Bon, pour une fois je vais faire court (« Ouf !
C’était pas trop tôt ! » entends-je).
Parce que hein, y’a pas grand-chose à dire sur ces
gars. The Rakes, groupe anglais, seconde moitié des années 2000, vomi du néant
dans lequel il est retourné après trois disques dont ce « Capture /
Release », son premier, considéré par les fans ( ? ) comme son
meilleur, c’est dire le niveau supposé des deux autres.
Les Rakes, c’est quasiment du copier-coller de Franz
Ferdinand, mêmes influences post-punk revendiquées (Magazine, Gang of Four,
Buzzcocks, plus ici Talking Heads pour le côté rigide et martial ), mêmes
chansons hymnes dansantes, la qualité, l’évidence et les arrangements en moins.
Poussant le vice du décalque jusqu’à partager
l’affiche avec leurs modèles, ce qui s’est évidemment retourné contre eux, ils
sont juste passés pour des suiveurs sans originalité, ce qui n’est pas faux.
Autant Franz Ferdinand sont à peu près supportables sur un album (leur premier
au hasard), autant les Rakes deviennent pénibles au bout de deux titres.
Bon, j’exagère … il y a au moins deux différences avec
Franz Ferdinand, le chanteur des Rakes n’est pas beau gosse, il a un peu la
même gestuelle désossée que Ian Curtis de Joy Division, et ils ont glissé dans
la demi-heure que dure ce disque un morceau de ska (même pas mauvais,
d’ailleurs).
Ah, et puis, ils sont bien anglais, les paroles de
« Strasbourg », leur « hit », me laissent supposer qu’ils
croient que l’Alsace est en Allemagne …
Les plaisanteries les plus courtes étant les meilleures,
faudrait qu’ils arrêtent bientôt. Parce que là, hum, comment dire, c’est un peu
… gros leur truc. Ou doit-on dire son truc, tant il n’y en a que pour la Beth
Ditto dans cet ersatz de groupe de rock. Et la pauvre batteuse (très moche, il
va de soi) en gros plan sur la pochette doit se demander ce qu’elle fout là,
elle dont absolument tout le monde ignore le nom.
Ce « Music for men », c’est du vide bien orchestré.
Très bien, même. Il y a un son d’enfer, des petits arrangements roboratifs de
partout (peuvent dire merci à Rick Rubin, sans qui ce disque serait une horreur
absolue) au service de ce qu’on appellera charitablement des morceaux
misérables. Tous construits de la même façon. Couplets mid tempo, et gros riffs
de guitare sur le refrain up tempo. Deux exceptions, le premier titre
(« Dimestore diamond »), tout en tension larvée et qui laisse à tort
augurer de bonnes choses qui n’arrivent pas, et le dernier (« The
breakdown »), exécrable ballade gluante, bruit de bidet final de cette
sanisette sonore.
Ce qui sauvait quelque peu le précédent (« Standing
in the way … »), c’était la voix de Ditto, qui sans pouvoir être
comparée aux grandes shouteuses (Joplin), ou aux grandes abîmées (Holyday), se
baladait avec une facilité assez déconcertante et bluffante sur les morceaux.
Là, quelqu’un dans sa maison de disques a dû lui dire qu’il fallait assurer,
qu’elle avait en charge une petite entreprise qui tournait bien, ce genre de
plan marketing rance visant le plus grand nombre … Finies les extravagances
castafioresques, on pose bien comme il faut et bien gentiment sa voix, et on
chante tous les titres de la même façon. Le résultat, on a l’impression
d’entendre la fatale Pat Benatar d’il y a trente ans. La Ditto aligne ses
petits rocks gentils-mous teintés de disco sans aucune once d’imagination
vocale, sans aucune prise de risque. Du formatage pour le « grand
public » dans tout ce qu’il a de tragique.
Alors ça fonctionne le temps d’une paire de titres qui
ont fait des hits passables (« Heavy cross », « Love long
distance »), et puis ça lasse, mais lasse … Et il y avait finalement
quelque chose de pathétique à voir la Ditto venir faire dans les shows télé son
numéro de diva transgressive (enfin, transgressive tu parles, tout est
« on control », on est quand même loin de Divine, l’égérie de John
Waters), maquillée comme un semi-remorque volé, pour être sûre qu’on la
remarque bien … Cette fille a certainement du talent, elle le gâche pour son
warholien quart d’heure de gloire. Il semble d’ailleurs que la supercherie a
assez duré, le dernier pensum de la Gossip girl s’est fait descendre par à peu
près tous les médias dits ou prétendus spécialisés …
Pour faire bonne mesure, comme d’hab, quelqu’un dans la
maison de disques s’est cru malin en rajoutant à la fin du Cd trois remixes
d’une insondable crétinerie …
Des mêmes sur ce blog : Standing In The Way Of
Control
Comme quoi, faut se lâcher des fois … ce disque
bâclé en deux semaines va se révéler être un de ceux dont il était de bon ton
de causer en l’an de grâce 2008. Deux copains se lancent dans une jam plus ou
moins informelle, loin des calculs de rentabilité et des schémas du
show-business musical, torchent un titre par jour en studio, gardent les douze
meilleurs pour le Cd, les autres agrémentant les faces B de singles.
Faut pas rêver non plus, c’est pas exactement un
scénario à la Disney. Ce disque n’a été possible que parce que l’un des deux
lascars est hautement bankable, c’est Alex Turner, leader des Arctic Monkeys,
big thing en terme de ventes dans l’Angleterre des années 2000. L’autre, c’est
Miles Kane, leader des plus obscurs Rascals, dont il ne tardera pas d’ailleurs
à s’émanciper.
Et là, comme des enfants gâtés enfermés dans le
magasin de jouets, les deux potes se laissent aller à des exercices de haute
voltige, récitant dans leurs chansons les gammes de quarante et quelques années
de pop anglaise. Parce que plus anglais que l’ossature de ces chansons, y’a
pas. Mais là où l’affaire prend une tournure curieuse, c’est lorsque les deux
gaillards « embauchent » le très sérieux London Metroplitan
Orchestra, et font arranger les empilages de cordes par un type (Owen Pallett)
venu de la galaxie Arcade Fire. Du coup, rajoutées à une forme de maniérisme
ampoulé très Scott Walker dans le chant, beaucoup de choses sonnent comme les
productions sixties de Lee Hazlewood, songwriter américain certes, mais un des
plus influencés par la musique (surtout classique) européenne.
La boucle est bouclée. Surtout que quand on parle de
Scott Walker, son plus fidèle disciple David Bowie n’est pas loin. Un de ses
vieux titres pré-Space Oddity (c’est dire si ça ne rajeunit personne, et
surtout pas lui) « In the heat of the morning » sera enregistré par
Turner et Kane mais ne sera pas retenu dans le tracklisting du Cd.
