commence par citer Genesis, et puis on finit par lister tous les trucs qu’on déteste …).

Pour être exhaustif, une mention pour la ballade « Summer house » et le mid tempo « Let go », dans le haut du panier du genre. Un mot pour le morceau-titre, étrange trame reggae (dans le sens où ça n’a pas grand-chose à voir avec les Jamaïcains, c’est pas non plus du reggatta de Blancs à la Police, on est plus près des tentatives dans le genre de Tatie Elton John ou d’Elvis Costello). Et Last but not least, la ballade springsteenienne qui clôt le disque, qui se nomme « Caught short in the long run », et qui par sa construction évoque « Jungleland » …

Comme ses prédécesseurs « Just a story … » sera une gamelle commerciale. Murphy s’exilera à Paris, recueilli dans un premier temps par (qui d’autre à l’époque) les gens de New Rose … Il se produit encore aujourd’hui accompagné depuis des années par son fils à la batterie et Olivier Durand (un ancien de la Story de Little Bob aux guitares). Il a le cheveu moins blond et plus rare, mais une sacrée présence live et ses concerts peuvent durer très très longtemps … Elliott Murphy écrit aussi des livres …

Un artiste majuscule en somme …