Bon, j’ai comme l’impression d’être un peu confus là
… mais ce disque l’est aussi. Il part un peu dans tous les sens, multipliant
clins d’œils et références, comme si Turner et Kane, libérés des contraintes de
leurs groupes respectifs, étaient allés fureter vers des sentiers jusqu’alors
interdits. « The age of understatement », le morceau, est une cavalcade
contry-western, thème d’un film imaginaire. Niveau cinématographique, les
génériques des James Bond sont en filigrane derrière « In my room ».
« Standing next to me », c’est une plongée nostalgique dans les
bluettes pop du Swingin’ London circa 66, « Separate » renvoie aux Smiths
des débuts.
Tout n’est pas parfait, quelques titres font un peu
« léger », « Only the truth », sorte de « Paint it
black » cafardeux et dépouillé, « Meeting place », musique de
plage caraïbe dans lequel les deux lads se la jouent un peu trop facilement
Harry Belafonte, « Calm like you », exercice quelconque à la Scott
Walker.
D’une façon globale, les morceaux avec les cordes
sont très bons, en évitant le piège de la grandiloquence et du pompiérisme dans
lequel tant de Moody Blues et Procol Harum se sont perdus. « The age of
understatement » n’est pas un disque crucial, c’est juste un exercice de
style brillant, la réunion dilettante de deux des auteurs anglais les plus
intéressants de la dernière décennie…
J’ai pas tous ses disques, j’en ai juste une petite
poignée. Et celui-ci me semble son plus intimiste, celui où Christophe Miossec
dévoile son âme, ce qui coûte plus que de montrer son cul (dixit Gainsbourg).
Derrière une pochette que je trouve très moche (due
à un de ses potes peintres, également responsable de l’artwork du livret), se
cache un de ces essais musicaux introspectifs que je redoute, sur lequel un
quidam vient raconter sa vie et chialer sur l’épaule d’un auditeur qui n’a rien
demandé.
Ce coup-ci, ça passe, peut-être parce que quelque
part Miossec ne « joue » pas, et qu’il se livre. Il y a des textes
qui en disent tellement qu’ils sont vrais, et ne sont pas là par hasard. Il y a
des plaies béantes, de vraies blessures de l’âme qui apparaissent, mais
derrière tout ça une humilité, une humanité. Miossec ne se plaint pas, ne
cherche pas le réconfort, il se raconte …
Musicalement, ça donne dans
« l’ambiance ». C’est pas vraiment du rock, du folk, ou un mélange
des deux, ça tient plus du nappage instrumental que de la récitation d’un genre
identifié, ça se contente de pulser, de swinguer gentiment. C’est tout entier
au service des mélodies, et il y en a quelques-unes de bien foutues
(« L’amour et l’air », la plus belle et marquante, « Mon
crime : le châtiment », « La facture d’électricité », …).
C’est au niveau des textes qu’il a fait fort,
Miossec. Fini le poivrot existentiel, le Tom Waits mâtiné de Gainsbourg des
débuts, et place à un adulte qui a morflé, et qui nous montre ses bleus à
l’âme. Dans des thèmes difficiles, dont beaucoup tournent autour de l’amour (de
sa vie, de celle qui est partie, de celle qu’on voudrait reconquérir, …), et de
toutes ces choses anodines et intimistes qui ne marquent l’existence que de
celui qui les vit. Il faut oser, et surtout trouver les mots qui sonnent juste
et vrai pour chanter des choses comme « Maman », « Quand je fais
la chose », « La grande marée », « L’imbécile »,
« L’amour et l’air ». Tous ces titres introspectifs occupent le cœur
du disque, et il n’y a finalement qu’au début et à la fin qu’on retrouve un
Miossec connu. L’observateur acerbe de la société, de ses aléas et de ses
travers avec la géniale « La facture d’électricité », une des choses
qui parlent autrement mieux du chômage que des heures de discours politiques ou
syndicaux. Et les deux derniers titres (au demeurant peut-être les plus faibles
du disque), la conventionnelle ballade « Julia » et la berceuse
« Bonhomme », dans lequel les coïncidences avec un double disque
blanc de quatre types de Liverpool sont tellement troublantes qu’il ne peut
s’agir que d’un hommage, décalé, certes, mais hommage quand même.
Les fans des débuts semblent assez partagés sur ce
disque, qui évite, vus les thèmes abordés, de tomber dans les soupes braillées
à la Ferré (l’excellent « La mélancolie »), les pleurnicheries à la
Charlélie Couture (« Le loup dans la bergerie », bonne joke, mais à
quel degré faut-il prendre ce titre ?). Qui évite aussi les chansons
d’amour avec violons terminalement nulles. Non, Miossec avec ce disque ne fait
pas non plus un revival Mike Brant.
Il est juste là, en face de nous, avec son cœur qui
saigne. Et il nous montre qu’un cœur qui saigne, ça peut être beau …
Du même sur ce blog : Boire
Ce doit être sympa d’être Julien Maisonblanches. Un
papa fondateur de l’agence Elite, du fric plein les poches, un physique à lever
toutes les top models de l’agence paternelle, le chanteur d’un groupe à la
mode, c’est pas vraiment la biographie d’un bluesman du Delta.
Alors forcément, à lui moins qu’un autre, on va rien
pardonner. Faut dire qu’il traîne pas mal de casseroles depuis qu’il s’est fait
un prénom. Un caractère de cochon, et une fâcheuse tendance à vouloir que tout
tourne autour de sa personne qu’il croit auguste. Alors là, en cette fin des
années 2000, il sort un disque solo. Au mauvais moment, parce que tout le monde
en attend un des Strokes, et sous le prétexte vaseux que ses acolytes en ont
aussi sorti. Comme un enfant gâté qui n’en fait qu’a sa tête …
Ce disque est globalement assez vilain, pue l’argent
facile gâché en studio et l’auto complaisance. Il donne l’illusion sur le
premier titre, « Out of the blue », parce qu’on y retrouve des
ingrédients connus, la voix nonchalante, la rythmique sautillante strokienne. Mais
déjà, il y a tous ces synthés qui sonnent faux, qui font toc. Et toutes ces
choses (les chœurs brumeux, les mélopées tristes) qui semblent des
copier-coller venues de chez REM. « Out of the blue » donne la
direction du disque, pratiquement tout est fait avec des machines, en empilant
des couches de synthés datés, renvoyant plus que de raison à des choses
anodines des funestes années 80 (le single « 11th dimension », c’est
le retour des fantomatiques Visage, Human League et Spandau Ballet, et c’est
juste ridicule, refaire ça vingt cinq ans après, où est l’intérêt ?),
piquant sans vergogne les bonnes idées du Beck (le scientologue, pas Jeff) des
débuts qui mélangeait country et electro (« Ludlow St »), plagiant
quasiment des vieux tubes sixties certifiés (« Stand by me » et
« Time is on my side » dans « 4 chords of the
Apocalypse »), …
Si l’on ajoute à cette litanie oubliable, une
ballade sans intérêt (« Glass »), et une autre tout juste à peu près
avenante (« Tourist », rien que le titre très radioheadien, fait penser
à du Thom Yorke enjoué, certes, mais du fuckin’ pénible Thom Yorke quand même),
et quand on aura précisé que ce « Phrazes … » ne contient que huit
titres, le compte des morceaux acceptables sera vite fait.
« Out of the blue » donc, plus « Left
to right », jolie mélodie même si on n’y sent pas vraiment un Casablancas
concerné. Meilleur du lot d’assez loin pour moi, « River of
brakelights », le plus ouvertement electro du lot avec chanteur pour une
fois « dedans », impliqué, morceau réminiscent de ce que faisait le
King Crimson « reformé » des années 80.
L’on sait depuis que ce disque et l’attitude
dilettante de Casablancas ont hypothéqué forcément longtemps la parution du
quatrième Cd des Strokes, et la survie même du groupe qui l’a révélé.
Tout ces caprices de gosse (de) riche pour çà ?
No way …
Battre le fer pendant qu’il est encore chaud … c’est
ce qu’ont du se dire les Franz Ferdinand et leurs conseillers financiers
(pardon, les gens de leur maison de disques). Parce qu’avec leur première
galette, ils avaient fait fort, devenant par la magie de quelques hits assez
bien troussés un groupe qui comptait, dont les chiffres de vente se chiffraient
en millions, chose prodigieuse en ces années 2000 où une connexion ADSL et
MegaUpload suffisaient pour avoir de la musique.
Alors, pas téméraires pour deux sous, les Franz
Ferdinand se sont appliqués à sortir fissa un skeud qui passerait comme lettre
à la poste chez leurs fans. Comme y’avait les moyens, ils ont truffé leurs
morceaux de petits gris-gris sonores gentiment centristes, mais sans prendre le
moindre risque. Un follow-up, on appelle çà, à tel point qu’il faudrait être
bien malin (ou bien fan) pour reconnaître lors d’un blindtest de quel disque
provient le titre qu’on écoute. Alors c’est plutôt sympa, totalement dans l’air
du temps consensuel, il n’y a plus aucun effet de surprise, tout est under
control, totalement prévisible. Tout ce que les jeunes filles qui avaient acheté en
masse le premier devaient attendre.
Bon, moi je suis plutôt client, avec toute ma
blasitude et toute ma mauvaise foi. En fait, ce doit être mon côté pédo-pervers
qui ressort, je trouverais toujours plus intéressant de voir un concert de
Franz Ferdinand à la O2 Arena avec aux premiers rangs de jeunes nymphettes
hurlantes miniskirtées que des hordes de graisseux fortement houblonnés index
et auriculaire dressés ovationnant la reformation de Manowar ou Accept à une
quelconque Hellfest …
Quelques titres surnagent du lot « The
fallen », « Walk away » (comme si les Smiths avaient enregistré
sous amphets), la gentiment mélodique « You’re the reason », le
morceau-titre, le plus franchement rock du Cd … Il y a pas mal d’auto-citations
(« Well that was easy », « Outsiders », « I’m your
villain »), ce qui à force laisse à croire à un certain manque de
renouvellement, de fraîcheur et d’inspiration … Quelques trucs piqués chez les
autres : du piano en avant genre Coldplay (« Elanor … »,
« Fade together »), des choses qui tentent de sonner comme les
Beatles en 65 repris par le Knack de « My Sharona » (« Do you
want to »), une sorte de ska centriste énervé à la No Doubt (« This
boy »), et aussi une poignée de titres aussi vite oubliés qu’écoutés …
Résultat des courses : un disque tellement
prévisible que ça en devient embarrassant, plus arrangé que le premier, mais
sans aucune surprise, sans la moindre trace d’évolution, sans le moindre
risque. Le noyau dur des fans a adoré, ceux qui n’aimaient pas ont détesté, la
routine quoi …
Il aurait tout de même peut-être fallu dire à ces
jeunes gens qu’ils sont certes bien gentils, mais que bon, il serait temps de
passer à autre chose. Apparemment, personne n’y a songé, leur troisième disque
était comme les deux premiers, il a fini par lasser quelque peu et a pas très
bien vendu. Bien fait …
Des mêmes sur ce blog : Franz Ferdinand Right Thoughts, Right
Words, Right Action
J’ai du rater un épisode, une mode, quelque chose …
parce que là, je comprends pas trop …
Comment des choses aussi quelconques que ce disque,
peuvent être perçues comme des révélations, des jalons qui comptent dans cette
décennie ? Certes, il m’arrive parfois aux oreilles, voire plus souvent
que ça encore, des choses infiniment plus mauvaises que Mickey 3D.
Mais comment se fait-il que ce machin, plein de
« bons sentiments » à deux euros, d’une qualité musicale famélique,
avec un type qui chante à faire passer Gainsbourg pour Placido Domingo ses
textes écolos-centristes pour collégiens concernés, comment se fait-il donc
qu’il s’en soit vendu des camions ?
Comme tout le monde, j’avais entendu cette scie
« Respire », appris que le gars qui avait écrit ça, c’était celui de
la semblable scie « J’ai demandé à la Lune » des vieux ados gothiques
Indochine (les Cure bleu-blanc-rouge, les bonnes chansons et les bons disques
en moins). J’avais trouvé « Respire » aussi vite fatigant que les
machins de Louise Attaque, le putain de
violon en moins, et les synthés façon electro en plus, ce qui n’est pas
forcément mieux.
Et bien, après écoute plus ou moins attentive du
skeud, je suis en mesure d’affirmer que « Respire » est de loin le
meilleur titre de cet album, c’est dire si avec tout le reste on s’emmerde
ferme. Le gars derrière tout çà (Mickael Furnon, c’est en fait quasiment Mickey
3D à lui tout seul), ne sait effectivement pas chanter (bonjour la monotonie),
et en gros écrit toujours la même chanson accompagnée des mêmes textes de
flippé désabusé. Il n’y a rien ici d’original, on a même quelques fois
l’impression, au gré des arrangements (c’est le seul truc qui différencie les
morceaux, selon que ça donne dans l’ethnique-world, l’acoustique, l’électrique,
l’électronique) que l’on a entendu tout ça en beaucoup mieux chez d’autres.
Chez Louise Attaque, et donc chez leurs pères
électriques Noir Désir, particulièrement flagrant sur le titre
caché (« Avance » ?), chez Miossec aussi (qui même à jeun
pulvériserait le pauvre Mickey niveau textes), voire au détour de quelque
sonorité arabisante chez les Négresses Vertes.
Niveau écoutable si on a vraiment rien de mieux à
foutre, j’ai noté « Ca ne m’étonne pas », chanson yéyé avec chanteuse
à voix acidulée, « La mort n’existe pas » malgré des paroles putain
de simplettes, et « Beauseigne » avec ses arpèges à la Byrds-REM …
Il semblerait que le groupe n’existe plus … C’est
con, j’avais oublié d’en écraser une larme …
« Le Labyrinthe de Pan » est à juste titre
un des films les plus marquants et les plus célébrés des années 2000 et sera
certainement le film de sa vie pour Guillermo Del Toro. Un projet fou que le gros Mexicain
avait dans sa tête depuis vingt ans, avant même d’avoir tourné quoi que ce
soit.
Quand il commence le tournage au milieu des années 2000,
Del Toro est un réalisateur devenu bankable qui a commencé par des films
fantastiques « d’auteur » (entendez par là des petits budgets et des
demi-succès) culminant avec « L’échine du Diable », avant d’aller à
Hollywood mettre en scène des pelloches à gros budget et gros succès (un
« Blade », le premier « Hellboy »). Une carrière qui présente
bien des similitudes avec celle de Sam Raimi, parti lui des loufoqueries gore
des « Evil dead » pour finir avec la série des « Spider
Man ».
« Le Labyrinthe de Pan » (mauvaise
traduction du titre original espagnol, « Le Labyrinthe du Faune »,
beaucoup plus adéquat au scénario) raconte deux histoires, l’une se déroulant
dans un monde réel, l’autre dans un monde imaginaire. L’histoire réelle se
déroule en 1944 dans le Nord de l’Espagne, où la garnison du capitaine Vidal
combat au nom du franquisme les derniers bastions de résistance communiste.
L’histoire imaginaire est celle de sa belle-fille Ofelia, et de sa quête pour
retrouver son statut de princesse d’un royaume parallèle et disparu. Ces deux
mondes vont lentement s’interpénétrer et finalement s’affronter lors d’un final
cataclysmique.
Même s’il est en partie inspiré par des films comme
« Le Magicien d’Oz » ou « Alice au pays des Merveilles »,
« Le Labyrinthe … » n’est pas vraiment un film pour enfants … ou
alors des enfants (très) avertis, il y a certaines scènes bien gore (le défonçage
de tête à coups de bouteille du braconnier, la torture du bègue,
l’auto-suturation de la joue de Vidal, …) bien nauséeuses, qui risquent de
traumatiser le fan de base de Dumbo …
Il y a dans ce film une abondance de détails, de
symboles, qui en font une œuvre dont on découvre toujours quelque chose de
nouveau à chaque visionnage. Et puis, au cas où l’on n’aurait pas tout compris,
parmi les plus de 6 heures ( ! ) de bonus de la version BluRay, moultes
explications de Del Toro, dont une version intégrale du film qu’il commente.
Ce film est un patchwork entre monde réel et monde
imaginaire, c’en est aussi un entre « cinéma à l’ancienne » et effets
spéciaux numériques. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le monde
féérico-cauchemardesque repose beaucoup plus sur des décors pharaoniques
construits par des artisans locaux espagnols, certains n’étant utilisés que
pour une seule scène (la cité en ruines du début, le train). Le moulin, lieu de
l’action « réelle » est un décor. Le numérique n’est utilisé qu’additionnellement
pour certains trucages. Le résultat est spectaculaire, et Del Toro n’y est pas
pour rien, utilisant une armée de caméras toujours en perpétuel mouvement. Des
mouvements lents et ondoyants qui enveloppent les personnages, à l’opposé des montages
saccadés et épileptiques trop souvent de mise dans le cinéma d’aujourd’hui. Il
y a du Kubrick chez Del Toro, mais un Kubrick qui abandonnerait les grands
espaces pour filmer au plus près des acteurs, dans un langoureux ballet qui
rend l’atmosphère encore plus oppressante.
Les acteurs livrent de grandes performances, alors
qu’ils viennent pour la plupart d’autres genres cinématographiques. Mention
particulière à Sergi Lopez, glaçant capitaine Vidal et à la froideur déterminée
de Maribel Verdu (Mercedes) , plutôt habituée aux rôles sexy de comédie.
Concernant la jeune Ivana Baquero qui joue le rôle principal, celui d’Ofelia,
Del Toro a la lucidité de ne pas trop lui en demander, de ne pas faire reposer
l’essentiel sur sa seule prestation, et elle se tire des scènes difficiles avec
quelques sympathiques mimiques. L’essentiel du casting est espagnol (Del Toro a
refusé le tournage dans les studios hollywoodiens), à l’exception de
l’américain Doug Jones, spécialiste des rôles très « costumés » et
maquillés, c’est lui qui joue ici le Faune et aussi le Pale Man.
L’histoire « imaginaire » explore toutes
les symboliques du conte pour enfants. La petite fille qui devient princesse,
les épreuves qu’elle doit affronter représentées par les monstres récurrents
(l’animal hors-norme, ici un crapaud géant, malgré tout peut-être le passage le
plus faible et téléphoné du film, l’ogre, avec la superbe création du
personnage du Pale Man un des plus « beaux » monstres des derniers
lustres), les soutiens qu’elle reçoit (le Faune qui la guide, les fées-phasmes
qui l’escortent), les éléments de pure magie (le livre qui s’écrit quand on
l’ouvre, la craie qui trace des portes pour accéder ou s’échapper du monde
imaginaire, la mandragore qui soulage les douleurs de la pénible grossesse de
la mère d’Ofelia, … ).
Le monde réel est austère, tout en couleurs froides
et lignes droites, réglé par des mécaniques inéluctables (les engrenages du
moulin, ceux de la montre que Vidal répare et entretient avec un soin
maniaque), le monde imaginaire est tout en courbes, « utérin » dit
plusieurs fois Del Toro dans ses commentaires (le puits du labyrinthe, la
caverne du crapaud, le couloir voûté qui conduit à la salle à manger du Pale
Man, la salle du trône du Roi, …), les couleurs sont beaucoup plus chaudes,
pour devenir vives (avec un jaune orangé qui domine vers la fin, lors des
explosions pendant l’attaque du moulin, ou dans la salle du Trône).
Insidieusement les deux mondes se pénètrent, parfois les méchants évoluent dans
le même cadre (la parfaite similitude entre la pièce et la table où siège Vidal
lors du banquet avec les notables, et la pièce où est installé le Pale Man).
Del Toro a même glissé dans le monde réel des éléments qui suggèrent le monde
imaginaire, mais bon faut avoir un sacré don de l’observation pour distinguer
que les incrustations dans la tête du lit de la mère d’Ofelia et le pommeau de
la rampe d’escalier dans le moulin reprennent la forme des cornes du faune,
alors que c’est beaucoup plus évident dans la forme de l’arbre mort où se terre
le crapaud géant.
Parce que dans ce film Del Toro joue avec les
détails d’une façon maniaque (par exemple en rajeunissant et embellissant
imperceptiblement le faune à chacune de ses apparitions, à mesure qu’Ofelia
progresse dans ses épreuves), et multiplie les allusions lourdement
symboliques, notamment religieuses. Quoi de plus normal dans la très croyante
Espagne que de multiplier les trinités (trois fées, trois serrures chez le Pale
Man, trois épreuves pour Ofelia, …), que le Pale Man (trouvaille absolument
géniale) utilise les stigmates de ses mains pour y ficher ses yeux et voir …
Bizarrement, car il s’agit véritablement d’une œuvre
majeure à tiroirs, l’aspect historique et politique a été zappé, surtout dans
les explications et l’exploitation qui a été faite des thématiques du film. Del
Toro lui-même, alors que les allusions sont évidentes, passe très vite (pour ne
pas dire qu’il l’occulte carrément) sur cet aspect dans ses heures de
commentaires, alors que d’autres sont exposés à plusieurs reprises. Dès les
premières images du film, s’incruste sur l’écran « Espagne 1944 »,
les maquisards dans la grotte lisent un journal annonçant le débarquement des
alliés en Normandie. Le lieu et l’époque sont bien définis. Le personnage d’Ofelia
(l’innocence, la pureté) ne salue pas (elle tend la main gauche) son beau-père
Vidal, le militaire franquiste, ils vont s’opposer tout le film, et elle finira
abattue par lui. La scène du banquet donné par Vidal n’a que peu d’importance
dans l’histoire du film, mais elle permet de montrer les classes sociales (les
notables locaux, l’Eglise) qui soutenaient le franquisme, et leurs
représentants sont vraiment traités par Del Toro qui connaît bien l’histoire de
l’Espagne de la façon caricaturale qui convient. Et comment ne pas voir dans le
personnage et l’environnement du Pale Man (réplique « imaginaire » de
Vidal), les allusions criantes au nazisme (la cheminée en forme de four qui
brûle derrière lui, l’amoncellement des ossements et des chaussures d’enfants
qu’il a dévorés qui rappellent les mêmes amoncellements vus dans les
films-documentaires sur les camps de concentration comme « Shoah » ou
« Nuit et brouillard »). Le film ayant très vite connu un gros succès
en Espagne, il semblerait que Del Toro et tout le staff aient renoncé à mettre
en avant cet aspect-là, pour ne pas froisser et raviver quelques
susceptibilités dans un pays encore traumatisé de nos jours par plus de trente
ans de dictature militaire …
Tiens, comme ça en passant, qu’on ne me dise pas que
Tarantino, qui n’a pas les yeux dans sa poche quand il s’agit de piquer les
bonnes idées aux autres, ne s’est pas un peu inspiré du personnage de Vidal
pour le rôle qu’il a donné à Christoph Waltz dans « Inglorious
Basterds ».
Ah et puis pour finir, il y a dans « Le
Labyrinthe de Pan » une mélodie inoubliable qui revient plusieurs fois
dans le film. La meilleure dans un film espagnol depuis celle de « Porque
te vas » dans « Cria cuervos » de Carlos Saura…
Suffit de voir leurs bobines aux Grandaddy, improbable
mix entre bûcherons canadiens, truckers américains et ZZ Top pour savoir que
l’on n’a pas affaire à un phénomène de mode. Des types bedonnants et hors
d’âge, de grand dadais (trop facile, celle-là) à la ZZTopesque pilosité, issus
de Modesto, Californie.
Grand Manitou du groupe, Jason Lytle … qui a tout d’un
grand, auteur unique de tous les titres de ce « Sumday ». Qui est un
disque américain atypique, puisque c’est un des meilleurs disques anglais de la
décennie. Lytle et ses potes sont fans de pop anglaise, et ça s’entend au
détour de chaque chanson. Un fan qui en plus sait écrire des trucs imparables,
d’une évidence sidérante. Un des grands songwriters américains, à ranger aux
côtés de son contemporain Elliott Smith, rayon surdoués mélodiques. Sauf que là
où l’auto-poignardé faisait plutôt dans l’enrobage austère, les Grandaddy
poussent leurs titres dans une exubérance de sons, d’arrangements, d’harmonies
vocales, retrouvant les alchimiques formules qui faisaient fonctionner les
chansons dans les lointaines sixties.
Mais Grandaddy ne sont pas que des revivalistes béats,
obnubilés par les instruments en bois et les amplis à lampes. Ils montrent
qu’ils s’y entendent à faire tourner toutes les bécanes électroniques dans des
studios modernes. Les machines sont là et bien là, omniprésentes, mais
reléguées au second plan pour offrir un écrin aux chansons.
On pense quelque fois, et même plus que de raison aux
Beatles, « I’m on standby » semble un inédit de « Let it
be » (l’album), « Saddest vacant … » va encore plus loins dans
le côté « Let it be » (le titre) avec son intro au piano, même si
c’est pas le meilleur titre de ce « Sumday ». Pour en terminer avec
le syndrome Fab Four, il convient de citer le fantastique « Stray dog
… », qui utilise les mêmes gimmicks rythmiques déjà entendus sur leur
reprise de « Revolution » pour la B.O. du film « I am
Sam », ou le piano très « Imagine » de « The warming
sun ».
La voix fluette et aiguë de Lytle oblige à citer Neil
Young (sacré mélodiste celui-là aussi), et on pense souvent au country-rock du
Canadien de ses débuts en solo ou de l’époque Buffalo Springfield, flagrant sur
le renversant et inaugural « Now it’s on », sur « Yeah is what
we had » (avec sur ce titre des bribes mélodiques de « Watching the
wheels » de Lennon me semble t-il). Parce que çà, exhiber la madeleine
proustienne sonore, ils savent faire Lytle et ses Grandaddy et que celui qui ne
pense pas à « Mrs Robinson » de Simon & Garfunkel en écoutant
« El Caminos … » prenne rendez-vous chez son ORL …
Bon, il faut quand même avouer, et c’est parfois le
reproche fait à ce disque, que l’immense majorité des titres étant sur le même
tempo et faisant appel aux mêmes recettes, on a l’impression de tourner en rond
sur la même chanson. Si on n’aime pas au bout de quelques mesures, pas la peine
d’insister …
Moi j’ai choisi mon camp, des disques qui font penser à
l’orfèvrerie des Beatles, des Beach Boys, ou des plus oubliés magiciens de la
chose pop qu’ont été Left Banke ou les Zombies, eh bien je suis preneur …
Grandaddy a existé dix ans avant de se dissoudre au
milieu des années 2000, et a laissé une poignée de disques dont ce « Sumday »
constitue le dernier volet d’un triptyque majeur comprenant « Under the
western freeway »« et « The sophtware slump ». Des mêmes sur ce blog :
Beirut, c’est un sacré truc zarbi. Un concept, ou au
choix un faux groupe, derrière lequel se cache un ado américain, Zach Condon.
Condon est un minot qui tout seul dans son coin, en utilisant une kyrielle
d’instruments dont certains plutôt exotiques (accordéon, trompette, ukulelé,
plus toute une panoplie de claviers et synthés), a fait le meilleur disque
manouche depuis (qui a dit Thomas Dutronc ? attention, je vais me fâcher,
là) … depuis, j’en sais foutre rien (ça y est, j’ai réussi à placer foutre et
Condon dans le même paragraphe, j’suis content de moi, là …), parce que c’est
pas le genre de trucs que j’écoute (qui a dit Kusturica ? n’aies pas peur,
tu dois avoir raison …).
Bon, je reprends, et faudra que pense à arrêter de
picoler avant d’écrire des coms, ça va finir par se voir que je suis pas à jeun
… Donc, le gamin Condon, qui avait pourtant largement de quoi satisfaire ses
goûts pour le folk antique dans son Amérique natale, est parti pendant
plusieurs années tracer la route en Europe, et plus particulièrement dans cette
région que l’on appelait autrefois Mitteleuropa (l’Autriche-Hongrie, la
Prusse), poussant des pointes vers les Balkans et une visite en Irlande. Et
c’est la vieille musique de ces endroits-là qu’il nous ressert. Qui n’a rien à
voir avec les chansons populaires ( ? ) des teutons à quelque fête de la
bière, mais une musique remplie des sonorités les plus plébéiennes, rurales, de
ces contrées. En gros, les tziganes, roms, et autres gitans.
Evidemment, personne n’attendait ce disque. A l’origine
de onze titres, très rapidement les versions Cd ont rajouté les cinq titres
d’un EP (« Lon Gisland ») paru dans la foulée, et qui n’apporte pas
grand-chose, si ce n’est un instru celtisant qui semble un peu perdu et
hors-sujet dans le contexte.
Dès les premiers titres, on se dit que « Gulag
Orkestar » est génial, avec ses ambiances tziganes, ses chœurs lancinants
(« The Gulag Orkestar » le titre), ses ambiances bavaroises tristes
(« Prenzlauerberg »), et ses mélodies parfois enjouées
(« Brandeburg », et surtout « Postcards from Italy », pour
moi d’assez loin meilleur morceau de l’album).
Au bout de quelques titres qui ont tendance à
furieusement se ressembler (mêmes tempos, mêmes orchestrations, mêmes
arrangements, même façon pour Condon de placer sa voix, …) on se dit que c’est
quand même un peu toujours pareil, et que ça commence à devenir lassant.
On est finalement soulagé quand ça s’arrête, parce que ce
bousin finit par gonfler grave, toutes ces variations infimes sur le même thème
…
Un disque finalement révélateur d’une époque, où il
semble que tout a déjà été dit et entendu mille fois, et où la moindre idée, la
moindre trouvaille, le plus petit gimmick, sont montés en épingle pour qu’ils
apparaissent au pékin d’auditeur qui ne sait plus où donner du conduit auditif,
comme la trouvaille du siècle émanant d’un génie en devenir de la chose
musicale. Et même si le rendu n’a pas grand-chose à voir, je trouve le résultat
assez proche dans l’esprit de ce que font quelques autres hâtivement qualifiés
de surdoués, comme les surfaits Sufjan Stevens ou Kevin Barnes, le type de Of
Montreal … des gars qui semblent avoir tout dit après un enchaînement de
quelques bons titres, et qui se répètent jusqu’à l’écœurement…
Rapide coup d’œil sur les étagères de ma
discothèque : hormis les compiles, mon disque le plus récent de Jerry Lee
Lewis est le « Live au Star Club de Hambourg » de … 1964. Et donc un
trou béant jusqu’à ce « Last man standing » de 2006. Composé de 21
morceaux, 21 collaborations avec tout le gotha des anciens du rock. Et
contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne s’agit pas d’une réunion
poussive d’anciens combattants, mais bien d’une énorme réussite. Le casting est
stupéfiant, manquent juste Dylan, Chuck Berry et quelques autres de moindre
acabit, c’est dire le niveau.
Tout commence avec « Rock’n’roll » et
Jimmy Page à la gratte. La cathédrale de heavy-rock qui ouvrait le 4ème
Led Zep devient, passée à la moulinette Jerry Lee Lewis, ce que son titre
annonce, un pur morceau de rock’n’roll. Et on voit ensuite défiler des gens
comme Springsteen ou Mick Jagger, que l’on n’avait pas vu à ce niveau depuis
des lustres (« Evening gown » semble rescapé des séances
d’ « Exile on Main Street »)
Suivent des légendes du blues (B.B. King, Buddy Guy,
évidemment Clapton sans lequel un tribute ne se ferait pas), de la country
(Merle Haggard, Kris Kristofferson, Willie Nelson), des collègues de promotion
des années 50 (Little Richard), qui viennent batailler avec le Killer sur des
standards blues, rock’n’roll et country (sur la fin du Cd, manière de rappeler
aux foules que de tous les précurseurs de sa génération, seul Jerry Lee a eu
une carrière country digne d’intérêt).
Quasiment tous les titres mériteraient une citation.
A 71 ans, Jerry Lee Lewis devenait la « révélation » musicale de
l’année. Elle est pas belle la vie ?
Tiens, et il vient de se marier, Jerry Lee … Pour la
septième fois …
Du même sur ce blog :
J’étais tranquille, j’étais peinard, chez moi, en
train de chercher un gimmick pour mon prochain com, quand j’ai vu le Grand
Véhicule se garer en face la porte. Un type est entré. Je l’ai toisé d’un œil
torve :
- Eh, Dieu, te gêne pas, fais comme chez toi, entre
sans frapper …
- Comment tu m’as reconnu, Lester ?
- Facile, Très-Haut, tu es coiffé comme Clapton à
l’époque de Cream, et puis tu fumes le Havane.
- Je vois que j’ai affaire à un connaisseur. Et
dis-moi, qu’est-ce que tu fous, là ?
- Ben, Votre Grandeur, j’essaye de trouver un plan
pour ma 574ème chronique de Muddy Waters.
- T’en as pas marre de te faire chier avec cette
musique de grabataires ? Pense à tes jeunes lecteurs de cinquante ans,
parle d’un disque pour eux, d’un disque électronique …
- Mais j’y comprends rien moi, à la musique
électronique, Tout Puissant. Vous voulez que je parle de David Guetta ?
- Et pourquoi pas des Boards of Canada, tant que tu
y es ? La musique électronique, y’a rien à comprendre. Tiens, écoute ça,
par exemple.
Par je ne sais quel prodige, du bruit se fit
entendre…
- Euh, Mon Seigneur, c’est à la bonne vitesse,
là ?
Dieu haussa les épaules.
- Et c’est qui, Votre Sainteté ?
- Les Fuck Buttons, ignare.
- Gloups, les Fuck quoi, Votre Altesse ?
- Les Fuck Buttons de Bristol. Tu connais Bristol au
moins ?
- Oui, Majesté, bristol, c’est du papier pour les
faire-part ou les invitations …
Dieu se regarda et donc, leva les yeux au ciel.
- Pfff … mais non, Bristol, la ville de Portishead
et Massive Attack. Tu les connais eux, au moins ?
- Affirmatif, Mon Prince, les tristos qui font du
dub au ralenti …
- N’importe quoi, enfin, passons … Les Fuck Buttons
sont la dernière sensation de Bristol. Ce disque, c’est leur second, produit
par Andy Weatherhall et …
- ‘Scuzez moi, Grand Timonier, mais Weatherhall,
c’est un grabataire aussi, il remixait les Rita Mitsouko y’a vingt ans.
- Tu veux que je déclenche sur toi ma colère
forcément divine ? Ferme-là et laisse moi t’expliquer … Les Fuck Buttons,
c’est deux gars qui font de la musique électronique, l’un influencé par le
post-rock de Mogwai, l’autre par la drone music, « Metal Music
Machine » de Lou Reed, ce genre de choses …
Les Fuck Buttons en train de faire tapisserie ...
- Putain, ça craint tout ça, Votre Eminence …
- Espèce de chochotte, tu n’y comprends rien, c’est
de l’avant-garde, c’est forcément bien … et tais-toi quand je parle. Donc
« Tarot sport » jette un pont entre ces genres novateurs et est
construit comme une longue odyssée sonore, avec tous les titres enchaînés et de
longues séquences de transition entre eux. Note que la plupart des morceaux
(exclusivement instrumentaux, aucune voix, même trafiquée, n’est décelable),
durent pratiquement tous dix minutes, ce qui permet d’installer les ambiances
hypnotiques et répétitives nécessaires. Et qu’on retrouve dans ces titres des
choses qui renvoient à la plupart des courants de la musique électronique des
vingt dernières années. Il y a de la house, du big beat, de la drum’n’bass, de
la trance, de la jungle, plein de choses pour réveiller plein de souvenirs chez
les connaisseurs. Note qu’on n’est pas dans l’ambient, ça bastonne au niveau
des BPM, y’a des morceaux où on s’approche des 150. Et puis, c’est un disque
qui fonctionne d’autant mieux qu’on l’écoute très fort. Tu suis ?
- Oui, mon Général. Un peu comme avec Ted Nugent,
plus on monte le son, plus c’est bon …
- Mon Moi ! Mais que me suis-je fait pour
mériter pareil obscurantisme …
- Non, je charrie, Votre Honneur, c’est pas si
mauvais que ça en a l’air. Tiens, D’ailleurs y’a des morceaux qui ressemblent à
Air. Enfin, Air repris par les Prodigy ou Orbital …
- Tu vois, quand tu veux, tu peux dire des choses à
peu près sensées. Donc tu vas laisser tes vieux croûtons habituels, et tu vas
dire du bien de ce disque des Fuck Buttons dans ton misérable blog … Et on
discute pas, c’est un ordre …
- Comme il vous plaira, Sire … Mais euh, Votre Altesse,
vous croyez que ça va intéresser quelqu’un les Fuck Buttons ?
- C’est l’avenir de la musique.
- Ah bon, si vous le dites, Excellence … Inch’Allah.
En me jetant un dernier regard courroucé et
méprisant, Dieu me quitta …
Un couple de Montreal, Québec, sur un label indépendant,
qui sort des disques dans les années 2000 … ça vous fait penser à
personne ? J’en vois qui sont abonnés aux Inrocks et qui hurlent
« Arcade Fire ! ». Perdu, je parlais d’un bon groupe … Celui
dont au sujet desquels il est question là présentement est The Besnard Lakes.
Les qui ?
Les Besnard Lakes, groupe formé autour de Jace Lasek, un
rat de studio d’enregistrement (le sien, spécialisé dans le rock indie plutôt
undergroung), et sa moitié Olga Goreas. Tous deux multi-instrumentistes et
chanteurs, compositeurs et of course producteurs de ce « … are the Black
Horse ». Black Horse ? ça vous fait aussi penser à un autre
canadien ? Neil Young ? Gagné … enfin presque, Neil Young surtout à
son époque guitares distordues de la fin des années 80, circa
« Freedom – Ragged glory – Weld ». Parce que les Besnard Lakes
(un vrai groupe, au-delà du couple leader) prennent un malin plaisir à étirer
leurs morceaux, tartinées de guitares lancinantes qui rappelleront aussi les
furieux freaks d’Hawkwind, les Warlocks, voire le shoegazing.
Mais les guitares ne sont qu’un accessoire comme tant
d’autres, voir la liste impressionnante des instruments présents sur ce disque,
on ne risque pas de confondre Besnard Lakes avec le Brian Jonestown Massacre.
Il y a sur ce « … Black Horse » des mélodies à la pelle, bien en
avant, et tout le monde chante ou fait les chœurs, mettant en place des
harmonies vocales évoquant les Beach Boys tristes de « Surf’s up ».
Rajoutez à cela des titres résolument
optimistes (« Disaster », « Devastation », …) et les
textes barrés-flippants qui vont avec, et vous obtenez un disque qui empeste la
descente d’acide, la fin de trip noirâtre …
Evidemment, du glauque’n’roll de ce genre, beaucoup s’y
sont essayé. Peu ont cependant réussi à en tirer quelque chose de majestueux.
Les Besnard Lakes y sont parvenus, et ce disque est pour moi une des meilleures
rondelles des dix dernières années. L’album suivant (« … are the roaring
night »), empêtré dans une sophistication progressive et pompière
(pléonasme), ne sera malheureusement pas du même niveau …
On va pas refaire l’histoire, la réécrire … Encore moins
faire une bio ou une nécro. Je bosse pas aux Pompes Funèbres du rock… Il est
des destins qui s’écrivent tout seuls, sans que qui ce soit ait à les forcer.
Et celui d’Amy Winehouse était tellement prévisible, qu’il n’y aura finalement
que tous les Pujadas de JT qui ont pu feindre la surprise ou l’incompréhension
quand elle a clamsé.
Pour moi, Amy Winehouse, ça restera un putain de bon
disque qui à lui seul a relevé le niveau des années zéro. Un disque pour les
vieux, tous ces grabataires qui savent que Wilson Pickett ou Marvin Gaye ne
sont pas des rugbymen. Un disque de vieille soul américaine. Et là où ça
prenait une tournure surréaliste, c’est qu’il était fait par une jeune Anglaise
de vingt-trois ans. Tatouée avec un mauvais goût de docker, coiffée comme
Aretha « Lady Soul » Franklin ou Dusty « In Memphis »
Springfield, fringuée comme une pute roumaine de bord d’autoroute…
Et pourtant ça n’avait pas très bien commencé. J’avais
entendu une pub à la radio, avec un type qui baragouinait un truc du genre :
« Avec Amy Winehouse, la nouvelle révélation soul, revivez la légende
Tamla ». Derrière, en fond sonore, des extraits de « Rehab », 45T
éclaireur de ce « Back to black ». Tamla de la soul ? C’est
nouveau, il me semblait plutôt que c’était Stax ou Atlantic. Comme quoi les
directeurs marketing des maisons de disques sont même pas foutus de promouvoir
correctement des artistes exceptionnelles comme Amy Winehouse. Parce que moi,
ce que j’entendais, c’était des « no, no, no » gospel et cette voix
grave et soyeuse, naturelle. On sentait pas la technique d’une Castafiore
braillarde comme chez toutes ces fuckin’ québecquoises dont on nous gave depuis cent ans …
Le flash … quelques jours après, le Cd est sorti et a tourné plus que de raison
dans le lecteur.
Un Cd sur lequel il n’y a pas grand-chose à jeter, à
l’opposé d’un single malin entouré de sinistres daubes. Un truc cohérent, avec
une couleur et une unité de son homogène. Dus à un assemblage hétéroclite,
celui d’un jeune producteur tendance Mark Ronson, et de vieux de la vieille,
les Dap Kings, musiciens de studio du label revivaliste soul américain Daptone
Records qui végétaient dans l’anonymat comme backing-band de Sharon Jones, leur star
inconnue … Emmené par des simples ô combien évidents, « Rehab »,
« You know I’m no good », « Back to black », « Love is a
losing game », qui arrivèrent à concilier tendances, courants et chapelles a
priori antagonistes, surfant sur un retro-futurisme-revivalisme-machin (de
toutes façons, depuis en gros le milieu des seventies, tout n’est que rabâchage
permanent), Amy Winehouse récolta un succès aussi bienvenu que quelque peu
démesuré, comme le music-business et le buzz savent si bien les générer, dès
lors qu’ils sentent entre leurs pattes quelque personnage hors-normes. On s’aperçut
même qu’elle avait sorti un disque auparavant (« Frank », que j’ai
pas réussi à écouter jusqu’à la fin mais qui m’a tout l’air épouvantable). Le
reste s’écrira à la une des tabloïds, la toxique diva se révélant totalement
destroy et nettement plus punk que tous les Blink Chose et Sum Bidule réunis.
Certains lui prédisaient une carrière à la Aretha
Franklin, elle choisira une courte vie à la Janis Joplin … Reste ce « Back
to black » miraculeux qu’on ne se lasse pas d’écouter …
Un des groupes les plus aimés de la critique rock
mais qui n’a jamais vraiment réussi à recueillir les suffrages du public.
Vitrine ambulante de tous les fantasmes rock’n’roll, les Dandy Warhols de
Portland, Oregon, ont au tournant des années 2000, sorti une poignée disques
plus ou moins bordéliques, mais réussis, avant de s’enliser, de tomber dans
l’auto-parodie, et de n’intéresser plus personne.
Et contrairement à ce que pourrait laisser croire la
pochette de ce « Welcome to the monkey house » (leur quatrième et
dernier « bon »), ce Cd ne se situe pas quelque part entre « Sticky
fingers » et le 1er Velvet Underground. S’il faut à tout prix
le définir, ce serait plutôt un hybride entre glam-rock et boucles technoïdes.
Après un premier titre « bizarre » déboule
le magnifique « We want to be friends » et la machine à plaisirs (sonores)
s’emballe. Les quatre branleurs malicieux menés par Courtney Taylor (bis)
progressent d’inventivité à chaque album. Qui en ce début de triste siècle,
était capable de faire se côtoyer des morceaux aussi classiques, purs et
efficaces que « We want to be friends » (très énorme titre),
« We were the last high » (avec Evan Dando des Lemonheads), les
ballades « Heavenly » et « I am sound », recevoir
l’adoubement de Bowie himself pour la crétinoïde « I am a
scientist », et enrober l’ensemble du Cd d’arrangements travaillés et
subtils parsemés de boucles techno ? A mon humble avis pas grand monde.
Alors, même si ce disque n’est pas forcément le
meilleur des Dandy Warhols (pour ça, voir plutôt les deux précédents « …
come down » et « Thirteen tales from urban bohemia »), il mérite
quand même largement le détour. On parle (dans l’indifférence générale) d’un
nouveau disque ces jours-ci …
Envie de sucer un Esquimau ? Pharell Williams 2006
Produire des titres qui se retrouvaient
systématiquement au sommet des hit-parades US est une preuve, sinon de de talent,
du moins d’un certain sens du pragmatisme sonore. Même si tout ce rap et ce
pseudo r’n’b produit par les Neptunes, c’est surtout de la soupe pour MTV
addicts.
Etre un surdoué des studios d’enregistrement est une
chose. Etre capable d’écrire un morceau en est un autre. Pharrell (Williams),
moitié des suscités Neptunes, le prouve avec ce « In my mind ». Des
compositions d’un vide abyssal sont brillamment mises en son. Idéal pour tester
sa nouvelle stéréo …
Pourtant tous ceux qu’il a hissés (Gwen Stefani,
Snoop, …) vers les sommets des charts
tentent (sans trop de conviction d’ailleurs) d’aider Pharrell à accoucher de
quelque chose qui pourrait ressembler à une chanson.
Certains avaient qualifié Pharrell de nouveau
Prince, de nouveau James Brown, de nouveau génie de la musique
noire …
Les mêmes
doivent confondre Grands Corps Malade et Bob Dylan …
Finalement, ce qui est le plus étonnant avec Pete
Doherty, c’est qu’il soit encore vivant. Tant il a été présenté (en forçant le
trait ?), comme un junkie irrécupérable, et un type ingérable humainement.
De la chair à fantasmes pour journalistes poursuivant une certaine esthétique
de la déglingue rock, ou le sensationnel à mettre en une de leurs tabloïds.
Des emblématiques proto-clashiens Libertines, qui
n’arrêtent pas de se séparer et de se reformer depuis plus de dix ans, de ses
rapports pour le moins étranges avec son pote Carl Bârat, de ses dérives le
faisant voyager de l’obscurité des prisons anglaises aux flash des paparazzi quand
il avait Kate Moss à son bras, … Doherty se rêve poète décadent, peaufine
inlassablement ses titres pour ensuite les jeter sur des disques bâclés et
foutraques, et joue souvent jusqu’à la caricature son personnage de clodo
bling-bling.
En principe, la came est planquée dans le chapeau de Doherty ...
Mais ses disques n’en demeurent pas moins
attachants, dans lesquels alternent coups de génie et fumisteries totales. Ils
sont pleins de rock déglingué, approximatif. Beaucoup de tripes et pas trop de
technique. Du rock comme on l’aime.
Et tant qu’à faire, il y a même sur ce
« Shotter’s nation » un morceau fantastique. « Delivery »
il s’appelle. Plus ou moins démarqué du « All day and all of the
night » des Kinks. En tout cas, une merveille pop.
Le reste est pas mal non plus. Meilleur que le
« Down in Albion » précédent, qui était sympathique certes, mais
aussi furieusement bordélique. « Shotter’s Nation » est un disque à
l’ancienne, comme à l’époque du vinyle. 40 minutes, 12 morceaux courts. Ce qui
évite le remplissage, et permet d’aller à l’essentiel. Des
rock « clashiens » (« Carry on up the morning »), des
ballades titubantes (« Unbilotitled », « There she goes »). Et preuve que Doherty a du
talent, il reçoit l’adoubement de Bert Jansch (guitariste exceptionnel et
légende du folk anglais pour une de ses dernières participations à un disque)
qui vient gratouiller sur le très bon titre acoustique final, « Lost art
of murder ».
Bonne production claire et limpide de Stephen Street (producteur
« historique » des Smiths et de Blur), ce qui nous change du fouillis
sonore de Mick Jones le coup d’avant.
« Shotter’s Nation » n’est pas le disque du
siècle, mais un des meilleurs venus de la perfide Albion en l’an de grâce 2007.
Ce qui n’est déjà pas si mal.
Ah oui, j’oubliais, ce disque est paru sous l’intitulé
Baby Shambles. Personne n’a été dupe. Même si Baby Shambles est un
« vrai » groupe, c’est uniquement la chose de Doherty …